Le retournement de l’ONU dans l’affaire Sankara. L’analyse des journaux du pouvoir, l’Opinion et l’Hebdo.
Ces deux journaux, notoirement comme proches du pouvoir mais liés à des clans différents, se satisfont bien sur de la décision de l’ONU d’avril 2008 qui se dit satisfait désormais des réponses du pouvoir après la décision qui le condamnait en avril 2006.
Nous vous rappelons que notre site a publié une analyse de cette décision à l’adresse http://thomassankara.net/?p=0569 .
Nous publions par ailleurs une interview de maitre N’Kounkou à l’adresse http://thomassankara.net/?p=0575 .
Chacun pourra faire son opinion de la bonne foi des uns et des autres.
Plainte de Mariam Sankara contre l’Etat burkinabè : Echec et mat !
L’Hebdo N° 472 du 9 mai 2008. Source : http://www.hebdo.bf/spip.php?article349
Dans un article publié dans « L’HEBDO DU BURKINA » n° 446 en date du 02 novembre 2007, nous nous étions évertué à démontrer que l’ONU n’a jamais demandé l’ouverture d’une enquête ni la tenue d’un procès dans ses recommandations suite à la plainte de Mme Sankara. Bien que notre analyse fut entièrement fondée sur l’esprit et la lettre des recommandations du comité des droits de l’homme de l’ONU, saisi dans cette affaire, il s’est trouvé des lecteurs sceptiques pour pousser des urticaires sur notre supposée partialité.
Mais voilà que le comité des droits de l’homme de l’ONU a enfoncé le clou lors de sa 92e session qui s’est tenue du 17 mars au 04 avril dernier. En effet, dans une note adressée à la Mission permanente du Burkina Faso auprès de l’office des Nations unies à Genève, il déclare littéralement : « le comité considère le recours de l’Etat partie (Burkina Faso) comme satisfaisant aux fins du suivi de ses constatations et n’a pas l’intention d’examiner cette question (la plainte de Mariam Sankara) plus en avant de la procédure de suivi. » Le comité des droits de l’homme de l’ONU s’est félicité par ailleurs de la réponse de l’Etat quant à ses recommandations en rappelant à toute fin utile que ses « décisions ne sont pas susceptibles d’appel et qu’il en est de même de ses recommandations ».
En vérité ces conclusions du comité onusien sont un cuisant revers pour les auteurs de la plainte contre l’Etat burkinabè, leurs avocats et leurs soutiens de tous horizons. Eux qui espéraient que ce dossier reste une « affaire pendante » ad vitam aeternam devant les instances compétentes de l’ONU doivent contre mauvaise fortune faire bon cœur. Pourtant, si l’on peut s’autoriser à comparer tout le bataclan fait autour du dossier Thomas Sankara à l’ONU à un jeu d’échec, on dira tout simplement que pour les plaignants, c’est échec et mat ! Et comme la répétition est pédagogique, nous ne bouderons pas le plaisir de republier l’article que nous avions écrit sur le sujet en novembre 2007. Bonne lecture ou relecture.
L’ONU n’a jamais demandé l’ouverture d’une enquête ni la tenue d’un procès
Au Burkina ils sont nombreux les dossiers judicaires fortement instrumentalisés par l’opposition politique qui ont cessé depuis lors d’être de simples dossiers en justice. Actualité de l’anniversaire du 15 octobre 1987 oblige, le dossier sur la mort tragique de Thomas Sankara est revenu à la Une de la presse. Voilà une affaire qui depuis fort longtemps a cessé d’être un problème juridique pour se noyer dans les dédales de l’instrumentalisation politique. La famille biologique et politique du défunt président tire et tire sur la corde pour des raisons que l’on devine aisément.
En effet, on connaît toute la passion, l’acharnement et l’agitation oppositionnelle et haineuse qui accompagne chacune des péripéties qu’a connues ce dossier en justice. C’est ainsi que sans qu’on ne soit sûr que toutes les voies de recours aient été épuisées en interne, Mariam Sankara et ses enfants ont été poussés par des milieux nationaux et étrangers hostiles au régime de Blaise Compaoré à saisir l’ONU en mars 2003 sur la question. Et c’est au Comité des droits de l’Homme onusien qu’est revenu la responsabilité d’étudier la plainte de Mariam Sankara contre l’Etat du Burkina Faso. Mais au contraire de ce que laissent supposer les déclarations répétées de la famille Sankara et de leurs avocats, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies n’est pas un tribunal pénal international qui a jugé et condamné l’Etat du Burkina avec les contraintes de la chose jugée.
