Valère SOME, idéologue du CNR, que retenir de son héritage deux ans après son décès? C’est pour répondre à cette question qu’un panel a été organisé.

Valère SOME, docteur en socio-athropologie a été l’un des plus fidèles compagnons de Thomas SANKARA.Il est reconnu comme l’idéologue de son régime.

Malgré les vicissitudes et toute la répression qui s’est abattue sur lui après l’assassinat du chef de la révolution burkinabè,  son ami d’enfance, il est resté fidèle à ses convictions, à son idéal Sankariste  jusqu’au bout…jusqu’à son décès en 2017.

C’est pour rendre hommage à cet homme engagé que l’organisation de la société civile “le Bali citoyen” a tenu un panel animé par des acteurs et témoins notoires de la période sankarienne. Panel mis à profit pour revisiter la période révolutionnaire sous l’angle de la sécurité, la justice, l’administration , l’économie.

Très engagé de son vivant à la formation politique de la jeunesse, Valère (comme on l’appelait affectueusement)  laisse à la postérité une librairie dénommée “librairie millénaire” que ses amis et héritiers spirituels se doivent de pérenniser.

L’article qui suit a été tiré du journal mutations du 11 juillet 2019 et publié sous le titre “Hommage : Valère revit à travers la jeunesse” rend compte de ces activités d’hommage au défunt camarade.


A l’occasion de la commémoration du 2ème anniversaire du décès de Valère Somé, le Balai Citoyen a organisé un panel pour revisiter des pans du secteur économique, judiciaire, administratif et sécuritaire sous le Conseil national de la Révolution (CNR). L’objectif, c’est de voir dans l’expérience de la Révolution démocratique et populaire (RDP)  ce qui peut servir à la gouvernance aujourd’hui.

Quelques années avant l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014, Valère Dieudonné Somé acteur majeur de la Révolution d’Août 1983 avait entrepris de former la jeunesse militante. Avec l’appui du Balai Citoyen, plusieurs de ses jeunes qui ont bénéficié de cette formation politico-idéologique, se sont souvenus du compagnon du président Thomas Sankara, arraché à l’affection du Burkina Faso le 1 juin 2017. A l’occasion, ils ont organisé un panel avec pour intituler : « Il n’y a pas autre  voie de développement que celle tracée par la Révolution dirigée par Thomas Sankara ». Deux universitaires : le doctorant en Histoire Anselme Lalsaga et le professeur en Economie Taladidia Thiombiano, accompagné du juriste, avocat à la Cours Me Guy Hervé Kam et  l’administrateur civil par-ailleurs ministre du Travail sous le Conseil national de la Révolution (CNR) Fidèle Toé ont chacun introduit le débat selon son  domaine de compétence. Anselme Lalsaga dont la thèse porte sur la gouvernance de la période Sankara est revenu sur le dispositif sécuritaire au temps du CNR. Cette communication a pour souci d’interroger les aspects du magistère de Sankara dans le domaine de la sécurité qui peut servir de réponse au phénomène d’insécurité vécu par le pays aujourd’hui. Le communicateur dans le déroulé de son intervention a indiqué que les Comités de Défense de la Révolution (CDR) étaient le fer de lance de la Révolution. Il souligne également que pour le CNR la sécurité du peuple devait être assurée par le peuple lui-même. Par-conséquent cette tâche était dévolue aux éléments militairement formés qui se recrutaient au sein des masses populaires. Comme moyen d’action, il y avait des patrouilles régulières, le contrôle de pièces d’identité, ils étaient aussi commis à des tâches de renseignements. Toutes ces actions pour l’historien Lalsaga se menaient aux côtés des institutions classiques de sécurité qui sont la police et la gendarmerie.

