Nous vous présentons ici des extraits de reportages de Monika Kabowska, une militante internationaliste qui est allée à la rencontre de diverses expériences au Burkina Faos, voir ci-dessous mais aussi dans d’autres pays.
Voici comment elle présente son projet : ” J’ai mis 6 ans à organiser ce voyage. Depuis mon séjour au FSM à Dakar en 2011, j’ai voulu revenir car j’étais fascinée par la force, l’opiniâtreté et la capacité d’organisation des militants africaines.
C’est des militantes que je voulais revoir, rencontrées lors du Forum Féministe de Kaolack pour lesquelles de nombreuses organisations féminines étaient venues avec la Caravane d’Afrique l’Ouest…
… Je m’interrogeais toujours pourquoi nous, les Européens de l’Est, nous sommes aussi perdus, aussi atomisés, aussi incapables d’organisation et de coopération, incapables de valoriser notre culture locale, notre production domestique agricole, notre histoire enfin, alors qu’elle est aussi celle de nos réalisations socialistes.” (voir l’intégrale de la présentation à http://afriquesenmouvements.com/projet/)
La rédaction du site thomassankara.net
Par Monika Kabowska (mars – juillet 2019)
La condition actuelle des femmes au pays de Sankara – l’Association des Femmes Juristes
Le premier jour nous avons rendez-vous chez les militantes de l’Association des Femmes Juristes. J’y apprends que la situation des femmes au Burkina Faso est particulière du fait de l’héritage sankariste. Il semblerait que la monogamie soit plus répandue que la polygamie et que l’accès aux études secondaires et supérieurs soit plus important que dans les pays voisins. Les militantes me donnent la brochure expliquant la loi de 2005 portant sur la santé reproductive. Les dispositions sont novatrices et radicales ! Non seulement toute violence sexuelle et atteinte au corps est interdite, mais la loi garantit l’accès à toute forme de contraception à tous et toutes à égalité. L’information sur la contraception est garantie aux jeunes. De plus ne pas se protéger alors qu’on se sait atteint du VIH est puni comme un crime, particulièrement s’il y a contamination considérée alors comme un homicide volontaire !
En Europe il a fallu de nombreux procès pour que les femmes puissent faire condamner pour tentative d’empoisonnement un homme les ayant contaminées sciemment. Les peines n’ont été que de quelques années de prison. Concernant l’avortement, même si pour moi en tant que Polonaise le droit à l’avortement concédé uniquement en cas de viol, de malformation du fœtus et de danger pour la santé de la mère est une régression par rapport à la liberté de décision que nous avions eu en Pologne Populaire, je conçois que la loi burkinabée garantissant ce droit est meilleure qu’une interdiction complète qui prévaut partout sur le continent africain sauf en Tunisie. Et puis la médecine traditionnelle est parfois plus accessible pour les femmes que les méthodes modernes. Les militantes de l’association m’expliquent leur campagne « Voie pour la Santé » sensibilisant les femmes à leur droit à espacer les naissances et à utiliser la contraception. Elles m’expliquent les « cliniques juridiques » assistant les femmes victimes de violence dans le cadre la loi contre les violences qui vient d’être adoptée.
Cette loi interdit l’excision, le mariage d’enfant, le viol conjugal, et les violences conjugales. Reste à la faire appliquer et ici comme ailleurs nous savons toutes combien il est difficile de faire changer les mentalités patriarcales. Comme chez nous l’obstacle est la peur des femmes de porter plainte de crainte de représailles. Un autre fléau est l’impossibilité de faire payer des pensions alimentaires par des hommes qui travaillent dans le secteur informel non seulement du fait de l’impossibilité de contrôler leurs revenus, mais aussi du fait de la faiblesse et de la précarité de ces revenus, indépendamment de la bonne ou mauvaise volonté des pères. Cela nous est bien connu, surtout en Europe de l’Est ou l’homme est insolvable dans son chômage et son revenu difficilement saisissable lorsqu’il émigre en Occident en quête perpétuelle de travail stable. Cependant, il n’est pas rare que les Polonaises se débarrassent aussi sec d’un homme parti en émigration qui ne rapporte pas l’argent escompté et ce sans aucun égard à ce que ces hommes peuvent subir comme exploitation en Occident.
