LES RELATIONS ECONOMIQUES FRANCO-BURKINABE

DE 1980 A NOS JOURS : ANALYSE ET PERSPECTIVES

Mémoire de Maîtrise présenté par Windlassida Roberto SAVADOGO

(présentation et extraits)

 

Ce mémoire à été réalisé durant l’année universitaire 1997 – 1998 sous la direction de Monsieur Yacouba ZERBO, Maître-assistant à l’université de Ouagadougou dans le laboratoire d’histoire économique. Ce type travail de qualité et bien documenté  apparaît particulièrement utile dans la mesure où, au-delà des discours et des idées générales, il permet de savoir ce qui s’est concrètement passé.

Nous vous en livrons ci-dessous, la table des matières, l’introduction, la partie qui concerne la période révolutionnaire ainsi que la conclusion générale.

Le mémoire en entier est disponible à l’adresse http://www.bf.resafad.org/cerleshs

 

 


 

TABLE DES MATIERES

 

INTRODUCTION

I. METHODOLOGIE

II.  PROBLEMATIQUEPREMIERE PARTIE : APERCU HISTORIQUE DES RELATIONS FRANCO-VOLTAIQUES  AVANT  1980

CHAPITRE I : LA DISLOCATION DE L’EMPIRE FRANÇAIS ET LA CONSTITUTION DE L’ETAT  VOLTAÏQUE

1. 1. L’EVOLUTION POLITIQUE DES COLONIES D’AFRIQUE NOIRE FRANÇAISE APRES LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

1 .1 .1 .Les mobiles de la  decolonisation

1. 1. 2. La conférence de Brazzaville et la création de l’Union française

1. 1. 3. La contribution de la Loi-cadre aux Indépendances

1. 1. 4. La communauté constitutionnelle et l’indépendance des T.O.M

 

1. 2. L’ACCESSION DE LA HAUTE-VOLTE A LA SOUVERAINETE POLITIQUE

1. 2. 1. La genèse de la Haute-Volta

1. 2. 2. La marche de la Haute-Volta vers l’indépendance

 

CHAPITRE II : LES PREMIERS ACCORDS DE COOPERATION FRANCO-VOLTAÏQUE

2. 1. LES FONDEMENTS DE LA POLITIQUE D’AIDE ET DE COOPERATION FRANÇAISE EN AFRIQUE

2. 1. 1. Une nécessité dictée par l’histoire et l’humanisme

2. 1. 2. Les motivations économiques, culturelles et géopolitiques

 

2. 2. LE CONTENU DES ACCORDS DE COOPERATION FRANCO- VOLTAÏQUES

2. 2. 1. Le traité de coopération franco-voltaïque

2. 2. 2. L’accord de coopération économique, monétaire et financière

2. 2. 3. L’accord de coopération technique en matière de personnel

2. 2. 4. L’accord de coopération en matière de justice

2. 2. 5. L’accord de coopération culturelle

2. 2. 6. L’accord sur l’enseignement supérieur

2. 2. 7. L’accord de coopération sur l’aviation civile

2. 2. 8. L’accord sur la marine marchande

2. 2. 9. L’accord de coopération sur les postes et télécommunications

2. 2. 10. L’accord d’assistance militaire technique

 

DEUXIEME PARTIE : LES RELATIONS FRANCO-BURKINABE A PARTIR DE 1980 : AVENEMENT D’UN NOUVEAU PARTENARIAT OU « ILLUSION D’UN CHANGEMENT ? »

CHAPITRE III : LES CHANGEMENTS SOCIO-POLITIQUES EN FRANCE ET AU BURKINA FASO : GENESE D’UNE NOUVELLE PHILOSOPHIE DES RELATIONS ENTRE LES DEUX ETATS

3. 1. LE GOUVERNEMENT SOCIALISTE FRANÇAIS ET LA COOPERATION AFRICAINE

3. 1. 1. La conception de la politique française de coopération

3. 1. 1. 1. La nouvelle vocation des structures centrales de coopération

3. 1. 1. 2. Une nouvelle philosophie de la coopération

3. 1. 2. L’application de la nouvelle politique : distorsion entre la théorie et la réalité

 

3. 2. LES RELATIONS FRANCO-BURKINABE « FACONNEES » PAR LA REVOLUTION DE 1983

3. 2. 1. La politique économique du C.N.R

3. 2. 1. 1. Les différentes formes d’impôts institués

3. 2. 1. 2. Les investissements humains

3. 2. 2. La politique de coopération française du Burkina Faso sous le C.N.R

3. 2. 2. 1. Sa politique extérieure avec la france

3. 2. 2. 2. Le refroidissement des relations franco-burkinabè : causes directes de la renégociation des accords de 1986

3. 2. 3. Le gouvernement burkinabè et sa décision de réviser les anciens accords de coopération avec la France

3. 2. 3. 1. Les accords franco-africains hérités de la colonisation

3. 2. 3. 2. Des accords franco-burkinabè (ceux de 1961) déjà remis en cause

 

CHAPITRE IV : LES CONVENTIONS DE COOPERATION FRANCO-BURKINABE DE 1986

4. 1. LE CONTENU DES ACCORDS DE 1986

4. 1. 1. Les accords ratifiés sous le régime du C.N.R

4. 1. 1. 1. L’accord général de coopération

4. 1. 1. 2. L’accord de coopération économique et financière

4. 1. 1. 3. L’accord de coopération sur les postes et télécommunications

4. 1. 1. 4. La convention relative aux rapports entre les deux trésors, burkinabè et français

4. 1. 1. 5. La convention relative au centre d’appareillage de Ouagadougou

4. 1. 1. 6. L’accord de coopération sur la marine marchande

4. 1. 2. Les autres accords et conventions révisés

4. 1. 2. 1. L’accord sur l’enseignement, la culture, le sport, les communications audio-visuelles et la presse

