Nous vous proposons ci-dessous les articles rendant compte de la projection du film "Thomas Sankara, l’homme intègre" de Robin Shuffield le 28 février au centre de Presse Norbert Zongo à Ougadougou durant le FESPACO 2007.
FESPACO : le OUT DU OFF
THOMAS SANKARA, L’HOMME INTEGRE
La projection n’a été annoncée sur aucun programme, et pour cause…Mais le bouche à oreille a fonctionné, relayé par des affiches un peu partout.
Centre de presse Norbert Zongo, mercredi 28 février. Une cours de capacité réduite, une foule qui s’accrocherait au toit si elle le pouvait. Une majorité d’étudiants. Thomas Sankara, pas mort !
Même si, dans les discours officiels de ceux qui se gobergent, jamais le nom de l’ancien président n’est cité. Le Fespaco existait avant lui, certes, mais c’est lui qui lui a donné son impulsion, sa place véritable. A quoi bon en parler ? disent ceux qui étaient là il y a 20 ans… mais personne n’est dupe. Il y a des fantômes bien encombrants.
Donc, première projection du film documentaire (52mn) de Robin Shuffield en présence de Cheriff Sy, président du syndicat des journalistes et d’Abdoulaye Diallo réalisateur et écrivain.
Quatre années, de 1983 à 1987, c’est court pour aller jusqu’au bout de ses réalisations mais pas trop court pour déranger. Sankara, cet homme hors du commun qui a tenté de bousculer les idées reçues sur l’Afrique et les africains. Les images d’archives rendent un personnage d’une intelligence puissante servie par une simplicité et un humour ravageur. Il prône l’autosuffisance économique et alimentaire, fustige la tendance à la mendicité, il nie (déjà) la dette. Traite d’égal à égal avec les grands de ce monde. Ah, la tête de Mitterrand avalant des couleuvres grosses comme le bras ! Chronique d’une mort annoncée…Do not disturb les grandes personnes SVP !
Ferveur immense dans la cour. La voix du Che africain est couverte par les applaudissements et les cris. Les témoignages succèdent aux témoignages, collaborateurs, hommes politiques, font vivre cet homme si proche. Sa fougue, son altruisme. Pas une hagiographie cependant. Les Comités de défense de
Mais comment oublier l’omni présence de son alter ego, son ombre, son frère, celui sans qui cette révolution n’aurait peut-être pas eu lieu ? Son ami Blaise Compaoré, l’actuel président du Burkina Faso, son successeur. Si beau lui aussi, si heureux de vivre l’histoire commune. Judas. Un arrière gout de tragédie grecque, de frères qui s’entretuent.
L’aura de Thomas grandit chaque jour, et le visage de celui qui reste se creuse toujours plus à la mesure de son pouvoir. Qui rend amnésique ?
Michèle Solle vendredi 2 mars 2007.
Cet article est paru dans le journal du pays Basque http://www.lejpb.com/
Sankara l’homme intègre “Un président mal compris”
Dans la série des projections cinématographiques hors compétitions du FESPACO 2007, le film, « Sankara l’homme intègre » est du réalisateur Robin Shuffiel est de ceux là qui a été visualisé le 27/02/07 au centre de presse Norbert Zongo (CPNZ).
Ce film d’une durée de près d’une heure retrace essentiellement le parcours et les réalisations du défunt président Thomas Sankara depuis sa prise de pouvoir à la tête du Comité Nationale de la Révolution (CNR), le 4 août 1983 jusqu’à sa mort le 15 octobre 1987. Le titre du film est révélateur : «l’homme intègre ».
De son franc parler et à travers ses nombreuses réalisations, on retiendra : son combat pour l’émancipation de la femme, la promotion de la jeune fille son combat contre le mariage forcé et l’excision, les 3 luttes avec comme activité centrale la plantation de milliers d’arbres.
La lutte contre la désertification à travers l’action de désenclavement, la construction de routes, la bataille du rail, la politique de l’habitat, le droit au logement pour tous, la construction de cités…sont autant de réalisations à l’actif de son regime.
L’auto suffisance alimentaire, la promotion et la valorisation du « Faso Danfani » ont été également au coeur de sa politique. D’où le slogan « consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons » pour sortir du sous développement.
L’homme, de son vivant, a par ailleurs développé une large politique sanitaire qui a permis de vacciner plus de deux millions de Burkinabé en un seul jour contre la méningite et la poliomyélite ; décrété la gratuité de l’éducation pour tous. Si bien que le taux de scolarisation a connu une forte croissance en l’espace de trois ans.
