Une mémoire vivante ? Quelques réflexions a propos de la commémoration du premier anniversaire de la mort de Thomas Sankara
Etienne Leroy
Cet article est extrait du numéro 33 du mois de mars 1989 de la revue Politique Africaine. Vous pouvez en charger une version PDF sur le site de la revue à l’adresse http://www.politique-africaine.com
La commémoration de la mort de Thomas Sankara n’est pas passée inaperçue dans la presse internationale. Entre autres initiatives, l’Association international Thomas Sankara, dont le siège est à Genève*, organisait un colloque, le 15 octobre 1988, dans les locaux de l’université de Paris XII a ,Créteil, sans sacrifier à la langue de bois universitaires ni au culte funéraire du héros.
Certes, la photo de « Thomas » était omniprésente, affichée sous le meilleur profil. Mais cette présence “magnétique” ne fut accompagnée d’aucun « griotisme ». Si certains Burkinabè présents restent légitimement orphelins, ils ont eu, depuis un an, le temps de situer l’évènement dans son contexte : moins la décolonisation, le socialisme ou la révolution que la difficile construction de l’Etat.
Au fil des interventions du récit émouvant des circonstances du massacre du Conseil de l’entente à Ouagadougou au rappel des contradictions de l’homme et de l’œuvre il est apparu que la difficulté sur laquelle a buté Sankara était l’impossibilité de transposer dans le contexte burkinabè ce qu’il avait vu fonctionner au Maroc ou en France ou ce qu’il avait tout simplement rêvé. Son problème n’était pas seulement de faire une révolution sans révolutionnaires, ce qui, déjà, pose la question de la capacité à initier le changement, mais, surtout, de savoir vers quoi aller, vers quelle société tendre, quel pouvoir mettre en place.
Les interventions les plus appréciées, au moins à l’applaudimètre, ont montré que si Thomas Sankara disait avoir une totale confiance dans le « peuple », l’inverse n’était pas vrai, non par absence de charisme mais parce que le « peuple » n’existait que dans l’imaginaire de Sankara et que la société « civile » reste profondément hétérogène. Certains orateurs nous ont permis de mieux comprendre que « le peuple », « la nation », l’Etat » on la « révolution » sont des abstractions étrangères à celles qui prédominent encore dans les représentations politiques, spontanées. La force (Nam), les ancêtres, l’honneur sont des références toujours vivaces et le seul métissage fécond entre les valeurs morales endogènes et l’ideal démocratique de gestion administrative parait avoir été la primauté de l’intégrité.
A travers l’attaque des forces syndicales, des tendances politiques concurrentes et de ” tout ce qui était institutionnalisé ” pour reprendre l’expression d’un intervenant, l’échec de l’expérience de Sankara n’est-elles pas liée à son « jacobinisme », c’est-à-dire à son incapacité de penser l’État de manière « pluraliste ».
Se refusant à n’être qu’un proconsul et sans soutien initial des forces sociales, sans doute avait-il obligation à faire fonctionner l’État postcolonial. Mais n’était-ce pas, ce faisant, s’interdire toute innovation et détruire l’espérance dont il était porteur ?
Le diagnostic est séduisant. Reste qu’aucun leader n’a réussi dans l’Afrique contemporaine à échapper au legs de l’Etat .Ce constat n’excuse pas les erreurs de Thomas Sankara mais souligne la gravité du problème de la construction de l’État, problème auquel restent affrontés la quasi-totalité des pays au sud du Sahara.
Etienne Le Roy
Université de Paris I
Laboratoire d’anthropologie juridique
SOURCE: http://www.politique-africaine.com
> “Une mémoire vivante ? Quelques réflexions a propos de la commémoration du premier anniversaire de la mort de Thomas Sankara” de Etienne Leroy
CERTES LA QUESTION DE L’ETAT DE LA NATION DISONS DE L’ETAT-NATION RESTE TOTALE, NON SEULEMENT AU BURKINA MAIS PARTOUT EN AFRIQUE ET AILLEURS D’AILLEURS
AU BURKINA ALORS QUE SANKARA ETAIT SUR LE POINT D’INITIER CETTE CONSCIENCE? LA SOI DISANT ELITE N’A PAS ACCEPTE PERDRE SES AVANTAGES DE LETTRéS DANS UN PAYS DE PAYSANS ANALPHABETES ILLETRéS. SANKARA EST MORT DE L’EGOISME DE L’ELITE TOUT COMME TOUTE L’AFRIQUE SE MEURT DE L’EGOISME DE SES ELITES.
GRANDCAMARADE