4. 1. 2. 2. L’accord de coopération technique en matière de personnel

4. 1. 2. 3. La convention sur la coopération scientifique et technique

4. 1. 2. 4. La convention d’assistance administrative douanière

 

4. 2. L’ANALYSE DES NOUVEAUX ACCORDS DE 1986

4. 2. 1. La forme des textes

4. 2. 1. 1. Le style

4. 2. 1. 2. Le volume des textes

4. 2. 2. L’évolution du contenu des accords de 1986

4. 2. 2. 1. Au plan politique

4. 2. 2. 2. Au plan économique

4. 2. 2. 3. Au plan culturel

 

CHAPITRE V : LE NOUVEAU CONTEXTE POLITIQUE BURKINABE APRES 1987 ET L’EVOLUTION DES RELATIONS AVEC LA  FRANCE

5. 1. LE RAPPROCHEMENT FRANCO-BURKINABE SOUS LE FRONT POPULAIRE

5. 1. 1. La stratégie de développement du Front Populaire comme fondement de sa politique extérieure

5. 1. 2. La politique française du Front Populaire

5. 1. 2. 1. Ouverture et prudence.

5. 1. 2. 2. Le tournant des relations entre les deux pays

 

5. 2. LE RENFORCEMENT DES LIENS SOUS LA IVe REPUBLIQUE

5. 2. 1. La politique extérieure de la IVe République vue sous l’angle économique

5. 2. 2. Les relations avec la France

 

TROISIEME PARTIE : L’AIDE PUBLIQUE FRANCAISE AU BURKINA FASO A PARTIR DE 1980 : MANIFESTATION D’UNE SOLIDARITE FRANCAISE CHAPITRE VI : LES ENJEUX ET LES OUTILS DE FINANCEMENT DE L’AIDE FRANÇAISE

AU BURKINA FASO

6. 1. LES ENJEUX DE L’AIDE FRANÇAISE AU BURKINA FASO

6. 1. 1. Généralités sur l’aide française

6. 1. 1. 1. Le concept de l’aide

6. 1. 1. 2. Les caractéristiques de l’aide française

6. 1. 1. 2. 1. Sa relative massiveté.

6. 1. 1. 2. 2. Le caractère trop bilatéral de l’aide française

6. 1. 1. 2. 3. Une aide destinée en priorité à l’Afrique Sub-saharienne

6. 1. 1. 2. 4. Une aide constituée en grande partie de dons

6. 1. 2. Les intérêts économiques français au Burkina Faso

6. 1. 2. 1. Les avantages commerciaux

6. 1. 2. 1. 1. La France : premier fournisseur du Burkina Faso

6. 1. 2. 1. 2. La France : principale cliente du Burkina Faso

6. 1. 2. 1. 3. Une structure globale des échanges excédentaires pour la France

6. 1. 2. 2. Les avantages industriels (investissements) français au Burkina Faso

6. 1. 2. 2. 1. Les participations françaises dans les entreprises du Burkina Faso

6. 1. 2. 1. 2. Des marchés publics burkinabè dominés par des multinationales françaises

 

6. 2. LES INSTRUMENTS D’OCTROI DE L’AIDE FRANÇAISE

6. 2. 1. Le Fonds d’Aide et de Coopération (F.A.C) : instrument de coopération et d’influence politique

6. 2. 2. La C.F.D et son rôle dans le secteur productif

6. 2. 2. 1. L’évolution des activités et attributions de la caisse

6. 2. 2. 2. La C.F.D et les secteurs rentables

 

CHAPITRE VII : ANALYSE DU VOLUME DE L’A.P.D BILATERALE FRANÇAISE AU

BURKINA FASO

7. 1. 1. L’importance relative de l’APD française au Burkina Faso

7. 1. 2. L’évolution financière de l’APD française bilatérale au Burkina Faso

7. 1. 3. L’approche explicative de la fluctuation de l’aide française

7. 1. 3. 1. Les périodes de réduction des concours financiers français

7. 1. 3. 1. 1. L’intermède 1983-1986

7. 1. 3. 1. 2. La courte période 1991-1993

7. 1. 3. 2. Les périodes de hausse de l’aide française

7. 1. 3. 2. 1. La période de 1987-1990

7. 1. 3. 2. 2. La période de 1994-1996

 

7. 2. LA REPARTITION SECTORIELLE DE L’AIDE FRANÇAISE

7. 2. 1. L’importance des aides « hors-projets »

7. 2. 2. L’importance de la C.F.D dans l’aide-projet

 

7. 3. LES MESURES FRANÇAISES D’ALLEGEMETN DE LA DETTE BURKINABE7. 3. 1. Les mesures de la Baule

7. 3. 2. L’allègement de la dette burkinabé

 

7. 4. L’ASSISTANCE TECHNIQUE FRANÇAISE AU BURKINA FASO

7. 4. 1. L’évolution de l’enveloppe consacrée à l’assistance technique française au Burkina

7. 4. 2. Les effectifs de l’A.T.D française au Burkina Faso (1980-1996

 

CHAPITRE VIII : LA PROBLEMATIQUE DU SYSTEME D’AIDE ET DE COOPERATION DE LA FRANCE

8. 1. LES INSUFFISANCES DE L’AIDE FRANÇAISE

8. 1. 1. Le recul de la stratégie sectorielle de l’aide

8. 1. 1. 1. Réorientation de l’aide française : difficile adéquation avec le développement social

8. 1. 1. 2. Le mode d’intervention français dans le secteur rural

8. 1. 2. L’étatisme de la coopération française

8. 1. 3. Le « retour » de l’aide publique française

8. 1. 3. 1. La monopolisation des marchés publics par les entreprises du donateur

