Nous vous présentons ci-dessous les articles du numéro du mensuel Le Libérateur consacré au 22eme anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara.

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Du ‘’complot’’ à la “facilitation” : les mêmes bourreaux…

Que s’est-il vraiment passé ce jour 15 octobre 1987 à la Présidence du Faso?
Nous ne connaîtront certainement pas la vérité tant que Blaise Compaoré restera au pouvoir”. Et qui l’aurait cru! “Votre petit Sankara est fini. ” C’est le communiqué qui a annoncé la mort de Thomas Sankara, le 15 octobre 87.

Pourtant, quelques mois auparavant, Ouagadougou bruissait de rumeurs d’un coup d’Etat contre la personne du Président du Faso. Et Sankara, lors d’une conversation, confesse à sa femme : “Si Blaise veut me tuer, il me tuera. Je l’attendrai au ciel.”

La version officielle de la liquidation du Président Thomas Noël Isidore Sankara est la dérive dans laquelle il semblait plonger le Burkina Faso. Cette thèse officielle est aujourd’hui battue en brèche par les événements qui parlent plus que les discours : Si tant est que le Burkina plongeait dans une “dérive droitière” sous Sankara, aujourd’hui, il a atteint le fond du gouffre avec Blaise Compaoré. Lui qui, hier, “était malade et dans son lit”, lorsque le commando abattait son témoin de mariage, a retrouvé, aujourd’hui, la pleine forme. Il est devenu un “chasseur de crises”, qui propose sa “facilitation” à bon prix aux pays étrangers. Dans cette perspective, il se construit une nouvelle image internationale pour, à en croire certains Burkinabè, mieux réparer sa retraite.

Mais y a-t-il une retraite pour un Président, fût-il “facilitateur”, qui traîne
derrière lui un lourd passé, fait de putch, de trahison, de larmes et de sang? Les services que le Président du Faso propose en Côte d’Ivoire ou en Guinée suffiront-ils pour faire de lui un homme de paix? Tandis qu’au Burkina même, les problèmes demeurent.

Homme d’action et de foi, Sankara refusait la “facilitation” et proposait aux peuples africains une voie originale de développement. Lui et Blaise étaient devenus des frères. Le sens de l’amitié qui les liait était si fort que lors de la guerre des tracts dans les années 86-87, Thomas, ayant découvert l’implication de Blaise dans la rédaction de tracts fustigeant directement
le PF, aurait dit à des proches : “J‘ai peur pour Blaise. Maintenant qu’on a des preuves contre lui, il risque de prendre la fuite. Il est même capable de se suicider.” Nous étions en septembre 87. Convaincu que “du choc des idées naîtra la vérité” et croyant naïvement en la perfectibilité de l’âme humaine, Thomas va voir son ami Blaise à son domicile, “pour soutenir son moral”.

Lui-même l’avait dit dans son message d’adieu aux Burkinabè : “Ce n’est pas parce qu’un homme a trébuché qu’il est forcément incapable de marcher. Ce n’est pas parce qu’un homme a commis une faute, même prouvée qu’il est incapable de s’amender et devenir meilleur.” Si seulement son frère et ami avait compris la portée de ce cri du coeur… Lui, a préféré le cri des armes, “le chemin le plus facile” pour taire des divergences au sommet de l’Etat. Pour le pouvoir, on tua. Pour le pouvoir, on tuera…

Même si la Révolution d’août 83 avec ses “quatre bandes” n’a pas réussi de grandes performances économiques, sur le plan social, le Burkina n’aura jamais réalisé ni auparavant, ni jusqu’à nos jours, de telles performances.”Thomas Sankara laisse derrière lui des idées fortes mais simples : justice sociale, probité, moralisation de la chose publique, lutte contre la corruption, la santé pour tous, l’éducation pour tous, la nourriture, l’eau, l’habillement et le logement pour tous… Chacun vise un idéal, mais il lui en coûte de le réaliser ; il se contente alors de fixer l’horizon et d’aller à son rythme. Sankara, lui, avait voulu que tous bondissent vers l’horizon, convaincu, disait-il, que “tout ce qui sort de l’imagination de l’homme est réalisable par l’homme.” Des ambitions peut-être trop simples pour être réalisables “, conclut son ami Sennen in ‘’Il s’appelait
Sankara’’.