Les principales recommandations du Comité onusien
Il est bon de rappeler que le Comité des droits de l’Homme de l’ONU n’est pas un tribunal pénal. Il ne prend pas des actes juridiques contraignants. Il fait des recommandations suivant l’esprit et la lettre du Pacte international et sa propre jurisprudence. Il peut néanmoins dans ses recommandations indiquer les voies à suivre pour le règlement du différent à lui soumis. Dans le cas de la requête de la famille Sankara, le Comité a estimé que « le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille et la non-rectification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils, contraire à l’article 7 du pacte ».
D’autre part, le Comité a retenu « une violation de l’obligation de respecter la garantie d’égalité de tous devant les tribunaux, reconnue au paragraphe 1 de l’article 14 du pacte ». Nonobstant ces manquements aux articles 7 et 14 du Pacte international, le Comité dans ses recommandations finales à l’Etat burkinabè n’a pas expressément demandé l’ouverture d’une enquête sur la mort de Thomas Sankara encore moins la tenue d’un procès. Pourquoi ? On ne saurait répondre à la place des experts onusiens mais on peut retenir que le caractère spécifique, éminemment politique des événements du 15 octobre – il s’agit d’un coup d’Etat lors duquel des soldats se sont tirés dessus – n’est peut-être pas étranger dans la démarche prudente du Comité.
En effet, dans ses recommandations finales, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies s’est borné à dire : « En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte (international relatif aux droits civils et politique) l’Etat partie (burkinabè) est tenu d’assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie. L’Etat partie est également tenu d’empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir ». C’est en toute lettre ce que dit le paragraphe 14 des recommandations finales du Comité des droits de l’Homme de l’ONU. Et cela est très clair d’un point de vue lexical et juridique. De fait, on ne voit pas ici où il est question de « tribunal militaire devant lequel il n’y aurait aucune prescription », selon les termes de la déclaration qu’on prête à Mariam Sankara. Le français aussi élastique soit-il, reste le français. Le droit également, au point que les Romains avaient l’habitude de dire « dura lex, sed, lex ». Traduisez : la loi reste la loi aussi dure soit-elle.
L’Etat burkinabè disposé à respecter les recommandations onusiennes
Les recommandations du Comité des droits de l’Homme de l’ONU au contraire des interprétations tendancieuses de Mariam Sankara et de ses avocats sont : indiquer le lieu de sépulture de Thomas Sankara à sa famille, indemniser celle-ci pour l’angoisse subie et corriger l’acte de décès du président du CNR. Le gouvernement burkinabè suite à ces recommandations a produit un mémorandum sur sa disponibilité à s’exécuter conformément à ces décisions.
1°) A propos de la reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, le gouvernement burkinabè a fait remarquer aux experts du Comité onusien que l’emplacement de la tombe de Thomas Sankara est de notoriété publique au Burkina Faso. « Elle est vénérée, chaque année, à l’occasion de la commémoration du décès du président Sankara. La famille Sankara connaît pour le moins bien la tombe de Thomas Sankara…qui se trouve au sein du cimetière de Dagnoen, au secteur 29 de Ouagadougou… mais (la famille) ne veut pas l’admettre », souligne littéralement le mémorandum du gouvernement.
2°) A propos de la correction du certificat de décès de Thomas Sankara, l’Etat burkinabè a souligné à l’intention du Comité des droits de l’Homme de l’ONU que « sur instruction du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, le procureur du Faso près le Tribunal de Grande instance de Ouagadougou a saisi le maire de la commune de Ouagadougou, officier d’état civil compétent, à l’effet d’établir, en l’absence d’un acte de décès, un jugement supplétif d’acte de décès. Par un jugement supplétif d’acte de décès en date du 7 mars 2006, le Tribunal d’arrondissement de Baskuy de la commune de Ouagadougou a établi un jugement supplétif d’acte de décès au nom de Thomas Isidore Sankara, décédé le 15 octobre 1987 ». Cette décision du gouvernement burkinabè a été prise dans le souci de mettre un terme à une polémique sans objet, souligne le mémorandum du gouvernement burkinabè.