8. 1. 3. 2. Le cadre statutaire de la monopolisation

8. 1. 3. 3. Le coefficient du retour de l’aide française

 

8. 2. BILAN GLOBAL DE L’ASSISTANCE TECHNIQUE FRANÇAISE EN AFRIQUE

8. 2. 1. L’origine du dysfonctionnement du système

8. 2. 2. Un bilan mitigé

8. 2. 3. Les tentatives de réforme de l’assistance technique française

 

8. 3. LA CONTINUITE DE LA POLITIQUE TRADITIONNELLE DE COOPERATION

FRANÇAISE

8. 3. 1. Sous les septennats de MITTERRAND

8. 3. 2. Sous le septennat de CHIRAC

 

CONCLUSION GENERALE

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE

 

 

 


 

 

 

INTRODUCTION

 

I. METHODOLOGIE

Il s’agit dans un premier temps de présenter sommairement la méthode utilisée dans le processus de réalisation de ce travail de mémoire ; et dans un second temps de passer en revue les principales sources utilisées.

 

I. La stratégie de documentation

La recherche effectuée pour la présente étude est organisée autour d’un certain nombre d’axes, de techniques et de procédés que nous synthétisons en trois points.

 

1. La recherche bibliographique

C’est une quête préliminaire qui a consisté à rassembler de la façon la plus large que possible la documentation intéressant notre thème.

La lecture de certains des ouvrages généraux nous a permis de mieux cerner les contours du domaine de l’aide et de la coopération, ainsi que de ceux des questions bilatérales Nord-Sud.

Dans ce registre, nous inscrivons également les mémoires et les thèses qui ont contribué à formuler notre sujet.

Les fichiers des différents centres de documentation ont été utiles pour répertorier un grand nombre d’ouvrages importants. Beaucoup de titres ont été cependant repérés grâce aux notes et notices bibliographiques lors des lectures.

En ce qui concerne les documents d’archives, la recherche nous a orienté vers les services publics burkinabé et français.

 

2. La quête systématique et la nécessité de conception de fiches

L’exploitation du contenu des ouvrages et des archives ainsi que celle des entretiens oraux ont suivi le travail d’inventaire. Ce fut un moment très important et même déterminant pour la rédaction finale. Pour ce faire, l’utilisation de la fiche de lecture s’est avérée nécessaire pour synthétiser les idées et les ordonner, pour mémoriser les références et faciliter leur conservation. Comme l’a remarqué un auteur, « lire, obtenir des informations, avoir des idées, etc. sans mettre en fiche, c’est, comme faucher sans engranger, perdre son temps »1.

Cette étape nous a été très utile pour la conception d’un plan détaillé qui a nécessité

sans cesse des réajustements.

 

3. Le fichier et la rédaction finale

Les fiches ainsi conçues suite à l’élaboration des sources, sont par la suite rangées méthodiquement dans un fichier central qui reprend les mêmes articulations et titres du plan. La fiche y est insérée suivant son thème général et son sous-thème. Le fichier s’est alors constitué de dossiers, de sous-dossiers et de dossiers encore plus petits, de façon à reprendre et à respecter les grandes parties, les chapitres et les sous-points du plan.

Nous pensons que ce procédé oriente clairement les idées, structure effectivement le travail et facilite en définitive la rédaction du document. Mais auparavant, le fichier offre l’occasion de pouvoir déceler les aspects du plan qui méritent d’être approfondis, et en conséquence de procéder à des recherches complémentaires.

S’agissant de la rédaction finale proprement dite, nous avons opté pour un schéma chronologique ou linéaire. Ce qui du reste justifie l’utilisation de l’ancienne appellation « Haute-Volta » dans la première partie (période antérieure à l’avènement de la révolution burkinabé) et l’emploi de l’appellation actuelle « Burkina Faso » pour la période postérieure à 1983.

Cependant, pour des motifs de commodité, il nous est apparu nécessaire de mener des études thématiques à l’intérieur de chaque partie ou de chaque division chronologique.

 

II. Le commentaire des principales sources utilisées

1. Les ouvrages d’opinion

 

En la matière, ils sont nombreux ceux qui, non seulement recherchent le bien-fondé de l’institution de la coopération franco-africaine, mais aussi et surtout vitupèrent sur la présence française en Afrique.

Toutefois, en retraçant l’historique et en faisant l’analyse de cette présence française, au-delà de certaines visions apologiques, ces ouvrages dans leur diversité (historique, sociologique, philosophique et littéraire) ont le mérite de nous offrir des rudiments et des pistes de réflexion.

 

2. Les archives et les documents statistiques

Les archives « littéraires » utilisées proviennent essentiellement des deux directions générales de la coopération des Ministères de l’Economie et des Finances, et des Affaires Etrangères. Celles-ci se focalisent sur les textes des accords de coopération franco-burkinabé, sur les rapports des différentes commissions mixtes et sur de diverses correspondances entre les deux pays.

Quant aux documents d’archives statistiques, ils sont pour l’essentiel fournis par le Ministère de l’Economie et des Finances, par celui du Commerce, de l’Industrie et des Mines, ainsi que par la Mission française de Coopération et d’Action Culturelle de Ouagadougou (M.C.A.C).

Le premier service nous a été utile surtout pour les conventions de financement français2 et pour les marchés publics occasionnés par la mise en oeuvre de projets FAC et CFD.

Les statistiques émanant des services du Ministère du Commerce permettent de mesurer l’état des échanges entre le Burkina et la France, ainsi que l’importance des investissements commerciaux et industriels français effectués sur le sol burkinabé.

