13 janvier au togo, 15 octobre au burkina faso : Des parallèles evidents
L’histoire est comme une plante. Si l’on ne l’arrose pas par l’enseignement, elle finit par sortir des mémoires par mourir. C’est sans doute pour cela que le 13 janvier qui représente en même temps que l’assassinat du président Sylvanus Olympio l’avènement du pouvoir d’Eyadema, et que le 15 octobre au Burkina Faso qui consacre l’accession de Blaise Compaoré au pouvoir par l’élimination de Thomas Sankara, sont célébrés chaque année. Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Au-delà de la volonté de perpétuer la mémoire des deux défunts présidents, il y a une recherche inextinguible de vérité et de justice. Voilà 45 ans que Sylvanus Olympio est mort. Depuis, sa famille et notamment son fils Gilchrist Olympio n’ont jamais cessé de demander la vérité et la justice dans cette ténébreuse affaire. Le président de l’UFC, au sortir des dernières élections, vient une fois de plus de le manifester en demandant une commission d’enquête sur les circonstances de la mort de son père : « Nous souhaiterions avoir une vraie commission d’enquête afin que les coupables soient traduits en justice ».
De l’autre côté, depuis l’assassinat de Thomas Sankara il y a 20 ans, son épouse Mariam et ses fils n’ont de cesse de demander la lumière et la justice dans cette affaire. Ils viennent aussi de le réitérer de manière forte à l’occasion du 20 ème anniversaire de la disparition de leur époux et père.
Ce que l’une et l’autre famille demandent aussi, c’est que les pouvoirs togolais et burkinabé aient plus de retenue, de respect pour la mémoire des disparus en ne se livrant pas, parallèlement à leur recueillement annuel, à des manifestations festives tout à fait déplacées. Et les opinions au Togo comme au Burkina, sur ce point en tout cas, ne leur donnent pas forcément tort, qui suggèrent que soient réservées pour de telles fêtes nationales, les dates d’avènement à l’indépendance : 27 avril pour le Togo, 11 décembre pour le Burkina Faso.
Sur ce point, il faut reconnaître qu’au Togo, la tendance est vers le désengagement du pouvoir Eyadema par rapport aux célébrations d’antan. Du temps du Général Eyadema, on avait droit à de véritables défilés et manifestations diverses perlées sur l’ensemble du territoire national. Depuis l’accession de son fils Faure au pouvoir, il y a comme un processus de reflux puisque depuis deux ans, il a décidé d’instaurer des offices religieux à la mémoire du défunt président Olympio dans le souci de promouvoir la réconciliation. Et pour le 13 janvier à venir, le fait sera consacré avec en prime un service minimum au niveau des célébrations publiques. Il n’y aura pas de grands défilés militaires et civils mais seulement des parades dans les casernes, la perspective étant visiblement ouverte pour la cessation de ces célébrations festives.
Au Burkina Faso, par contre, on a tranché par rapport à cette démarche. En témoigne l’irruption après 19 ans de réserve du pouvoir Compaoré dans la commémoration du 15 octobre. Le résultat a été visible : une gêne, une désapprobation qui fait que sur ce point, la bonne inspiration vient plutôt du jeune frère Faure que du grand frère Compaoré.
C’est vrai qu’il existe tout de même plus que des nuances dans les deux cas. Faure Eyadema n’a pas été acteur direct de l’assassinat du premier président togolais ; il en subit les effets comme par succession. Dans cette affaire Olympio, il faut reconnaître aussi que 45 ans, ça pèse dans les mémoires même si le désir de vérité et de justice reste présent. Beaucoup de témoins et d’acteurs de l’époque ne sont plus de ce monde. Des traces ont disparu. La prescription, pour certains, est d’autant plus invoquée par certains au bénéfice de la réconciliation nationale que les faits, quoique révoltants, ont mis en présence deux parties qui n’avaient pas d’affinités particulières.
Tel n’est pas le cas au Burkina Faso où Blaise Compaoré est frère d’armes de Thomas Sankara, responsable direct du 15 octobre. Tel n’est pas le cas puisque nombre d’acteurs et de témoins de ces évènements sanglants sont toujours vivants. Tel n’est pas le cas aussi puisqu’au Faso, malgré la volonté d’étouffer les procédures, elles restent pendantes notamment au plan international.
Mais quoi qu’il en soit, au moins sur la question de la célébration du 15 octobre par le pouvoir burkinabé, l’exemple de désengagement de Faure devrait faire école et peut-être le fera-t-il, à en juger par la réhabilitation du 11 décembre !
VT
Source : San Finna N°446 du 14 au 20 Janvier 2008 http://www.sanfinna.com/