Nous vous proposons cet extrait d’une interview de Henriette Ekwé, militante de l’UPC au Cameroun. Elle a été publiée dans un nouveau mensuel burkinabé “Mutations” apparu en août 2011 dont il faut saluer la parution tant la qualité parait prometteuse. Nous vous proposons d’ailleurs en PDF, le numéro 0 pour que vous jugiez par vous-même. Une occasion supplémentaire pour saluer la qualité globale de la presse burkinabè. Elle reste notre source principale d’information sur ce pays.
La rédaction
Le chapeau présentant l’interview
Henriette Ekwé est une femme pas comme les autres. Militante de l’Union des populations du Cameroun (UPC, parti banni par les colons et leurs successeurs), dès le lycée, cette battante a été de tous les combats pour l’avènement d’une vraie démocratie au pays de Um Nyobé.
L’Administration d’Obama ne s’est pas trompée en lui décernant cette année le prix récompensant l’engagement féminin pour la démocratie et les droits humains. C’est ce combat qui est salué également par l’association Semsfilms en faisant d’Ekwé, la marraine du festival Ciné droit libre 2011. Elle était donc à Ouagadougou et nous n’avons pas raté l’occasion d’en faire notre premier invité. Comme vous le constaterez, c’est une femme directe qui ne cache pas ses convictions. Au passage, elle fait quelques révélations sur ses rapports avec le Burkina.
Extrait de l’interview
… / …
Question : Non je ne parle pas du Cameroun, je parle de l’extérieur, est-ce que les leaders de l’UPC avaient des relations avec des dirigeants africains plus ou moins progressistes ou bien d’autres partis politiques africains qui étaient progressistes ?
Chantale Ekwé : Oui, on a eu des rapports avec Sankara qui nous a beaucoup aidé. Il y a certains de nos camarades qui ont vécu ici quelques temps. Donc Thomas Sankara a été un des piliers de notre soutien. Deuxième chose, le MPLA en Angola est entrée sur la scène internationale grâce à Philipe Kola Mounier, un dirigeant de l’UPC. L’ANC, l’ADEMA au Mali, voici quelques organisations avec qui on a collaboré. On a essayé de faire l’Alliance révolutionnaire pour les peuples africains en 1978, l’ARPA.
Et là dedans, il y avait par exemple quelqu’un qui est mort le jour qu’on a tué Sankara, qui s’appelait Patrice Zagré et qui était un des militants de l’ARPA avec un noyau de camarades Burkinabè, pour faire une révolution africaine. On était basé chez N’Krumah. Du temps de N’Krumah, beaucoup d’UPCistes étaient ces conseillers à Accra. D’autres sont allés au Caire, d’autres sont allés se former pour faire la guérilla chez nous, et quand ils ont revenus, la guérilla était déjà laminée chez nous.
Et qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils sont allés combattre en Algérie par exemple. Ils avaient fait les académies militaires en Bulgarie, en Tchécoslovaquie et autres. Donc ils sont allés servir le FLN qui était un parti allié. Donc sur la scène africaine, l’UPC a été un parti actif. Mandela a connu Mounier à Accra.
Question : Vous avez parlez de vos rapports avec Sankara. Plus concrètement, qu’est-ce que le CNR a fait pour l’UPC et vice versa ?
Chantale Ekwé : On venait régulièrement à Ouagadougou. Et sur le plan financier, Thomas Sankara nous a aidé et à l’époque, je crois avec Blaise Compaoré aussi qui connaissait certains de nos camarades qui ont fait l’Académie militaire avec lui au Cameroun, à l’école Interarmes. Cet apport financier nous a aidés à nous organiser. La révolution burkinabè a ouvert également certaines portes. Je ne peux pas vous dire toutes les portes qu’il nous a ouvertes parce que c’était clandestin, mais Thomas Sankara nous a beaucoup aidé, la Révolution burkinabè nous a beaucoup aidé.
Question : Et qu’est-ce que vous retenez de cette Révolution aujourd’hui et de son leader Thomas Sankara ?
Chantale Ekwé : Un grand homme. Vous savez, quand vous écoutez N’Krumah, quand vous écoutez Sankara, c’est la continuité d’un combat africain pour l’unité de l’Afrique, pour la justice sociale à l’intérieur des pays et pour un panafricanisme révolutionnaire. Donc ça été une révolution que nous avons ardemment soutenue si bien que lorsque Sankara meurt, on est un peu divisé. Il y a une partie qui dit qu’il est mort, mais la révolution continue avec Blaise Compaoré et d’autres qui disent non, s’il a été tué, c’est parce qu’il a combattu l’impérialisme, donc on ne peut pas accepter de soutenir celui qui a été à l’origine de son assassinat.
… / …
Interview réalisée par Abdoulaye Ly
Henriette Ekwé, militante de l’UPC (Union du peuple du Cameroun) «Sankara nous a aidés dans la clandestinité»
En 1985, lors d’une visite militante à Tripoli, nous y avons rencontré une délégation camerounaise de l’UPC. Des échanges que nous avions eues, il ressorti que les UPCistes reprochaient au Conseil National de la Révolution de Thomas Sankara, le fait de n’avoir pas cité l’expérience de la lutte du peuple camerounais à travers l’UPC d’Um Nyobé dans le Discours d’Orientation Politique. Alors que celles de l’Algérie et du Vietnam ont été citées dans le DOP. Nous avions alors argumenté que le CNR et son président ne méconnaissaient pas pour tant l’apport de la lutte émancipatrice de l’UPC au mouvement révolutionnaire africain. Nous ignorions en ce moment qu’il y avait des contacts entre le CNR et l’UPC. Les propos de la camarade Chantale Ekwé viennent nous confirmer.