Par DIOSSO OLIVIER

Le 15 octobre 2009, Thomas Sankara a totalisé 22 ans depuis qu’il a été assassiné en 1987. L’Afrique révolutionnaire avait, ce jour-là, pleuré celui qui incarnait la dignité et la volonté d’exister d’un continent meurtri, celui qui est devenu un symbole du panafricanisme et de l’anti-impérialisme. Jusqu’aujourd’hui, aucune enquête n’a jamais été menée pour établir les responsabilités sur les circonstances de son assassinat, alors que ceux qui en savent trop sur ce crime demeurent impunis. Ci-dessous, le film de sa mort et les présumés auteurs de cet acte odieux.

FILM DE SA MORT

Jeudi 15 octobre 1987, le président du Burkina-Faso, Thomas Sankara, est assassiné par un commando. On cherche toujours la tête pensante de ce crime. Parmi les bidasses qui peuvent éclairer les Burkinabè, les noms du colonel Gilbert Diendéré, l’adjudant-chef, pardon, l’honorable député Hyacinthe Kafando et l’officier de gendarmerie Ardiouma Jean-Pierre Palm reviennent constamment. Ces trois hommes de tenue semblent détenir des informations précieuses sur la disparition sanglante du président Thomas Sankara, faisait savoir Le Libérateur dans son édition n°41 du 05 au 20 octobre 2007. Qui a donné l’ordre de «faire feu» sur le président Thomas Sankara ? Question gênante. Interrogation centrale dans ce que certains politologues appellent une révolution de palais du 15 octobre 1987. Dans les milieux militaires, on s’accorde à dire qu’un commando composé d’officiers, de sous-officiers et de soldats a décidé de stopper le pouvoir qu’il qualifie de «personnel» du président Thomas Sankara. Il fait irruption au Conseil de l’entente ce jeudi 15 octobre 1987.

RESULTAT MACABRE

Le résultat est macabre. Le président du Faso et douze de ses compagnons tombent sous la furia des balles meurtrières. En ce vingt-deuxième anniversaire de l’assassinat du président Thomas Sankara, on continue toujours à rechercher les mains assassines et les têtes pensantes de l’arrêt de l’expérience révolutionnaire burkinabè. Qui a fait quoi dans les événements douloureux du 15 octobre 1987 ?

Dans la crise au sein du Conseil national de la révolution (CNR), le président du Faso, Thomas Sankara, préoccupait ses anciens frères d’armes. Que faire de l’homme qui, à tort ou à raison, semble bloquer l’avancée du processus de changement en profondeur déclenché le 4 août 1983 ? Plusieurs pistes ont été examinées. Arrêter le président du Faso avait été proposé par certains officiers ! Ce scénario comportait de gros risques. Les révolutionnaires de l’époque se souviennent de son arrestation du 17 mai 1982. Une mobilisation du peuple pour la libération de son président donnerait un second souffle à la révolution. Elle marquerait également la défaite aux conséquences imprévisibles pour les futurs rectificateurs. La seconde solution était la mort. Cette piste a été retenue. Ce qui a conforté cette prise de décision est cette rumeur d’épurement, en chantier, dans le cercle des amis du pouvoir.

Le 15 octobre 1987 semble être l’aboutissement de l’incapacité de compromis des leaders de la révolution. Ils ont perdu de vue les exigences de tout changement en profondeur. On ne peut pas conduire une révolution sans un minimum de divergences politiques dans la conduite des hommes et des choix politiques. Dans l’ouvrage «Sankara, Compaoré et la Révolution burkinabè » de Ludo Martens, l’actuel chef d’Etat-major particulier à la présidence du Faso, le colonel Gilbert Diendéré, décrit son scénario de l’assassinat du président Sankara, renseigne Pascal Ziguebila de Libérateur.

« BLAISE ETAIT MALADE ? »

«Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara avant que l’irréparable se produise. La décision a été prise dans un climat général d’inquiétude, proche de la panique. Nous n’avons pas vainement le choix. Nous n’avons jamais pu croire que Sankara allait s’en prendre à ses trois compagnons.

Blaise était à la maison, malade. Nous n’avons pas voulu le prévenir parce que nous savons qu’il ne serait pas d’accord pour arrêter Sankara».

