Comme dans la Sourate Al-Ma’idah
Cet article a été écrit en réaction à un article paru dans l’observateur du 22 octobre 2007 voir http://thomassankara.net/?p=0445 ou Blaise Compaoré insinue que la père de Thomas Sankara se serait plaint d’avoir faim. D’autres réactions sont publiées sur notre site :
– celle des frères et soeurs de Thomas Sankara : “Les enfants du vieux Sankara à Blaise : “Notre père n’a jamais rien demandé” à l’adresse http://www.thomassankara.net/les-enfants-du-vieux-sankara-a-blaise-notre-pere-na-jamais-rien-demande/
– celle de Jonas Hien , ami personnel de Joseph Sankara :”Le vieux Sankara n’a pas demandé à manger à Blaise” à l’adresse http://www.thomassankara.net/le-vieux-sankara-na-pas-demande-a-manger-a-blaise-de-jonas-hien/
La rédaction du site.
En recevant 3000 jeunes à Pô jeudi dernier pour parler de ses 20 ans de renaissance démocratique, notamment du 4 août 83 et du 15 octobre 87, Blaise Compaoré a-t-il dragué une poubelle au risque de se faire piquer par des scorpions ? En tout cas son propos sur les rapports qu’il entretenait,..
…ou plutôt qu’il n’entretenait pas avec le vieux Joseph Sankara, est l’objet de vives critiques. Après Jonas Hien dans notre précédente édition, voici ce qu’en pense Issaka Hermann Traoré.
« Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers » (Al Kuran : S5 : v 28)
« Je veux que tu partes avec le péché de m’avoir tué et avec ton propre péché : alors tu seras du nombre des gens du Feu. Telle est la récompense des injustes ». (Al Kuran : S5 : v 29)
« Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants » (Al Kuran : S5 : v30) « Puis Allah envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Il dit : « Malheur à moi ! Suis incapable d’être comme ce corbeau, à même d’ensevelir le cadavre de mon frère ? » Il devint alors de ceux que ronge le remords. » (Al Kuran : S5 : v31)
A la faveur de la célébration du 20e anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara, le comportement de Blaise Compaoré et de ses adeptes nous fait penser inlassablement aux versets coraniques ci-dessus.
Tous les témoignages venus de part et d’autre ont laissé percevoir que Thomas Sankara savait que son plus que frère tramait quelque chose de tragique et de mortel contre lui. Imperturbable, il a laissé s’accomplir l’acte.
20 ans après, ce qui est incompréhensible dans le comportement de Blaise Compaoré, c’est le fait d’avoir mis en marche toute sa machine : des intellectuels du dimanche aux agitateurs, en passant par les idéologues en perte de vitesse, tout a été mis en œuvre pour que les obsèques du frère Thomas ne se passent pas dans les conditions les meilleures.
Comme le corbeau de la sourate la table servie, les sankaristes, altermondialistes, panafricanistes, hommes et femmes épris de bien, de justice sociale et d’équité d’ici et d’ailleurs ont décidé de marquer ce 20e anniversaire d’une marque indélébile.
Les Burkinabè ne sont ni amnésiques ni inconscients
C’est justement en ce moment que Blaise Compaoré, nous l’imaginons, s’écria certainement : « Malheur à moi ! Suis-je incapable de faire oublier Thomas Sankara ? » Que nenni, l’enfant terrible de Ziniaré regorge dans son entourage d’hommes et de femmes rompus à toute épreuve et débordant d’imagination.
Sortis de leur sommeil après des repas gras et copieux, ils ont initié les « 20 ans de renaissance démocratique avec Blaise Compaoré ». Voilà l’alchimie trouvée pour faire oublier Thomas Sankara au peuple burkinabè. Heureusement que le vaillant peuple burkinabè n’est ni amnésique ni inconscient. Il a choisi la cause juste, pour un combat juste, pour un avenir radieux, en bon révolutionnaire.
C’est là que tout commence à se mélanger au niveau des initiateurs et organisateurs des “20 ans de renaissance démocratique avec Blaise Compaoré”. Du démocrate, on est vite passé au révolutionnaire quand on s’est rendu compte que le peuple burkinabè dans sa majorité reste et restera révolutionnaire, malgré un certain 15 octobre 1987.
On improvisa une caravane à l’image de la caravane internationale Thom-Sank qui a traversé trois continents, plusieurs pays et villes. La caravane de la renaissance démocratique va curieusement se diriger vers Pô, « le foyer incandescent de la RDP », comprenne qui pourra.