3°) A propos de l’« indemnisation pour l’angoisse que la famille Sankara a subie » mentionnée dans la recommandation du Comité des experts de l’ONU, le gouvernement burkinabè rappelle que « la mort de Thomas Sankara est intervenue, on le sait, dans le cadre d’un régime d’exception et dans un contexte national particulièrement marqué par la violence politique. [Cette indemnisation] relève donc des missions assignées au Fonds d’indemnisation (expressément créé à cet effet). Malheureusement, la veuve Sankara et ses enfants n’ont jamais voulu de l’indemnisation proposée dans ce cadre ». Le mémorandum du gouvernement à l’adresse du Comité des droits de l’Homme de l’ONU poursuit ses explications sur le refus de l’indemnisation par la famille Sankara en ces termes : « le gouvernement a, par décret n°2006-307/PRES/PM du 29 juin 2006 portant liquidation de l’indemnisation des ayants cause de deux victimes ayant perdu la vie (capitaine Thomas Sankara et Frédéric Kiemdé), décidé d’octroyer une somme globale de quarante trois millions quatre cent quarante-cinq mille (43 445 000) francs CFA à Mme Mariam Sankara et ses deux enfants ». La famille Sankara invitée à prendre contact avec le Fonds d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique ne s’est jamais manifestée.
Pourquoi ? Pour des raisons que l’on devine aisément. Elle ne veut pas du règlement de ce dossier suivant les recommandations du Comité des droits de l’Homme de l’ONU et suivant les prudentes dispositions de bonne volonté prises par les autorités burkinabè. L’affaire Thomas Sankara, interminable en justice et devant le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, est politiquement plus rentable, plus vendable parce qu’elle fera toujours partie des « dossiers pendants », le seul programme politique que l’on connaisse à certains opposants qui s’agitent à piéger la paix sociale et à exercer un terrorisme intellectuel qui ne dit pas son nom sur ceux qui ne pensent pas comme eux. C’est au nom de cette fuite en avant dans la surenchère que la famille Sankara donne une lecture totalement biaisée et à dessein des recommandations onusiennes. A mille lieux de leur esprit et de leur lettre.
Djibril TOURE (L’Hebdo)
Affaire Thomas SANKARA : L’ONU clôt le dossier
L’Opinion N° 552 du 7 mai 2008. Source : http://www.zedcom.bf/actualite/op552/dossier.htm
Thomas Sankara L’affaire Thomas SANKARA connaît son dénouement depuis le 4 avril 2008. Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU saisi par la famille SANKARA, assistée de 18 avocats réunis de par le monde, a définitivement tranché en faveur de l’Etat burkinabè.
Ouf ! « Il y a comme un soulagement de la République dans le dénouement de cette Affaire Thomas SANKARA », s’est réjoui un professeur de Droit international que nous avons approché pour mieux comprendre la décision du Comité (voir encadré). Enclenchée le 29 septembre 1997 soit à 17 jours du délai de prescription, la procédure judiciaire dans l’Affaire Thomas SANKARA aura duré une dizaine d’années. Déboutée devant les juridictions nationales pour vice de procédure, la famille SANKARA croyait bon de recourir à une juridiction internationale pour obtenir la condamnation et l’humiliation de l’Etat burkinabè dans la mort de Thomas SANKARA, le 15 octobre 1987. Par le biais, en effet, d’au moins 18 avocats recrutés par la nébuleuse « Justice pour Thomas SANKARA », Mariam SANKARA et alliés ont porté leur plainte devant le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en invoquant la violation par l’Etat burkinabè d’une dizaine d’articles du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques. Il n’est pas inutile de souligner que le Burkina Faso les a ratifiés en janvier 1999.
Statuant en mars 2004, le Comité a rejeté les plaintes sur 8 articles pour ne retenir que deux sur lesquels il a estimé que le Burkna Faso avait des choses à se reprocher. Il s’agit des articles 7 et 14 relatifs à la torture et à l’égalité de traitement devant la justice. Autrement dit, le Comité a demandé d’une part, à l’Etat d’« assurer un recours utile et effectif à Mme SANKARA et à ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de la sépulture de Thomas SANKARA, et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie » ; d’autre part, d’« empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir ». Le Comité a enfin demandé au Burkina Faso de lui faire parvenir dans un délai de 90 jours suivant la transmission de ses présentes constatations, des informations sur les mesures qu’il aura prises ou entendait prendre pour leur donner suite tout en publiant le texte intégral de ses décisions.