L’apport inestimable de la M.C.A.C concerne les rapports ou bilans annuels réalisés sur l’aide française octroyée au Burkina depuis 1980. Ce sont des documents à but financier et non économique. Ils ne renseignent pas par exemple sur le taux de réussite des projets ou ne font pas d’analyse sur l’orientation des financements de ces projets. Ils offrent toutefois des séries de données financières quasi-exhaustives sur l’ensemble des interventions publiques françaises3.

 

3. Les sources orales

A ce niveau nous avons rencontré des refus de bon nombre des personnes ressources qui ont émis des réserves lorsqu’il s’est agi de se prêter à nos questions. Ces difficultés sont-elles occasionnées par la nature du thème ? L’impression qui se dégage est que tout ce qui touche aux affaires bilatérales franco-burkinabé devient quelque peu tabou.

Les réserves sont venues d’abord de la part de certains responsables de la M.C.A.C. D’autres (les agents) ont accepté de nous recevoir mais en se réfugiant derrière l’anonymat.

Les mêmes attitudes ont ensuite été constatées chez des responsables burkinabé chargés des  questions d’aide et de coopération qui ont préféré tout simplement s’en décharger sur leurs agents techniques.

Un long séjour nous a alors et cependant permis de nous entretenir avec ces techniciens. Compte tenu de la nature technique du sujet, ces entretiens ont été, de préférence, explicatifs. Cela a facilité la compréhension de l’environnement politique et économique des rapports franco-burkinabé, et l’élucidation de certaines questions relatives à la signature des accords, à l’octroi des marchés publics et au financement des projets.

 

II. PROBLEMATIQUE

La présente étude a pour but de mener une réflexion sur les caractéristiques des rapports Nord-Sud en général, et singulièrement sur les relations franco-burkinabé. Il s’agit plus précisément, à travers les réalités d’aide et de coopération, d’appréhender la nature et le contenu des liens économiques existant entre le Burkina Faso et son ancienne métropole ; ce au regard de la nouvelle donne de leurs relations politicodiplomatiques créée depuis les années 1980.

Nous estimons que les deux notions : la coopération puis l’aide, sont deux facteurs fondamentaux voire incontournables dans les relations internationales à travers lesquelles il est possible de mener une analyse qui cerne plus d’un aspect des problèmes de coopération de type vertical. Elles y constituent d’ailleurs les deux thèmes majeurs et récurrents.

L’un des sujets d’actualité demeure en effet l’insuffisance et surtout la qualité douteuse de l’aide extérieure transitée par les structures bilatérales. Le cas des flux financiers (et technologiques) français en direction du Burkina Faso échappe difficilement à un tel constat.

Malgré quatre décennies d’indépendance politique et surtout de coopération avec la France, le Burkina Faso reste un Etat sous-équipé et économiquement sousdéveloppé.

Il ne regorge pas de ressources naturelles abondantes et doit donc son équilibre macro-économique à l’aide extérieure. Parmi ses partenaires au développement la France se positionne comme le premier bailleur de fonds avec annuellement près du tiers des apports bilatéraux à ce pays.

Cette importance quantitative de l’aide française a été toutefois sans impact véritable pour le développement du Burkina Faso, celui-ci demeurant l’un des Etats les plus pauvres de la planète (son PNB / habitant ne dépasse guère 310 dollars USA).

L’aide française a-t-elle été incapable d’honorer ses engagements ? N’a-telle pas pu mobiliser des capitaux et de la technologie nécessaire afin d’apporter son concours au développement durable de ses anciennes colonies dont le Burkina ?

Le paradoxe nous amène à nous interroger sur la vocation réelle de cette aide et partant sur l’adéquation de la politique française de coopération et les devises du Burkina Faso. S’il est vrai que l’aide vient en appoint aux efforts de développement d’un pays, ces efforts sont cependant vains sans un engagement véritable des principaux partenaires donateurs.

Pour approcher la nature du partenariat franco-burkinabé, la réflexion est conduite autour du thème « les relations économiques franco-burkinabé de 1980 à nos jours ».

Nous nous proposons dans une première partie de parcourir les points saillants des rapports entre les deux pays avant la période de 1980. C’est le lieu de rechercher les origines et les fondements de la coopération franco-burkinabé. Ce « l’an I » des relations permet de mesurer la teneur des différents changements intervenus dans la conception de la politique de coopération entre les deux Etats au cours de la suivante décennie qui fait l’objet de la deuxième partie. En dernière analyse, il s’agit de mesurer l’importance (du point de vue du volume et de la qualité) de l’A.P.D bilatérale française accordée au Burkina Faso.

Il convient de signaler que ce travail ne s’étale pas explicitement sur les relations politiques entre les deux Etats même si l’on reconnaît que celles-ci ont une forte influence sur les relations d’aide et de coopération, au point qu’il serait inadéquat de ne pas les évoquer. C’est du reste la raison qui a guidé l’esquisse faite dans la deuxième partie.

S’agissant de la fourchette chronologique, son choix a été motivé par la spécificité relative de la période. Les années 1980 semblent en effet marquer le début d’une nouvelle formule de coopération entre la France et les pays pauvres. La Gauche socialiste française accède au pouvoir pour la première fois depuis les indépendances et ambitionne de « décoloniser l’aide » au Tiers-monde en vue de développer un nouveau partenariat avec ce dernier.

Du côté burkinabé, l’avènement de la révolution c’est en 1983 et non 1980 et la décision des autorités d’exiger de nouveaux accords avec la France, laissent croire à une nouvelle ère des relations entre les deux Etats. En outre, l’acceptation du programme d’ajustement structurel (P.A.S) en 1991 par le Burkina Faso ainsi que l’ouverture démocratique de la vie politique sont autant d’événements qui particularisent la période.

Quelle a été la traduction financière et économique de l’A.P.D. dans l’évolution politique des relations entre les deux Etats ? C’est la question fondamentale qui a du reste guidé le choix de la période que nous nous proposons d’étudier.