Les féministes Burkinabées comptent en outre sur la loi sur les quotas pour sécuriser un accès des femmes aux postes politiques et changer ainsi petit à petit la structure patriarcale du pouvoir. Cela me semble réaliste étant donné le nombre important de militantes politiques dans différents partis et mouvements, comme chez mes amis d’ATTAC et au Balai Citoyen. Une femme, Assia… a même été une des leaders du soulèvement de 2014 avec sa célèbre garde montée à cheval. L’Association des Femmes Juristes est en outre membre du Réseau National contre la Corruption, de l’Observatoire du Foncier et de la coalition burkinabé pour le droit des femmes. Dans ce travail d’expertise nous nous attardons sur la question du foncier.
Si les femmes Burkinabées tout comme les Maliennes ont du mal à accéder à la propriété de la terre, combien de femmes européennes sont-elles réellement SEULES propriétaires de terres agricoles et de moyens de production ? Peut-être 1% au plus… En Europe les femmes sont propriétaires en tant que membres d’une famille et les féministes ont lutté pour le mariage égalitaire pour que la femme puisse posséder sa part des biens familiaux. Mais en Europe de l’Est, il est encore fréquent de spolier la femme de sa part d’héritage foncier quand elle est seule et sans enfants par le biais de toute sortes de manipulation.
Le meilleur karité de la région – la coopérative de Madame Ilboudo
Le lendemain nous partons avec mon camarade Souleymane 30km en moto pour la commune de Saaba, un gros bourg aux maisons alignées autour d’une joli mosquée stylée avec son petit minaret. Nous sommes guidées par Emmanuelle, étudiante en maitrise de gestion du patrimoine et spécialiste des fameuses statues qui ornent les larges avenus de Ouaga. Je brûle d’en savoir plus sur son travail. Elle nous emmène chez sa tante, Madame Ilboudo qui est spécialiste du meilleure beurre de karité que j’ai vu au cours de ce voyage
Nous sommes reçus dans la petite cour d’une petite maison sous les mangiers. Madame Ilboudo est une femme expérimentée mais alerte. Elle nous montre d’abord son panier de boules d’épices, le fameux soumbala. Et puis, son or à elle confectionné avec un savoir faire ancestral sans arrêt perfectionné. Les 5 saladiers sont remplis d’un beurre de karité onctueux comme de la crème, du beurre de la meilleur qualité. La texture est fine et aérienne, son gras léger, son odeur douce et sa couleur donne envie de le manger! Je me renseigne à nouveaux sur les étapes de fabrication, consciente que les petits secrets de production de chaque femme ne doivent néanmoins pas être dévoilés aux profanes. Madame Ilboudo me montre le 4 grandes jarres en terre cuite ou les noix de karité réduites en poudre chauffent pendant des heures au feu de bois. La jarre au contenant foncé est la première étape de fabrication. Lorsque le karité finit par lâcher sa graisse il prend alors une agréable couleur marron clair et une douce odeur de chocolat ainsi qu’une texture de crème: Mais auparavant, les noix décortiquées qui s’empilent dans un grand sac de toile doivent être séchées pendant des heures au soleil sur une natte propre. La productrice étale les noix, me montre comment les piler sur un mortier avec un pilon en bois. Elle rit quand je m’y essaye. C’est là qu’elle me dit que les jeunes filles trouvent humiliant ce type de travail physique. Moi je trouve que le fruit sec s’écrase facilement et que ce n’est pas plus dur que les heures passées à décortiquer les noyaux de cerises pour les confitures de ma grand mère, des heures assise sur un petit tabouret sous les arbustes à ramasser un à un les fruits du cassis ou de groseilles, ou à éplucher et laver les légumes destinés à être mis en bocaux, ces heures que j’ai passées avec ma grand mère, mes tantes et ma mère presque tous les étés. Cependant ma grand mère était charitable avec les jeunes générations. Une fois le coup de main donné aux femmes nous pouvions sortir jouer et courir dans les champs. Jamais je n’ai méprisé cet admirable travail de conserverie domestique qui nous permet de maintenir notre culture et nous a permis de survivre aux différentes disettes des plans d’ajustement structurels du capitalisme.