Pour tester l’efficacité du dispositif de sécurité populaire mis en place sous le régime Sankara, on a simulé une nuit,  une attaque ennemie et selon le dire du communicateur du jour, les CDR ont  réagi promptement. Comme solution à la problématique sécuritaire des temps présents, la formation militaires des masses peut  permettre au peuple de réagir aux attaques selon toujours Lalsaga. Son implication dans les renseignements pourrait freiner la prolifération des armes qui est  au service de l’hydre terroriste. Pour le spécialiste de la Révolution d’Août 1983, il y aurait plus de 80.000 kalachnikovs qui circulent dans la nature. Ce nombre important d’armes sert à l’entreprise terroriste dans la sous-région. Dans un tout autre registre, le professeur Taladidia Thiombiano a bâti sa communication sur les performances économiques. Il a pendant son introduction décrit l’état de pauvreté endémique dans lequel la Haute-Volta au moment de la prise de pouvoir par les révolutionnaires vivait. Le taux de mortalité était de 180 enfants pour 1000 par ans. Le même constat était fait dans le domaine de l’éducation ou le taux d’analphabétisme oscillait entre 90 à 95% et la population avait un médecin pour 1000 personnes. La Révolution pendant les 4 années a fait face à cette situation de misère vécue par le peuple Burkinabè par diverses actions. Il a énuméré entre autre la production nationale. A travers la réalisation des chantiers comme la plaine agricole du Sourou, la construction du barrage hydroélectrique du Kompienga. Des efforts ont été consentis par le peuple à la demande de la direction de la Révolution.

L’effort populaire d’investissement (EPI), la construction des infrastructures éducatives et sanitaires par le peuple par le biais des travaux d’intérêt collectif. Sous la Révolution selon le professeur en Économie à la retraite, la croissance était de 4% mais cette croissance se faisait sentir dans le panier de la ménagère. Le prix des denrées de première nécessité avait baissé grâce à la politique de la production et de la consommation locale. Le poids contraignant de l’impôt de capitation pour les paysans était levé. Le Pr Taladidia Thiombiano indique par ailleurs que c’est à cette période que le Burkina Faso a fait l’expérience de l’auto-ajustement en se passant du plan d’ajustement du Fond monétaire international (FMI) et de la Banque mondial. L’économiste universitaire a clos sa communication par la conviction qu’il n’y a que le développement endogène qui pourra répondre aux attentes des masses laborieuses. Il a émis des craintes sur le fléau ethnico-religieux qui risque à l’avenir de miner la cohésion sociale. La Justice est au centre des préoccupations du pays et fort de cette situation, les organisateurs du panel ont voulu un éclairage sur le fonctionnement de l’institution judiciaire sous le prisme révolutionnaire par sa marche sous le CNR. Me Guy Hervé Kam qui a été soumis à cet exercice a fait l’état des lieux du dispositif judiciaire pendant le processus révolutionnaire. Il a fait étalage de l’arsenal juridique révolutionnaire qui était les tribunaux populaires de la Révolution (TPR) qui jugeaient les crimes économiques commis dans l’administration, les tribunaux populaires de conciliation (TPC), les tribunaux populaires départementaux (TPD) qui s’occupaient des problèmes dans les villages, secteurs et départements. Pour l’avocat à a Cour l’objectif de ses tribunaux n’était pas de sanctionner. Ils s’étaient fixé pour buts de sensibiliser et d’éduquer. Concernant  les TPR, il assure qu’ils étaient composés de magistrats professionnels et des compétences d’autres secteurs d’activités, ce qui est courant aujourd’hui dans certains tribunaux.