 

 


 

 

 

DEUXIEME PARTIE / LES RELATIONS FRANCO-BURKINABE A PARTIR DE 1980 : AVENEMENT D’UN NOUVEAU PARTENARIAT OU « ILLUSION D’UN CHANGEMENT ? »

 

 

 

CHAPITRE III : LES CHANGEMENTS SOCIO-POLITIQUES EN FRANCE ET AU BURKINA FASO : GENESE D’UNE NOUVELLE PHILOSOPHIE DES RELATIONS ENTRE LES DEUX ETATS

Jusqu’en 1983, les relations franco-burkinabé étaient teintées d’un paternalisme français. Cette emprise sur le Burkina l’empêchait de définir librement la ligne de conduite de sa politique diplomatique et socio-économique.

Cependant, l’arrivée des socialistes au pouvoir en France39 et l’avènement de la révolution au Burkina amorcèrent une nouvelle tournure dans les rapports entre les deux Etats. Cette évolution fut même quelque peu radicale au point que l’on s’interroge sur son incidence (impact) économique sur le Burkina Faso.

Avant de mener une telle réflexion40, il s’avère intéressant d’approcher la nature de ce nouveau partenariat et de dégager les facteurs de ce changement.

 

3. 1. LE GOUVERNEMENT SOCIALISTE FRANÇAIS ET LA COOPERATION

AFRICAINE

Le début de la décennie 1980 fut une période de crise économique qui ne manqua pas d’affecter les rapports Nord-Sud. Mais avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur sa scène politique, la France décidait de donner une dimension nouvelle à ses relations avec les pays pauvres.

L’ambition était d’adopter une nouvelle politique de coopération, point de passage d’une reconstruction de politique Nord-Sud.

 

3. 1. 1. La conception de la politique française de coopération

Le parti socialiste (P.S) avant son accès au pouvoir, dénonçait la dérive mercantiliste de la coopération française qui se manifestait entre autres par la protection artificielle offerte aux industries françaises en Afrique. Il dénonçait en outre l’interventionnisme, le cynisme et les compromissions de la politique subsaharienne des gouvernements d’avant 198041.

Par ailleurs des différentes critiques émanant de rapports officiels sur la coopération et des autres écrits, l’efficacité à l’A.P.D à travers les structures gouvernementales existantes étaient remises en question.

 

3. 1. 1. 1. La nouvelle vocation des structures centrales de coopération

Le reproche fréquemment fait à la coopération française est son manque de transparence dans la création et dans la définition du rôle des différentes structures gouvernementales chargées d’administrer l’A.P.D.

A ce propos le parti socialiste français en 1977 faisait la remarque suivante :  « Il n’est pas aisé de cerner qui conçoit la coopération et qui l’exécute, à fortiori qui la contrôle ! La question est compliquée, répartie entre divers ministères. Les structures sont inextricables et ont pour effet de retirer tout pouvoir de conception au Ministère de la Coopération »42.

En effet, l’historique de ces structures montrait une multiplicité des centres de décision qui n’agissaient point de concert. Des réformes furent à maintes reprises tentées entre 1966-1969 et en 1974 pour simplifier les organes mais les efforts furent vains43.

Le Parti Socialiste tirait alors leçon des insuffisances permanentes et pratiques de ces réformes antérieures. Le gouvernement instituait un Ministère de la Coopération et du développement qui avait compétence d’assurer la coopération avec l’ensemble des P.S.D, mais le plaçait sous la tutelle du ministère des Affaires Extérieures.

Il avait pour mission de « globaliser » l’aide française à l’ensemble des pays du Tiers monde tout en observant une spécificité pour l’Afrique francophone. En outre, un projet datant de décembre 1981 projetait la mise sur pied d’une agence de coopération, responsable de la totalité de la politique française de développement du Tiers-monde. Enfin le gouvernement nommait à la tête de la rue Monsieur (le Ministère de la Coopération) un réformiste en la personne de Jean-Pierre

COT44.

 

3. 1. 1. 2. Une nouvelle philosophie de la coopération

Par cette nouvelle politique, le gouvernement socialiste affichait son désir de rompre avec la politique néocoloniale pratiquée jusque-là, avec les Africains. Son ambition était d’oeuvrer loyalement en collaboration avec les autres pays développés, à la promotion des économies déshéritées, afin de promouvoir un nouvel ordre économique international notamment dans les relations franco-africaines45.

Cette vision tranchait avec la conception gaulliste ou plutôt « Jeanneneyenne » de la coopération selon laquelle les accords franco-africains étaient providentiels pour l’Afrique francophone. La France voulait de ce fait concevoir sa  coopération en terme de partenariat Nord-Sud, c’est-à-dire de réciprocité d’intérêts comme le recommandait le rapport Abelin en 1974.

En outre, sa politique tiers-mondiste l’amenait-elle à vouloir donner un nouveau souffle à l’aide internationale. Le président François MITTERRAND s’engageait à cet effet à augmenter l’A.P.D de la France, à la fois quantitativement (de 0,36 % du PNB en 1980 à 0,7 % en 1988 D.O.M.-T.O.M exclus) et qualitativement (en moralisant et en réorientant la coopération)46.

Du reste, cette intention tiers-mondiste se manifestait à chaque fois que le président français s’exprimait sur les sujets consacrés au sous-développement.

Dans son discours-programme des campagnes présidentielles en 1987 il déclarait ceci : « il faut s’en convaincre : le fossé qui s’élargit entre les pays riches et les pays pauvres représente pour l’humanité un risque plus pressant que la menace nucléaire »47.

Le même langage fut tenu devant l’assemblée générale de l’ONU où il faisait savoir que le problème du retard économique et du sous-développement était plus dangereux que celui du désarmement et du règlement des conflits régionaux48.

