Pour rendre compte de cette inauguration, nous vous proposons plusieurs textes ainsi que quelques photos. Un article rendant compte de l’évènement, l’allocution de Mariam Sankara, celle de Gabriel Biba-Nkouka, président du comité Sankara de Montpellier qui est revenu sur les origines du baptême de cette allée et du symbole que cela représente,  et une interview exclusive de Viané l’artiste qui a réalisé la fresque.

La rédaction


Le 7 décembre 2024 a été inaugurée une fresque réalisée par l’auteur plasticien Viané, au lieu dit square Thomas Sankara. Sur trois séries d’une dizaine d’escaliers de l’allée Thomas Sankara, il a réussi à représenter trois fois le visage de Thomas Sankara sur ces escaliers, sur des surfaces non planes. De couleurs volontairement chatoyantes ces fresques viennent ainsi éclairer d’un peu de gaité cet endroit. Bien que mort tragiquement, Thomas Sankara était plutôt quelqu’un de gai, taquin et blagueur, au quotidien et lors des rencontres avec la population.

Sankara a été assassiné parce qu’il dérangeait la Françafrique, mais aussi certains de ses compatriotes, fatigués d’une Révolution à laquelle il faisait semblant d’adhérer, alors qu’ils  n’aspiraient qu’à s’enrichir et profiter des attraits du pouvoir.

Madame Sankara réside à Montpellier depuis 1989. Sans doute était-il temps qu’un hommage soit rendu à son mari, même si on aurait aimé un lieu plus important de la ville de Montpellier plutôt que cette allée un peu reculée.

Baptisé du nom de ce grand dirigeant révolutionnaire, considéré comme un modèle pour tout le continent, cet endroit est devenu ainsi un des lieux où est commémorée sa mort par le comité Thomas Sankara de Montpellier. Ce nom lui a été officiellement été donné le 30 novembre 2013, à l’initiative de la mairie de Montpellier, en présence de Mariam Sankara, des membres du comité Thomas Sankara, devant une assemblée majoritairement composé d’Africains. Une réponse d’une mairie de gauche à l’accueil réservé à Blaise Compaoré quelques mois auparavant à l’Assemblée Nationale. En effet le 5 juin de la même année, Blaise Compaoré était applaudi devant la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale. A cette occasion Élisabeth Guigou, pourtant socialiste aussi, déclarait : « « Ces applaudissements, qui ne sont pas systématiques dans notre Commission, témoignent de notre gratitude pour le rôle que vous jouez et pour la vision que vous avez du développement de votre pays et du continent africain » (voir http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cafe/12-13/c1213069.asp#P9_154).

Le peuple de son pays n’allait pas tardé à la désavouer. L’année suivante, en effet, fin octobre 2014, Blaise Comparé était chassé du pouvoir par une magnifique insurrection populaire, puis exfiltré par les troupes françaises, lui permettant par la même occasion d’échapper à la justice de son pays. Bien qu’absent lors du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, il a cependant été condamné par contumace à la détention en perpétuité le 6 avril 2022.

de gauche à droite Mme Clare Hard, Mariam Sankara, Viané, , Gabriel Biba-Nkouka et M. Cote Sebastien

L’inauguration des fresques a été célébrée en présence de plusieurs personnalités, Mariam Sankara, les représentants de la municipalité, Mme Clare Hard, adjointe au maire de Montpellier déléguée aux Relations internationales et Mr COTE Sébastien  (Elu municipal délégué aux commémorations et à la sécurité), Mme MALONGA Grace représentant les employés municipaux et , Me Jean Abessolo avocat de la première heure dans le combat « Justice pour Sankara et ses 12 compagnons et une foule de personnes voulant rendre, par sa présence, un hommage à Thomas Sankara, enfin l’auteur de la fresque Viané.

On trouvera ci-dessous, l’adresse de Mariam Sankara, le discours du Président du comité Sankara de Montpellier et une interview de Vianney Raynal dit Viané, l’auteur de la fresque. Mais de nombreuses personnes ont tenu à prendre la parole pour rendre hommage à Thomas Sankara.

Bruno Jaffré


L’allocution de Mariam Sankara

Je suis très heureuse de participer à l’inauguration de cette fresque dédiée au Président Thomas Sankara.

De son vivant, il était contre le culte de la personnalité. Mais il ne nous en voudrait pas, car il s’agit ici d’un travail de mémoire qui nous rappelle la personne qu’il a été, ainsi que les aspirations de justice et de dignité qu’il a incarnées pour les peuples, à l’intérieur et en dehors de son pays.