Parce que l’exemple du sacrifice pour la patrie devrait venir d’en haut, Sankara touche 138.736f cfa comme salaire et roule en Renault 5. La guerre des numéros était pourtant prévisible, il en a toujours été ainsi des révolutions. La nôtre ne fera pas exception. En 87, lors de son voyage en France, Chantal Compaoré confiera à un journaliste étranger : “Alors, tu as vu ton ami Thomas ? Avec lui maintenant, c’est le pouvoir personnel !” A quelques amis proches, le journaliste dit à peine : “Si Chantal dit ce que Blaise pense, il va y avoir des problèmes.” Le complot était déjà ourdi, il ne restait qu’à choisir les exécutants du jour-J. La conspiration était donc en marche! L’exécution préméditée.

Sankara n’était pas de ceux qui “facilitent leurs peuples” dans le gouffre
après leur pouvoir. L’homme a commis des erreurs. Ses méthodes parfois
incomprises n’étaient pas du goût de tous. Néanmoins, il incarne et incarnera
l’espoir à travers ce qu’on peut aujourd’hui qualifier de ”Modèle Sankara” : Rompre systématiquement avec le diktat occidental, contrairement à un “facilitateur”, pignon d’une françafrique, dans un bourbier.

Du complot à la “facilitation”, 22 ans après, Blaise Compaoré est rattrapé par ses actes. Sur le plan économique, le Burkina Faso est durement secoué par de nombreuses crises qui entravent son développement. Le fonctionnaire moyen broie du noir, tandis que notre système d’enseignement (car on n’éduque plus dans nos établissements) peine pour se redresser. Les
différents programmes et projets dans l’enseignement de base sont un prétexte pour tendre la main et renflouer les caisses de l’Etat. L’enseignement
supérieur, quant à lui, agonise sur son lit d’hôpital, attendant certainement
qu’on l’opère à Yalgado-Ouédraogo, avant de le conduire à la morgue.

Alors, en quoi le Burkina Faso de Blaise Compaoré est-il meilleur à celui de Thomas Sankara? Démagogues et autres voleurs de la République, s’abstenir de répondre à cette question. Certes, l’avènement de la démocratie aura permis à une élite de s’accaparer des ressources du pays. Le vrai complot, celui du peuple, les surprendra dans leur facilitation.

Henri Levent

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ROOD WOKO La difficile gestion des acquis de Sankara

Plus de 20 ans après la fin de la révolution au Burkina Faso, des enseignements peuvent toujours en être tirés. Contrairement à ce que les détracteurs de la révolution disent, l’opinion retient qu’en quatre années de révolution, le Faso a fait un grand pas en avant sur tous les plans.

Des acquis dont la gestion pose problème, à l’exemple de Rood woko. Les projets de développement du Burkina Faso sont tombés à l’eau avec ‘avènement du 15 Octobre 1987, date de l’assassinat de Thomas Sankara. Si les idées de l’homme continuent d’être exploitées dans la construction du pays des Hommes intègres, force est de constater que les réalisations de l’homme du 4août 1983 suivent les traces de leur géniteur. Pour ne citer que le grand marché de Ouagadougou qui est un exemple parmi tant d’autres, le constat est clair. Depuis l’incendie du marché Rood woko le 27 mai 2003, qui a été une perte pour la nation entière et les commerçants qui ont tout perdu particulièrement, beaucoup de choses ont été dites dans ce sinistre.

Le marché Rood woko a fait l’objet d’émeutes en début février 2004, ayant entraîné des scènes de pillages et des blessés graves suite a la répression par la CRS d’une Assemblée générale des commerçants.

A cette situation est venue s’ajouter la folle rumeur faisant état de la
vente du grand marché à une société étrangère. Bien que démentie à plusieurs
reprises par les autorités municipales, la rumeur persiste, les obligeant à s’activer à sa réhabilitation comme pour rassurer le public. Ces moments passés, le marché est rouvert aux commerçants par une cérémonie célébrée
en grande pompe le 16 avril 2009, soit six ans après l’incendie ayant entraîné sa fermeture.

Mais contrairement à ce qu’on pouvait croire et à ce que Simon Compaoré avait espéré, le ouf de soulagement est loin d’être au rendez-vous. Pourtant ce dernier qui se croyait au bout du tunnel ne cachait pas sa joie quelque peu éphémère. “Mes cheveux vont commencer à pousser dès maintenant“, at-
il martelé lors de la cérémonie d’ouverture de Rood woko. Mais c’était sans compter les difficultés de gestion qu’il feint d’ignorer. Les mesures prises dans la gestion du nouveau Rood woko pour “éviter de retomber dans les erreurs du passé”, à en croire Simon Compaoré, n’ont pas rencontré l’assentiment
des commerçants. Ces derniers dénoncent dès les premiers jours ayant suivi la réouverture du marché, des mesures drastiques et une gestion trop militaire du poumon économique que certains commerçants n’ont pas
hésité à assimiler à un camp.

