A l’occasion de la célébration des 26 ans de la Révolution démocratique et populaire (RDP), le Front des forces sociales (FFS) a organisé une conférence de presse à Bobo-Dioulasso, le mardi 4 août 2009, jour anniversaire de l’événement historique. Au cours de la rencontre, les responsables de ce parti politique “ sankariste ” ont en substance, relevé que “ le Burkina Faso va mal ” et que seule l’alternance pourrait faire l’affaire du pays.
Le 4 août 1983, un groupe de militaires dirigé par le capitaine Thomas Sankara, s’est emparé du pouvoir, instaurant la RDP en Haute-Volta (ancienne appellation du Burkina Faso). “ Cette révolution, marquée par une politique économique nationaliste et progressiste, ont expliqué les initiateurs, n’aura duré que 4 ans avec comme dénouement, l’assassinat de son principal meneur, le président Thomas Sankara ”.
Toujours nostalgiques de la RDP et convaincus de l’idéologie “ sankariste ”, les responsables du FFS ont tenu à marquer d’une pierre blanche cet anniversaire à travers cette conférence de presse. Laquelle a connu la présence de militants de la région des Hauts-Bassins. Entouré d’autres cadres du parti, le député et président national du FFS, Norbert Michel Tiendrebéogo, principal animateur, n’est pas revenu sur les acquis de la RDP dans sa déclaration liminaire. Il s’est plutôt évertué à faire le diagnostic de l’état de la nation. A l’entendre, le Burkina Faso “ ne cesse de s’enliser dans le bourbier de la corruption, de la médiocrité et de la paupérisation, sous la férule de la mafia régnante ”. Dans ce sens, le patron du FFS va faire une comparaison : “ En effet, alors qu’avec le président Thomas Sankara, la corruption avait été énergiquement combattue et vaincue, de nos jours, et de plus en plus, elle ressurgit comme une hydre malfaisante ”. Mieux, il soulignera que la fracture sociale ne fait que croître dans notre pays et que la jeunesse, perdue dans des incertitudes, est désemparée.
Le FFS participera à l’élection présidentielle de 2010
Cette lecture de la situation nationale va amener M. Tiendrebéogo à affirmer que : “ Notre chère patrie, le Burkina Faso, jadis admiré et respecté, n’est plus aujourd’hui qu’une peste dont chacun se méfie (…) ”. Face à ce constat, ce “ Sankariste ” dans l’âme dira que : “ le FFS interpelle l’ensemble des démocrates, patriotes et progressistes du pays, afin que tous ensemble, nous relevons le défi de l’alternance pour le véritable développement de notre patrie ”. En clair, Norbert Michel Tiendrebéogo et ses camarades veulent que le président Blaise Compaoré “ démissionne ” et “ laisse sa place à quelqu’un d’autre qui fera ses preuves ”. Du reste, a-t-il laissé entendre, “ C’est parce qu’il (Blaise Compaoré) est au pouvoir depuis 22 ans que plus rien ne va ”.
Une fois le décor planté avec le mot introductif du président du FFS, place a été faite aux échanges sur des sujets d’intérêts national et sous régional avec les journalistes. Au plan national, il a été question, entre autres, des acquis de la révolution, de la présidentielle de 2010, de l’affaire Salif Diallo, de la révision de la constitution proposée par le récent congrès du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et de nomadisme politique.
De l’avis du président du FFS, la RDP a bel et bien des acquis. Il en veut pour preuve, “ les nombreuses infrastructures réalisées dans les domaines de la santé, de l’éducation, etc., l’existence de partis sankaristes et la prise de conscience du peuple burkinabé”.
Concernant l’élection présidentielle de 2010, il ne fait pas mystère de la participation du parti : “ Nous participerons activement et directement à ce scrutin et aux autres échéances électorales ”.
Que dire de l’affaire Salif Diallo ? M. Tiendrebéogo pense que c’est “ une histoire montée de toute pièce pour distraire le pays ” et que “ ce sont des gesticulations de fin de règne ”.
S’agissant de la proposition du CDP de réviser la constitution, l’animateur principal de la conférence de presse a été catégorique : “ Si on en vient à modifier la loi fondamentale, nous ne le tolérerons pas (…) ”. Pour ce qui est du nomadisme politique, le président du FFS trouve que c’est une pratique “ condamnable ”, exercée par des “ politiciens sans vergogne ”.
A ce propos, n’a-t-il pas opiné que le récent départ de cinq militants du FFS dont le député du Houet Nestor Bassière au profit de l’UNIR/PS ne saurait “ nullement ébranler leur organisation ”.
Au-delà de l’actualité nationale, Norbert Michel Tiendrebéogo a été interpellé sur la situation qui prévaut au Niger et la probabilité de la tenue de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour le 29 novembre prochain. Pour le premier sujet, il a regretté que : “ le président nigérien Mamadou Tandja, avec son entêtement à modifier la constitution de son pays pour se maintenir au pouvoir, prouve qu’il n’est pas patriote (…) ”.
Quant à la tenue de l’élection présidentielle ivoirienne le 29 novembre 2009, il est optimiste : “ Cette date peut tenir car le peuple ivoirien a besoin de stabilité ”. Outre la conférence de presse, le FFS a organisé une conférence publique sur l’avènement de la révolution, dans la cité de Sya.
Kader Patrick KARANTAO
stkaderonline@yahoo.fr
Source : Sidwaya du 6 aout 2009
Interview de Norbert Tiendrebeogo : “IL y a une mauvaise lecture du sankarisme”
Au lendemain de la commémoration du 4 août, date anniversaire de l’avènement de la Révolution démocratique et populaire, nous avons rencontré Norbert Tiendrébéogo, président du Front des forces sociales (FFS), parti sankariste et député à l’Assemblée nationale. Il nous parle, entre autres, de l’unité des partis sankaristes.
