Nous vous proposons ci-dessous plusieurs articles traitant de l’anniversaire de l’attaque des troupes du BIA dirigé par le capitaine Boukari Kaboré dit “Le Lion du Bulkiemdé”. Après l’assassinat de Sankara il avait en effet refusé de faire allégeance au Front Populaire. Si lui avait décidé de s’enfuir pour éviter le massacre, certains de ses hommes furent massacrès sauvagement, paroifs brulés au lance flamme.
Pour la prémière fois en cette année 2009, Boukary Kaobré s’est rendu sur les tombes. Les article ci-dessous sont extraits du quotidien burkinabé l’Observateur des 28 et 29 octobre 2009.
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Le 27 octobre est une date historique pour la ville de Koudougou. En effet, 11 soldats dont 6 officiers du Bataillon d’infanterie aéroporté (BIA) de Koudougou sont tombés sous les balles de leurs frères d’armes à cette date. Pour rendre hommage à ces suppliciés du 27 octobre 1987, le président de l’Union des partis sankaristes et l’ex- commandant du BIA, accompagnés d’une délégation de Bobo et des sankaristes de Koudougou sont allés se recueillir sur leur tombe le mardi 27 octobre 2009.
Les mains sur la tombe, le regard baissé, le geste de l’homme fort du BIA, est émouvant, car c’est la première fois qu’il y mettait les pieds. “Ce n’est pas facile”. C’est le premier mot que Boukari Kaboré dit “Le Lion” a prononcé avant de faire le tour de la tombe. Après avoir lu des numéros matricules sur une plaque, “Le Lion du Boulkiemdé” a soutenu que le monument est muet. ‘’Il faut qu’on écrive les noms de ceux qui y sont enterrés. On les connaît. Il y a le lieutenant Kéré mon adjoint, Ki Berto, Sanou Jonas, etc”. Il ne faut pas falsifier l’histoire, a-t-il martelé. Après le recueillement, “Le Lion”, accompagné de quelques éléments, est allé déposer une gerbe de fleurs sur la tombe des suppliciés. Pour le président de l’Union des partis sankaristes (UPS), Joseph Ouédraogo, le cérémonial de dépôt de gerbe de fleurs sur la tombe des martyrs du 27 octobre 1987 est une reconnaissance aux soldats qui sont tombés sous les balles de l’impérialisme international et de leurs valets locaux.
‘’Les 11 soldats qui ont été enterrés à la hâte laisse un sentiment amer pour les sankaristes. C’est pourquoi, nous sommes venus témoigner notre gratitude et tout le respect qu’on doit au sacrifice qu’ils ont consenti pour la défense de l’idéal de Sankara et à travers lui, les intérêts du peuple burkinabè. C’est un geste symbolique mais plein de sens’’, a-t-il confié. Certains sankaristes ne se recueillent plus sur la tombe des martyrs. Cet état de fait, selon le président de l’UPS, s’explique par le fait que certains se réclament sankaristes alors que leurs comportements et les actes qu’ils posent démontrent le contraire. ‘’Plus le temps passe, plus il y aura la décantation. Mais nous ne nous réclamons pas sankaristes plus que les autres”, a déclaré le président de l’UPS avant d’ajouter que les sankaristes ne sont pas revanchards. Tout en reconnaissant les erreurs commises sous l’ère Sankara, Joseph Ouédraogo a dit que les sankaristes sont sincères et assument leurs erreurs. Il a cependant affirmé qu’il y a eu plus de choses positives que négatives pendant la période révolutionnaire.
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“Il n’y a pas plus pacifiste que “Le Lion”
A l’issue du dépôt de la gerbe de fleurs, nous avons recueilli les sentiments de l’ex-commandant du BIA.
“Les sentiments qui m’animent, sont ceux d’une personne qui a perdu quelqu’un qui lui est très cher mais qui, avec le temps, se remet peu à peu de la douleur. Le site où se trouve la tombe des martyrs avait été retenu en son temps comme le lieu d’implantation du camp. On avait déjà fait les terrassements ; il restait le démarrage de la construction. Si je suis venu me recueillir sur la tombe des martyrs, c’est parce que l’attaque de Koudougou a eu lieu un mardi 27 octobre 1987 et nous sommes aujourd’hui un mardi 27 octobre. Les tueries qu’il y a eues le 27 octobre 1987 sont dues à des erreurs. On a simulé une rébellion à Koudougou et comme on est venu pour chercher le chef et qu’on ne l’a pas eu, on a tué ses éléments. Je pense que des erreurs se sont glissées dans l’opération même de ceux qui avaient la mission de cerner la ville de Koudougou. Ce qui est arrivé pouvait être évité. Il suffisait qu’on soit simplement sincère. Qu’est-ce qui a amené les tueries ?
C’est un coup d’Etat. On a dit initialement que le président voulait faire un coup d’Etat. Un président ne fait pas de coup d’Etat ; il arrête des gens. Il y a eu une mésentente et on est venu cerner Koudougou. Il faut qu’on accepte la différence. Nous les Burkinabè, nous refusons d’accepter la différence et c’est cela notre malheur. On ne peut pas faire de démocratie sans accepter la différence. C’est le refus d’accepter la différence qui a amené l’assassinat de Thomas Sankara. Il faut qu’on accepte que nous sommes tous des humains, mais qu’il y en a qui sont plus intelligents. Je suis venu pour la restitution de l’histoire pour éviter qu’on ne la falsifie. Comme vous le voyez, le monument qu’on a édifié ici ne porte aucun nom, alors que ce sont des citoyens burkinabè qui y sont enterrés. On ne peut pas aller dans un cimetière sans trouver des plaques sur lesquelles figurent les noms des gens qui y reposent. J’ai fait des observations, et c’est vraiment regrettable de constater de telles erreurs.
