Complot du 18 septembre 1989 : Certaines vérités 16 ans après

Source : L’indépendant dNuméro 628 du mardi 20 septempbre 2005 http://www.independant.bf/article.php3?id_article=230?&sq=artchive

 

L’année 1989 peut être considérée comme celle de tous les malheurs pour bon nombre de Burkinabé qui s’étaient engagés dans le Front populaire après le coup d’Etat sanglant du 15 octobre 1987. Mais ce fut pour le président Compaoré une année décisive et celle des grands adieux. Il fallait coûte que coûte en finir avec les rêveurs du marxisme-léninisme et passer à l’étape supérieure. Les assises sur le bilan d’un an de Rectification tenues les 26, 27 et 28 janvier 1989 furent une occasion pour les derniers communistes du régime de dénoncer avec joie, ferveur et croyance les déviations prises par les tenants du système. Une semaine après ce grand rassemblement, les premières sanctions ont commencé à tomber : Moïses Traoré, le président du comité thème lors des assises a été limogé de son poste de ministre délégué à l’Habitat et à l’Urbanisme pour n’avoir pas su contenir la fougue des Comités révolutionnaires lors des débats. Quelques mois plus tard, un autre remaniement devait exclure tous les ministres du Groupe communiste burkinabé (GCB) et de l’Union de lutte communiste (ULC), ces deux organisations ayant refusé d’adhérer à l’ODP/MT, le nouveau parti du président Compaoré qui a vu le jour dans l’intention de rassembler tous les marxiste-léninistes du Faso. Toute cette ambiance fut entretenue par une presse souterraine comme vers la fin du régime du CNR. Ces tracts vouaient aux gémonies le président Compaoré en même temps qu’ils magnifiaient le commandant Lingani et le capitaine Zongo.

De nombreuses divergences

Dans le domaine de la sécurité, des divergences profondes s’étaient faites jour entre le commandant de gendarmerie, Mori Jean Pierre Palm et M. Alain Ouilima, le directeur général de la police nationale. Les deux se surveillaient, chacun cherchant chez l’autre la faille pour le mettre en difficulté auprès du président Compaoré. C’est dans cette ambiance qu’en septembre 1989, pendant que le président du Faso était absent du pays pour un long périple qui l’a conduit dans plusieurs pays d’Asie, que l’arrestation des commandants Jean Baptiste Lingani et Sabyamba Koundaba, du capitaine Henri Zongo et de l’adjudant Gnégnin a eu lieu. A plusieurs reprises des hommes de tenues et même des civils auraient approché le commandant Lingani pour lui dire de prendre ses responsabilités face à la dérive contre-révolutionnaire de Blaise Compaoré. Les yeux bandés, on aurait demandé aux officiers incriminés de dénoncer certains complices. Pour toute réponse, Lingani aurait demandé qu’on l’emmène devant le président Compaoré pour qu’ils se parlent d’homme à homme. Jusqu’à ce qu’il soit passé par les armes, il n’aurait pas eu cette occasion. Alors, il aurait refusé de dénoncer d’éventuels complices. C’est le capitaine Henri Zongo qui aurait beaucoup parlé, non pas pour dénoncer des complices, mais pour dire certaines vérités à leur frère d’armes, Blaise Compaoré. Il aurait déclaré que même si c’est dans l’au-delà, un jour ils auront à s’expliquer.

Les tentatives de putsch se suivent et se ressemblent

Curieusement, certaines personnes qui étaient allées voir le commandant Jean Baptiste Lingani pour lui dire de prendre ses responsabilités étaient parmi celles qui devaient expliquer aux Burkinabé le bien-fondé de cette deuxième décantation. Seize ans après, tout le monde s’accorde à dire que les deux chefs historiques de la Révolution se sont fait piéger dans un coup d’Etat imaginaire. Comme en 1996 cette fameuse tentative de coup de force de l’adjudant Hyacinthe Kafando, qui a été l’occasion pour le colonel Diendéré de se débarrasser de ses hommes au RSP. S’il avait été sur place au Burkina, il ne lui aurait sans doute pas échappé. Tout comme en 2003, l’autre tentative de putsch imaginaire dans laquelle le capitaine Luther Diapagri Ouali, le sergent Naon, le caporal Bassana, le capitaine Bayoulou…sont tombés. Eux ont eu plus de chance que les autres. Pour revenir au complot du 18 septembre 1989, à ce que l’on dit, l’adjudant-chef major, Abdramane Zoétyenga (sergent-chef au moment des faits) n’avait jamais été associé aux missions présidentielles. Mais pour une des rares fois, pour le périple qui devait conduire Blaise Compaoré dans plusieurs pays d’Asie, curieusement, il faisait partie de cette mission. C’est après coup, qu’il aurait compris la manigance. D’aucuns disent que s’il avait été là, les choses se seraient passées autrement, à cause de son grand attachement au commandant Lingani. Tôt ou tard, on saura avec exactitude ce qui a bien pu arriver aux deux chefs historiques de la Révolution. Une chose est cependant sûre, c’est que le capitaine Henri Zongo jusqu’à sa mort n’avait jamais réellement adhéré au mouvement de rectification. Pendant les deux ans qu’il a cheminés avec Blaise comme chef de l’Etat, il semble qu’il n’aurait jamais prononcé son nom ou son titre dans tous les discours qu’il a eu à faire en public. Une preuve supplémentaire qu’il ne portait pas les rectificateurs dans son cœur.

 

 

Michel Zoungrana

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