Comment l’Etat s’en est-il bien tiré ?
Prompt dans sa réaction, l’Etat a donné ses réponses au Comité le 30 juin 2006. Sur la préoccupation du Comité de rendre public ses décisions, on se rappelle que presque tous les médias nationaux ont diffusé celles-ci en avril 2006. Pour bien faire, le gouvernement les a publiées sur les sites web de deux ministères : celui des Affaires étrangères et celui en charge des Droits humains. Concernant la reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas SANKARA, l’Etat a démontré que cela était sans objet d’autant que tout le monde est témoin que chaque 15 octobre, les « amis » de SANKARA se retrouvent au cimetière de Dagnoin pour lui rendre hommage. Mariam SANKARA s’y est elle-même rendue le 15 octobre 2007.
En guise de témoignage, l’Etat a transmis entre autres au Comité des photos illustrant cette visite. Pour ce qui est des dispositions pour éviter désormais des violences analogues, il a été non seulement précisé au Comité que les évènements sont survenus à une période d’exception mais aussi et surtout que depuis juin 1991, le pays s’est résolument engagé dans un processus démocratique avec en sus la création d’un ministère de la Promotion des Droits humains et des réformes du système judiciaire avec l’appui d’institutions internationales. La plainte par rapport au certificat de décès de Thomas SANKARA est le fait le plus hallucinant de cette Affaire.
Pour la simple raison que pendant près d’une décennie on a accusé l’Etat d’avoir produit un document qui n’existait pas. En effet, aux termes de la loi, notamment du code des personnes et de la famille adopté en 1989, un certificat de décès est un document administratif établi par un officier d’état civil à la demande des ayants droit dans un délai de 3 mois après la survenue du décès. Or, le document dont Mme SANKARA demandait rectification était simplement signé d’un médecin. Ce n’était donc pas un certificat de décès et ne pouvait pas ou ne devait pas être considéré comme tel. Voilà pourquoi l’Etat a pris l’initiative de faire établir un jugement supplétif d’acte de décès pour Thomas SANKARA, cela avant même que le Comité n’en formule la demande.
Pour l’indemnisation de la famille, il avait été demandé à celle-ci d’introduire un dossier au niveau du Fonds d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique. Ce qu’elle a refusé de faire. Néanmoins, instruite par le gouvernement, la direction du Fonds a évalué le montant de cette indemnisation à près de 44 millions FCFA. En plus, au regard du statut de militaire et d’ancien président du Faso de Thomas SANKARA, l’Etat a d’une part, liquidé sa pension militaire et d’autre part, s’est dit disposé à un certain nombre de prestations pour la famille.
En se réunissant à Genève pour sa 92e session tenue du 17 mars au 4 avril 2008, le Comité après avoir examiné les réponses de l’Etat burkinabè, s’est définitivement prononcé sur ce dossier en jugeant celles-ci satisfaisantes. Il donne quitus à l’ensemble des mesures gouvernementales. Selon les règles du droit international, aucune autre instance internationale ne peut encore statuer sur cette Affaire. C’est la fin d’une procédure qui n’a que trop duré du fait de l’ignorance et de la volonté des fameux avocats internationaux de la famille SANKARA de vilipender la patrie des Hommes intègres.
Le Comité a enfoncé une porte ouverte
Quel gâchis ! Pendant donc une dizaine d’années, les 18 avocats ont fait rêver la famille SANKARA autour d’un dossier juridiquement vide. Après le fiasco de leur procédure au Burkina Faso, ils n’ont pas trouvé mieux que de s’offrir en spectacle en saisissant le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU avec des arguments spécieux. Véritablement, au-delà des questions de droit, cette affaire a des relents politiciens incontestables. La preuve, sur la dizaine d’articles cités comme étant violés par l’Etat burkinabè, rien que deux ont retenu l’attention du Comité qui d’ailleurs a fait preuve de complaisance vis-à-vis de ses propres dispositions car n’étant pas habilité à connaître de faits de coup d’Etat ou de faits antérieurs à son existence, puisque la loi ne peut rétroagir.
