Hommage à Thomas Sankara
Odile Tobner, Présidente de SURVIE
Le souvenir de Thomas Sankara restera éternellement dans la mémoire de l’Afrique. Par ses paroles et ses actes il a répondu exactement à la situation historique vécue par son pays. Il en a parfaitement défini les conditions et a courageusement entrepris les actions nécessaires pour y répondre. Ces deux traits : la conscience claire et l’action résolue, réunis de façon exceptionnelle dans un chef comme les peuples en ont rarement, étaient tellement insupportables aux pouvoirs qui s’exerçaient sur l’Afrique qu’un complot méprisable, qui a utilisé les rancoeurs des siens pour le supprimer est venu mettre fin à son entreprise. La coalition des basses ambitions et des intérêts mesquins a privé le Burkina Faso de la chance historique que le destin lui avait donnée
Mais ce qu’on ne supprimera jamais ce sont ses paroles, qui retentissent bien au-delà du Burkina Faso. Depuis sa disparition l’Afrique s’est enfoncée davantage dans les maux dont il a décrit les causes. Ses avertissements sont toujours d’actualité : « Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture.
Du reste, tous les nouveaux “maîtres-à-penser” sortant de leur sommeil, réveillés par la montée vertigineuse de milliards d’hommes en haillons, effrayés par la menace que fait peser sur leur digestion cette multitude traquée par la faim, commencent à remodeler leurs discours et, dans une quête anxieuse, recherchent une fois de plus en nos lieu et place, des concepts-miracles, de nouvelles formes de développement pour nos pays. Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux actes des innombrables colloques et séminaires. » (ONU oct. 1984).
Depuis 20 ans en effet ce ne sont pas les solutions miracles qui ont manqué, recommandées et imposées par la banque mondiale, par l’AFD, par les APE, conseillés par des armées d’experts. L’échec inéluctable de ces politiques aboutit en fin de compte à des conclusions racistes, désignant les Africains comme cause essentielle de ces échecs. On l’a vu encore dans le discours fait par Nicolas Sarkozy à Dakar. Alors que la cause essentielle de l’échec de toutes ces politiques est seulement qu’elles ne sont pas africaines.
Thomas Sankara voulait une politique africaine, partant des réalités africaines et tournée vers le développement d’une économie et d’une culture africaines, avec les moyens et les objectifs qui étaient les siens, une politique totalement au service des Africains. Il avait une parfaite connaissance du vécu des gens, de leur problèmes les plus élémentaires, et il imaginait des solutions réalistes et concrètes. Avec peu de moyens et beaucoup d’intelligence il obtenait des résultats prometteurs et surtout il encourageait les initiatives des jeunes et des femmes pour acquérir leur indépendance économique. Ces millions d’initiatives libérées qui font le seul vrai développement.
Aujourd’hui qu’on nous rebat les oreilles avec les micro projets, les micro crédits que des technocrates organisent avec condescendance du fond de leurs bureaux, on ignore le vrai ressort de la réussite qui réside dans l’esprit d’une politique totale, entièrement élaborée au service du peuple, et non dans un gadget octroyé aux victimes d’un système prédateur. Thomas Sankara a redonné un sens neuf au beau mot, trop galvaudé, de Révolution. Il savait que la société africaine aspirait à des changements radicaux qui la sortiraient d’une sujétion pluricentenaire. C’est du poids écrasant de cette sujétion qu’il a voulu la délivrer et c’est parce qu’il était sur le chemin de la réussite qu’on l’a tué, après avoir mené contre lui les campagnes de dénigrement les plus malfaisantes.
Ả la pauvreté des habitants du Burkina Faso correspondait un Ẻtat d’une modestie exemplaire, sans exhibition fastueuse, mais un Ẻtat fier, qui ne badinait pas sur sa dignité et le respect qu’on lui devait à l’égal des Ẻtats les plus puissants. Il a magnifiquement représenté le Burkina Faso à la tribune des organisations internationales, en y prononçant des discours de vérité et non de convenance. Il a offert de l’Afrique une image noble et sûre d’elle-même, inventive et originale, au lieu de l’imitation vulgaire de ce qu’ils voient ailleurs, dans un luxe de parvenus, qu’en donnent tant de dirigeants indignes.
On peut donc dire, sans crainte de se tromper, qu’en l’assassinant c’est cette Afrique-là qu’on a voulu assassiner, tout comme on a tué l’Afrique de Lumumba, qui n’a brillé que d’un très bref éclat, pour permettre à l’Afrique de Mobutu d’exhiber ses vices pendant des dizaines d’années. Sankara a incarné la Révolution africaine telle que l’avait annoncée Frantz Fanon. Il était conscient de l’hostilité que sa personne provoquait chez les tenants de la politique politicienne. Il n’était peut-être pas assez conscient du caractère d’exception qui était le sien quand il disait que, si on le tuait, d’autres Sankara, d’autres Lumumba, d’autres Nkrumah se lèveraient pour guider les Africains.
Si l’on attend toujours un autre Sankara, on constate cependant que le meilleur de la jeunesse africaine se nourrit de son exemple, reconnaît la justesse de son discours et de ses actes et s’en inspire dans l’élaboration de sa réflexion. L’existence et le combat de Thomas Sankara n’ont pas été vains. L’influence qu’ils exercent et qu’ils exerceront sur le destin des Africains est incalculable. On a pu le tuer lâchement, personne ne pourra faire disparaître sa présence avec tout ce qu’elle porte d’intelligence et de force pour tous ceux qui le souhaitent. Il dispense perpétuellement l’exemple de sa vie. Il est là et devant lui s’effaceront les imposteurs. A Thomas Sankara et à ses compagnons tombés pour que vive l’Afrique nous offrons notre reconnaissance et l’assurance qu’ils vivent dans nos mémoires.
Odile Tobner
Présidente de Survie
> Hommage à Thomas Sankara, par Odile Tobner, Présidente de SURVIE
ODILE TOBNER BETI?
RIEN NE PASSE INAPERCU … TU AS SOUFFERT AUPRES DE MONGO BETI… TU AS OEUVRE POUR LAFRIQUE AVEC LUI ET APRES LUI …CE FUT UN MARIAGE CONGENITAL AVEC LAFRIQUE…UN ACTE ILLUSTRANT TA QUETE DE JUSTICE ET DE LIBERTE POUR TOUT PEUPLE COMME UNE AFFIRMATION DE TON HUMANISME ! LAFRIQUE TE DIT MERCI…DANS LESPOIR DUNE RENCONTRE RECOIS TOUTE MA RECONNAISSANCE…ANGANSO@HOTMAIL.COM