Fasozine.com: Comment le FFS a commémoré la date du 4 Août cette année?
Norbert Tiendrébéogo: Le FFS est un parti sankariste. C’est un parti qui a cru et qui croit aux valeurs de la Révolution démocratique et populaire (RDP) incarnées par le président Thomas Sankara. Il était tout à fait normal que l’anniversaire de l’avènement de la RDP soit un grand jour pour nous. La direction nationale du parti a saisi cette opportunité pour faire un déplacement à Bobo-Dioulasso afin de montrer à l’ensemble de nos militants à travers les quarante cinq provinces, que le 4 août est un évènement d’importance nationale et qu’à cette occasion il ne fallait pas se cantonner à Ouagadougou. A Bobo, nous avons, dans la matinée, organisé une conférence à laquelle la presse a répondu avec enthousiasme. Dans la soirée, malgré la pluie nous avons organisé une conférence publique. Nous attachons une grande importance à l’éveil des consciences, à la formation de nos militants et de la population en général.
Le thème de cette conférence publique était «l’avènement de la révolution démocratique et populaire et l’exercice du pouvoir révolutionnaire pendant quatre années». Il y a eu des échanges très enrichissants sur la question. Nos camarades de Bobo Dioulasso sont à présent très aguerris pour parler de la RDP, cette expérience inédite que le Burkina à vécue. Au-delà de cela, des camarades responsables venus d’autres régions tels la Boucle du Mouhoun, le Sud-Ouest, les Cascades, ont pu faire le déplacement avec la direction nationale du parti. En somme, nous avons fait un très bon 4 août 2009.
Comment se porte le FFS après l’hémorragie de départs de militants que le parti a enregistrée l’année dernière?
Le parti se porte bien, et même très bien. Sans doute mieux qu’avec certaines brebis galeuses qui avaient pu s’infiltrer dans nos rangs et que, nous le concédons, avons mis du temps à découvrir véritablement. Ces brebis galeuses avaient des instincts qui sont loin d’être des instincts de sankaristes. Leurs instincts étaient bassement matérialistes et électoralistes. Nous, nous sommes loin de manger de ce foin-là. C’est un FFS encore plus ragaillardi avec une plus grande cohésion de la direction nationale qui se déplace et qui s’implante au fur et à mesure. Vous n’êtes pas sans savoir que le FFS est implanté dans les quarante cinq provinces de ce pays. Ce qui n’est pas donné à n’importe quel parti. Aujourd’hui, malgré le peu de moyens dont nous disposons notre implantation réelle doit être saluée et reconnue par nos militants, par l’ensemble de la classe politique et par le peuple tout entier. Nous avons inauguré
notre nouveau siège, il y a à peine un mois. Il est situé à Goughin, non loin du stade du 4 août, côté sud de l’Ecole nationale de Police. Nous y avons des jeunes chargés de l’accueil. Nous y envoyons des journaux quotidiens et toute la documentation qui va permettre à nos élèves et étudiants d’en apprendre facilement sur les grands classiques révolutionnaires mais aussi sur d’autres sujets d’intérêts nationaux et internationaux. Nous y avons implanté un tableau noir auquel nous allons adjoindre un deuxième pour favoriser les études des jeunes. Nous avons dit aux jeunes que l’électricité que paie le parti est à leur disposition ; ils peuvent venir étudier librement au siège. Cette initiative, vous le savez rentre en droite ligne de notre volonté de former et de favoriser l’auto formation de nos populations. Nous avons aussi élaboré, à
l’endroit des étudiants, un chronogramme d’activités qui prend en compte leur formation politique et idéologique. Il y aura également des cours d’apprentissage en langues nationales mooré et dioula au sein de notre siège.
L’unité des partis sankaristes burkinabè reste un serpent de mer. N’êtes vous pas amer face à ce constat?
Nous, nous sommes des hommes politiques aguerris. Nous savons très bien que ce n’est pas par un coup de baguette magique que cette unité se fera. Elle se fera avec des hommes, des acteurs conscients et conséquents. Ce n’est pas ceux qui s’agitent et font du folklore autour de l’unité qui sont les meilleurs acteurs pour la réaliser. Ce n’est pas ceux non plus qui pensent que l’unité se fera de par le sabordage de tous les autres en leur sein que l’unité se fera. Au contraire, ce sont eux qui empêchent cette unité saine aujourd’hui. Il faut que les uns et les autres puissent se regarder, faire leur introspection, voir quelles sont leur capacité, leur représentativité réelle sur le terrain afin de favoriser un dialogue. Quand on est présent que dans deux ou trois provinces et qu’on veut diriger un parti politique qui devrait couvrir l’ensemble des quarante cinq provinces, il y a un problème. Il y a même une mauvaise
lecture philosophique du sankarisme. Certains pensent que le sankarisme, c’est porter le Faso dan fani (boubou traditionnel, ndlr), marcher à pied, être à vélo, crier la patrie où la mort en levant le poing. Tout cela c’est du folklore. Le sankarisme prôné doit avoir une base idéologique, un socle sur lequel reposer. La président Sankara n’inventait rien. Toute son action politique reposait sur quelque chose. C’est en cela que le FFS, lors de son dernier congrès à réaffirmé haut et fort sa foi dans l’idéal social-démocrate. Notre sankarisme dérive du socialisme démocratique, fondement idéologique, philosophique de notre action.
Source : Fasozine du 9 aout 2009 http://www.fasozine.com/