Paris le 15 avril 2014

Communiqué de presse de l’association Survie

A l’occasion de la vingtième commémoration du génocide des Tutsi, les médias se sont fait largement l’écho de la nécessité de déclassifier et de rendre accessibles aux Français les archives concernant la politique menée au Rwanda de 1990 à 1994.

Interrogées, des personnalités comme Édouard Balladur et François Léotard, respectivement Premier Ministre et Ministre de la Défense en 1994, se sont publiquement déclarées favorables à l’ouverture des archives, estimant qu’il n’y avait rien à cacher. Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995, sera auditionné demain mercredi 16 avril par la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale. Les députés doivent saisir l’opportunité de cette audition pour exiger de M. Védrine qu’il s’engage à rendre publiques les archives en sa possession.

L’association Survie a contacté l’ensemble des parlementaires pour leur demander d’obtenir que la totalité des archives françaises concernant le Rwanda soient rendues publiques, sans être expurgées.

Les parlementaires, dont un des rôles constitutionnels est de contrôler l’action de l’exécutif, doivent lors des prochaines séances de questions au Gouvernement exiger que soient rendues publiques, entre autres, les archives de la DRM (Direction du Renseignement Militaire), les archives de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), les archives de l’Élysée, l’ensemble des télégrammes diplomatiques Kigali-Paris y compris ceux de la période du 6 au 15 avril, les archives des ministères de la Coopération, des Affaires étrangères, de la Défense, les archives de Matignon, l’enquête de l’Armée sur l’attentat, les archives du COS (Commandement des Opérations Spéciales), etc.

A titre d’illustration, ci-dessous un document auquel a pu avoir accès le journaliste Mehdi Ba.

Il s’agit d’un document de la DRM rédigé il y a 20 ans jour pour jour. Ce document montre que les FAR (Forces Armées Rwandaises), qui à l’époque non seulement combattaient le FPR de Paul Kagame mais également encadraient et participaient au génocide, demandaient benoîtement au gouvernement français, en plein génocide, de leur fournir des munitions par l’intermédiaire de notre armée.

Or, ce type de munitions a été utilisé pour commettre le génocide, comme le prouvent des documents du TPIR [http://www.francerwandagenocide.org. La mention « ratissage » dans ce document correspond à « génocide ». Document TPIR. Il faut rappeler que le génocide a été commis à l’aide de fusils, de grenades, voire même de mortier et donc non pas seulement à l’aide d’armes blanches contrairement à ce qui est souvent affirmé.]. Et c’est ce même type de munitions que Paul Barril s’engagera à fournir aux génocidaires, quelques semaines plus tard. Ce document de la DRM montre également que les FAR indiquaient en toute transparence à nos responsables politiques et militaires le nom et le contact d’un trafiquant d’armes français, lequel n’a, étonnamment, jamais été inquiété par les autorités de notre pays.Ce document, qui dénote une proximité stupéfiante avec les FAR, même en plein génocide, n’est qu’un exemple parmi de nombreux éléments qui appellent à ce que toute la lumière soit faite sur les décisions prises à l’époque au nom de la France par les dirigeants de notre pays.

Une mission d’information parlementaire – et non une commission d’enquête – a conduit ses travaux en 1998 et permis une première avancée vers la vérité. Cependant, le document présenté en annexe n’a jamais été rendu public. Les députés ont-ils même pu le consulter à l’époque ?

Concernant le rôle de la France au Rwanda, il demeure ainsi de très nombreuses questions qui n’ont pas encore trouvé de réponse. 20 ans après, alors que notre pays est l’objet d’accusations publiques, il est plus que temps.

Pour aller plus loin

20 documents pour comprendre, 20 ans après

La listes des documents que vous trouverez à http://survie.org/genocide/genocide-et-complicite/20-documents-pour-comprendre-le/)

1990-1993 : Opération Noroît, une intervention militaire illégale qui empêche l’effondrement du régime Habyarimana
Document 1 : Accord particulier dʼassistance militaire du 18 juillet 1975
Document 2 : Lettre du Général J.-P. Job relative aux missions du Lieutenant-Colonel Chollet, 9 décembre 1998
Document 3 : Note à l’attention de Monsieur le Président de la République. Objet : situation militaire au Rwanda, 1er juillet 1992
Document 4 : Note de lʼamiral Lanxade à l’attention de Monsieur le Président de la République 22 avril 1991
Document 5 : Note du général Quesnot au Président Mitterrand du 23 février 1993

L’intention génocidaire est connue des autorités françaises dès 1990
Document 6 : Télégramme diplomatique du 24 octobre 1990 signé du colonel Galinié, attaché de défense à Kigali

Octobre 1990 : Paris s’engage dans une guerre contre les Tutsi
Document 7 : Note de lʼamiral Lanxade du 11 octobre 1990 à lʼattention du Président de la République
Document 8 : Note de Dominique Pin à François Mitterrand du 2 mars 1993, sur la visite du ministre de la Coopération, Marcel Debarge, au Rwanda
Document 9 : Procès-verbal de la 3358 séance du Conseil de sécurité de lʼONU, 5 avril 1994

1990-1993 : Paris soutient un régime en pleine dérive génocidaire
Document 10 : Fiche particulière de la DGSE « Rwanda : éléments dʼinformation », 18 février 1993
Document 11 : Télégramme diplomatique de M. Bunel, rapportant les informations dʼun haut responsable du parti présidentiel rwandais

A partir du 8 avril 1994, les autorités françaises ne font rien pour arrêter le génocide en cours et maintiennent leur soutien politique et militaire à ceux qui le commettent
Document 12 : Ordre dʼOpération Amaryllis, 8 avril 1994
Document 13 : Compte-rendu de lʼOpération Amaryllis par son commandant, le colonel Henri Poncet, 27 avril 1994
Document 14 : Article du Monde du 30 avril 1994 : « Rwanda : le rôle de la France dénoncé par les rebelles »
Document 15 : Rapport de visite fait auprès de la Mission militaire de coopération à Paris, rédigé par le colonel rwandais Ephrem Rwabalinda, 16 mai 1994
Document 16 : Alain Juppé évoque le génocide à lʼAssemblée nationale, compte-rendu de la séance du mercredi 18 mai 1994
Document 17 : Lettre du Président rwandais Théodore Sindikubwabo au Président français François Mitterrand, 22 mai 1994

A partir du 22 juin 1994, l’opération Turquoise permet l’évacuation au Zaïre des auteurs du génocide
Document 18 : Ordre dʼopérations de Turquoise, 22 juin 1994
Document 19 : Note du Ministère des Affaires étrangères sur les « autorités de Gisenyi », 15 juillet 1994
Document 20 : Dépêche Reuter du 15 juillet 1994, annotée par Hubert Védrine, secrétaire-général de lʼElysée

– Pétition « levons le secret défense sur le rôle de la France »

voir (https://www.avaaz.org/fr/petition/Francois_Hollande_et_JeanYves_Le_Drian_Ministre_de_la_Defense_La_levee_du_secret_defense_sur_les_actions_francaises_au_R/)

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