Un article de Merneptah Noufou Zougmoré
Plusieurs décennies dans son compteur de musicien, Abdoulaye Cissé continue de faire plaisir aux mélomanes. Les instruments à corde n’ont aucun secret pour lui. Les chansons, il en a composé à la pelle. Sa carrière d’enseignant bien qu’ayant été assez brève a été également un moment de contact avec le pays profond.
Quand on est piqué par le virus de la musique, l’âge n’est pas une barrière pour la pratiquer. A plus de 70 ans, (son physique jeune ne fait pas son âge) Abdoulaye Cissé continue de procurer de la joie aux mélomanes.
Dans un lieu de réjouissance situé dans le quartier Pissy, dans l’arrondissement 6 de Ouagadougou, avec un groupe composé essentiellement des séniors, il revisite les répertoires de l’Afrique des musiques des décennies précédentes. Avec l’homme à la guitare (c’est son sobriquet) l’orchestre n’hésite pas à faire la jonction aussi avec le présent. Dj Domi avec son concept Aïcha Trembler est invité dans certains morceaux dansants.
Les dandys de jadis et les jeunes épris de musique aujourd’hui chaque week-end vivent le bonheur que l’auteur de « les Vautours » partage, une chanson qui évoque la colonisation.
Qui sont les musiciens qui ont influencé la carrière d’Abdoulaye Cissé ? Deux artistes ont été essentiel dans sa carrière musicale. Il s’agit de Keïta Fodeba, le fondateur des Ballet Africains quand il l’a vue joué à Banfora dans sa prime jeunesse. On était dans la décennie de 1950. Le second à rythmer les soirées et les mariages pour ceux qui ont convolé en justes noces pendant les années 1970. Il s’agit de GG Viky. Chanteur et guitariste hors pairs, GG Viky au sommet de son art n’avait laissé personne indifférent.
Le gentleman Viky a inspiré Cissé et sa génération qu’on appelait les artistes en herbe par la mélodie de sa guitare et par les choix des sujets de ses compositions. Abdoulaye Cissé est un autodidacte de la guitare. A force de s’exercer, il peut dans un orchestre joué tous les instruments à corde. De la guitare d’accompagnement à la guitare solo en passant par la guitare basse, rien de toutes ces machines à musique ne lui est étranger. Il doit la maîtrise des outils à mélodie à sa curiosité mais aussi grâce à son oncle Moumouni Sissao, le père de Awa Sissao. Fonctionnaire à l’époque et musicien à ses temps libres, il a été pour beaucoup dans l’intérêt que le compositeur de « Dawina » a eu très jeune pour la musique.
Au milieu des 1960, Abdoulaye Cissé après ses études au Cours Normal de Koudougou intègre le prestigieux corps des instituteurs. Pendant la période l’administration publique sans le dire n’aimait pas les musiciens. Cissé est affecté loin de Ouagadougou mais il s’arrange chaque week-end à rejoindre la capitale pour s’adonner à sa passion. Avec Désiré Traoré connu sous le nom de Desy et les sympathiques, Jean Claude Bamogo, Paul Gnonnas, le frère de Gnonnas Pedro et bien d’autres, ils égayaient les nuits ouagalaises avec l’orchestre Super Volta. L’un des morceaux culte du groupe qui continue de rappeler les collégiens et lycéens au bon souvenir des compositions de cette époque, c’est cette galette musicale « Les filles de Kolgnaaba très coquettes et câline ».
Une ode chantée à l’intention de ces charmantes filles d’un établissement scolaire à Ouaga tenu par les religieuses catholiques. Cissé concilie la musique et sa profession d’instituteur. Malgré qu’il fasse des sauts en ville pour pratiquer l’art qu’il aime, ses résultats dans les classes ne sont pas médiocres. La méthode Clade et Davaine sont maîtrisés et dispensés aux élèves qui réussissent dans les évaluations. Pour se rapprocher de son centre d’intérêt qui est Ouagadougou où se joue le destin de la musique, il parvient à être détaché de son ministère de tutelle pour la Radio nationale.
Ils sont nombreux les auditeurs qui se rappellent des plages d’animations musicales ou les émissions de musiques comme « Satellite 2000 et Koman Kan. Les deux émissions ont été animé par Abdoulaye Cissé. Il a écrit pour la troupe de théâtre de la Radio nationale à l’époque des pièces de théâtre. Il y eu a joué le rôle des personnages dans certaines pièces. Les musiques des films, il en a composé de même que les musiques de dessins animés.
En 1984, après une année de Révolution, Cissé Abdoulaye, Maurice Simporé, chanteur et saxophoniste sont réquisitionnés pour créer les petits chanteurs au poing levés et les Colombes de la Révolution. L’enseignement le rattrape mais cette fois-ci il a en charge d’apprendre à jouer les instruments et apprendre à chanter aux enfants et femmes que la Révolution a commis à la tâche d’ambassadeur culturel.
Il mène cette activité avec réussite. Malheureusement les événements du 15 octobre 1987 viendront mettre fin à cette expérience qui au Burkina Faso était inédite. Après la communalisation intégrale, la Commune de Ouagadougou crée une section animation. Elle se dote d’une fanfare jouée par les instrumentistes en cuivre et un orchestre de musique dont Cissé assurait la direction.
Après plusieurs décennies au service des arts et au service de son peuple par ce qu’il sait faire le mieux, la musique. Les mélomanes ne sont pas prêt à oublier des titres comme les « Vautours », « Maria Chérie », « Maman Henriette », « Ma solitude », « Dawina »…
Abdoulaye Cissé, c’est aussi le terroir Marka que d’aucuns appellent Dafin. Quelques chansons dans son répertoire dit tout le bien de cet univers culturel et ses pas élégants dont le plus connu invite les amoureux de la danse à se constituer en cercle. Cissé c’est en fin la musique d’engagement à l’affranchissement de l’Afrique du joug colonial et néocolonial. Il chante également l’amour dans toutes ses facettes. « Depuis qu’elle est partie, mon cœur s’est assombri, dans mon cœur il n’y a que des pleurs. Ce soir encore, je suis seul dans mon lit, ce soir encore il faut que je l’oublie mais j’ai peur encore une fois que la nuit m’apporte sa voix. » Ces quelques phrases du morceau « Ma Solitude » illustre bien à propos l’intérêt de l’amour dans les compositions de « L’homme à la guitare ».
Merneptah Noufou Zougmore