A Pô justement, à force de vouloir se justifier et magnifier un régime, Blaise Compaoré et ses adeptes iront trop loin dans les différents témoignages et déclarations. Comme disent les conteurs, tant que le lion ne racontera pas lui-même l’histoire de la partie de chasse, c’est le chasseur qui en sortira toujours vainqueur.
Au nombre de ces histoires, la plus triste et la plus pitoyable reste le témoignage sur le papa de Sankara, le vieux Joseph Sankara. Blaise Compaoré dit ceci : « Avec le père de Sankara, nous avons eu un certain nombre de contacts cordiaux, mais un certain nombre de situations m’ont fait traîner après…
Une fois, le papa de Thomas est passé par le président de l’Assemblée nationale pour qu’il me dise : « Dis à mon fils que j’ai faim », j’ai envoyé un pli pour lui, mais après, on m’a renvoyé le pli ; une seconde fois, il est passé par le colonel Dienderé, j’ai encore envoyé un pli, mais 2 ou 3 jours après, les enfants ont renvoyé le pli pour dire qu’il n’avait pas besoin de ça. Je me suis dit alors qu’il ne fallait pas agir contre la volonté des gens » (In L’Observateur Paalga n° 6995 du lundi 22 octobre 2007, p 8).
Les morts auront éternellement tort
Du vivant de Papa Sankara, on se rappelle qu’il avait donné une interview dans laquelle il disait en substance que depuis le 15 octobre 1987, il avait perdu ses deux fils : Thomas est mort, et Blaise ne le fréquente plus. Et de conclure que sa porte restait grandement ouverte à son fils Blaise. Le bon sens, l’honnêteté et la droiture auraient voulu que Blaise Compaoré fasse son témoignage de récit à ce moment précis.
S’il a décidé de garder le profil bas pour des raisons qui lui sont propres en son temps, pourquoi alors avoir attendu après la mort du vieux Sankara pour faire une telle déclaration ? Comme dit l’adage, les absents ont tort, et nous ajouterons que sous le règne Compaoré les morts auront éternellement tort, du complot de 20h jusqu’à : « Dis à mon fils que j’ai faim ».
On accuse, on prête des propos et des intentions à des personnes qui ne sont plus de ce monde ; ainsi, on est sûr qu’il n’y aura pas de contradictions.
Blaise Compaoré a-t-il demandé au Président de l’Assemblée nationale de quoi avait faim le vieux Sankara ? Avait-il faim de voir son fils Blaise ? Avait-il faim de vérité et de justice sur la disparition de Thomas ? Ou bien avait-il faim de nourriture ou d’argent ?
Pour Blaise Compaoré, la réponse à toutes ces questions était simple : le vieux Sankara avait faim d’argent. Par conséquent, il n’existait qu’une solution : je lui envoie un pli, et le problème est résolu.
Des témoignages que nous avons recueillis avec la famille Sankara à propos de ces paroles prêtées au vieux Joseph, ainsi que du pli, il ressort que Blaise Compaoré est passé par des intermédiaires, à maintes reprises pour soudoyer le vieux Joseph Sankara.
Blaise avait-il besoin d’intermédiaires pour parler au vieux Sankara ?
Au nombre de ces intermédiaires : • Gilbert Diendéré et Yéro Boly lors des funérailles de Maman Sankara. Ces derniers sont venus avec un pli contenant de l’argent et une carte de visite de son Excellence. Après les funérailles, la famille est passée par les mêmes intermédiaires pour remettre le colis, pour des raisons d’éthique.
• El Hadji Oumarou Kanazoé (encore lui) ; ce dernier est passé au cours de la période de la journée nationale de pardon. Il a usé de tous les moyens pour remettre une enveloppe au vieux Joseph qui a décliné l’offre.
• L’Action sociale, sous le couvert du ministère de l’Action sociale, a également essayé, au nom de leur ministre, de remettre quelque chose au vieux Sankara ; la famille a également décliné l’offre.
• Maure Akendengué est venu une première fois avec de l’argent en compagnie de Diendéré (Golf) ; cette somme a également été retournée. Une deuxième fois un 04-Août, le même Maure Akendengué est revenu avec un lot de vivres composé de sac de riz, de bidons d’huile et d’autres choses. La famille l’a fait ramener ses vivres.
• Mme Korsaga, lors d’une hospitalisation du vieux à la Polyclinique du Centre, est passée laisser une enveloppe, laquelle lui a été retournée. La liste est longue !