Il faut qu’on corrige cela et qu’on écrive les noms des victimes pour que leurs parents puissent venir aisément et librement prier pour le repos de leurs âmes. Les soldats qui sont enterrés ici sont 11 dont 6 officiers ; 4 titularisés et 2 élèves officiers à savoir Timothée Oubda et Abdramane Sakandé. On a aussi tué 7 de mes éléments à Bobo en plus du capitaine Sayogo, un an après les événements, soit au total 18 tués. C’est moi qu’on était venu chercher. Cela est lié certainement au fait que je faisais mon travail, celui d’assurer la sécurité du pays. On a estimé qu’en me laissant en vie, cela allait être dangereux. C’est une illusion des choses parce qu’il n’ y a pas plus pacifiste que “Le Lion”. Je suis un vrai sankariste bon teint. 22 ans après, c’est long mais avec le pardon qui nous anime, nous laissons tomber mais nous n’oublierons jamais car oublier, c’est falsifier l’histoire. Ce que nous n’allons jamais faire. Ceux qui empêchent les gens de commémorer la mémoire de Sankara ont peur de son âme. On ne peut pas tuer quelqu’un et refuser qu’on fasse ses funérailles. Ce serait un double assassinat.”
Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA
Source : L’Observateur Paalga du 28 octobre 2009
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Après avoir prié et déposé la gerbe de fleur sur la tombe des militaires tués le 27 octobre 1987, Boukari Kaboré, dit Le Lion, a accepté de répondre à nos questions. D’entrée, il a précisé que la tombe, ironie du sort ou caprice du destin, est située sur le site qui avait été retenu comme lieu d’implantation du Bataillon d’intervention aéroporté (BIA), lequel squattait le palais du Président Maurice Yaméogo.
Qu’est-ce qui s’est vraiment passé ce 27 octobre 1987 ?
C’est des répétitions, mais je vais seulement dire à l’endroit de ceux-là que ça indispose que nous ne soyons contre personne. En toute sincérité, l’homme ne doit jamais se fatiguer de prier pour ceux qui l’ont devancé dans la mort. Avec le temps, les sentiments de rage, de colère et de haine peuvent s’estomper, mais jamais je ne vais oublier mes hommes qu’on a tués.
C’est ce devoir qui m’amène aujourd’hui. J’ai attendu tout ce temps et je suis venu aujourd’hui, car ce jour tombe un mardi et c’est un mardi que nous avons été attaqués. C’est par suite de cette attaque que mes enfants ont été tués. On avait simulé une rébellion de Koudougou. Mais, c’est moi, le chef, qu’on était venu chercher.
Avec le recul, pensez-vous que ce qui est arrivé pouvait être évité ?
Bien sûr qu’on pouvait l’éviter. Il aurait fallu qu’on soit seulement sincère. Qu’est-ce qui nous a amenés là ? C’est un coup d’Etat. Initialement, on a prétexté que le président voulait faire un coup d’Etat. Je ne vois pas un président faire de coup d’Etat.
Il y a eu une mésentente d’accord, mais, c’est ça aussi, être démocrate, accepter la différence d’opinion. C’est le refus d’accepter la différence qui a amené l’assassinat de Thomas Sankara ainsi que les événements du 27 octobre, car nous étions contre ce coup, orchestré pour liquider Sankara.
Combien de vos militaires ont été tués au cours de cette attaque ?
Tout d’abord, nous ne voulons pas qu’on falsifie l’histoire. Mais avec ce monument, mes craintes sont fondées, car il ne comporte aucun nom, de sorte qu’on ne sait pas qui est enterré ici. Pourtant, ce sont des citoyens burkinabè qui y sont. Il faut qu’on répare cette méprise et qu’on mette l’identité de ceux-là qui sont là afin que leurs parents y viennent prier et se recueillir comme il se doit.
Autrement dit, ils sont onze (11) dont quatre officiers, à savoir deux officiers titularisés et deux élèves-officiers. A Bobo, par la suite, on a tué sept de mes éléments, ce qui porte leur nombre à 18. Je ne compte pas les autres qu’on a abattus bien longtemps après le 27 octobre pour la simple raison qu’ils étaient des militaires du Lion.
Vous avez dit que c’est vous qu’ils étaient venus chercher. Est-ce que quelque part vous vous sentiez responsable parce qu’on dira que c’est votre résistance qui a conduit à cette attaque ?
Non, pas du tout. Mon travail de commandant du BIA, qui était un corps d’élite, c’était d’assurer la sécurité du pays. Cette sécurité passe par la sécurité de celui qui commande la patrie pour qu’il soit en mesure d’assurer la sécurité et l’intégrité du territoire. Je laisse le peuple juger.
Je faisais mon travail, et c’est ce qui était peut-être gênant pour ceux qui venaient de prendre le pouvoir par un coup d’Etat. On a estimé en son temps que me laisser en vie était dangereux pour eux. Cela a été une mauvaise vision des choses, car il n’y a pas plus pacifiste que le Lion.
Vous êtes sankariste ?
Très !
Propos recueillis par Cyrille Zoma
Source : L’Obervateur Paalga su 29 octobre 2009 http://www.lobservateur.bf/spip.php?article12666