publié sur lefaso.net le 30 mai 2015

C’est enfin disponible. Le coffret Archives d’Afrique – Thomas Sankara – le père de la révolution burkinabè. Quatre DVD d’1h30mn chacun soit 6 heures de films pour 50 000F CFA. L’œuvre est d’Alain Foka, célèbre animateur de l’émission archives d’Afrique sur les antennes de la Radio France internationale (RFI). La dédicace a eu lieu, jeudi 28 mai à Ouagadougou en présence de plusieurs personnalités dont Dadis Camara, Simon Compaoré, Jean-Marc Palm, Bénéwendé Stanislas Sankara…

Le public n’a pas pu être contenu dans la salle des fêtes de Ouaga 2000 à l’occasion de la dédicace du coffret Archives d’Afrique dédié à Thomas Sankara. Débout ou encore assis à même le sol, certains ont dû rebrousser chemin pour n’avoir pas eu accès à la salle. Pour la circonstance la salle était ornée avec de géants posters de feu Président Thomas Sankara.

A l’extérieur et en attendant le début de la rencontre, Simon Compaoré et Me Bénéwendé Stanislas Sankara échangent sans ambages. Au nombre des invités, l’on pouvait apercevoir Dadis Camara, le directeur de la RTB, Ouezzin Louis Oulon, le ministre de la Culture et du tourisme, Jean-Claude Dioma et bien d’autres personnalités. Alain Foka fera son entrée dans la salle sous les ovations de l’assistance qui lui fait le grand plaisir d’entonner l’hymne national pour commencer la rencontre. L’on retiendra avec lui que la réalisation du coffret Archives d’Afrique Thomas Sankara a été un parcours de combattant. Il aura pris, à l’en croire, 22 ans pour rendre l’œuvre disponible en fin décembre 2014. L’animateur célèbre sur RFI a confié avoir eu beaucoup de mal à retrouver les archives sur Thomas Sankara. De l’ONU en passant par l’OUA – à l’époque – Alain Foka s’est vu refuser les archives notamment sur son discours sur l’annulation de la dette africaine prononcé à New Delhi.

Thomas Sankara plutôt que de la Haute-Volta au Burkina

Au départ, l’animateur de l’émission archives d’Afrique a voulu intituler l’œuvre : De la Haute-Volta au Burkina Faso. L’évolution fulgurante des choses ont voulu que ça soit : Thomas Sankara. Parce que c’est lui qui symbolise le plus l’insurrection populaire et la Transition que connait le Burkina Faso. « Mais il n’était pas seul, il avait des camarades qui ont lutté avec lui. Certains sont encore là, d’autres pas. Il y en a qui ont participé à ce documentaire, d’autres pas pour des raisons qui leur sont propres », relate Foka.

Le coffret archives d’Afrique -Thomas Sankara – c’est 4 DVD d’1h30mn chacun. Six heures de films qui retracent l’histoire de ce personnage important du Burkina Faso avec des archives difficilement trouvées. Et Alain Foka de confier que : « Bien que ça soit passé, il y a une vingtaine d’années, nous avons la fâcheuse tendance de ne pas être jaloux de nos archives. J’ai passé beaucoup de temps à retrouver des archives sur Thomas Sankara. J’ai rencontré des témoins qui ont bien voulu apporter leur éclairage, qui ont bien voulu raconter cette histoire, mais ils n’ont pas pu ». Sont de ces témoins Omar Bongo Odimba.

Thomas Sankara, un personnage unique

Le premier volume d’archives d’Afrique réunissait différents personnages dont Houphouët Boigny de la Côte-d’Ivoire, Amadou Ahidjo du Cameroun, Seyni Kounchté du Niger et enfin Sékou Touré de la Guinée-Conakry.