Dans le temps, Blaise avait-il besoin d’intermédiaires pour parler au vieux Joseph ? La réponse est non. Pourquoi, malgré la porte qui lui est restée ouverte, il n’a jamais franchi le seuil de cette porte pour parler à son « papa Joseph Sankara » ? Que lui a fait ce vieux qui l’aimait comme son fils, pour que Blaise en arrive aujourd’hui à vouloir salir la mémoire de ce vieux dont tout le quartier et tous ceux qui l’ont côtoyé et connu reconnaissent la sagesse et l’intégrité ?
Il faut retenir que lors de leurs différents passages, les émissaires de Blaise Compaoré ont voulu abuser de l’âge avancé du vieux pour laisser lesdites enveloppes, ou profiter de l’absence dans la cour des enfants du vieux Joseph pour laisser les colis. A chaque fois que les enfants se rendaient compte de la provenance des cadeaux, poliment ils retournaient les présents. C’est en cela que les enfants du vieux Sankara ont toujours veillé au grain pour éviter la duperie.
Puisque le président Blaise Compaoré parle du président de l’Assemblée nationale, qu’il nous précise duquel il s’agit : est-ce Rock l’ami de Pascal Sankara ? Ou est-ce le Dr Bongnessan Arsène Yé ? Eux, au moins, sont vivants et peuvent dire dans quelle circonstance l’un d’entre eux a rencontré le vieux Joseph Sankara, et ce qu’il avait dit réellement, et quelle a été leur compréhension de la fameuse phrase : « Dis à mon fils Blaise que j’ai faim », et comment ils l’a transmise à qui de droit.
On ne peut pas traverser l’histoire
Quant au 04 août 1983, de tous les acteurs de la RDP et du CNR, il n’y a que Blaise Compaoré qui le dissocie du 17 mai 1983. Il dit à ce sujet en effet : « Le 17 mai 1983, c’est l’arrestation de Thomas Sankara, ce n’est pas à nous d’en parler » (In L’Observateur paalga du Lundi 22 octobre, p.7) (Sic).
Oubliant du coup que s’il n’y avait pas eu le 17 mai 1983, suivi des 20, 21 et 22 mai, au cours desquelles la jeunesse voltaïque et d’autres acteurs de la société ont manifesté énergiquement contre l’arrestation de Thomas Sankara, il n’y aurait jamais eu de nuit historique du 04 août 1983.
Etant entendu que c’est à la suite de ces manifestations que certains civils ont rejoint le camp de Pô. Lequel camp, faut-il le rappeler, était d’abord sous les ordres de Thomas Sankara qui a proposé sa création, l’a dirigé pendant des années avant de le céder à Blaise Compaoré ?
C’est forts de la confiance que la population de Pô et les militaires du CNEC plaçaient en Thomas Sankara, que ces derniers ont également donné toute leur confiance à Blaise Compaoré, le plus que frère de Thomas Sankara. On ne peut pas escamoter la vérité, ni travestir l’histoire.
23 ans seulement nous séparent de 1983, et 20 ans de 1987 ; il y a d’autres acteurs et témoins historiques de ces époques qui sont toujours vivants. Alors, Monsieur Blaise Compaoré, vous seul savez pourquoi vous nourrissez tant de haine à l’égard de votre frère d’armes, ami et témoin de mariage, même après sa mort.
De grâce, à vouloir tout ramener à vous, ou banaliser des faits historiques essentiels et capitaux, vous vous forgez une très mauvaise image auprès du peuple burkinabè et des peuples d’ailleurs qui ont été témoins de l’histoire récente de notre pays.
Sur cette lancée de témoignage historique, le colonel Gilbert Diendéré fait pire que son maître : « La modestie de Blaise, dira-t-il, fait qu’il ne veut pas parler de lui, mais sans lui il n’y aurait pas eu de 4 août 1983… » (In L’Observateur paalga du lundi 22 octobre, p.7).
Heureusement qu’il existe d’autres officiers de l’armée burkinabè, acteurs du 04 août, le capitaine, pardon le commandant Boukary Kaboré, pour nous donner un autre témoignage : « Toutes les conditions étaient réunies pour qu’il y ait la révolution. Ce qui signifie que cela n’a pas été l’œuvre d’un individu, fût-il puissant.
Un mécontentement général de la population en était l’origine. Il y avait donc des organisations politiques qui étaient impliquées, surtout le PAI-LIPAD ». Par rapport à l’interview que Blaise Compaoré a accordée à Jeune Afrique récemment, le lion du Bulkiemdé est formel : « Là, c’est sa compréhension. Moi j’ai participé aux différentes réunions.