Pour permettre à son peuple d’être sain de corps et d’esprit, Thomas Sankara a initié le sport de masse pratiqué tous les jeudis soir. Il a également instauré la formation politique et civique des militaires, car comme il aimait le dire, « un militaire sans formation politique et civique est un criminel en puissance ». La dignité de l’homme noir, la souveraineté des Etats africains ont été au centre de sa politique étrangère. Il ut le premier chef d’Etat africain à réclamer l’annulation de la dette. Des succès certes, mais au soir de sa vie Thomas Sankara reconnaîtra les faiblesses de son action. Il s’agit essentiellement des dérives de certains Comités de défense de la révolution (CDR), des licenciements abusifs, des condamnations hâtives lors de certains tribunaux populaires de la révolution (TPR). Pour autant, il n’était pas question pour lui de faire marche arrière.
Il avait un contrat avec son peuple : «continuer la lutte pour sortir ce peuple du sous-développement, de l’oppression et de la domination du joug impérialiste. Avec esprit de discernement et de sagesse , Il reconnaîtra, la main sur le coeur : « j’ai été mal aimé et mal compris.».
La cour du CNPZ a refusé du monde à l’occasion. Les débats qui ont suivi la projection du film ont été animés par le docteur Jean Hubert Bazié, Me Sankara Bénéwendé, Nestor Bassière.
Cécile SIRIMA
Article publié dans la gazette du FESPACO daté du 2 mars 2007.
Films déclassés du FESPACO
Thomas Sankara, l’homme impatient, l’homme intègre
Le film documentaire sur Thomas Sankara a été réalisé par Robin Shuffield qui n’a donc pas effectué le déplacement de Ouagadougou. Néanmoins, son documentaire de 52 mn a été l’attraction des cinéphiles, mardi soir, au Centre de presse Norbert Zongo. C’est un portrait en images de Sankara durant son passage à la Présidence du Faso. L’ex-président est présenté comme un homme fougueux, étonnant qui, en quatre ans de règne, va bousculer les idées reçues sur l’Afrique, remettre en cause la féodalité des chefs coutumiers contre les populations et des hommes contre les femmes. Il va aussi dire ses vérités à ses pairs et à la France coloniale.
Le réalisateur s’est replongé dans les archives pour ressortir les interventions de Thomas Sankara au Sommet France-Afrique, au Sommet de l’OUA où Sankara demande aux présidents africains de soutenir tous ensemble l’idée de l’effacement de la dette du continent. On le voit aussi, recevoir à Ouagadougou le président français, François Mitterrand et lui dire qu’il supporte mal de voir la France permettre sur son sol, la visite du président raciste et ségrégationniste Peter Bota de l’Afrique du Sud.
Le réalisateur a fait parler des collaborateurs du président mais aussi des témoins, Boukary Kaboré dit le Lion, Jean Hubert Bazié, journaliste écrivain, Edouard Ouédraogo, fondateur de l’Observateur Paalga, John Jerry Rawlings du Ghana… Tous donnent leur point de vue sur la Révolution burkinabè. L’originalité du film se retrouve d’ailleurs dans leurs interventions puisque la plupart des images et des propos du président Sankara sont déjà connus. Ainsi Rawlings dira de son ami Sankara, qu’il était impatient, même s’il lui trouve une explication. Le président français Mitterrand pour sa part, lancera à Sankara qu’il va un peu loin.
En tous les cas, après 4 ans de Révolution, les populations avaient commencé à s’essouffler, à sentir les exactions et les dérives des Comités de dépense de la Révolution (CDR). Des frictions et des tendances internes sont nées et conduiront à la chute de Sankara. Cette chute, Sankara le présentant la voyait venir, mais comme il l’a dit dans le film, tel un cycliste sur une pente dangereuse, il était obligé de continuer à pédaler.
Plutôt que le début et la fin d’un homme d’Etat, “Thomas Sankara, l’homme intègre” montre comment un officier militaire a construit sa grandeur jusqu’au plus haut niveau, au prix de sa propre vie. Assis à même le sol ou debout, serrés les uns contre les autres, les cinéphiles ont fait un déplacement massif pour suivre ce film.
Aimé Muor KAMBIRE
Article extrait du quotidien Sidwaya du 1er mars 2007 Source http://www.sidwaya.bf/
"Sankara, l’homme intègre" : La mort a-t-elle mis fin à son mythe ?
"Sankara, l’homme intègre"
"Sankara, l’homme intègre" est le titre du film moyen métrage (non retenu en compétition au Fespaco dernier) du réalisateur français Robin Shuffiel ; il a été projeté le 27 février et le 1er mars 2007, respectivement au Centre de presse Norbert Zongo (CPNZ) et à l’Atelier théâtre bur
"Les morts ne sont pas morts, ils sont dans l’eau qui coule, ils sont dans l’eau qui dort", disait Birago Diop. Ainsi, dès l’annonce de ce film, ils étaient nombreux les curieux à prendre d’assaut les lieux, suspendus çà et là aux murs, aux toits et aux arbres pour être témoins oculaires du parcours de ce "héros" des années révolutionnaires de notre pays ; pour les uns c’était pour se souvenir de lui, de son franc-parler ; pour les autres, surtout la jeunesse, une quête de savoir, de vérité et de justice.