On sait que pour pouvoir se dire compétent il avait lui-même corrigé les plaintes de Mariam SANKARA et Cie. Une attitude pour le moins curieuse car dénotant d’un parti pris injustifié. Voilà certainement pourquoi, enfonçant une porte déjà ouverte, il charge l’Etat de constatations inutiles puisque relatives à des questions déjà résolues. C’est le cas avec le certificat de décès, les indemnisations et l’engagement à empêcher d’autres violations similaires…
D’autant que depuis le 30 mars 2001, soit deux ans avant que le Comité ne soit saisi, par la famille SANKARA, le Burkina Faso s’était déjà engagé sur la voie de la réconciliation et de la tolérance en instaurant la Journée Nationale de Pardon. Auparavant, il avait été même confié à un ministre d’Etat, la mission d’indiquer aux familles les tombes de leurs parents victimes de violences en politique. En célébrant cette journée, le peuple burkinabè s’est engagé à enterrer les rancœurs, et à bannir toutes formes de violences en politique. C’est ce que demande le Comité sept ans après. Voilà qui donne une couche de reconnaissance internationale à cette initiative nationale.
On peut dire que l’Etat burkinabè a même fait mieux que les recommandations du Comité en faisant de Thomas SANKARA un de ses héros nationaux avec l’érection d’un monument où sera inscrit son nom comme celui d’autres fils du pays disparus qui ont marqué profondément son histoire. Thomas SANKARA bénéficie même d’une rue, l’une des plus emblématiques de la capitale. Mais enfin, l’essentiel est que la vérité ait jailli dans cette Affaire Thomas SANKARA.
La fin des chimères
« Le Comité considère le recours de l’Etat partie comme satisfaisant aux fins de suivi de ses constatations et n’a pas l’intention d’examiner cette question plus en avant au titre de la procédure de suivi ». Le dispositif de la note du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme, clôt définitivement l’Affaire Thomas SANKARA et met fin aux chimères et autres prétentions de tous ceux qui voulaient en faire un fonds de commerce.
Telle qu’engagée, on savait que l’Affaire Thomas SANKARA avait une forte connotation politique et ne reposait sur aucune base juridique. Bien sûr, en sus des Sankaristes, on retrouvait des avocats, mais, ceux-ci étaient si « marqués » aussi bien idéologiquement que physiquement, qu’on avait perçu qu’ils étaient eux-aussi des militants de la « cause ». Une cause perdue dès l’entame donc, si tant est qu’indépendamment de l’argument avancé plus haut, il était difficile pour le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme de se saisir d’une affaire de coup d’Etat, sans ouvrir une véritable boite de pandore. Depuis le temps que l’Afrique, et au-delà le monde entier, connaît des coups d’Etat, il y a eu des cas sinon plus emblématiques du moins plus dramatiques que celui de Thomas SANKARA et qui auraient mérité une attention particulière, si la voie du droit pouvait régler des affaires du genre.
Patrice Emery LUMUMBA, Sylvanus OLYMPIO, Salvador ALLENDE… autant d’hommes charismatiques tombés dans des pronuciamentos, et dont les « dossiers » ont été purement et simplement classés. C’est qu’en la matière, il est difficile de faire la part des choses entre bons et mauvais coups d’Etat et surtout d’en imputer la responsabilité à une seule personne, fût-elle la bénéficiaire de ce coup d’Etat. Un putsch, cela se « prépare », et, dans ce cheminement matériel et intellectuel, une seule personne ne peut décider de tout. « Je n’ai jamais ordonné que Thomas soit tué », a clamé Blaise COMPAORE dès sa première prise de parole, cette profession de foi étant vite noyée sous le déluge médiatico-politique qui a suivi la mort du « leader » de la révolution d’Août.
C’est que la presse qui était en manque de sujets de ce genre, au moment où la guerre froide finissait réduisant considérablement le nombre de héros révolutionnaires, en avait fait ses choux gras au point que les « assassins » n’avaient plus voix au chapitre. Une fois la passion et le défoulement retombés, on s’est aperçu que les vaincus n’étaient pas si blancs que cela, les antagonismes au sein du conseil dirigeant de la révolution étant devenus si exacerbés que certains parlaient déjà de « s’occuper de leurs amis ». Mais, certains, (suivez mon regard) ont voulu capitaliser l’émotion du début, et, profitant de certaines vicissitudes de la vie internationale, ont voulu mettre les dirigeants de la IVe République au pilori. Une démarche qui ne pouvait prospérer n’ayant aucune assise juridique et pouvant avoir des répercussions insoupçonnées.