Blaise était déjà à Pô et il n’a même pas participé aux dernières corrections de la déclaration du coup d’Etat que nous avons rédigée. A moins que, selon lui, il n’y ait eu des camps qui ont fait les préparatifs. Tout le monde était unanime que c’était Thomas Sankara qui serait président, personne d’autre. Que ce soit clair et net. » (In Libérateur n° 42 du 20 octobre au 04 novembre 2007, pp 8-9).
Colonel Diendéré, revoyez vos calepins
Selon des témoins de la résistance à Pô qui se sont ouverts au journal le Libérateur : « Le 17 mai s’organise autour des éléments clés à Pô. Des noms qui reviennent sont, entre autres : Vincent Askia Sigué, Tibo Ouédraogo1, Blaise Compaoré et Mohamed Maïga2. » (In Libérateur no 42 du 20 octobre au 04 novembre 2007, p 12).
Donc, monsieur le colonel Diendéré, lieutenant à l’époque des faits, revoyez vos calepins ou faites appel à votre mémoire. Le 04 août 1983 est l’œuvre d’un groupe de Voltaïques, des civils et des militaires.
Il serait intéressant ici, à l’occasion des innombrables témoignages, de citer celui de Thomas Sankara sur le 17 mai et le 04 août 1983 ; il disait ceci : « …Nous, nous pensons que le 04 août 1983 est simplement l’aboutissement, la concrétisation d’une volonté populaire que vous avez pu suivre ici en Haute-Volta.
Du reste, nous disons que tous ces Voltaïques qui se sont mobilisés à Ouagadougou et ailleurs, après ce fameux coup d’Etat de mai dernier, tous ces Voltaïques ne sont pas mobilisés simplement à cause du capitaine Sankara et de ses camarades, mais à cause d’un processus auquel ils étaient très attachés-le processus de libération du peuple voltaïque… » (Libérateur du 22 octobre, p. 16).
Ainsi donc, le père de la révolution n’a jamais tiré la couverture à lui ni pour le 17, encore moins pour le 04 août 1983. Mieux, aucun sankariste n’a jamais affirmé que Blaise Compaoré a compté pour du beurre dans la nuit du 04 août 1983.
Par contre, tous les sankaristes d’ici et d’ailleurs sont unanimes sur une chose, c’est Blaise Compaoré qui a enterré la révolution de tout un continent. La RDP, sous la conduite du CNR, n’était pas seulement la révolution des Burkinabè, elle était celle des Africains et de tous les peuples opprimés dans le monde.
Un adage gourmantché dit : « Un prince qui ne peut pas respecter un roi ne sera jamais intronisé roi. Dans le pire des cas, s’il se fait introniser par des subterfuges, il n’aura jamais le respect dû à un roi ». Quel que soit le différend qui vous a opposé et qui continue de vous opposer à Thomas Sankara même mort, à force de lui nier toute initiative ou tout honneur, rassurez-vous qu’après vous, cela risque d’être votre cas.
Pour finir, ce n’est pas l’absence de liberté qui a tué le CNR, mais le trop de liberté et de démocratie au sein du CNR. Ce qui a permis à des opportunistes d’intoxiquer et d’envenimer la situation, au point de liquider la révolution avec son charismatique et visionnaire leader.
« Les tragédies des peuples révèlent des grands hommes, mais ce sont les médiocres qui provoquent ces tragédies » (Thomas Sankara)
Issaka Herman Traoré
1 Actuellement directeur du Parc Automobile de l’Etat, depuis que le Senaque du palais a comploté pour l’écarter. 2 La maison de la presse Mohamed Maïga porte le nom de cet illustre journaliste disparu très tôt.
Source : L’observateur du N°6998 du 25 octobre 2007 http://www.lobservateur.bf/article.php3?id_article=7061?&sq=Oarticle
– celle de Jonas Hien , ami personnel de Joseph Sankara :”Le vieux Sankara n’a pas deamndé à manger à Blaise” à l’adresse http://www.thomassankara.net/le-vieux-sankara-na-pas-demande-a-manger-a-blaise-de-jonas-hien/
> “Comme dans la Sourate Al-Ma’idah” de Issaka Traoré
quel plaisir de lire quelque chose qui a de la hauteur et de la conviction etayee On peut se sentir qu’il reste encore de vrais intellectuels et que tout le monde n’a pas le ventre en vue
merci
somé