Arba Diallo, Issouf Sambo Bâ : Sankara s’est laissé tromper par des opportunistes

 

Arba Diallo et Issouf Sambo Bâ sont aujourd’hui des députés du groupe parlementaire Alternance Justice et Démocratie. Comme s’assurait le Président Thomas Sankara : "les bons révolutionnaires sont ceux qui sont capables de s’adapter à toutes les nouvelles situations qui peuvent surgir." Ces deux ex-militants de la Ligue patriotique pour le développement (LIPAD et du Parti africain de l’indépendance (PAI) semblent s’adapter au contexte présent fait de démocratie libérale. Ils auraient certainement voulu une démocratie de type populaire, mais comme le disent les sages africains : "quand le fleuve se tord, le caïman aussi devrait se tordre". Dans un contexte unipolaire avec le diktat du libéralisme, peut-on se mettre en rade ? Qu’à cela ne tienne, c’est toujours des Marxistes convaincus. Ils affirment que la lecture dialectique de la société faite par Marx et Engels est toujours d’actualité. De leur participation à la révolution d’Août 1983 jusqu’à la rupture et la lecture qu’ils ont faites à la suite des événements du 15 octobre 1987, ils en ont parlée c’était au cours d’un échange avec le Libérateur, le 5 octobre dernier à Ouaga.

 Source : Le Libérateur N°41 du 05 au 20 octobre 2007

 Le député-maire Arba Diallo a connu Thomas Sankara dans les années 83 au seuil de sa prise de pouvoir. Diplomate à New-York, c’est par l’intermédiaire des camarades au pays qu’il avait suivi les péripéties de 17 mai 1983. Le 4 août 83 qui se présente comme une suite logique des événements trouve M. Diallo dans un avion qui devrait l’amener pour ses congés à Ouagadougou. Avec la situation du changement du pouvoir, l’avion est obligé de faire escale à Abidjan en attendant l’ouverture des frontières. Quand il a été possible de rentrer, il regagne Ouagadougou. C’est ainsi que les camarades du parti lui ont fait appel pour faire partie du gouvernement auquel ils devaient être membres. N’ayant pas été du même groupe d’âge que le Président Thomas Sankara, il ne l’a connu que tardivement à l’orée de sa prise de pouvoir. Quant à Issouf Sambo Bâ, sa connaissance du Président du Conseil national de la révolution (CNR) date du moment où il venait en civil suivre les meetings de la Confédération syndicale voltaïque (CSV). Pour avoir aussi enseigné pendant 5 ans au Prytanée militaire du Kadiogo (PMK) ; il l’apercevait de temps en temps dans cet établissement. Avec certainement le concours de l’aile progressiste dans l’armée, des militants PAI-LIPAD participent au gouvernement à l’avènement du Conseil du salut du peuple (CSP). Le ministère de l’Education nationale leur était destiné.

Emmanuel Dadjouari en était le ministre et M. Bâ son directeur de cabinet. A la suite du complot du 17 mai 83, qui a vu l’arrestation de Thomas Sankara, les manifestations des scolaires et des étudiants ont suscité des réactions de la part des autorités de l’époque.

Les militants de la LIPAD-PAI emprisonnés,

Elles arrêtent des militants PAI en poste au ministère de l’Education nationale dont elles soupçonnaient d’être les instigateurs des marches. C’est à l’occasion que Sambo Bâ et un certain nombre de camarades ont connu la geôle du camp militaire de Gounghin sur la route de Bobo. La Révolution voit le jour, Arba Diallo est nommé ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement du CNR. Sa nomination pour lui n’est pas une surprise : "Comme on avait suivi les événements depuis les années 83, nous espérions tous que l’heure allait venir pour que nous puissions nous mettre à la disposition d’un processus auquel nous-mêmes avions beaucoup tenu. On s’est dit que c’était l’occasion. Quand on m’a fait la proposition avec l’accord des camarades du parti, nous avons estimé que c’était une bonne occasion pour faire avancer le processus révolutionnaire dans notre pays." M. Bâ est reconduit à son poste du directeur de cabinet du ministère de l’Education nationale parce que feu Dadjouari est rappelé à la tête de ce département ministériel. Une année passée au gouvernement, de graves dissensions surviennent. Le CNR et le PAI ne parlent plus le même langage. On tente tant qu’on peut de trouver une solution jusqu’au moment où les membres du gouvernement issus de cette formation politique sont congédiés.

