Thomas Sankara, “I have a dream…”
Quand on lit des livres qui parlent d’Afrique le pessimisme règne, corruption, sous-développement, malnutrition, maladies sont les mots qui reviennent.
Pourtant il y a plus de vingt ans l’Afrique a eu la possibilité de changer son destin grâce à un homme, un révolutionnaire, le Che Guevara africain, Thomas Sankara.
Le slogan des mouvements altermondialistes “un autre monde est possible” se base aussi sur l’expérience révolutionnaire de Thomas Sankara au Burkina Faso de 1983 à 1987.
La France dès 1919 s’est servie du Haut Volta (aujourd’hui Burkina Faso) comme territoire stratégique pour contrôler les autres colonies, c’était la seule utilisation possible pour un Pays dépourvu de toute matière première.
En 1960 il obtint l’indépendance et le Haut Volta fut pillé par la classe dirigeante qui prît le pouvoir, formée dans les écoles françaises.
Avant 1983 le Burkina Faso était l’un des Pays les plus pauvres au monde, sans matières premières, un médecin tous les cinquante mille habitants, une mortalité infantile du quatre-vingts sept pour mille, un taux d’alphabétisation du 2%, une espérance de vie de seulement quarante-quatre ans.
Thomas Sankara, fils d’un militaire, à trente-quatre ans prît le pouvoir pour “rendre l’Afrique aux Africains”.
En seulement quatre ans il révolutionna son Pays, premièrement en renommant le Haut Volta en Burkina Faso, c’est-à-dire le Pays des Hommes Intègres.
La corruption était, et est encore, en Afrique l’une des principales entraves à un vrai développement, juste pour en avoir une idée le défunt dictateur du Zaïre, Mobutu, avait un patrimoine personnel à l’étranger de huit milliards de dollars. En 2004 la dette étrangère du Pays était de treize milliards de dollars.
Thomas Sankara réduisit de façon draconienne les dépenses de l’administration d’Etat, qui jusqu’alors absorbaient le 70% du budget, ceux qui étaient soupçonnés de corruption étaient licenciés sur-le-champ. Il abolit toutes les voitures de fonction, lui-même arrivait aux réunions en vélo. “Nous ne pouvons pas être la classe dirigeante riche d’un Pays pauvre”, il aimait répéter. Les chefs d’Etat étrangers en visite au Burkina Faso n’étaient pas reçus dans les palais présidentiels, mais dans les villages les plus pauvres du Pays. L’un des objectifs de Sankara était de redonner une dignité aux exclus, aux paysans.
Pour ce faire il adopta des politiques impopulaires, il augmenta les prix des produits agricoles, introduisit des droits de douane, sa mission était d’arriver à l’autosuffisance alimentaire.
Le “pacte colonial” voulu par les puissances Européennes rend encore aujourd’hui beaucoup de Pays Africains esclaves du marché. Les Européens imposèrent à leurs colonies de cultiver ce dont ils avaient besoin. Au Tchad on produisait le coton, au Rwanda le thé, au Sénégal les arachides. La monoculture a mis à genou ces Pays. Chaque année le prix des produits agricoles sur les marchés internationaux descend, ainsi les Pays africains sont contraints d’importer la nourriture pour survivre, en s’endettant.
Sankara voulait fuir cette condamnation et il y arriva.
Dans les deux ans ’85-’86 le Burkina Faso atteignit l’autosuffisance alimentaire, la production de céréales toucha des niveaux record, le PIB augmenta du 4,6% par an. Sankara comprit l’importance du développement des transports et commença la construction du plus grand réseau ferroviaire du Pays. En février 2004 l’Ethiopie a vécu une terrible crise alimentaire. Des centaines de milliers de tonnes de maïs ont pourri dans les entrepôts parce qu’il n’y avait pas de moyens de transport adéquats, et entre-temps la population mourait.
Ces-ci étaient les injustices auxquelles Sankara s’opposait et il refusa l’aide internationale.
“Avec le salaire annuel d’un employé de la FAO nous pouvons construire ne école au Burkina Faso”.
La communauté internationale ne voyait pas d’un bon œil la politique de Sankara qui ne voulait pas ouvrir le marché du Burkina aux capitaux étrangers et entama une guerre ouverte avec le Fonds Monétaire International. En 1983 la dette étrangère du Burkina Faso était de 398 millions de dollars, c’est-à-dire le 40% du PIB. “La dette dans sa forme actuelle est la reconquête coloniale, la dette ne peut pas être remboursée, ce que le FMI demande nous l’avons déjà fait”.
Sankara réalisa le redressement des comptes publiques comme demandé par le FMI, mais en ne coupant pas leurs recettes de couper l’Etat providence tout en laissant intouchées les dépenses militaires.
Dans le programme révolutionnaire de Sankara les femmes avaient un rôle important et assez atypique pour un Pays africain. En 1985 il lança une campagne contre la mutilation génitale féminine, il introduisit le divorce qui pouvait être demandé par la femme sans le consentement du mari, la participation des femmes à la vie politique toucha des niveaux inespérés.
La sœur de Sankara, Odile Sankara, a continué l’engagement de son frère sur les thèmes concernant les femmes, en fondant l’association “Talents de Femmes” pour promouvoir l’excellence féminine dans l’écriture et dans les arts. Nous avons rencontré Odile, actrice de théâtre et de cinéma, à Ancona (Italie). “Le Burkina Faso n’a pas de ressources naturelles mais nous sommes riches culturellement, nous sommes soixante ethnies capables de cohabiter et porteuses de valeurs culturelles. L’objectif de l’association est de montrer la femme artiste, de la faire accepter et de valoriser la production artistique artisanale des femmes”.
Le 15 octobre 1987 l’expérience révolutionnaire s’interrompit. Thomas Sankara fut tué dans une embuscade organisée par son ami Blaise Compaoré, l’actuel président du Burkina Faso.
Aujourd’hui le Burkina Faso est redevenu un Pays “normal”. Corruption répandue, les dépenses de l’Etat ont repris à croître ainsi que la dette. Blaise Compaoré a suivi au pied de la lettre les directives de Washington, a ouvert le marché aux multinationales agro-alimentaires des OG, ce que certains Pays de comme le Zambia ont refusé, pendant que la population continue de souffrir.
Qu’est-ce qui n’a pas marché dans la politique de Sankara? Nous l’avons demandé à Carlo Batà, auteur du livre “l’Afrique de Thomas Sankara” (en Italie éditions Achab). “Il a cherché à changer les choses trop rapidement et il a sous-estimé les forces ennemies à l’intérieur (surtout ceux qui avaient le pouvoir dans les campagnes et la bourgeoisie urbaine). Informé de la tentative de coup d’état il répondit qu’au Burkina Faso il y avait sept millions de Sankara autres que lui”.
Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation auteur du livre “L’empire de la honte” (en Italie éditions Marco Tropea Editore) qui a connu Thomas Sankara, affirme qu’il n’est qu’une affaire de temps, Sankara est encore une figure très forte dans l’imaginaire collectif africain, il a été le premier altermondialiste et aujourd’hui le changement qu’il rêvait est vraiment possible.
L’Amérique Latine est en train de donner des signes d’inversion de marche, en Afrique travaillent des personnages charismatiques altermondialistes comme Aminata Traoré, le rêve de Sankara pourrait ne pas être si lointain.
Federico Bastiani
(L’original de cet article est en italien. La traduction a été assurée Antonio Mele)