Sankara est-il vraiment mort ? C’est la question que bien de gens se posent après la projection de ce film qui suscite plein de commentaires et de jérémiades au regard de ses nombreuses réalisations, ses projets, ses ambitions, etc. de son vivant, à la tête du Conseil national de la Révolution (CNR).
Ce film, d’une durée de plus d’une heure, s’ouvre sur le sommet de l’ONU à Washington où, le 4 octobre 1984, Sankara a plaidé, devant ses pairs, pour l’annulation de la dette africaine, pour la souveraineté des Etats africains, la dignité de l’homme noir, la non-ingérence de la politique étrangère, etc. Autant de déclarations qui ont dérangé plus d’un. Au cours de ce sommet il dira "Si cette dette n’est pas annulée, je ne serai plus parmi vous au sommet prochain".
Effectivement Sankara n’y sera pas. De ses ambitions, la formation politique et civique lui tenait à cœur, si bien qu’il aimait à dire "Un militaire sans formation politique et civique est un criminel en puissance". En ce qui concerne l’importation des armes, l’homme y était farouchement opposé "Chaque fois qu’un Africain achète une arme, c’est contre son frère"…
Des chantiers et la femme au centre
Tout au long de son parcours, la femme occupait une place importante ; et c’est pourquoi il a œuvré à son épanouissement, conseillant d’en revoir le statut. "L’humanité ne peut progresser sans prendre en compte cette moitié du ciel", disait-il. Il fut l’un des chefs d’Etat à s’élever contre la violence et la discrimination physique, morale, faites à la femme (mariage forcé, excision, etc.), d’où l’officialisation du 8-Mars dans notre pays, ce qui propulsera celles-ci sur tous les fronts (armée, musique, politique, etc.).
Autre combat, freiner l’avancée du désert, à travers la proclamation des trois (03) luttes : contre la coupe abusive du bois, la divagation des animaux, les feux de brousse. Des milliers d’arbres furent plantés à travers tout le territoire en un an. Dans le cadre du désenclavement, il instaura "La bataille du rail"… La politique de l’habitat a été aussi au centre de ses préoccupations ; d’où la construction des cités avec le projet "Un Bur
Son slogan le plus mobilisateur était "Consommons ce que nous produisons, et produisons ce que nous consommons", pour sortir du sous-développement cela s’entend. A cet effet, le "Faso Dan Fani" a été valorisé. "Souvenez-vous qu’à chaque fois que vous consommez du riz importé dans votre assiette, c’est l’impérialisme que vous consommez", prévenait-il. La santé et l’éducation étaient aussi le plat central de son régime.
A ce propos, à côté des "vaccinations commandés" des populations, il décrétait la gratuité de l’éducation , de la santé, "Santé et éducation pour tous", si bien que le taux de scolarisation a connu un bond en 3 ans. Dans le domaine du sport, il instaura la pratique de celui-ci le jeudi soir pour tous les travailleurs. Des succès, certes il y en a eu, mais aussi des échecs : lui-même en était conscient qui reconnaissait que "seul l’homme qui ne pose pas des actes ne se trompe pas".
Au soir de sa vie, à travers les dérives de certains CDR, (les comités de défense de la révolution), les licenciements abusifs, les condamnations arbitraires des T.P.R (Tribunaux populaires de la révolution), il ne cessait de le répéter mais, pour lui, il n’était pas question de reculer mais d’avancer car "le contrat avec son peuple était loin d’être achevé. Il voulait sortir son peuple du sous-développement, de la misère, de l’oppression, du joug impérialiste", briser les barrières entre les riches et les pauvres.
Dans un esprit de discernement et de sagesse, lui-même l’a reconnu et confirmé "J’ai été mal aimé et mal compris".
Marie Grégoire Sirima
Publié dans L’Observateur Paalga (voir à http://www.lobservateur.bf/) daté du 16 mars 2007
Burkina Faso: « Thomas Sankara, l’homme intègre »
Moussa Bolly
Article publié dans le journal malien "Les Echos" le 2 avril 2007 (voir à l’adresse http://www.bamanet.net/actualite/Generale/2795.html)
Figure emblématique de la politique africaine, Thomas Sankara (1949-1987) a légué aux générations futures la verve et l’énergie de l’espoir, l’emblème de la probité et la conscience historique de l’inaliénabilité de la lutte contre toutes oppressions.