Nous n’étions pas contre la Révolution

Des militants avertis comme Arba Diallo avaient senti venir cette rupture : " nous avons vu venir le dénouement. D’ailleurs notre parti avait eu la présence d’esprit d’organiser un comité central au début du mois de mai 84. Quand il y eut le complot de Didier Tiendrébèogo, c’est là que nous avons conclu que la collaboration entre la LIPAD et le CNR allait être difficile. Mais nous avions continué à faire des efforts. Pour ce qui nous concernait, la collaboration allait être presque difficile, voire impossible. Nous sommes convenus de ne pas prendre l’initiative de la rupture parce que nous nous disions que somme toute, le travail de manière générale requerrait notre conviction. Même si dans les détails, il y a des éléments précis qui n’étaient pas acceptables à nos yeux. Du point de vue fonctionnement du CNR, du point de vue prise de décision, et nous avions en son temps apporté nos critiques… La crise nous avait conduits à la désunion mais nous pensions que malgré la séparation, sur les aspects fondamentaux nous étions en phase avec le CNR. Même si dans des détails, nous avions quand même des prises de position qui étaient critiques vis-à-vis de la révolution. Ces critiques-là, à tout moment, nous avons eu l’occasion de les exprimer jusqu’à ce que le CNR lui-même prenne l’initiative de la rupture. "

Après le divorce avec leurs camarades du PAI-LIPAD, la répression du CNR s’abat sur les premiers responsables de ce parti.  Beaucoup d’entre eux sont internés à Kamboisin et certains à Pô. Dans la foulée, Sambo Bâ est affecté à Tenkodogo au lycée Rialé.

L’assassinat de Marien N’Gouabi

Au cours d’une conversation avec un camarade enseignant qui était ami à Sankara dont il tait volontiers le nom, il tient à peu près ce langage : " Sais-tu comment Marien N’Gouabi a été tué ? Je veux te le raconter. N’Gouabi (l’ancien Président du Congo Brazzaville) a été tué en mars 1977. C’est un capitaine qui est venu de mission et qui dit qu’il veut le voir. Comme cet officier avait accès à la présidence, il n’y a eu aucun problème. Il rentre, trouver le commandant N’Gouabi à table. Avec plein de complicité dans son entourage immédiat, il l’a abattu devant sa table à manger. Ce complot est arrivé de l’intérieur. Ces événements étaient prévus quand il a fait arrêter Ange Diawara et sa suite. Un journaliste a dit en son temps que N’Gouabi a arrêté Ange Diawara, mais il est devenu prisonnier de son propre système et que ce système va le bouffer. " Pour le député Sambo Bâ, c’est le même scénario qui s’est produit au Burkina. La LIPAD-PAI était sincère avec la Révolution mais Sankara s’est laissé tromper par des éléments qui étaient contre la révolution. Des gens selon toujours lui, écrivaient des lettres et disaient qu’ils marqueront leur adhésion à la Révolution mais sans le PAI au sein du CNR. Arba Diallo partage le point de vue de son camarade. Lui aussi se rappelle d’un échange qu’il a eu avec Sankara après qu’on a arrêté leurs camarades dans les syndicats : " Sankara m’a appelé qu’il faut que je vienne discuter de la libération de ceux qui sont arrêtés. A l’époque, je lui ai dit, camarade Président, je suis autorisé par le comité central du PAI à vous dire que nous n’allons plus venir vous demander la libération de nos camarades. Vous les avez arrêtés parce qu’ils étaient des militants de la LIPAD-PAI. Camarade président, vous êtes le président, faites ce que vous voulez. Le jour que vous serez le seul gardien et que tout le peuple sera en prison, ce jour-là, vous allez demander qu’est-ce que vous allez faire. Je vous rappelle que la révolution, nous-y tenons, nous-y avons toujours tenue nous-y tiendrons demain, l’on ne nous trouvera jamais en train de combattre la révolution. Les ennemis de la Révolution ne se trouvent pas dans les rangs de la LIPAD-PAI mais autour de vous. Il m’a dit ce jour-là, je ne le sais que trop. " Pour le diplomate à la retraite, devenu député-maire, Sankara était sincère et il aimait son peuple. Il n’y avait pas de doute, mais son entourage a été pour beaucoup dans ce qui est arrivé à la Révolution.

Merneptah Noufou Zougmore

 

Arba Diallo : l’homme qui a vaincu le CDP à Dori

Arba Diallo est l’actuel maire de la commune de Dori, il a remportécette victoire de la mairie de haute lutte, aux municipales d’avril 2006. Challenger du Congrès pour la démocratie et le progrès, c’est dans son agglomération de Dori que l’alternance s’est réalisée aux dernières municipales. Il est par ailleurs un des députés de cette législature. Il a été élu sous la bannière du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS). Diplomate de carrière Arba Diallo a passé une grande partie de son temps avant sa retraite à l’extérieur du pays.

MNZ

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