Cette confrérie initiatique de type maçonnique prône depuis la nuit des temps, et ce conformément à son credo :
– la fraternité et l’égalité entre tous, quels que soient leur race, leur origine, leur rang social, et leurs croyances et religions
– le respect dû à la vie humaine
– la liberté d’aller et venir sur la Terre, patrie de l’humanité toute entière
– l’obligation, pour tout chef de famille, de pourvoir aux besoins des membres de sa maison, ainsi que le devoir d’éduquer ses enfants
– la protection des faibles contre l’arbitraire et la tyrannie
– la réparation, sous une forme ou une autre, de tout tort causé à autrui.
Aussi, l’acte premier de ses membres fut-il de proclamer solennellement l’abolition de l’esclavage, ce crime odieux que des hommes civilisés ont, au nom de Dieu, commis à l’endroit d’autres hommes. Pour ce faire, ses membres livrèrent, sans tarder, une lutte implacable contre les esclavagistes partout au centre de l’Afrique de l’Ouest, et ceci dix années durant.
Depuis sa découverte en 1965, la Charte du Manden n’a cessé d’être en butte, jusqu’à ces derniers temps, à toutes sortes de critiques d’autant plus malveillantes qu’infondées. (Aucun peuple, et qu’on se le dise, n’a l’exclusivité de l’expression des droits de l’homme). Par ailleurs, des chercheurs dont la malhonnêteté saute
aux yeux ont voulu, les uns s’en attribuer ignominieusement la paternité, et les autres la plagier en catimini. Des chartes, aussi puériles et aussi farfelues les unes que les autres virent alors le jour.
Leurs auteurs, des activistes impénitents, abusèrent de la naïveté des bonnes gens comme ils “trompèrent” la vigilance de maints milieux politiques maliens et africains, et même celle de certaines institutions internationales. L’un des instigateurs de cette cabale, un vrai manitou celui-là, comme on le verra plus loin, se pare depuis quelque temps du titre de “ Spécialiste de la Charte de Kouroukan Fuga” qu’il n’hésite pas à appeler Charte du Manden. (Dixit la presse nantaise du 30 novembre 2012).
Avec la publication de la présente Charte les falsificateurs de la Tradition prendront, un jour peut-être, conscience de leur forfaiture.
Enfin, comme on le lira plus loin, tout n’a pas été dit sur la Charte du Manden, des interdits pesant toujours sur sa narration dans son entièreté. Il faut croire, comme nous l’espérons, que ces obstacles-là seront prochainement levés.
Je ne saurais terminer cet avant-propos sans remercier tous ceux dont l’aide m’a été si précieuse tant dans l’élaboration que dans la réalisation du présent ouvrage. Mouhammadou Baba Cissé, mon fils, en a assuré la préparation matérielle et mon frère Lamine Baba Cissé les premières corrections.
Enfin, que dire de Claire Guény, sinon que j’ai hautement apprécié sa collaboration! En effet, elle s’est dépensée sans compter pour que le présent ouvrage voie le jour dans les meilleurs délais. Qu’elle en soit, ici, remerciée.
Le Manden (1) a été fondé sur la concorde et l’amour,
Sur la liberté et la dignité,
Sur l’entente fraternelle :
Il n’y a plus de préférence de race au Manden.
Sous notre lutte, il y avait ces buts là.
Aussi, les fils de Sanènè et Kontron (2) donnent à l’adresse des douze parties du monde et au nom du Manden tout entier cette proclamation.
1 – Nous disons :
Toute vie est une vie
Une vie voit le jour avant une autre, c’est vrai,
Pourtant, nulle vie n’a le droit d’aînesse sur une autre vie,
Nulle vie ne vaut mieux qu’une autre vie.
2 – Nous disons :
Toute vie est une vie
On ne porte pas tort à une vie sans en payer le prix.
Aussi, que nul ne s’en prenne à son voisin sans raison,
Que nul ne porte tort à son prochain,
Que nul ne meurtrisse son prochain.
3 – Nous disons :
Tous, veillez sur votre prochain
Tous, vénérez ceux qui vous ont engendrés,
Tous, éduquez au bien vos enfants,
Et que chacun protège les siens.
4 – Nous disons
Tous, veillez sur la patrie,
Si tu entends le mot patrie, le mot pays,
Sache qu’il s’agit des humains qui les peuplent.
Car si l’humain disparaissait de toute l’étendue du pays,
Le pays, son sol même, tomberaient dans la nostalgie.
5 – Nous disons :
La faim est mauvaise,
La servitude est mauvaise.
Il n’y a pas pire que la faim et la servitude,
Ici, dans ce monde, notre maison.
Tant que nos mains tiennent l’arc et le carquois,
Même si la sécheresse se fait sur nos cultures,
La faim ne tuera plus personne au Manden.
La guerre ne brisera plus les cités du Manden,
Pour en tirer des captifs.
Le mors n’entrera plus dans la bouche des humains,
Pour qu’ils soient mis en vente.
Personne ne sera plus battu,
A plus forte raison mis à mort
Pour le simple fait qu’il est fils d’esclave.
6 – Nous disons :
Aujourd’hui, l’âme de la servitude est éteinte
D’un mur à l’autre du Manden.
Aujourd’hui sont bannis le pillage et la destruction,
Aujourd’hui, ces tourments cessent.
La faim est mauvaise,
Car l’affamé perd le respect de soi.
La misère est mauvaise,
Car le misérable perd son rang.
Nulle estime pour l’esclave,
En nul endroit du monde.
7 – Ceux d’autrefois disent :
L’humain dans toute sa complexion,
Ses os et sa chair,
Sa moelle et ses nerfs,
Sa peau et ses poils,
Tout cela vit d’aliments et de boissons.
Mais ce dont vit son âme est trois :
Voir qui il veut voir,
Dire ce qu’il veut dire
Et faire ce qu’il veut faire.
Si l’un des trois manque à l’âme,
L’âme souffre,
L’âme dépérit.
Aussi, nous disons : Que chacun dispose de soi-même,
Dans le respect des interdits sacrés de la patrie,
Et que chacun soit maître de ses biens.
Tel est le serment du Manden,
A l’adresse du monde tout entier.
1 – Manden (prononciation proche de Mandé) est la traduction phonétique en usage pour désigner le cœur de l’ensemble politique fondé au XIIIe siècle par Soundiata Keïta. Ses habitants sont les Maninkaw (Malinkés, Mandingues). Les chroniqueurs arabes médiévaux ont transcrit le nom de ce pays par Mali.
2 – Sanènè et Kontron sont les divinités tutélaires des confréries donso, dont Soundiata Keïta et beaucoup de ses lieutenants étaient membres. « Donso » est généralement traduit par « chasseur », interprétation réductrice fondée sur le fort lien entre les traditions philosophiques, ésotériques, littéraires et musicales de ces confréries avec la chasse.
















