Par Merneptah Noufou Zougmoré
En 2010 nous avons eu la chance de partager le même véhicule avec un haut cadre de l’ancien Parti Africain de l’indépendance (PAI). C’était dans le cadre de la campagne pour la présidentielle. J’avais la charge au compte de l’Evénement de couvrir la campagne du candidat Arba Diallo. Un jour pendant une pause on est revenu aux souvenirs de la période révolutionnaire. Et dans le développement de ce qui n’a pas marché entre le PAI et le CNR, il n’a pas manqué de nous avouer qu’on ne finira jamais de découvrir les mystères de l’Afrique.
Il nous indique qu’après la composition du premier gouvernement de la Révolution dont il était membre, une de ses cousines qui était attachée à la consultation maraboutique avait fait venir du Mali un marabout qui était versé dans l’art divinatoire. Il avait la connaissance des astres, ce que les praticiens appellent en arabe « Bouroug » et pratiquait la géomancie par le sable pour l’éclairer sur ses affaires. Comme il venait d’avoir de la promotion après le triomphe de leur action politique, la cousine voulait qu’il consulte son gnostique rompu dans la science des choses cachées.
Par respect pour elle, il consenti un soir à la descente du travail passer voire le marabout. Après les salutations, le mystique a interrogé les astres mais les résultats ne plaidaient pas au compte du nouveau ministre. Il a dit en « bamana » qu’il y a du sang dans le nouveau régime. Par respect pour sa cousine, il a salué l’étranger en lui remettant un présent de 1000Fcfa sans croire que ses prédictions étaient sérieuses. Ce n’est que quand les membres de son parti ont commencé à avoir des problèmes avec les internements qu’il a commencé à se remémorer des propos du mystique malien. Quand interviendra le 15 octobre, il se convaincra définitivement des paroles prémonitoires de l’hôte de sa cousine.
En lien toujours avec la Révolution et les pratiques mystiques, un matin de 1985, les Ouagalais ont découvert devant le secrétariat général national des CDR un sac de 100 kilos de mélange de différents types de céréales. Le siège de CDR était situé dans l’actuel Conseil économique et social (CES) non loin du rond -point des Nations-Unies. Dans certains endroits à la même période on a vu des sacrifices des bœufs noirs. L’on se demande avec le recul si c’était des offrandes conjuratoires des ennemis de la Révolution ou bien ce sont les personnalités du pouvoir qui par ces sacrifices étaient dans la posture de se protéger.
Sur le même sujet, dans livre intitulé « Thomas Sankara 1949-1987, portrait » de Alfred Yambangba Sawadogo, il raconte des anecdotes que le président Thomas Sankara avec son humour légendaire exprimait lors d’une rencontre avec les cadres de la présidence. Le bouc noir que ses parents avaient amené du village. Il estimait qu’à ce niveau de responsabilité du pays il devait se protéger. Le rite de protection consistait en une nuit qu’on rentre dans une maison obscure pour attraper un bouc noir qu’on fait rentrer auparavant. Le président Sankara dit avoir tenter l’expérience mais l’animal est passé entre ses jambes pour disparaitre dans la cour.
Au pire moment de la crise qui annonçait le 15 octobre 1987, un ami d’enfance au Président du CNR et ministre pendant les 4 années de son pouvoir après consultations auprès des gens qui lisent dans l’avenir, lui avait demandé de commander 4 sacs de sésames à l’Ouest du pays pour les sacrifices. Le sésame a été commandé de Banfora, l’argent a été payé mais les sacs ne sont jamais arrivés.
Au cours du procès Sankara en 2021, Fidèle Kientèga, conseiller à la présidence a donné des témoignages sur ce que leur avait dit à lui et à Etienne Zongo chef de protocole, les gens de l’intérieur du pays, des choses qu’ils devaient faire pour sauver le régime et son leader. Sans souvent s’ouvrir au président Sankara, ils étaient allés devant ces personnes nanties d’autres sciences sans que cela ne puisse freiner la survenue des événements sanglants du 15 octobre 1987.
Il n’y a pas eu que ceux qui étaient dans le sillage du marxisme Burkinabè qui étaient confronté à ce syncrétisme. Au Sénégal certains maoïstes vont être accusés à leurs vieux jours de prêter allégeances aux Cheikhs et à boire leurs décoctions de protection.
A la création de l’Organisation communiste Voltaïque (OCV), les dirigeants avaient sanctionné un des leur qui flirtait avec la Rose Croix mais avant qu’elle ne se scinde en Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque (PCRV) et en Union des Luttes Communiste (ULC), le choix avait été laissé à chacun après ses convictions Marxiste-Léniniste la liberté de pratiquer sa vie religieuse et spirituelle.
Les vieux marxistes comme Adama Touré dit Lénine et Soumane Touré au soir de leurs vies ne manquaient pas à la mosquée de l’Association des élèves et étudiants musulmans Burkinabè (AEEMB) leurs chapelets à la main. On peut conclure qu’une bonne frange des marxistes africains ont pris de la distance avec l’athéisme.
La cola a une place important des prescriptions des gnostiques en Afrique. On en use et abuse dans les ordonnances après consultations des géomanciens et marabouts.
Merneptah Noufou Zougmoré


