Sa vie et son combat pour une Afrique affranchie du joug néocolonialiste continuent à inspirer les écrivains et les cinéastes. Le Suisse Robin Shuffied vient de lui consacrer un film documentaire intitulé, « Thomas Sankara, l’homme intègre ». Une oeuvre vue par notre envoyé spécial en marge du Fespaco 2007.
« Tuer le prophète n’empêche pas la prophétie de se réaliser » , dit l’adage. C’est la triste réalité à laquelle les autorités burkinabé sont aujourd’hui confrontées dans leur besogne d’effacer Thomas Sankara dans la mémoire collective de leur pays. Hélas, pour eux ! L’homme ne cesse de grandir dans l’estime de ses compatriotes qui comprennent maintenant la portée réelle de son combat politique. La projection du film documentaire « Thomas Sankara, l’homme intègre » au Centre national de presse Norbert Zongo l’a prouvé une fois de plus.
Jeudi 1er mars 2007, le Centre a refusé du monde. La projection du film était programmée à 18 h. Déjà à 16 h, il n’y avait plus de place dans la vaste cour. Les organisateurs étaient obligés de demander aux plus jeunes de céder la place à leurs aînés et aux étrangers. Impossibles de trouver une place même sur les mûrs. Même les arbres étaient pris d’assaut par la foule. Le nom de Sankara mobilise plus qu’on ne le pense. Et pourtant, le film n’était même pas retenu dans la sélection officielle de cette 20e édition du Fespaco.
Ce qui doit faire peur au régime de Compaoré, c’est que la majorité de cette immense foule avait en moyenne 16 ans. La popularité de Sankara dépasse les générations qui l’ont connu. Il était vivement ovationné à chaque apparition dans le film documentaire alors que son assassin était copieusement hué et traité de « traître » par les jeunes cinéphiles.
Le documentaire sur Thomas Sankara est l’oeuvre de Robin Shuffield. D’une durée de 52 minutes, c’est un portrait en images de Sankara durant son passage à la présidence du Faso. Le président assassiné le 15 octobre 1987 est présenté comme un homme fougueux, étonnant qui, en quatre ans de règne, a bousculé les idées reçues sur l’Afrique. Il a réussi à remettre en cause la féodalité des chefs coutumiers contre les populations et des hommes contre les femmes.
Le réalisateur s’est replongé dans les archives pour ressortir les interventions de Sankara au Sommet Afrique-France, à celui de l’OUA où Sankara demande aux présidents africains de soutenir tous ensemble l’idée de l’effacement de la dette du continent. Une quête qui est plus que d’actualité de nos jours.
Le mérite de Shuffield, c’est d’avoir aussi réussi à faire parler non seulement des collaborateurs du capitaine, mais aussi des témoins. Il s’agit, entre autres, de Boukary Kaboré dit le Lion, Jean Hubert Bazié (journaliste écrivain), Edouard Ouédraogo (fondateur de l’Observateur Paalga, un quotidien du pays), John Jerry Rawlings (ancien président du Ghana). Tous donnent leur point de vue sur la Révolution burkinabé sans aucune complaisance.
L’originalité du film se retrouve d’ailleurs dans leurs interventions puisque la plupart des images et des propos du président Sankara sont déjà connus. Ainsi Rawlings dira de son ami Sankara, qu’il était impatient, même s’il ajoute aussitôt que cette impatience des changements était justifiée. Le président français, François Mitterrand pour sa part, lancera à Sankara qu’il va un peu loin. En tous les cas, après 4 ans de révolution, les populations avaient commencé à s’essouffler, à sentir les exactions et les dérives des comités de défense de la révolution (CDR).
Des frictions et des tendances internes sont nées et conduiront à la chute de Sankara. Cette chute, Sankara la voyait venir. Mais, comme il l’a dit dans le film, « tel un cycliste sur une pente dangereuse, je suis obligé de continuer à pédaler » . Il maintient le cap tout en étant convaincu d’oeuvrer pour l’émancipation de son peuple. Un peuple dont il se disait incompris.
Plutôt que le début et la fin d’un homme d’Etat, « Thomas Sankara, l’homme intègre » montre comment un officier militaire a construit sa grandeur jusqu’au plus haut niveau, au prix de sa propre vie. Ce film démontre que Sankara était un messie en avance sur son époque par les sentiers de développement ouverts dans son pays et ses combats panafricains contre la faim, la malnutrition, la dette, l’exploitation abusive des ressources du continent
Et cette oeuvre fait surtout parler d’elle dans le monde et elle est au programme de toutes les grandes rencontres cinématographiques des prochains mois. Vendredi dernier seulement (30 mars 2007), elle était au centre d’un débat à Paris. C’était dans le cadre du Festival international du film des droits de l’homme.