Supposons, comme le dit le colonel Gilbert Diendéré, que le numéro 2 du régime de l’époque révolutionnaire, Blaise Compaoré, ait été malade. Dans les confidences du colonel Gilbert Diendéré, on peut dire que s’il n’était pas sur le champ de tir, il n’était pas très loin du théâtre de l’opération. Qui était le soldat le plus gradé du commando meurtrier du 15 octobre 1987 ? On pense à un lieutenant des forces armées burkinabè. Le noeud du problème se trouve à ce niveau. Dans la hiérarchie militaire, les subalternes obéissent aux ordres du plus gradé. Une question saute aux yeux. Est-ce que l’actuel chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso était l’officier le plus gradé ? A-t-il effectivement donné l’ordre de faire feu sur le président du Faso, Thomas Sankara, en cas de résistance ? L’initiative d’anéantir le chef de l’Etat burkinabè était-elle d’un sous-officier zélé ? Autant de questions qui demeurent sans réponse.

Toutefois, la suite de l’assassinat du président Thomas Sankara permet de situer les responsabilités des militaires. La gestion de la sécurité du président Blaise Compaoré permet de se faire une idée des partitions des principaux acteurs du drame du 15 octobre 1987. Parmi les suspects militaires dans l’assassinat du président Sankara, le nom de Hyacinthe Kafando est souvent cité. Nous comprenons mieux le pourquoi du leadership entre le chef Kaf comme l’appelaient affectueusement ses soldats et Gilbert Diendéré autour de la sécurité du président Blaise Compaoré.

PARCOURS TUMULTUEUX

Tout laisse à penser qu’ils étaient sur le terrain de l’élimination du président Thomas Sankara. Mais ils n’ont pas pris les mêmes risques. Le mérite autour du capitaine Blaise Compaoré «malade» devrait être proportionnel à l’action sur le président défunt.

Les burkinabè savent la suite des événements entre ces deux hommes de la garde rapprochée de Blaise Compaoré. Calomnie, tentative d’élimination et exil ont jalonné le parcours militaire tumultueux de Hyacinthe Kafando et de Gilbert Diendéré. Ils se regardent, de loin, en chiens de faïence.

Des témoignages révèlent que, dans le plan d’exécution du président Thomas Sankara, des militaires étaient en couverture au cas où le premier commando serait anéanti par la garde rapprochée du président Sankara..

THOMAS SANKARA : DECISION HISTORIQUE DES NATIONS UNIES

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, chargé de veiller à la bonne application du Pacte sur les droits civils et politiques de 1966, a donné raison à Mme Mariam Sankara et au Collectif juridique international « Justice pour Sankara », le 28 mars 2006. Les plaignants contestaient les entraves mises par les autorités du Burkina Faso à toute enquête ou procès tendant à éclaircir les circonstances de la mort du président Thomas Sankara en octobre 1987.

Officiellement, Thomas Sankara, devenu un symbole du panafricanisme et de l’anti-impérialisme, est décédé de mort naturelle. Or il est de notoriété publique qu’il a été assassiné. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies (décision CCPR/C/80/D/1159/2003) avait donné 90 jours aux autorités du Burkina Faso pour fournir aux plaignants les possibilités d’un recours utile, donc ouvrir une enquête, élucider et établir les conditions de la mort de Thomas Sankara, rectifier le certificat de décès, préciser le lieu de son enterrement, indemniser la famille, éviter qu’une telle tragédie se répète, et rendre publique la décision.

Rarement, président africain aura autant incarné la dignité et la volonté d’exister d’un continent meurtri. Assassiné le 15 octobre 1987, le président du Burkina Faso, Thomas Sankara, est devenu un symbole et une référence politique majeure pour toute l’Afrique. Les points cardinaux de son action, durant ses quatre ans au pouvoir, étaient : lutte contre la corruption, développement autocentré, condamnation du néocolonialisme, éducation et santé pour tous, émancipation des femmes.

Dans tous ces domaines, il a adopté des mesures concrètes comme la réduction du train de vie de l’Etat (à commencer par le sien propre), interdiction de certaines importations de produits alimentaires et réforme agraire, campagnes de scolarisation et de vaccination (pour lesquelles il a reçu les félicitations de l’Organisation mondiale de la santé), dénonciation des ingérences françaises, interdiction de la polygamie et lutte contre l’excision, etc.

Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel 2005

Source : La potentiel (La réunion) du 19 octobre 2009 voir à l’adresse http://www.lepotentiel.com/…

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