Par Cheick Ahmed
Publié dans l’hebdomadaire l’Opinion N°782 du 17 au 23 Octobre 2012
Assurément tout et rien du tout ou encore bien peu de choses qu’on ait déjà dites, entendues ou supposées. C’est qu’en vérité, dans des situations du genre où l’émotionnel et l’irrationnel peuvent prendre le pas sur la réalité objective et où tout est sujet à opinion et à interprétation, la vérité devient multiple et multiforme et il restera toujours quelque chose à dire ou à découvrir.
On peut le dire, si le temps travaille pour la vérité dans ce dossier, il le fait assurément pour Blaise COMPAORE qui a été jusque-là accusé de tous les péchés d’Israël et qui a contre lui toute la charge émotionnelle du dénouement de la crise qui a emporté le président Thomas SANKARA. Trahison, assassinat, carnage, boucherie, … tout y passe, les plus médiocres se faisant les plus cyniques.
25 ans après, que peut-on encore dire, retenir ou découvrir sur les évènements du 15 octobre 1987 qui ont conduit à la mort du président Thomas SANKARA, à la fin du CNR, à l’avènement du Front Populaire et ouvert la voie au processus démocratique au Burkina Faso ? Assurément tout et rien du tout ou encore bien peu de choses qu’on ait déjà dites, entendues ou supposées. C’est qu’en vérité, dans des situations du genre où l’émotionnel et l’irrationnel peuvent prendre le pas sur la réalité objective et où tout est sujet à opinion et à interprétation, la vérité devient multiple et multiforme et il restera toujours quelque chose à dire ou à découvrir. Voilà pourquoi chaque anniversaire est en soi un évènement. Cette année particulièrement, avec tout le symbolisme dont peut être porteur le 25e.
Comme à l’accoutumée, les médias se sont mis à leur chasse aux confidences, chacun rêvant du scoop qui ferait la différence. A ce jeu, force est de reconnaître que Le Pays s’en tire à bons comptes avec une interview fleuve de notre confrère Cheriff SY de Bendré qui lève un coin du voile sur la situation de crise que vivait le pays au mois d’octobre 1987. Des propos dignes d’intérêt qui ont l’avantage de quitter les lieux communs et les anecdotes et radotages que les confidents de tous poils nous ont jusque-là servis pour faire leur propre promotion beaucoup plus que pour aider à « rendre justice à Thomas SANKARA ». Interrogé sur ses relations avec SANKARA et par la suite ce qu’ils se sont dit à leur dernière rencontre, il a déclaré ceci : « …si ma mémoire est bonne, je crois que la dernière fois que j’ai dû voir le président SANKARA, c’était le 13 octobre 1987.
Et c’était pour parler de la situation qui prévalait à l’époque, … Bon, ça, je ne peux pas tout vous dire pour des raisons que vous comprendrez. Mais ce que je peux dire déjà, c’est que nous avons eu à parler de la situation qui prévalait parce qu’il était manifeste qu’il y aurait un clash et nous nous disions qu’il y avait quand même un certain nombre de mesures à prendre par rapport à cela. Le camarade Thomas SANKARA rétorquait en disant : « Qu’est- ce que vous voulez que je fasse ? Vous ne voulez pas que je prenne un tel pour le mettre dans une bouteille ? Vous ne voulez pas que j’envoie un tel comme ambassadeur ? Et s’il refuse ? Ou bien vous voulez que je tue un tel ? Parce que si vous me dites qu’il faut tuer quelqu’un ou embastiller quelqu’un, je ne le ferai pas. ».
Ce n’est qu’un pan, il y a d’autres aspects que je pense que, pour des considérations historiques, ce n’est pas le moment d’en parler. Mais je pense que, le 13 octobre 1987, les dés étaient déjà pipés. Nous, à notre petit niveau, on le savait déjà. Donc, les forces s’organisaient et tout le monde savait ».
Un témoignage, qui, tout en répondant à des questions et en attestant de fait des récits déjà entendus ou lus, en pose d’autres sur le plan de la réflexion et de la recherche de la vérité sur les évènements du 15 octobre 1987. S’il est vrai qu’il est généralement admis que « tout le monde savait que çà n’allait pas » au sein du CNR, peu de gens savaient de quoi il en retournait, d’où le grand intérêt qu’il sied d’accorder aux témoignages d’acteurs directs. Surtout que des éléments nouveaux ressortent dans les propos prêtés au président Thomas SANKARA et du contexte dans lequel il les aurait tenus.