Les moins durs se contentant de le qualifier de marché de Blancs. Raison pour laquelle, selon eux, Rood woko éprouve des difficultés à retrouver son affluence d’autre fois.

Relation de cause à effet : une nouvelle ébullition éclate au grand marché de
Ouagadougou dans la matinée du jeudi 25juin 2009. Les conséquences sont incalculables. Des engins de la police ont été calcinés, leurs services aux alentours de Rood woko saccagés et les barrières défoncées. En termes
clairs, les commerçants sont mécontents des mesures sécuritaires qu’ils jugent
drastiques, mises en place par les autorités communales.

Des mesures à l’origine, selon eux, de la morosité de leurs affaires, créant du
même coup un dilemme. Une chose est sûre, la zone piétonne du grand marché est redevenue celle des engins, au bonheur des commerçants et des usagers de la zone. Pour l’instant, c’est ” Wait and see”.

Sidpassaté

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Affaire Thom Sank : A quand la lumière ?

Vingt-deux ans après l’assassinat du Président Sankara, la vérité
et la justice restent toujours une quête permanente. Alors que les
assassins et les commanditaires de ce crime jusque-là impuni
courent toujours sans aucune inquiétude. La seule et dernière
avancée dans cette affaire, pour l’instant, reste l’ensemble des
recommandations faites par l’ONU que la justice burkinabè
devrait mettre en application.

Cela fait déjà 22 ans, jour pour jour, que des tentatives de justice pour Thomas Sankara et ses compagnons sont restées vaines. Le dossier reste toujours pendant devant les juridictions burkinabè, bien que le comité des droits de l’homme de l’ONU ait donné un verdict pour que justice se fasse dans
cette affaire. ” Le Burkina Faso a l’obligation d’enquêter et de déterminer les circonstances de sa mort, au lieu de se réduire à simplement rectifier son certificat de décès “, précise le texte dudit comité. Aujourd’hui encore, la
mise en oeuvre de ces recommandations de l’ONU n’est pas effective.

On se demande bien s’il y a une volonté politique à mettre en application de
telles recommandations. Il est connu que vouloir faire la lumière sur un crime politique du genre n’est qu’un leurre sans une réelle indépendance de la justice. Dans cette optique, la lutte pour une véritable indépendance de la justice est l’unique tournant vers la vérité et la justice sur tous les crimes impunis. Pour l’instant, la seule assurance dans le traitement de ce dossier reste le combat que mène le collectif des avocats afin de trouver les procédures idoines pour amener l’autorité judiciaire à se pencher sur un certain nombre de requêtes longtemps déposées. L’histoire enseigne que la
solution aux crimes politiques est essentiellement politique.

Gaoussnébié

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Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP, à propos du 15 octobre 87
“On ne saura jamais la vérité tant que Blaise Compaoré sera au pouvoir”

A l’occasion de la commémoration du 22e anniversaire de l’assassinat du Président Sankara, notre journal a rencontré le président du MBDHP, Chrysogone Zougmoré. Il nous donne sa lecture des faits sous le Conseil national de la révolution (CNR), sous le Front populaire jusqu’à l’avènement
de la 4e république.

Libérateur (Lib) : Après plus de vingt (20) ans, l’affaire Thomas Sankara tarde à connaître son épilogue, est-il possible que la vérité surgisse un jour ?

C h r y s o g o n e Zougmoré (Zoug) : Le dossier Thomas Sankara est aujourd’hui suivi par des avocats, je pense qu’ils sont mieux habilités à vous donner des éléments de réponses que moi. Mais comme vous parlez du 15 Octobre, je retiens qu’il fût un moment particulièrement difficile dans l’Histoire de notre pays. Il a marqué l’avènement du coup d’Etat le plus sanglant dans notre pays.

Lib : Quelle appréciation faites-vous personnellement de la commémoration du 15 Octobre par les sankaristes chaque année ?