Même la question de l’endettement des P.S.D constitua l’une de ses préoccupations. « Afin de survivre, disait-il, les pauvres s’endettaient puis s’endettaient de nouveau pour honorer leurs dettes dont les remboursements dépassaient en valeur les prêts qu’ils recevaient… Cruelle vérité : ce sont les pauvres qui nous aident »49. Il préconisait alors la mise en oeuvre d’un « droit d’assistance humanitaire » pour l’allègement du fardeau de la dette et l’assouplissement des conditions de remboursement de celle-ci.

 

3. 1. 2. L’application de la nouvelle politique : distorsion entre la théorie et la réalité

Le nouveau dialogue Nord-Sud prôné par la France avait-il marqué véritablement une rupture avec sa politique traditionnelle de coopération ? Traduit dans les faits, il semblait indiquer une continuité plutôt qu’une évolution.

D’abord les efforts pour défaire les structures centrales de leurs ambiguïtés n’avaient pas été menés à terme. Le projet d’institution de l’agence de coopération n’avait pas recueilli l’assentiment du président MITTERRAND qui, après une tournée africaine, avait refusé de l’adopter. Allait-elle à l’encontre des intérêts des pays africains ? Il apparut alors un dualisme dans la coordination de l’aide.

C’était en réalité un conflit de compétence entre l’Elysée très attaché au précarré français et la rue Monsieur qui souhaitait une ouverture de l’aide au reste de l’Afrique et du Tiers-monde50. Cette situation donnait libre cours à la personnalisation des relations franco-africaines au dépend du dialogue franc jadis professé.

Ailleurs, les visées mercantilistes de la coopération française demeuraient.

MITTERRAND dévoilait cet enjeu lorsqu’il laissait dire : « …, il ne s’agit pas que de beaux sentiments. C’est aussi notre intérêt à nous, pays du nord dont les marchés se rétrécissent, que d’ouvrir aux échanges internationaux des centaines de milliers d’hommes… »51.

Selon Basile GUISSOU, le caractère socialiste du régime ne présidait pas à la définition de la politique française de coopération. Autrement dit, que l’on soit gaulliste ou que l’on soit socialiste, ce sont les intérêts économiques et politiques et non l’idéologie et la politique qui déterminent cette coopération52. Il signifiait et décelait cette pérennité de la politique française de coopération à travers les négociations des nouveaux accords franco-burkinabé de 1986 qu’il avait dirigées : « Nous avons donc rencontré une France de Gauche vis-à-vis de laquelle nous croyons, de bonne fois, trouver des interlocuteurs qui avaient une vision différente de celle du vieux gaullisme. Malheureusement…, je dois constater que, concernant les rapports avec l’Afrique et notamment avec notre pays, on a plutôt, soit piloté à vue dans le brouillard, soit reconduit les anciennes méthodes d’intervention de la coopération française »53.

 

3. 2. LES RELATIONS FRANCO-BURKINABE « FACONNEES » PAR LA REVOLUTION DE 1983

Le mois d’août 1983 marquait le point de départ de la période révolutionnaire au Burkina Faso. La politique économique et intérieure de ce régime progressiste constituait un fondement essentiel de ses relations avec l’étranger.

Comment analyser l’attitude de ce nouveau pouvoir envers son partenaire traditionnel et quelle fut la contribution du Conseil National de la Révolution (C.N.R) (organe suprême) à l’évolution des relations entre les deux Etats ?

 

3. 2. 1. La politique économique du C.N.R

Selon le D.O.P54, les fins économiques de la révolution étaient « d’édifier une économie nationale indépendante, autosuffisante et planifiée », au moyen de réformes radicales de la société et avec l’appui primordial des « masses populaires ».

Pour ce faire, elle élabora une stratégie de développement fondée sur la mise en oeuvre de mesures d’auto-ajustement (compter d’abord sur ses propres forces).

En réalité, l’auto-ajustement amorcé par le CNR et l’ajustement structurel des institutions de Bretton Woods poursuivaient les mêmes objectifs, à savoir l’équilibrage macro-économique de la société. Toutefois, le désaccord résidait dans le fait que le F.M.I privilégiait les secteurs rentables au dépend des secteurs sociaux. Ces mesures technocrates ignoraient très souvent les réalités sociales des pays dans lesquels il intervenait55. Le C.N.R., à travers les contributions populaires d’ordre humain et financier, entendait lui-même mobiliser avec efficacité les ressources nationales en priorité pour le financement de son développement. Les efforts visaient également à maintenir le poids de l’endettement à un niveau supportable, au risque d’accentuer la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur56.

En ce qui concernait la lutte contre les déséquilibres budgétaires des finances publiques, la rigueur observée s’était traduite par la réduction du déficit de 24,5 milliards de F CFA en 1984 à 4,8 milliards en 1985, comme l’indique le tableau suivant :

 

Tableau N° 1 : Evolution du déficit budgétaire du Burkina de 1980 à 1987 (en

milliards de francs CFA)

Budget

Années           Recettes         Dépenses        Déficit ou excédent

1980                41,6                 39,9                 Excédent 1,7

1981                48,5                 47,6                 Excédent 0,9

1982                50,6                 65,9                 Déficit 15,3

1983                49,8                 71,7                 Déficit 21,9

1984                55,1                 79,6                 Déficit 24,5

1985                64,8                 69,6                 Déficit 4,8

1986                67,8                 80,5                 Déficit 12,7

1987                77,4                 99,3                 Déficit 21,9

Source : I.N.S.D – TRESOR – D.E.P du ministère de l’Economie et des Finances

 

3. 2. 1. 1. Les différentes formes d’impôts institués

En vue d’augmenter les ressources budgétaires, le gouvernement burkinabé eut recours à un certain nombre de mesures salariales.