Selon notre confrère, il n’était pas un confident du président SANKARA, même s’il le connaissait personnellement. Cela suppose que les propos qu’il lui prête ont été tenus en public ou, à tout le moins, en présence d’autres personnes, d’où certainement le « … nous nous disions qu’il y avait quand même un certain nombre de mesures à prendre par rapport à cela… », tout comme les « vous » utilisés par Thomas SANKARA pour répondre à ses interlocuteurs. Il s’agissait donc vraisemblablement d’une réunion. Une réunion à laquelle Thomas SANKARA prenait part. Une réunion qui a traité d’« un certain nombre de mesures à prendre… » par rapport à « … la situation qui prévalait parce qu’il était manifeste qu’il y aurait un clash… ».
Une réunion où manifestement il a été question du sort qui devait être fait à de hautes personnalités en rapport avec le « clash » qui était devenu inéluctable. Une réunion au cours de laquelle une panoplie de « mesures à prendre » ont été proposées au président SANKARA qui a rétorqué à ses interlocuteurs en supposant d’autres mesures : « je prenne un tel pour le mettre dans une bouteille… ; j’envoie un tel comme ambassadeur ; je tue un tel ; … ». Dans le premier cas, on peut penser à une forme d’aveu d’impuissance, tout comme d’ailleurs dans le deuxième puisqu’il se retrouverait sans solution « s’il refuse ». D’où alors la solution radicale qu’il évoque lui-même « … que je tue un tel » et la réponse qu’il lui donne « … je ne le ferai pas ». Que retenir de tout cela ?
1/ Que le 13 octobre 1987, Thomas SANKARA a participé à une réunion où il a été question de Blaise COMPAORE et de ses autres camarades pour résoudre la crise qui était en cours ;
2/ Que ceux avec lesquels il était en réunion lui ont suggéré des mesures contre des camarades en vue du « clash » ;
3/ Que Thomas SANKARA n’était pas opposé au principe de ces « mesures » et en tout cas n’a pas désapprouvé ceux qui lui proposaient d’en prendre ;
4/ Que Blaise COMPAORE n’était pas à cette réunion où son ami discutait avec d’autres de « mesures » le concernant ;
5/Que Thomas SANKARA excluait toute conciliation puisqu’il n’évoquait aucune solution allant dans ce sens.
Des constats qui permettent de dire que Thomas SANKARA recherchait des solutions à la situation avec d’autres camarades, à l’insu de Blaise COMPAORE et qu’à l’avant-veille du « clash », il l’avait exclu du processus de règlement de la « situation » préférant s’en ouvrir à d’autres. A chacun de se faire sa propre opinion sur un tel comportement. Assurément, il serait difficile d’y voir des signes d’amitié et de confiance, de volonté de ressouder des liens distendus pour diverses raisons. Par ailleurs, qu’avait finalement décidé SANKARA : envoyer « un tel » comme ambassadeur, l’embastiller, le tuer ou le mettre dans une bouteille ?
Mystère et boule de gomme, surtout que M. SY a décidé d’arrêter là les confidences parce que « ce n’est pas le moment d’en parler ». Et on peut raisonnablement s’étonner de ce silence et présager qu’il ne se serait pas tû si cela pouvait participer à blanchir davantage le président SANKARA et à enfoncer définitivement Blaise COMPAORE, « le comploteur ». On peut être certain qu’avec le franc-parler qu’on lui connaît et le courage qui va avec, son « silence » n’est pas pour protéger ou aider Blaise COMPAORE. Donc ce silence nuit à Blaise COMPAORE même s’il n’enfonce pas forcément Thomas SANKARA. Mais d’ores et déjà il apparaît clairement qu’on complotait contre Blaise COMPAORE.
On peut le dire, si le temps travaille pour la vérité dans ce dossier, il le fait assurément pour Blaise COMPAORE qui a été jusque-là accusé de tous les péchés d’Israël et qui a contre lui toute la charge émotionnelle du dénouement de la crise qui a emporté le président Thomas SANKARA. Trahison, assassinat, carnage, boucherie, … tout y passe, les plus médiocres se faisant les plus cyniques.
Ni les silences complices, ni les manipulations, ni les falsifications et les témoignages tordus, ni les excitations de marginaux d’ici et d’ailleurs qui ont fait de cette affaire un fonds de commerce n’y pourront rien ! Et avec les masques tomberont nombre d’illusions et de rêves. Tout finira par se savoir !
Cheick Ahmed (ilingani2000 at yahoo.fr)
Source : http://www.lefaso.net/spip.php?article50821&rubrique21
