Le deuxième volume – celui sur Thomas Sankara – tient sa particularité dans l’unicité du personnage. Un part de legs d’Alain Foka à l’histoire de l’Afrique qui, à son avis, n’a pas encore été racontée. Ou qui est très souvent racontée par les autres avec toutes les distorsions, tous les mensonges que cela comporte, avec tout ce qui peut accentuer le complexe d’infériorité des Africains.

un personnage unique

Alain Foka

Pire, il a été dit que l’Afrique est sans histoire. Un peuple sans âme. « Ce qui est faux », lâche l’animateur qui estime qu’il faut véritablement prouver le contraire. Ce n’est donc pas le chasseur qui doit continuer de raconter l’histoire de la chasse, il est temps que le gibier puisse lui-aussi raconter ce qu’il a vécu. Autrement dit, le peuple africain doit arrêter de faire raconter son histoire par les autres. « Regardons-nous, parlons-nous à nous-mêmes », demande Alain Foka qui profite du même coup interpeler journalistes et archivistes à arrêter d’écraser les images, les sons, les photos qui constituent de véritables archives pour la postérité. 

Le mensonge sur Jean-Bedel Bokassa

Pour montrer l’importance de la sauvegarde des archives, Alain Foka a partagé l’anecdote sur le mensonge qu’a proféré l’Occident pendant plusieurs années sur Jean-Bedel Bokassa, feu président de la Centrafrique. « Nous avons appris que Bokassa était un cannibale. Qu’il mangeait de la chair humaine. Qu’on avait vu dans son frigo des restes de chaires humaines fourrées à la banane », raconte-t-il.
Journaliste passionné de l’histoire de l’Afrique, Alain Foka a mené une enquête sur ces allégations. « Je suis allé voir le c uisinier de Bokassa, qu’on accuse par ailleurs d’avoir donné une interview dans Paris Match », poursuit l’animateur qui a été étonné de l’étonnement du vieux cuisiner qui dit n’avoir jamais donné une interview dans un journal français faisant cas de cannibalisme au palais présidentiel centrafricain. Une rencontre avec l’auteur de l’article a permis de comprendre qu’il s’agissait uniquement d’une histoire montée de toutes pièces par Bernard Tapis qui a proposé au journaliste un tel article. Selon le journaliste, c’est Bernard Tapis, ministre à l’époque qui lui avait demandé de produire un article nuisible à Bokassa qui était en indélicatesse avec ledit ministre dans la vente des diamants.

Trois rencontres, Blaise Compaoré n’a pas accepté de témoigner

« Intimidation. Craintes. Pourquoi un journaliste et pas un historien pour la réalisation de cette œuvre ? Blaise Compaoré a-t-il aussi apporté son éclairage ? Autant de questions auxquelles l’assistance a souhaité avoir des éclaircissements. D’abord, soutient Alain Foka, si en France il n’a pas été inquiété, il y a dix ans, il était impossible de rentrer au Burkina à la recherche d’archives sur Thomas Sankara.

Aussi, poursuit-il, il y a dix ans, il ne pouvait pas réaliser ce coffret. Alain Foka confie qu’il était passionné par Thomas Sankara, chose qui l’aurait empêché d’être objectif. D’où ce recul nécessaire pour mettre à la disposition du peuple africain une part de vérité sur le père de la révolution burkinabè. Quant à rencontrer les protagonistes, notamment Blaise Compaoré, trois rendez-vous ont été pris. En aucun des trois, le président déchu n’a voulu se prononcer.

A la première rencontre, par exemple, Blaise Compaoré disait qu’il ne peut pas parler. Au deuxième rendez-vous, confie l’animateur, il aurait avancé des arguments comme quoi il était encore trop tôt pour qu’il se prononce. Toutefois, en décembre 2014, Blaise Compaoré, réfugié en Côte d’Ivoire a été informé de la sortie du film sur Thomas. D’autres chefs d’Etats qui ne l’aimaient pas ont été frileux de se prononcer sur la vie et la mort de Thomas Sankara. C’est le cas par exemple de Dénis Sassou Nguesso.

Il n’est cependant pas dit que de bonnes choses sur Thomas Sankara dans le film de 6 heures. . « Thomas Sankara n’était pas un Dieu », précise Alain Foka. Une part de vérité a été dite mais il revient maintenant au peuple africain d’arrêter de pleurnicher. « Nos voleurs sont chez nous. Nous tueurs sont avec nous. Le 15 octobre, par exemple, il n’y avait aucun blanc au Conseil de l’Entente. Il est donc temps de prendre notre destin en main. La France-Afrique, le Colonialisme, la Traite négrière n’existent plus. Il faut seulement arrêter de taper dans les caisses de l’Etat », foi d’Alain Foka.

Bassératou KINDO

Source : http://www.lefaso.net/spip.php?article64978

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