Joseph Sankara, papa de Thomas est décédé le 4 août 2006. Cela fait donc 4 ans que celui qu’on appelait affectueusement le vieux est parti. Retour sur le 4 Août du père !
Le 4 août 2006, le « vieux » rendait son dernier soupir à 7h35mn à la clinique Saint-Jean de Bilbalogho. A l’annonce de son décès, son domicile à Paspanga au secteur 4, n’a pas désempli de monde. Le jeudi 10 août particulièrement, jour de son enterrement, son domicile et ses alentours a contenu difficilement, parents, amis, fidèles catholiques de la paroisse de Dapoya, hommes politiques de l’opposition, sankaristes, compagnons de lutte de son fils Thomas Sankara,… Ouagadougou a semblé s’être donné rendez-vous.
Aux environs de 14 h et quart, la cérémonie d’inhumation commença par la levée du corps au domicile, suivie de la messe de bénédiction à l’église de la paroisse Sacré-Cœur de Dapoya. C’était une célébration eucharistique en l’honneur de et pour celui par qui, Monseigneur Thévenoud a autorisé l’érection de l’église de Paspanga, jadis celle de Dapoya. Sa messe a été officiée par Monseigneur Godéfroy Marie Sankara, un de ses neveux. Celui-ci était entouré de 11 autres confrères prêtres et de l’Archevêque de Ouagadougou, monseigneur Jean-Marie Compaoré.
Elle a pris fin à 16h20 et ce fut le retour au domicile familial pour l’enterrement. Le chemin de retour était pieux, émotionnel, amusant et dansant. Amusant, parce que les parentés à plaisanterie étaient là aussi pour faire respecter la tradition. D’abord au départ de l’église de Dapoya, elles ont occupé le véhicule funèbre, prolongeant ainsi la cérémonie. « Que Dieu nous donne l’occasion de vivre encore des instants pareils », crient les uns. Pour ceux qui sont coutumiers de ces traditions de plaisanterie, ces paroles n’avaient rien de méchant. Au long du trajet, les riverains s’étaient massés qui par curiosité, qui pour voir de ses propres yeux le cortège du papa d’un homme dont l’évocation du nom n’autorise pas l’avarice en paroles (Thomas, le fils) et qui, pour saluer la dépouille.
A quelques 200m du domicile Sankara, les parentés à plaisanterie, notamment les ressortissants de Namentenga et de Niou, avaient fait encore descendre le cercueil du véhicule et exiger des droits de passage. Lentement et sous des négociations nourries d’humour, la dépouille arriva au domicile. Là, il fallait compter une fois de plus, avec la parenté à plaisanterie : un Samo prit place dans la tombe et réclama un tribut aux descendants de Joseph Sankara.
Devant la tombe et la dépouille, la famille éplorée, par les voix de Blandine et de Odile Sankara de même que les anciens combattants ont accompagné de leurs derniers mots l’illustre disparu. A 18 h, au moment où le soleil finissait sa course, Joseph prenait place dans sa dernière demeure en gardant à cœur les vœux de ses fils, filles, petits- fils et petites- filles : « merci et au revoir », « tu vas nous manquer », « salut Thomas, Elisabeth et Marguerite, tes frères Moussa, Hassane et Salam pour nous », « nous resterons une famille unie ».
L’homme, sa foi, son humanité
Fidèle catholique, il était apprécié de tous ceux qui l’approchaient. Très sociable, il était un sage notable du quartier Paspanga de Ouagadougou. Maintes et moults raisons faisaient que sa modeste demeure ne désemplissait jamais : Qui pour prendre conseils, qui pour qu’il aille lui demander la main d’une fille, qui pour qu’il résolve tel conflit, qui pour qu’il l’aide, etc.
Engagé comme catéchiste volontaire à Gaoua alors qu’il y était en service en tant que gendarme, il enseigna la catéchèse, partagea la Bonne Nouvelle de Jésus Christ avec les fidèles catholiques. Dans sa vie de croyant, il a occupé le poste de président de la communauté chrétienne de base de Paspanga. Il fut membre du conseil paroissial des laïcs de la paroisse de Dapoya.
Père du Président du Faso, il était resté dans son humble masure, vivant de sa solde de retraité et des petites recettes de sa compagne Marguérite qui vendait des condiments au yaar du quartier. La présidence de son fils n’avait aucunement influencé et à aucun moment ni son comportement, ni son mode de vie.
Joseph s’en était allé sans avoir pu organiser les obsèques de son fils Thomas dont il n’a pas non plus vu la dépouille, ensevelie avec précipitation dans un trou creusé à la sauvette, à fleur de terre à Dagnoën. Comme quoi le « vieux » a enduré des souffrances, et pas des moindres, dans sa vie. Monseigneur Godéfroy par exemple, avait fini par avoir l’impression que « la croix du Christ au Golgotha s’est transportée à Paspanga, si bien qu’on peut parler de la croix de Joseph de Paspanga ».
Joseph a connu la maladie, perdit son épouse Marguerite, sa fille Elisabeth et son fils Thomas. L’homme a senti les douleurs d’un père qui voit son fils tué par des gens qui mangeaient à la même table que lui. Ils lui ont fait établir un faux certificat de décès.
Il n’a pas échappé à l’enfer de la première guerre mondiale : balles, prison, neige et froid sur la terre des fascistes. Il a combattu pour la France. Cette France qui lui a reconnu ses mérites et dont certains des fils avait aidé à assassiner son fils.
Rien de tout cela n’a pu vaincre la forte personnalité de l’homme. La rapacité humaine a eu raison de sa famille et non pas sa probité morale. Toute chose qui lui a valu, une grande légitimité aux yeux de ses concitoyens.
Une grande rigueur morale, une parfaite tolérance et un dévouement sans faille, un homme bon, juste et généreux, tourné vers l’autre, au service de sa conviction spirituelle et de son prochain, voilà donc ce qu’était le vieux Joseph Sambo Sankara. Et Dieu lui en sait gré pour lui avoir donné une grande et riche famille composée de 9 enfants, environ une vingtaine de petits-fils et 16 arrière-petits-fils qui comblait sa vie. Monseigneur Sankara dans son homélie et Flavie Sankara qui a lu l’oraison funèbre à l’église de Dapoya n’ont pas manqué de reconnaître les valeurs humaines dont le défunt faisait preuve. Il a légué à sa postérité le sens d’une vie exemplaire, le sens d’une vie de famille, selon les témoignages de ses enfants. « Il nous laisse non pas un héritage matériel, mais un héritage de solidarité, de fraternité et d’union », avait affirmé Monseigneur Godéfroy.
Par M.N
Source : Bendré du 3 aout 2010 http://www.journalbendre.net/spip.php?article3494