Il procéda à l’abattement de 25 à 50 % des indemnités cumulées des agents publics, et adopta une contribution exceptionnelle du 1/12e du salaire des agents des catégories A et B, et du 1/24e de celui des agents des autres catégories. En outre, les avancements de catégorie dans la fonction publique furent soit bloqués, soit maintenus sans incidence financière. Toutefois au titre de ces mesures, figuraient le paiement  périodique des agents publics pour déceler ceux fictifs, décédés ou en abandon de poste, ainsi que la suppression des postes de Directeur ou de Chef de Cabinet57. Les économies ainsi dégagées servaient à la mise en oeuvre de l’E.P.I (Effort Populaire d’Investissement) dont l’équipement des infrastructures sanitaires et hospitalières.

Toujours dans cette dynamique, l’Etat créait des caisses alimentées par les cotisations des cadres supérieurs, des groupements paysans et des riches commerçants. Ce fut l’exemple de la Caisse de Solidarité Nationale instituée en vue d’éduquer et de secourir les familles.

L’année 1986-1987 était choisie pour mener une vaste campagne de recouvrement spécial d’arriérés d’impôts. Quant à la contraction des dépenses publiques, le gouvernement supprimait les subventions aux sociétés d’Etat, économisant près de 7 milliards de F CFA/an ; et rationalisait les dépenses courantes (carburant, fournitures, eau, électricité, téléphone…)58.

Tous ces efforts de réduction du train de vie de l’Etat auraient permis de dégager en quinze mois (octobre 1984 à décembre 1985) une somme de 160 milliards de F CFA qui fut investie dans les programmes populaires de développement, P.P.D)59.

 

3. 2. 1. 2. Les investissements humains

La contribution des burkinabé à l’effort de développement entrepris par la révolution n’était pas seulement d’ordre financier. L’Etat leur exigeait en plus une participation physique sur les différents chantiers.

Cette forme d’implication s’effectuait à travers les PPD dont le dessein était de créer des infrastructures sociales et économiques de base, surtout dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture.

Au titre des grands projets par exemple, il a nécessité un investissement humain considérable pour la réalisation du programme annuel de 250 retenues d’eau. Ce fut le même constat pour ce qui a été de l’aménagement de la vallée du Sourou. Enfin, les mêmes files de jeunes et d’adultes ont été nécessaires pour honorer le slogan « bataille du rail » en vue du redémarrage de la construction du chemin de fer Abidjan-Niger60.

 

3. 2. 2. La politique de coopération française du Burkina Faso sous le C.N.R

3. 2. 2. 1. Sa politique extérieure avec la France

Les fondements idéologiques de la révolution tels qu’énoncés par le D.O.P étaient de construire un Burkina nouveau, libre, indépendant et prospère ; un pays débarrassé de la domination et de l’exploitation séculaire de « l’impérialisme international ».

Pour ce faire, elle bâtissait sa politique étrangère autour des lignes suivantes : « le respect réciproque pour l’indépendance, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale ; la non-agression mutuelle dans les affaires intérieures ; le commerce avec tous les pays sur un pied d’égalité et sur la base des avantages réciproques »61.

Dans la pratique, ces principes conduisaient le pays à nouer des relations privilégiées avec d’autres régimes de nature progressiste62 sans exclure brutalement certains des pays capitalistes (Angleterre, Canada, Italie, Allemagne…).

A l’égard de son partenaire traditionnel français, la politique extérieure menée par le gouvernement du CNR avait, semble-t-il, pour objectif de briser le monopole de ce dernier sur l’économie du Burkina. En plus simple, la France n’avait pas à dicter sa ligne de conduite ni dans sa stratégie de développement, ni dans sa politique internationale63.

Selon une mission française d’évaluation de l’état de la coopération entre les deux Etats effectuée en 1989, l’ancienne métropole était considérée comme la base arrière de l’ancienne classe politique burkinabé, donc responsable de l’ordre que la révolution entendait balayer64. En conséquence la France était devenue la cible privilégiée des « critiques passionnelles et anti-impérialistes » faites par Thomas SANKARA.

 

3. 2. 2. 2. Le refroidissement des relations franco-burkinabé : causes directes de la renégociation des accords de 1986

L’on pense que l’origine de ce climat de suspicion remontait aux événements du 17 mai 1983. En effet, le 16 mai, veille de l’arrestation de SANKARA (à l’époque premier ministre du gouvernement du C.S.P), l’on notait la présence à Ouagadougou de Guy PENNE, conseiller spécial du président français pour les affaires africaines. Coïncidence ou compromission ?

A en croire Jean-Baptiste KAMBIRE, SANKARA qualifia le 17 mai de « gifle de l’impérialisme contre le peuple burkinabé », dès qu’il arriva au pouvoir65. Toujours selon cette source, ce fut le même Guy PENNE qui accueillait le président du C.N.R à sa descente d’avion lors du Xe Sommet France-Afrique du 20 octobre 1983 à Vittel en France. Cet incident protocolaire aurait valu le boycott du dîner offert par François MITTERAND.

Le Burkina se retirait aussi des prochains sommets (Bujumbura en décembre 1984 et Paris en décembre 1985).

Sur un tout autre plan, le Burkina s’opposait à la présence française au Tchad et parrainait aux Nations-Unies la résolution condamnant la présence française en Nouvelle-Calédonie. Il menaçait en 1987 de supprimer l’escale U.T.A (Union des Transports Aériens) de Ouagadougou.

Le président du Faso protesta également contre la réception de Jonas SAVIMBI par la France, et surtout contre celle de Pieter BOTHA en 1985. Dans une correspondance à son homologue français il laissait entendre que « recevoir « PIK » BOTHA, c’est d’une manière, cautionner et légitimer le crime le plus odieux qui soit et une manière insidieuse de tenter de créer le phénomène de l’accoutumance à l’apartheid »66.