Je remercie monsieur Philippe Thines, élu municipal qui a été à l’initiative de l’Allée Thomas Sankara.

Merci à la Métropole et à la Mairie de Montpellier, pour l’hommage qu’elles rendent aux leaders africains panafricains, par la dénomination des places et des voies en leurs noms.

Je remercie également les communautés africaines et françaises d’être venues découvrir cette belle fresque.

Je remercie les membres du CTSM (Comité Thomas Sankara de Montpellier) qui se sont mobilisés pour préparer cette cérémonie.

J’adresse un salut spécial à Vianné, membre du CTSM, qui n’a ménagé aucun effort pour la réalisation de cette magnifique fresque.

Je remercie enfin la mairie de Montpellier d’être restée à l’écoute des requêtes du CTSM et d’avoir autorisé la réalisation de cette fresque dans l’Allée Thomas Sankara.

Comme vous le savez, Thomas Sankara a dirigé le Burkina Faso pendant quatre ans seulement – entre le 4 Août 1983 et le 15 octobre 1987-. Malgré cela, sa pensée et son action révolutionnaire ont marqué le cours de l’histoire de ce pays d’Afrique. Autrefois appelé Haute Volta, ce pays a été dénommé sous la révolution « Burkina Faso » qui veut dire le pays des hommes intègres. Au-delà de cette dénomination, Thomas Sankara a fait de l’éthique, le principe fondateur de la révolution.

Son souci majeur était que les burkinabè et les africains en général changent de mentalité et osent inventer l’avenir en se prenant en charge dans la transformation politique, économique, sociale et culturelle de leur pays.

Partout où il est allé, il a défendu courageusement sa vision des relations équilibrées entre le nord et le sud d’une part, et, d’autre part, les relations de solidarité entre les pays du sud.

Dans les pays du sahel confrontés au terrorisme, le message de Sankara résonne encore aujourd’hui. Il inspire la jeunesse du continent ainsi que les jeunes dirigeants un peu partout en Afrique.

Le message de Sankara reste d’actualité.

Puisse cette Allée faire échos de son œuvre pour les générations actuelles et futures.

Je vous remercie,

Mariam SANKARA


 

L’allocution de M. Gabriel Biba-Nkouka, président du comité Thomas Sankara de Montpellier

Chers amis, Chers compatriotes, Chers invités.

Je voudrais particulièrement remercier la Municipalité et la Métropole à travers leurs délégués légaux ici présents : Mr COTE Sébastien (Elu municipal délégué aux commémorations et à la sécurité) et Mme HART Clare (Adjointe au maire chargée aux relations internationales) en représentation de Mr Mickaël Delafosse, Maire de Montpellier et Président de la Métropole.

Merci aussi aux responsables et agents municipaux que nous avons longuement sollicités et avec qui nous avons patiemment préparé cette cérémonie. Je voudrais remercier particulièrement Mme MALONGA Grace, ici présente, pour son implication infaillible malgré les multiples rebondissements organisationnels

Mes remerciements aux différents Elus de la Municipalité et de la Métropole et plus particulièrement à Philippe THINES élu municipal qui aura été à l’initiative de cet espace public (l’Allée Thomas Sankara)

Mes remerciements aussi à Jean Abessolo, ici présent, avocat de la première heure dans le combat « Justice pour Sankara et ses 12 compagnons ». Une profonde reconnaissance aussi envers tout le collectif des avocats ainsi qu’à toutes les associations citoyennes, au Burkina et en Afrique, en France, en Europe et partout dans le monde, qui ont accompagné Mariam Sankara dans sa quête de droit, de reconnaissance, de Justice.

Un petit clin d’œil à un ami, Christophe Kibodi ici présent, qui quand il a su que nous allons inaugurer les fresques sur l’Allée TS, a manifesté sa vive volonté d’être présent malgré sa mobilité fortement réduite. Une pensée aussi pour Xavier Petitjean, notre trésorier absent cet après-midi en raison de son engagement dans le téléthon du moment. Merci à Guy Guyot de la Maison des Tiers Mondes et de la Solidarité Internationale (MTMSI) qui, malgré son grand âge, nous honore de sa présence en ce jour mémorable.

Merci enfin à vous tous, ici présents, amis et compagnons des luttes panafricaines, engagés dans le combat immuable pour une réelle indépendance et une réelle autodétermination du continent : Thomas Sankara et bien d’autres nous ont montré la voie.