En effet, le Haut-Commissariat aurait été amené à ouvrir de nombreux autres dossiers sur des requêtes du genre, avec des conséquences incalculables sur la vie et la diplomatie internationales. Nos « sankaristes » qui escomptaient de gros dividendes de cette affaire devront revoir leur stratégie pour espérer « émerger » un jour sur la scène nationale. Une tâche qui s’annonce ardue dans la mesure où ils ne sont pas parvenus à réaliser l’Union sacrée qui aurait permis cette occurrence. Entre ego surdimensionnés et calculs financiers, cette union a été passée par pertes et profits. Avec les refondateurs, qui occupent « rageusement » le terrain, lesdits sankaristes sont en passe d’être oubliés. C’est qu’on ne peut pas rester longtemps dans la lumière quand on se cache derrière quelqu’un qui plus est, n’est plus de ce monde. Quand le rêve vire au cauchemar, les illusionnistes n’ont plus qu’à remiser leurs outils de prestidigitateurs.
Par Alpha YAYA
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Décision du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU
Le Secrétariat de l’Organisation des Nations unies (Haut-commissariat aux Droits de l’homme) présente ses compliments à la Mission permanente du Burkina Faso auprès de l’Office des Nations unies à Genève et a l’honneur de se référer à la procédure de suivi des communications au titre du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Secrétariat souhaite informer l’Etat partie des Décisions prises par le Comité dans le cadre de l’examen des réponses des Etats parties au suivi des Constatations du Comité, adoptées lors de la 92e session du Comité du 17 mars au 4 avril 2008.
Quant à la note verbale du 30 juin 2006 dans laquelle l’Etat partie a fourni des informations à propos de la communication n° 1159/2003, présentée au Comité au nom de Mme Mariam Sankara et al., "le Comité se félicite de la réponse de l’Etat partie concernant la suite donnée à ses constatations. Il prend note de l’argument des auteurs selon lequel l’unique recours utile en l’espèce consiste à ouvrir une enquête sur les circonstances de la mort de M. Sankara mais rappelle que le recours recommandé par le Comité ne faisait pas expressément mention d’une telle enquête.
Il rappelle également que ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel et qu’il en est de même de ses recommandations. Le Comité considère le recours de l’Etat partie comme satisfaisant aux fins du suivi de ses constatations et n’a pas l’intention d’examiner cette question plus en avant au titre de la procédure de suivi".
Le 21 avril 2008
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Comité des droits de l’Homme de l’ONU : Mode de fonctionnement
En plus de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qu’elle a proclamée, le 10 décembre 1948 dans le but de protéger et de promouvoir les droits et libertés fondamentales de chaque individu, l’ONU a créé le 16 décembre 1966 soit 18 ans après, le Pacte international des droits civils et politiques. Ce Pacte est un instrument juridique international qui veut renforcer la Charte des Nations unies reconnaissant la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables comme le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Il est entré en vigueur le 23 mars 1976 après que 35 Etats l’ont ratifié. Aujourd’hui, on compte 156 Etats-parties du Pacte dont 105 sont également parties au protocole facultatif qui habilite le comité à examiner les plaintes des particuliers et 57 au deuxième protocole facultatif entré en vigueur en 1991 et qui, lui, vise l’abolition de la peine de mort. Le Burkina Faso l’a ratifié le 4 janvier 1999. Il comporte 53 articles et un organe d’experts chargé de surveiller l’application du Pacte : le Comité des droits de l’Homme. Ce comité est habilité à recevoir et à examiner des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte.
Missions assignées
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a assigné au Comité des droits de l’Homme quatre tâches fondamentales. Il s’agit avant tout de recevoir les rapports des Etats-parties sur les mesures qu’ils ont prises pour donner effet aux droits énoncés dans le Pacte. Après les avoir examinés il formule des recommandations spécifiques à l’intention de ces Etats. Ensuite, le Comité doit émettre des observations d’ordre général, sous forme de déclarations interprétatives sur le champ d’application et le sens de certaines dispositions du Pacte, qui sont destinées à aider les Etats parties à donner effet à celui-ci. Puis, le comité peut dans certaines conditions recevoir des communications dans lesquelles un Etat-partie prétend qu’un autre ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte, proposer ses bons offices et, faute de règlement par toutes autres voies, désigner une commission de conciliation.