J’admire le travail minutieux et inventif de Madame Ilboudo d’autant plus que je connais maintenant sa valeur. Avant d’acheter une provision conséquente de ce produit magique qui m’enlève tous les maux, des brûlures aux vergetures, je suis mon camarade militant qui m’indique dans la cour un grand arbuste ressemblant à un noyer. C’est le coton domestique, la plante endémique d’ici. Il me montre la petite fleur jaune et déjà le fruit d’où s’échappe le moelleux blanc du coton. « Cela pas du OGM, c’est notre coton et notre fierté » – Souleymane m’emmènera tout à l’heure visiter la coopérative Africa Tiss qui tisse les fibres solides et légères de ce produit qui ne ressemble en rien au coton industriel que nous portons en Europe.
Nous discutons aussi de la nécessité pour le magnifique karité de Madame Ilboudo et de sa coopérative de femmes Kalgonde Na Pooknini qui signifie « s’éveiller » en Moré, de disposer de jolis emballages pour pouvoir faire un commerce direct. Hélas le consommateur européen blasé n’achète pas de cosmétiques meme bio s’il n’est pas attiré par un emballage coloré. Je pense à une boite en bois ou en vannerie avec écrin en tissu qui pourraient remplacer avantageusement le plastique.
Afrika Tiss, coopérative écologique de tissage
Enfin Souleymane m’emmène à Afrika Tiss, une coopérative de tisseuses qui réalise les fameux tissus Faso Danfani à partir du coton biologique filé dans l’entreprise toujours étatique Fasofil. Dans une cour ombragée une quinzaine de femmes travaillent sur des métiers à tisser en bois, du plus petit au plus grand qui prend presque toute la largeur de la cour, selon la longueur du tissu désiré.
Je suis subjuguée par les couleurs magnifiques, du bleu indigo pur, du jaune orange doré, du blanc crème, et du rouge pourpre. La coordinatrice de projet Véronique Ouédraogo arbore une robe splendide taillée dans un tissu bleu, noir et blanc qui est exactement tout ce que j’aime pour les étés de Pologne ou de Méditerranée. Le tissu est solide, comme d’un fil indestructible et léger à la fois. Rien en commun avec les tee shirt chinois dont nos marchés sont remplis. A Ouaga même le vendeur de tee shirt avec le portrait de Sankara réalise les impressions sur du tee shirt chinois ce qui met en colère mes amis militants qui rêvent d’un militantisme soutenant les produits locaux.
Les femmes d’Africa Tiss travaillent ensemble et mettent plusieurs jours ou semaines à réaliser une pièce. Ce travail d’artiste devrait être payé à sa juste valeur, c’est pourquoi une Française, Monique Clapette, a organisé en 2013 un circuit de vente en commerce équitable. La boutique de produits Afrika Tiss se trouve à Paris dans le fameux centre alternatif Les Grands Voisin du 14ème arrondissement. Je me promet d’y aller mais j’aurais également aimé commander un tissu pour une robe auprès d’une tisserande dont nombreuses sont celles qui travaillent dans leur maison.
Je n’en aurai pas le temps mais mon ami Rasmata me fait cadeau de son tissu noir, bleu et lilas parfait pour un tailleur léger pour les jours et les soirées d’un été européen. Heureuse du cadeau de mon ami, je met en route avec Souleymane, et avec émotion pour rencontrer la sœur de Thomas Sankara, Blandine Sankara dans son centre agro-écologique Yelemani.
Yelemani – le Centre d’agroécologie de Blandine Sankara
Blandine Sankara accepte de me recevoir dans son célèbre centre agroécologique. Nous traversons à moto 60 km de banlieues campagnardes de Ouaga. Je ressens une certaine appréhension car Blandine Sankara est une personnalité et mes rencontres avec les personnalités ne se sont pas toujours bien passées, contrairement à mes rencontres avec les gens simples, amis militants de base ou femmes productrices locales. Appréhension inutile car Madame Sankara est une personne affable et sympathique. Elle a mon âge et représente cette génération révolutionnaire des années 80 qui a grandit dans des espoirs immenses et a dû se mesurer à la mort, à l’injustice et à la violence du système d’exploitation mondialisée.