  1. Historique de l’Allée :

En novembre 2013, l’Allée Thomas Sankara a été inaugurée en présence de Mme MANDROUX (maire de Montpellier à l’époque). Je voudrais, aujourd’hui, partager avec vous l’historique de cette épopée qui tient principalement à l’ardente volonté d’un jeune devenu adulte depuis. En effet, dans les années 2010, le jeune Yoan THINES rentre d’un séjour professionnel au Burkina Faso. Malgré la disparition du Jeune Président assassiné, il est séduit par la personnalité omniprésente et vivace d’un Homme profondément Intègre ainsi que par son aura auprès de la jeunesse Burkinabé. Il suggère alors à son père, Philippe THINES (responsable à l’époque de la gestion des espaces publics municipaux), de dénommer du nom de Thomas SANKARA, une rue de la ville. L’Allée Thomas SANKARA est actée lors d’un conseil municipal ainsi que d’autres dénominations en hommage aux héros panafricains notamment la Rue Patrice Lumumba et la Rue Nelson Mandela dans deux quartiers résidentiels de la ville de Montpellier. Lorsque nous avons été informés de cette dénomination, le CTSM s’est immédiatement rapproché de la municipalité pour s’approprier les lieux. Il s’en suivra l’inauguration du 30 novembre 2013.

  1. L’Allée Thomas SANKARA : Un Trait d’Union et une Forte Symbolique

L’Allée, telle que nous la connaissons aujourd’hui est un Trait d’Union, une Passerelle à forte connotation symbolique.

Tous les africains de ma génération se souviennent sans doute encore de leurs moments de scolarité dans leur adolescence ou leur jeunesse. En effet, pour rejoindre le Lycée Victor Augagneur (à côté de l’hôpital Louis Pasteur), je devais pour ma part, emprunter le Bd Charles de Gaulle, passer le Rond-Point François Mitterand, enjamber la lagune grâce au Pont Pierre Savorgan de Brazza.

Aujourd’hui à Juvignac, une commune de la Métropole, les jeunes du quartier des Constellations peuvent emprunter le « Chemin Thomas Sankara » pour rejoindre le complexe scolaire « Nelson Mandela ».

A Montpellier, « l’Allée Thomas Sankara » permet de relier le quartier Antigone à celui des administrations et des établissements scolaires de Joffre et Mermoz. Un Trait d’Union et une Passerelle à forte connotation symbolique :

  • La symbolique d’une part de l’Éducation, de l’Instruction et de la Connaissance avec le Lycée Général Joffre, le Lycée Technique et Professionnel Mermoz dont les enseignants et les élèves empruntent quotidiennement l’Allée
  • La symbolique de la Communication d’autre part, celle de l’Information avec notre fleuron local : la Radio France Bleue Hérault dont les locaux bordent l’Allée.
  • Enfin, la symbolique de la Finance avec, à l’entrée de l’Allée, les bâtiments du Trésor Public et ceux de l’administration des finances, fers de lance de l’économie et de l’entreprise quand ils ne sont pas instruments de dépendance financière et monétaire.
  1. Projet futur : suite de la valorisation de l’année

Pour revenir à notre allée, Vianné (notre artiste) nous fera l’honneur de dévoiler son œuvre artistique qui représente, pour nous, une première tranche d’un projet de valorisation globale de l’Allée. Nous avons en effet, l’ambition de permettre à des jeunes et moins jeunes artistes locaux d’investir les lieux et de faire de l’Allée TS, une succession de tableaux, une sorte de musée à ciel ouvert en honneur au Président Thomas Sankara.

Tout comme il existe à Montpellier, à Odysseum plus exactement, une Place dédiée aux Grands Hommes et Femmes de notre humanité contemporaine. L’espace public qui se juxtapose à l’Allée Thomas Sankara dans sa partie basse, pourrait être dédié aux militants et combattants panafricains. Cet espace pourrait être baptisé : Place de la Paix, Place de la Liberté, Place des Indépendances, que sais-je ……… ou Place des Hommes Intègres.

C’est un projet qui nous tient à cœur et que nous nous efforcerons de faire aboutir en lien et en partenariat avec la Mairie et la Métropole. RDV donc ici et à nouveau dans quelques mois pour célébrer ensemble ces réalisations à venir.

Au nom du Comité TS et en mon nom personnel, je voudrais vous dire toute notre reconnaissance pour votre présence, votre soutien et votre engagement.

Je vous remercie.

Gabriel BIBA-NKOUKA, pour le Comité Thomas Sankara Montpellier


 

Viané le créateur de la fresque: “Ce sont les Burkinabè qui m’ont fait connaître Thomas Sankara “, interview

La fresque est très colorée avec des couleurs chatoyantes. C’est un choix artistique, mais symbolique aussi ?

Oui, j’aime les couleurs qui me rappellent mes voyages en Afrique. En fait les fresques devaient avoir une base de rouge, jaune et vert.