Guy Hervé Kam avoue que la Justice est en inadéquation avec le vécu quotidien des masses, ce qui fait dire que l’antienne de « Nul n’est censé ignorer la loi » ne peut être qu’une vue d’esprit dans le contexte Burkinabè actuel. Il souligne en outre qu’ayant fait partie de certaines commissions de réformes, il avait fait des propositions dans le sens de prendre en compte certaines réalités liées à la culture du pays,  mais dans la mouture finale, ces propositions ont souvent  été ignorées. Le constat qu’il fait est que la Justice n’est pas ancrée  dans la société et il y a une distance psychologique entre cette justice et les justiciables. Ce qui n’était pas le cas sous la Révolution démocratique et populaire (CNR). Pour clore la série des communications, Fidèle Toé a déroulé l’architecture de l’administration révolutionnaire burkinabè par les innovations qui ont été opérées pour la rendre performante. Ils ont procédé à une catégorisation transparente des travailleurs de l’administration par les diplômes qui leurs ont donné l’accès au travail. La gabegie, le détournement des deniers, le népotisme ont été combattus avec la dernière rigueur.

Des instruments pour plus d’efficacité dans la gestion des carrières comme la CARFO ont été mis en place sous le pouvoir Sankara. L’office de santé des travailleurs (OST) a vu le jour pendant cette période. Dans les témoignages, des acteurs clés du processus de transformation révolutionnaire comme Germaine Pitroipa est revenue sur la genèse de la Révolution qui est née des débats dans le mouvement étudiant dont le point culminant a été le tournant de la fin des années 1970 qui a accouché le Nouveau courant opportuniste liquidateur (NCOL)- M21 et le Mouvement national populiste liquidateur (MONAPOL). Elle  a martelé  que Valère Somé a été au centre du triomphe de la Révolution démocratique et populaire (RDP) qui était la thèse soutenu par l’aile de l’Union générale des étudiants voltaïque (UGEV) appelé NCOL-M21. Elle est convaincue que c’est le génie civil qui était incarné par Valère Somé et le génie militaire par Thomas Sankara en association avec d’autres militants qui ont fait triompher la Révolution le 4 Août 1983. D’autres interventions qui ont abordé la question de la paysannerie par la création du Ministère de la question paysanne, les champs collectifs institués par la Révolution ont été abordées par les témoins présents à ce rendez-vous d’échange.

Merneptah Noufou Zougmoré


Valère et les chantiers inachevés

La librairie millénaire  était une réalité. On y trouvait une gamme variée de livres et Valère Somé son promoteur disait que c’était une duplication de la librairie du 4 Août qu’ils avaient créé sous la Révolution. La librairie du 4 Août était gérée par l’actuel maire de Ouagadougou Armand Pierre Beouindé. A la librairie millénaire en plus des ouvrages, on y trouvait de la musique classique africaine et du reste du monde et l’inspirateur réfléchissait à comment partager la gamme de musique avec de tierces personnes qui étaient intéressées. Maintenant qu’il n’est plus, que deviendra cette librairie ? Le second projet qui lui tenait à cœur, c’était la création d’un café de retrouvaille des intellectuels. Un cadre qui devrait permettre aux éminences grises de disserter et tenter de trouver des solutions aux problématiques qui assaillent le pays. Un de ses héritiers politique disait qu’après ses funérailles, ils allaient donner suite à ces chantiers amorcés et qui n’étaient pas arrivés à leurs termes. Plus de 2 ans après, c’est toujours silence radio. Toujours dans le registre des chantiers, ses héritiers politiques ont décidé de consacrer un livre au maître. Sa sortie semble-t-il était imminent mais depuis des mois,  les lecteurs attendent toujours. Aujourd’hui ceux qui se réclament de l’héritage politico-intellectuel de Valère savent qu’il était chercheur en socio- anthropologie. Parmi les héritiers figurent des étudiants. Quelles suites réserveront-t-ils à ses réflexions politiques qui sont contenues dans les deux recueils de ses interviews et articles écrit dans l’organe de l’ULCR Le Patriote et dans certaines Revue spécialisées. Se proposent-ils de poursuivre la recherche dans ces réflexions ? L’héritage doit être assumé. Se rappeler de lui chaque année est une bonne chose mais parachever les chantiers qu’il avait amorcé de son vivant est encore meilleur.

MNZ

Source : http://mutationsbf.info/hommage-valere-revit-a-travers-jeunesse/.

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