Dans cette terre de désolation après la perte « non seulement d’un grand leader, »- le souligne -t-elle- « mais d’un frère aimé, d’un être cher », elle a reconstruit ce qu’elle a pu sur les ruines en partant de la base de survie, de la terre nourricière. Mais avant d’aborder les questions douloureuses et les problèmes politiques actuels, nous visitons le Centre Yelemani pour la Souveraineté Alimentaire (voire le site à https://www.yelemani.org/). C’est un grand terrain clôturé ou les deux entrepôts à outils et la grange de stockage jouxtent des parcelles de terre soigneusement cultivées. On est dans la saison de repos, la saison de maraichage s’étendant, contrairement à mes habitudes européennes, du mois d’octobre après la saison des pluies à février, la saison des récoltes.
« Actuellement c’est la saison des céréales, les 6 femmes membres de la coopérative cultivent leur propre champ de mil, de maïs et ne viendront s’occuper des légumes qu’une fois leur récolte ramassée et vendue » nous explique Madame Sankara. L’association comprend des coopératrices mais aussi des salariées et des stagiaires étudiants en agroécologie. Son but est de montrer que l’agroécologie, la culture sans pesticide, est viable et possible, peut nourrir les familles et même tout un peuple, surtout sur ces terrains proches d’un barrage et propices à la culture des légumes. La terre est rouge et grasse mais le terrain avait été abandonné et il a fallu le défricher. Pour cela Blandine Sankara a dû murir son projet longuement, bouger les autorités, trouver les bonnes personnes et les convaincre de participer.
Nous en discutons assis sous le toit en chaume d’une petite salle aux bancs en bois qui sert de centre de formation aux coopératrices. Il n’a pas été facile de consituter l’équipe du projet car l’individualisme, ce poison capitaliste, et croyance que la survie ne peut etre assurée qu’indivuellement, touche la société burkinabée comme les sociétés européennes. La première équipe de femmes contactée par le biais des autorités a rapidement jeté l’éponge, déçue de ne pas accéder facilement à un argent susceptible de changer radicalement leur vie en augmentant leur pouvoir monétaire. Le but du projet était tout autre. Il s’agissait de vivre correctement de l’agriculture pour convaincre les jeunes qu’il est vain de chercher une fortune aléatoire dans la ville alors que le moyens de production des richesses est sous leur pieds, leur terre. Peut être que les autorités, ne voulant pas faciliter la tâcher à la porteuse d’un nom si célèbre, aient craint que la réussite du projet ne soit un menace à leur pouvoir et n’aient pas désigné les personnes appropriées. Finalement, le bouche à oreille, le contact de femme à femme a eu raison des oppositions politiques. Des femmes solides ayant besoin d’un revenu stable ont finalement constitué l’ossature de la coopérative. Au Burkina Faso comme partout, la classe moyenne achète des produits industriels dans les supermarché vantés par la publicité tandis que les politiques imposent les cultures de rente au détriment des culture vivrières locales. Yelemani propose la démarche inverse : produire des légumes bio de façon écologique, avec des méthodes traditionnelles renouvelées par l’échange d’expériences d’horizons divers afin de vendre les produits à la ville à un prix permettant aux productrices de vivre et de ne pas brader leur savoir faire.
C’est bien du produire local et consommer local si important pour l’écologie, la lutte contre la sécheresse et le changement climatique dont il s’agit. Yelemani est une espèce d’AMAP burkinabè avec un usage collectif de la terre sous forme associative. Les femmes savent cultiver la terre de façon traditionnelle, elles assimilent vite les nouvelles techniques dispensées par des chercheurs en agroécologie qui viennent régulièrement enthousiasmés par le projet. Blandine nous raconte les expérimentations réalisées récemment par des étudiants doctorants latino américains sur le quinoa menées sur une autre parcelle de l’association. Yelemani est aussi un centre de recherche alternatif ouvert à ceux et celles qui luttent pour la souveraineté alimentaire.