Zoug : Pour moi et pour tous les démocrates de ce pays, le 15 Octobre reste le début d’une seconde désillusion. Il a été l’ouverture sur le Front populaire
qui n’est qu’une continuité du CNR. Le coup d’Etat du 15 Octobre 1987 a occasionné une dizaine de morts. C’est encore sous le Front populaire que Dabo Boukary et Clément Ouédraogo ont été assassinés. Le 15 Octobre reste donc pour moi un moment de réflexion sur les pistes à trouver pour que de tels régimes ne reviennent plus jamais au Burkina Faso.

Lib : La commémoration du 15 Octobre est-elle une affaire des sankaristes
ou de toutes les organisations de la société civile ?

Zoug : Le 15 Octobre est une date historique de notre pays. Elle est une affaire de tous les Burkinabè. Cependant, chacun a sa lecture de cette date. Je considère la date du 15 Octobre comme un moment de souvenir des actes de répressions. Je pense encore au fameux sous-sol et à l’assassinat de Dabo Boukary. La création du MBDHP en février 1989 répond à l’objectif de mettre fin aux dérives politiques.

Lib : Quel (s) lien (s) existe-t-il entre les assassinats du 15 Octobre et les autres crimes jusque- là restés impunis ?

Zoug : Il existe un lien entre tous les crimes commis jusque-là en politique. Ce sont tous des crimes politiques. J’appelle crime politique, tout crime commis par ceux qui sont au pouvoir.

Lib : Pensez-vous qu’un jour lumière sera faite sur tous les crimes restés jusque-là impunis ?

Zoug : Pour qu’il y ait justice sur l’ensemble de ces dossiers, il faudra un changement au pouvoir mais pas par coup d’Etat, et une indépendance de la justice. J’ai bien dit que tout démocrate devait aujourd’hui faire en sorte qu’il n’y ait plus jamais de coup d’Etat au Burkina Faso. La justice est un instrument
dans les mains de ceux qui sont au pouvoir. Nous vivons une fausse démocratie, je dirai même un Etat d’exception, et c’est aux populations de s’organiser pour imposer la marche de l’Etat.

Lib : A quand une vraie démocratie au Burkina Faso alors ?

Zoug : C’est une question de temps, cela peut durer 100 ans et même plus. Il ne faudrait pas s’attendre à la vivre. C’est un combat qui intéresse tous. Parler de vraie démocratie, c’est même relatif. Même les grandes démocraties
sont une construction permanente.

Lib : En matière de développement, est-ce que le CNR aurait-il mieux fait aujourd’hui s’il avait survécu ?

Zoug : Non, Je ne pense pas. Le développement doit être durable, il ne doit pas être un phénomène de feu de paille. Le développement sous le CNR a été un phénomène d’éclat. Où est la bataille du rail? En plus, il ne faudrait pas oublier l’exclusion des enseignants sous le CNR qui a porté un coup à la qualité de la formation scolaire. Voyez le niveau de beaucoup d’étudiants aujourd’hui.

Lib : Et si le CNR survivait, n’aurait-il pas mieux géré ses réalisations?

Zoug : Ce n’est pas sûr que le CNR aurait mieux géré ses réalisations telles
qu’il se fait aujourd’hui, soyons honnêtes. Entretemps, il y avait un début
de recul par rapport même à la révolution.

Propos recueillis par Gaoussnébié

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Thomas Sankara à la veille de sa mort : ” Les dissensions entre Blaise et moi? Cela s’arrangera… ” Interview réalisée par Dominique Lacroix.

voir à l’adresse http://thomassankara.net/?p=275

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Assassinat de Thomas Sankara, Blaise Compaoré s’explique enfin

Il s’agit en réalité du discours du 19 octobre 1987 que vous trouverez à l’adresse http://thomassankara.net/?p=720 Vous pourrez ausqsi au même endroit écouter l’enregistrement audio du discours.

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“Que sait-on de l’assassinat de Sankara”.

Il s’agit de la reprise de l’article de Bruno Jaffré de notre site à l’adresse http://thomassankara.net/?p=805 .

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Thomas Sankara : chronologie d’une vie au service des autres

IL s’agit de la reprise de la chronologie extraite de “biographie de Thomas Sankara, la Patrie ou la mort…” parue à l’Harmattan en 2007 dont vous trouverez une présentation à l’adresse http://thomassankara.net/?p=441 .
La chronologie est reprise à l’adresse http://thomassankara.net/?p=558 . Elle est actualisée au fur et mesure que nous recevons des informations permettant d’actualiser cette chronologie.

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