Qui était Guy Penne?
Nous vous proposons cet article issu de l’Observateur écrit à la suite du décès de Guy Penne décédé le 23 juillet 2010. Son auteur Dieudonné Zoungrana, comme à son habitude, nous livre un article bien écrit mais qui ne va fâcher personne, distillant quelques information mais en omettant l’essentiel.
Le décès de Guy Penne, à 85 ans, a fait couler bien moins d’encre que celui de Foccart alors qu’il a joué un rôle équivalent en Afrique, comme acteur essentiel des réseaux françafricains. Foccart fut chargé lors de l’accession des indépendances de mettre en place des dirigeants, qui le plus souvent s’y étaient opposés, afin de défendre les intérêts d’une certaine France. Celle des détournements de fonds, des affaires juteuses, des éléphants blancs, des scandales politico financiers. Sauf que Guy Penne était socialiste et Foccart gaulliste.
Loïk Le Floch Prigent, au coeur du scandale politico financier d’ELF, dont il était PDG, où les mécanismes de détournement des revenus du pétrole, à des fins politiques ont été mis à jour a fait des confessions publiques publiés L’Express du 12/12/1996 dans lesquels il surnomme Guy Penne le « Foccart de Mitterrand ». Dans l’Express du 14/04/2008 on peut lire :« Machiavel africain de la France gaulliste, Foccart avait pris soin d’affranchir Guy Penne, fraîchement installé à L’Elysée ». Il lui aurait déclaré : « Vous vous débrouillez pas mal, lui dit-il alors. Les premiers échos sont bons. Au fait, vous savez ce qui vous vaut d’être là ? Votre profil franc-mac. » Enfin Jacques Foccart confirme lui dans l’ouvrage “Foccart parle” (II, 303) à propos de Guy Penne .« Nous n’avions aucun désaccord profond ».
Au cours des années Cot, le Parti socialiste et ses organisations nationales sympathisantes «se trouvaient de plus en plus en porte-à-faux par rapport à la stratégie définie à l’Elysée […] La politique africaine de la France se transformant progressivement en une cacophonie de soubresauts pour le plus grand bénéfice de ses adversaires. » [Bayard (J.-F.), La politique africaine de François Mitterrand, Karthala, Paris, 1984, p.35, 36.] La politique humaniste et de Justice du Parti socialiste s’opposant à la Réalpolitik de l’Elysée, le ministre de la Coopération, J.-P. Cot sera obligé de démissionner. L’une des raisons : « Lorsqu’il refusait une aide à quelque potentat africain, il attirait souvent cette réplique : «Mais, monsieur Cot, j’ai déjà l’accord du président Mitterrand qui m’a été transmis par Guy Penne. » [Le Canard enchaîné, 13 mai 1992, p. 4.]
Guy Penne n’a cessé de clamer qu’il n’était pour rien dans l’arrestation de Thomas Sankara le 17 mai 83, alors qu’il était premier ministre, mais personne ne le croit. Et pour cause son engagement total aux côtés de Blaise Compaoré.
On notera enfin les révélations d’un journaliste français accusant Guy Penne de manipulation peu avant l’assassinat de Sankara (voir à l’adresse http://thomassankara.net/?p=625) en le mettant notamment en contact avec un chef des services secrets qui lui a remis des documents pour salir le régime. Enfin nous avons, pour notre part, au cours de nos recherches recueillis des témoignages sur les agissements de Guy Penne que nous rendrons bientôt publics.
Dans la dernière période, Guy Penne s’engage de toutes ses forces aux côtés de Blaise Compaoré en créant l’AFDF (l’Association Amitiés France-Burkina Faso), comme ce dernier lui avait demandé. M. Guy Penne saura s’entourer de personnalités de tout premier plan, de droite comme de gauche, dont de nombreux anciens ministres de la coopération : Michel Roussin, ancien chef des services secrets, actuellement responsable Afrique du groupe Bolloré présent au Burkina Faso dans le tabac, le transport, le transit, et le coton, dont le développement des affaires sur le continent est spectaculaire, Jacques Godefrain proche de Foccart, Charles Josselin et Pierre-André Wiltzer, tous cités comme membres de l’association quand ils ne sont pas dans son bureau. Il est fort probable que l’émergence de Blaise Comparé sur la scène internationale, comme le retournement du comité des droits de l’homme de l’ONU dans l’affaire Sanakra, résultent d’un fort lobbying des membres de cette association bien introduits dans les milieux diplomatiques. Ajoutons encore que c’est au sein de cette association qu’est né l’idée d’attribuer à Blaise le prix Noble de la Paix!
Bruno Jaffré
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Guy Penne : Inoubliable dans la mémoire des sankaristes
“Sankara n’est pas magouilleur ! Jamais ! Jamais ! C’est pourquoi nous le suivons ! Révolution ! Sankara n’est pas Guy Penne ! Jamais ! Jamais ! C’est pourquoi nous le suivons ! Révolution !“. Ces slogans que scandaient des étudiants et d’autres révolutionnaires en mai 1983, réclamaient la libération de celui qui sera quelques mois plus tard le père de la Révolution burkinabè : Thomas Sankara.