Je pense à ma terre natale, à la terre de mes grands parents à Tarnobrzeg, à mon jardin d’éden d’enfance regorgeant de cassis, groseilles, fraises, prunes, cerises griottes et pommes que nous travaillons à ramasser tout l’été. Je parle de cette terre grasse et fertile pour laquelle les paysans polonais ont lutté des centaines d’années pour les arracher aux mains des seigneurs, et qu’ils ont fini par obtenir par la construction de la Pologne Populaire et la réforme agraire de 1946. Je pense au travail collectif familiale et l’entraide de voisinage typique de ces villages traditionnelles encore dans les années 50 et 60 et son prolongement, la construction collective et familiales des maisons, en bois puis en brique. Mais je dois aussi raconter à Blandine que tout cela n’est plus. Dans le capitalisme les paysans ont perdu le poids politique et le respect qu’il inspirait au parti communiste. Ils ont du fermer les exploitations du fait de la concurrence étrangère. La terre en friche pendant 15 ans est passée pour une obole aux mains d’oligarques qui l’exploitent avec les subventions européennes pour des cultures industrielles. La terre de ma grand mère est en friche depuis 20 ans et je suis en passe de me faire déposséder de cette terre par les violences et les manipulations familiales qui visent en faire propriétaire mon cousin, seul garçon de la famille, afin qu’il vende la terre aux oligarques et puisse payer son crédit immobilier à Varsovie. Les femmes et la terre sont les ressources naturelles premières spoliées par le capitalisme.
Blandine nous raconte comment lors de ses études en Suisse elle avait compris que seul un projet concret pouvaient démontrer que les cultures à l’exportation sont un outil de domination impérialiste et une dépossession des paysan/es de leur terre et de leur savoir faire. Un tel projet devait cependant avoir l’adhésion de classes urbaines consommatrices qui trouveront leur compte dans une nourriture locale saine et bon marché. Blandine Sankara s’est alors lancée dans la contruction de Yelemani. Bien entendu, sans investissement initial il est impossible de d’ouvrir une exploitation agricole ex nihilo. Elle a obtenu en Suisse un soutien financier et technologique pour le puit et le réservoir d’eau fonctionnant à l’énergie solaire, indispensable à l’arrosage des légumes. Par la suite il a fallu aussi démarcher un à un les réseaux de classe moyenne urbaines et leur livrer en voiture les panier de légumes. La vente fonctionne toujours ainsi mais de plus en plus de consommateurs souhaitent centraliser l’achat de produits locaux dans un marché bio à Ouagadougou ce qui permettrait aux productrices d’avoir un revenu stable et inciterait davatange de personnes à croire au projet. Je parle à Blandine de Madame Traoré et du fait qu’une telle productrice locale serait tout à fait intéressée par un stand ou une boutique pour sa nourriture maison.
Je suis en admiration devant la ténacité de Madame Sankara, sa patience et sa détermination. Elle met en place à son échelle ce que son frère avait commencé à construire pour le pays : l’autodétermination alimentaire, la clé de l’indépendance réelle. Les courgettes et les aubergines grandissent, les salades sont variées et touffues, le basilic est odorant, l’ail et les oignons verts s’épanouissent. Le jardin produira aussi des tomates, des carottes, des pommes de terre, des radis, du piment, des poireaux, des betteraves, des haricots et des choux. Au loin poussent mes chers arbres à karité. Blandine évoque aussi des ruches à miel, le projet d’élever des animaux, de produire et de vendre du fromage de chèvre… Elle nous donne de magnifiques salades et le basilic à l’arôme puissant.
Mais le projet est également politique. Yelemani anime des ateliers dans les écoles au sujet de la souveraineté alimentaire. Un concours a permis aux enfants des villages de comprendre que leur propre connaissance de l’agriculture est une valeur importante dans la société. Le chantier est vaste et dépasse les possibilités d’une seule structure locale. Blandine n’évoque que pudiquement les luttes politiques qui ont mis à bas le régime de celui qu’on considère au Burkina comme l’assassin de son frère. Les jeunes du Balai Citoyen et en général les Sankaristes saluent son travail. Yelemani participe à toutes les luttes contre l’accaparement des terres, contre les OGM et pour la souveraineté alimentaire. Mais la meilleur façon de rendre hommage à Thomas Sankara serait de réaliser sa politique afin que le pays entier puisse consommer ses produits, les valoriser avec fierté sur le marché international et en tirer les revenus nécessaires à son indépendance. Je pars d’ici le cœur rempli d’espoir devant tant de belles personnes qui ne baissent jamais les bras et luttent tous les jours pour leur idéal. Nous nous arrêterons en chemin pour acheter un excellent pain cuit dans la boulangerie d’un centre agricole catholique,avant de participer le soir même à la projection du film sur Thomas Sankara organisée par le Balai Citoyen dans le quartier de Dagnoen qui jouxte le cimetière ou Sankara avait été officiellement enterré.
Source : http://afriquesenmouvements.com/