Adieu Excellence Bassirou Sanogo
Comment j’ai pu être proche de l’Ambassadeur Bassirou Sanogo ? Mon téléphone a sonné un jour et quand j’ai décroché, la personne au bout du fil s’est présentée. Bassirou Sanogo, c’est Ousmane Paré de Oméga qui m’a donné votre numéro et moi de répondre je vous connais excellence.
Il semblait étonné. Je lui ai rappelé son ouvrage sur le football et son passage à l’OBM organisation d’auto-régulation des médias. Lui avait lu un papier que j’avais écrit sur l’histoire de Alpha Condé dans le mouvement étudiant et son séjour sous la Révolution démocratique et populaire (RDP) et il avait marqué de l’intérêt de discuter avec moi. Il m’indique sa maison et depuis la première rencontre, j’ai toujours trouvé du temps pour lui rendre visite.
Le jour que je me dégage pour aller échanger avec l’ex Ambassadeur du Burkina Faso en Algérie, je me débrouille pour que ce soit le seul agenda du jour. Il est arrivé que je parte chez lui à 13 heures pour ne me lever qu’à 19 heures. Quand je demande la route, nos apartés peuvent continuer devant la porte pendant encore une trentaine de minutes.
Nous avions un même dada : le goût de l’Histoire et une grande passion pour le livre. Sur l’Histoire, il m’a édifié sur la trajectoire de la communauté Marka, la vie, la grande sagesse et l’influence de Karamokoba Sanogo sur la communauté musulmane de la sous-région Ouest-Africaine de son époque. Les mosquées dont l’âge dépassent la Mosquée de Dioulassoba en pays Dafin. Son séjour ouagalais dans sa prime jeunesse, ses années collège de La Salle avec ses aînés comme Paul Ismaël Ouédraogo, l’ancien président de la Transition Michel Kafando, de l’Ambassadeur Anatole Tiendrébeogo… m’étaient racontés avec fort détail.
Pour les livres, j’ai pu lire dans sa bibliothèque la collection JA , l’édition des livres sur l’Histoire contemporaine de l’Afrique que Jeune Afrique avait éditée. C’est par lui que j’ai commencé à pratiquer Mamadou Dia, l’ancien président de Conseil sous le magistère du président Poète Léopold Sedar Senghor. A sa sortie du bagne de Kédougou après les événements de 1962, il a publié un livre intitulé « Afrique le prix de la liberté ». A la suite de cet ouvrage j’ai lu bien d’autres ouvrages sur Dia et le dernier est l’œuvre de son directeur de cabinet Roland Colin titré : « Sénégal Notre Pirogue : Au Soleil de la liberté. Journal de bord 1955-1958 ». Aragon, un auteur majeur, la rencontre entre André Malraux et le général Charles De Gaulle après son retrait de la vie politique consigné dans un ouvrage, mon assiduité de rentre visite à Bassirou Sanogo m’a permis la lecture de tous ces auteurs.
Nos échanges politiques le replongeaient dans ses années d’études en France, son militantisme à l’Union générale des étudiants voltaïque (UGEB) et à la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Les luttes de doctrine entre militants d’une même organisation qui se sont soldées par la scission en 1979. Les dessous de ces querelles entre personne que je garde pour moi et la poursuite de ces bagarres dans le paysage politique et syndical quand ils sont revenus au pays.
Bassirou en plus d’avoir été praticien de l’information à la Radio et à la télévision, bénéficiera l’expérience dans les organismes internationaux. Il y effectuera un long séjour, tout en travaillant clandestinement avec Thomas Sankara pour l’avènement d’un changement qualitatif et quantitatif au Burkina Faso. Il a connu Thomas Sankara par le truchement d’une de ses sœurs qui était amie à Mariam, l’épouse du futur capitaine-président. Il avoue qu’avant la rencontre avec le futur président du Conseil national de la Révolution (CNR), il l’assimilait à un officier populiste un peu comme on en avait dans l’Afrique de l’époque.
Mais les missives suivies et les rencontres qu’ils auront lui permettront de cerner véritablement l’homme. Peu après l’avènement de la Révolution démocratique et populaire (RDP) on lui confie avec Sidiki Daniel Traoré et Hien Kilmité la rédaction des statuts des comité de défense de la Révolution (CDR). Il organise également la communication de la Révolution à la Radio avec d’autres camarades. Les autorités nouvelles vont lui confier le poste d’ambassadeur en Algérie. Période d’austérité, il ploie sous le poids du travail, avec un personnel très réduit. Pleine d’anecdotes m’ont été racontées par Bassirou sur son passage à la représentation diplomatique du Burkina en Algérie. Les rapports des autorités du Burkina Faso et le président de l’Algérie de l’époque Chadli Bendjedid, Ses voyages au Sahara Occidental et les rencontres avec certains groupes qui recevaient le soutien de l’État algérien mais qui n’étaient pas diplomatiquement fréquentables resurgissaient de ses souvenir du temps qu’on lui avait confié l’ambassade dans ce pays du Maghreb.
Quand Blaise Compaoré a mis un coup d’arrêt au processus révolutionnaire, il est convoqué au pays. Il rentre mais ne pourra plus repartir à son poste. Son second à l’ambassade fait sauter le verrou de sa maison et jette ses bagages dehors. Il n’aura plus jamais l’opportunité de retourner les chercher et pire, il est alpagué par les « rectificateurs » pour un séjour des longs mois en prison. A sa sortie, il loge quelques moments chez Mamadou Traoré dit Madou CDR, avocat connu aujourd’hui. Il refusera de collaborer avec le Front Populaire à l’appel des amis comme Oumarou Clément Ouédraogo qui y étaient, et la traversée de désert va commencer.
Bassirou Sanogo parviendra à se soustraire de cette maille en se lançant dans la consultation et dans la vie associative. Il anime une association qui intervient dans le domaine de l’environnement. Le mérite de l’association est connu à l’international et elle est lauréate de plusieurs prix. Dans ces derniers temps, il s’est investi dans le domaine de la culture à travers une structure internationale appelé Dafina Lonko. Il a également appuyé une association qui fait la promotion de l’œuvre culturelle de Nazi Boni.
Il y a quelques mois, il était au Ghana avec un de ses frères. A son retour il m’avait fait le point de son voyage avec enthousiasme parce qu’il avait découvert une importante communauté Marka dans ce pays. Cette communauté semble avoir gardé la langue dafin dans sa pureté. Je lui avais suggéré de démarcher les anthropologues pour un travail de recherche sur la diaspora marka.
Le samedi dernier comme à mes habitudes, je lui fais un appel Wathsapp pour lui dire que je vais passer à la maison. Il me signifie qu’il ne se sent pas et qu’il serait intéressant que je l’appelle lundi. Mes courses ne m’ont pas permis de le faire et le mardi 24 septembre 2024, la triste nouvelle tombe. L’Ambassadeur Bassirou Sanogo n’est plus. La mort mange l’homme mais pas sa renommée. Ton projet de livre est resté en Chantier, l’homme propose et Dieu dispose. Que la terre te soit légère. Tu Resteras à jamais dans nos cœurs.
Merneptah Noufou Zougmoré