Et enfin, le comité des droits de l’Homme reçoit et examine des communications émanant de particuliers qui affirment être victimes d’une violation de leurs droits de la part d’un Etat-partie au Pacte. Le Comité des droits de l’Homme se compose de 18 personnalités de haute moralité ressortissantes des Etats-parties au Pacte. Elles sont élues pour quatre ans par les Etats-parties mais siègent à titre individuel et non en tant que représentantes de leur pays. Le comité tient normalement trois sessions par an, d’une durée de trois semaines chacune, l’une à New York et les deux autres à Genève. Il est renouvelé tous les deux ans par moitié, à l’occasion d’élections qui se tiennent au siège de l’ONU à New York pendant la session annuelle de l’Assemblée générale.
Chacune des sessions du comité est précédée par des groupes de travail qui se réunissent pendant une semaine. Ils ont notamment pour tâche de présenter des recommandations au comité sur les communications reçues en vertu du Protocole facultatif, et de préparer des listes concises de questions relatives aux rapports des Etats qui seront examinées au cours de la session.
Procédure de saisine
Conformément à l’article 41 du Pacte, tout Etat partie peut présenter au Comité une communication dans laquelle il prétend qu’un autre ne s’acquitte pas des obligations qui lui incombent en vertu dudit Pacte. Cette procédure est entrée en vigueur en 1979, mais le comité n’a encore été saisi d’aucune communication de ce type. Néanmoins, la procédure est que d’abord la partie plaignante attire l’attention de l’Etat incriminé sur la question. Dans un délai de trois mois, le second doit fournir au premier des explications ou toutes autres déclarations écrites élucidant la question. Si dans un délai de six mois, la question n’est pas réglée, à la satisfaction des deux Etats-parties intéressés, l’un comme l’autre peut saisir le comité, lequel ne doit statuer qu’après s’être rassuré que tous les recours internes disponibles ont été utilisés et épuisés.
Par ailleurs, le protocole facultatif permet aux particuliers qui prétendent que leurs droits et libertés ont été violés par un Etat d’amener ledit Etat à rendre compte de ses actions. A la fin des années 80, on a assisté à la multiplication des communications émanant de particuliers se plaignant de violations de leurs droits. Le comité examine les communications émanant d’individus à huis-clos. Pour être examinée, la communication ne doit pas être anonyme ou émaner de quelqu’un ne relevant pas de la juridiction d’un des Etats-parties au protocole facultatif.
En principe, c’est la victime présumée qui doit elle-même envoyer sa communication. Si toutefois, elle est dans l’incapacité de le faire, le comité peut accepter d’examiner une communication émanent d’une autre personne, laquelle doit prouver qu’elle a qualité pour agir au nom de la victime présumée. Une tierce personne sans liens apparents avec quelqu’un dont les droits auraient été violés ne peut soumettre de communication. Le comité ne peut examiner une plainte si la question dont elle fait l’objet est déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et si tous les recours internes possibles sont utilisés et épuisés.
Lorsqu’une communication a été déclarée recevable, le comité demande à l’Etat qui y est mis en cause de lui fournir des explications ou des éclaircissements sur le problème et d’indiquer s’il a pris des mesures pour y remédier. L’Etat dispose d’un délai de six mois pour faire connaître sa réponse. L’auteur de la plainte peut ensuite commenter la réponse de l’Etat. Le comité formule alors ses conclusions qu’il communique à l’Etat en question et à l’auteur de la plainte.
Le comité des droits de l’Homme fonctionne par consensus, mais ses membres peuvent adjoindre leur opinion individuelle aux conclusions finales du comité dans son ensemble, de même que dans des cas d’irrecevabilité, la décision du comité s’est trouvée complétée par des opinions individuelles.
Bons offices
Le comité peut alors connaître d’une affaire et proposer ses bons offices afin de parvenir à une solution amiable. Si aucun accord n’est possible, le comité peut désigner une commission de consultation composée de cinq membres nommés avec l’accord des Etats-parties intéressés mais qui ne doivent pas être ressortissants de ces Etats, qu’il chargera d’examiner la question et de présenter un rapport au président du comité dans un délai d’un an. En conclusion, contrairement à la Cour européenne des droits de l’homme et à la commission européenne des droits de l’Homme, le Comité des droits de l’Homme n’est ni un tribunal ni un organe doté de pouvoirs quasi judiciaires. Ses décisions sont des « constatations » et non des « arrêts ».
L’Opinion