Et puis des contraintes sont venues changer la donne. Il était prévu de peindre des citations de Thomas Sankara mais la mairie souhaitait des images seulement. Une architecte a également donné son point de vue pour mieux intégrer les couleurs à la végétation à coté des escaliers du bas. Finalement il ne reste que les frises de triangles rouges, jaune, vert sur le coté droit des escaliers, qui  symbolisent les couleurs du Burkina Faso et de l’Afrique en général.

Réaliser des fresques dans des escaliers qui ne forment donc pas une surface plane, c’est une difficulté particulière. Comment s’y prend-on ?

Je n’avais aucun mode d’emploi et aucune garantie du résultat. Surtout que les marches n’avaient pas la même taille partout, ce qui augmentait la difficulté.

J’ai beaucoup travaillé en amont, avec les logiciels illustrator et photoshop. J’ai fait imprimer 3 grands pochoirs de 2,70m de large sur 1,80m de haut, que j’ai ensuite découpés en 10 bandes de la taille des marches. En je me suis fait aider pour appliquer les pochoirs sur les marches.

La peinture n’a pas été évidente à réaliser non plus car au bout de quelques jours je me suis fait une entorse au genou, à force de me baisser et de me relever.

Viané au travail

Il faut préciser que j’ai peint les soirs et les week-ends durant un mois.

De nombreux Burkinabè ont critiqué les fresques en disant que l’image de Thomas Sankara allait être piétinée. J’aimerai préciser que son image n’est pas au sol, sur les marches, mais elle est peinte sur les contremarches!

Des collégiens empruntent bien cette allée (d’ailleurs j’ai eu à faire le gendarme pour faire respecter les rubans de balisage lorsque je peignais le soir vers 17h à la sortie des classes.) Ils vont certainement ainsi chaque année découvrir qui était Sankara.

Comment avez-vous découvert le Burkina et Thomas Sankara ? Vous avez commencé vos activités au Burkina en produisant des musiciens, vous êtes toujours dans la musique?

J’ai découvert le Burkina Faso en 1996, en passant d’abord par Abidjan puis en remontant (Bouaké, Korhogo…). J’ai aimé le Burkina et je suis revenu quelques mois plus tard. Ce sont les Burkinabè qui m’ont fait connaitre Thomas Sankara. Je ne connaissais pas le personnage avant, je savais tout juste que c’était un président qui avait été assassiné, sans plus. Les récits ou les légendes que j’ai entendu sur Sankara m’ont poussé à rechercher les deux livres de Sennen Andriamirado que j’ai réussi à dénicher chez un libraire au bord de l’avenue Houari Boumediène (si mes souvenirs sont bons), pour 4000 CFA chacun. Je garde ces ouvrages jalousement!

Avant de venir au Burkina, j’avais acheté un petit clavier MIDI et avec un logiciel de M.A.O (Musique Assistée par Ordinateur), j’avais commencé à composer des instrumentaux de rap. En 1997, on m’a présenté Gilles K, le DJ du Jimmy’s à Ouaga. Son ami Alain venait de le rejoindre au Burkina Faso et on a décidé de monter un groupe: “MASK’A JAZZ”.

En ce moment, je travaille avec un chanteur qui vient d’enregistrer une chanson que j’avais écrite en 2008! On tourne le clip dans quelques jours. Je ne le produis pas vraiment mais je collabore avec lui. Je ne livre pas son nom car je préfère garder la surprise.

Et en 2023 j’avais réalisé un clip à l’aide de l’intelligence artificielle pour des artistes Burkinabè.

A part cette fresque et vos BD vous avez d’autres réalisations en art plastique?

Oui je peins depuis 6 ans maintenant et je compte me professionnaliser dans les prochains mois pour en tirer quelques revenus, en plus de mon travail salarié.

Vous avec fait des bandes dessinés, écrit un roman, maintenant une fresque consacrés à Thomas Sankara. Que représente-t-il pour vous ?

Le roman n’est pas encore terminé! Je suis exigeant avec moi-même et je souhaite offrir aux lecteurs un récit proche de la réalité historique, donc je travaille encore.

Thomas Sankara est un exemple qui m’inspire. Pour réaliser mes ouvrages, j’ai du lire et relire ses discours et ses interviews. Donc je suis emprunt de ses pensées que je trouve clairvoyantes. Il avait des défauts mais quand on écoute ses interviews, il dégage une sincérité, un bon sens, une énergie positive qui mérite d’être partagée au plus grand nombre. C’est ce que j’essaie de faire à travers mes activités.

Propos recueillis par Bruno Jaffré

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