Dans la pétaudière de cette période trouble de l’histoire du Faso, l’arrestation du Premier ministre du président Jean-Baptiste Ouédraogo, arrestation survenue le 17 mai est directement imputée à la France, via Guy Penne, l’ancien “Monsieur Afrique” de François Mitterrand (1981-1986).
Même quand on usait de l’élégant euphémisme de “cordiales” pour qualifier les relations France-Burkina des années 80, le citoyen Lambda de l’époque savait que c’était archifaux, puisque le fougueux capitaine, dans sa rhétorique révolutionnaire, était très acerbe envers l’Hexagone.
Hasard ou vrai complot ? Celui qui partageait son bureau avec Jean-Christophe, fils de Mitterrand, au sein de la cellule africaine de l’Elysée était bien présent dans la capitale burkinabè au moment des faits. Le groupe de capitaines de l’armée burkinabè qui grenouillait en pourrissant à dessein la situation voltaïque pour s’emparer du pouvoir a-t-il favorisé ce coup contre Tom Sank ?
Toujours est-il que celui qui est décédé ce 25 juillet 2010, à l’âge de 85 ans, a porté le chapeau jusqu’à la fin de sa vie. En vérité, la France aussi ne faisait rien à l’époque pour dissiper les malentendus et lever les quiproquos. Pire, on a même l’impression qu’elle en ajoutait.
Pourtant un ambassadeur français en poste à Ouagadougou, Jacques Le Blanc, n’a cessé d’attirer l’attention de sa hiérarchie sur les éventuelles conséquences du désintérêt de la France vis-à-vis de la Révolution burkinabè qui était “plus l’aboutissement d’un processus amorcé qu’un coup d’Etat de plus”. Apparemment le diplomate ne fut pas entendu, et les accès de fièvre entre les deux pays s’aggravèrent, avec épisodiquement, le nom de Guy Penne au centre.
Ainsi, en fut-il concernant le sommet France/Afrique de Vittel, tenu en octobre 1983 : ayant décidé de s’y rendre pour “apprécier et évaluer ce type de rencontre”, Sankara, à sa descente de l’échelle de coupé, trouva… Guy Penne venu l’accueillir. Si ce n’est pas un clash diplomatique, ça y ressemble, et le président du Conseil national de la Révolution (CNR) bouda le dîner donné le soir même par Mitterrand en l’honneur des chefs d’Etat africains. Un Mitterrand qui débarquera à Ouagadougou en novembre 1986. En vieux briscard de la politique, il dû abandonner sa pondération habituelle pour rabattre le caquet à Sankara qui “tranchait un peu trop”.
Ce n’est cependant pas avec tous les pouvoirs africains que l’ancien maire de Sainte-Cecile-les-Vignes avait des rapports conflictuels. Son patron voulant perpétuer les rapports privilégiés avec le “pré carré”, héritage de la droite, Guy Penne eut des atomes crochus avec le défunt Omar Bongo Odimba, le Tchadien Hissein Habré et Paul Biya du Cameroun.
L’ex-sénateur des Français hors de France avait aussi un faible pour le… Burkina. Il deviendra d’ailleurs, en 2005, président de l’Association amitié France-B.F., à la demande de Blaise Compaoré.
D’une approche facile, comme l’auteur de ses lignes le constata lors du dernier Sommet France/Arique sous Chirac à Cannes (février 2007), le nom de Guy Penne restera aussi bien inoubliable pour les habitants de Sainte-Cecile que pour les sankaristes burkinabè, pour des raisons différentes, cela va de soi.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Source : L’Observateur du 29 juillet 2010 http://www.lobservateur.bf/spip.php?article14568
Bonjour.
Loin, d’être une crapule ordinaire, le nommé Guy Penne était une crapule grandiose et qui finalement s’en est bien tiré, dans l’affaire dite ‘Carrefour du développement’… Certes il a été débarqué vite fait, et remplacé par Jean-Christophe Mitterrand alias Papamadi, mais grâce à ses hautes relations franc-mac il a réussi à ce que son nom ne soit que peu prononcé par toute la canaille qui exerce le beau métier de journalistes…
En vous souhaitant bonne fin d’année
L. Nemeth,
Docteur en Histoire
PS. L’Express en a dit trop peu là où il a fait banalement allusion à ce ‘profil franc-maçon’, qui en France préside à plus d’une nomination… L’une des craintes majeures de la fausse gauche à son arrivée au pouvoir en 1981 était de voir le Gabon, pièce maîtresse de la France sur l’échiquier africain (notamment pour raison pétrolière) basculer dans la sphère d’influence américaine : étant bien entendu que les USA n’auraient pas eu grand mal à faire croire à Bongo que le communisme régnait maintenant à Paris… Mais on sut se souvenir qu’Omar était un frangin : d’où l’idée de le faire “travailler au corps” par un dignitaire de haut rang, de la FM. Et ce fut ainsi que le fauderche Guy Penne, qui jusque là ne connaissait de l’Afrique que les plages, se retrouva bombardé à ce poste où très vite toutefois il apprit le “job”…