Du côté français, la réaction fut surtout de nature économique. Le pays se retirait du financement de certains grands projets burkinabé, notamment ceux de construction des barrages de la Kompienga et du Sourou. Par ailleurs, un rapport du conseil des ministres du 19 février 1985 faisait également cas du refus français d’annuler la dette burkinabé auprès de la C.C.C.E (C.F.D). La demande de remise de cette dette publique portait sur la somme de près 42 milliards au premier janvier 1985.

Il semble enfin que la France avait joué un rôle important dans le déclenchement de la guerre Mali-Burkina de 198567

 

3. 2. 3. Le gouvernement burkinabé et sa décision de réviser les anciens accords de coopération avec la France

Pour justifier sa dénonciation des anciens accords de coopération francoburkinabé de 1961, le gouvernement du CNR avançait le contexte néocolonial de la période de conclusion de ceux-ci. Il affirmait alors que cela empêchait d’observer de libres négociations qui auraient débouché sur un type de coopération fondée sur l’égalité et la réciprocité des intérêts.

Le processus de renégociation des accords de 1986 fut l’occasion de « voir jusqu’à quel point la logique du pacte colonial continuait à régir les relations entre la France et ses anciennes colonies », indiquait Basile GUISSOU68.

Il n’y avait donc pas une attitude anti-française irresponsable au Burkina, mais plutôt une volonté d’affirmation de soi, de sa dignité, de son égalité et de son indépendance.

Certes, les péripéties et les tractations diplomatiques sus-mentionnées avaient impulsé la dynamique de la renégociation des accords ; tout comme le caractère entreprenant et volontariste du C.N.R en avait constitué la condition sine qua non.

Cependant ne faudrait-il pas effectivement rechercher les mobiles profonds de la révision des anciens accords dans la nature et l’esprit même de ces derniers ?

 

3. 2. 3. 1. Les accords franco-africains hérités de la colonisation

Le premier fondement de toute coopération demeure le principe de souveraineté de chacun des Etats contractants. Or, pour les Etats africains, il était sans doute difficile de parler de souveraineté effective dans les conditions où ils se trouvaient dans l’immédiat après 1960.

Il était en outre indéniable que cette position inconfortable permettait à la France de dominer ses partenaires et par conséquent de définir sa politique de coopération en référence aux liens antérieurs. Pour Patrick CADENAT, les accords franco-africains de 1961 assumaient l’héritage des relations tissées sous la colonisation69. L’inégalité des contractants était en soi exprimée dans le caractère substitutif de cette coopération, celle-ci devant aider les nouveaux Etats à assurer le fonctionnement de leurs services jusqu’à leur maturité.

Les indépendances africaines (Afrique Noire) n’étaient que formelles. Aussi les principes d’égalité et de réciprocité affirmés dans les anciens accords étaient-ils seulement des principes nominaux. Ils permettaient toutefois de protéger les intérêts de l’ancienne métropole tout en conformant les textes aux règles du droit international (le droit masquait alors le contenu réel des accords).

D’ailleurs, le rapport Abelin reconnaissant que la coopération française n’était pas désintéressée et qu’il fallait qu’elle oeuvrât à sauvegarder la réciprocité des intérêts, ainsi qu’à respecter les politiques culturelles des pays partenaires. D’aucuns vont à affirmer que « les tendances de la politique de bourgeoisie française en Afrique sont fondamentalement les mêmes qu’avant 1959, même si ses formes se sont modifiées »70.

En somme, la coopération pouvait être difficilement équitable lorsqu’elle intervenait à la suite de rapports coloniaux.

 

3. 2. 3. 2. Des accords franco-burkinabé (ceux de 1961) déjà remis en cause

La remise en cause des anciens accords de 1961 remontait à la décennie de 1970, période critique des relations franco-africaines.

La venue de Georges POMPIDOU à Ouagadougou en 1972, fut l’occasion pour la classe politique du Burkina de lui relever le caractère paternaliste et inopportun de la politique française de coopération, et en conséquence de souhaiter sa révision. Pour la circonstance le président de l’assemblée nationale, Georges OUEDRAOGO, aurait déclaré que : « … le but que nous assignons à cette coopération ne sera réellement atteint que dans la mesure où nous accepterons de la repenser en terme d’efficacité ; dans la mesure où nous accepterons de rechercher les adaptations nécessaires de l’institution aux besoins réels des populations qu’elle entend servir… “71.

La même réaction aurait été également observée par les syndicats d’élèves et d’étudiants, mais surtout des travailleurs, qui auraient considéré les accords de 1961 comme la source de tous leurs maux.

Dans le but de renégocier cette coopération, une commission interministérielle avait fonctionné et produit des résultats qui cependant étaient restés lettre morte72 jusqu’à ce que la question fut exhumée par les autorités du C.N.R.

D’une politique extérieure et française basée sur la prudence et la modération, le Burkina passait par le biais de la révolution sankariste à une politique indépendantiste. Cette attitude occasionna un état quasi-conflictuel entre les deux Etats ainsi que des rapports empreints l’ambiguïté.

Si également cette situation tendue imputait à la discordance des visions politiques, elle résultait surtout de la détermination des autorités burkinabé de forger un autre mode de relation avec la France.

 

CHAPITRE IV : LES CONVENTIONS DE COOPERATION FRANCO BURKINABE DE 1986

La renégociation des accords franco-burkinabé fut le premier du genre dans les relations entre la France et les quatorze pays francophones d’Afrique.

Sur douze rubriques proposées aux négociations, dix textes fondamentaux trouvèrent forme et par conséquent firent l’objet d’un consensus avec leur signature solennelle le 04 février 1986 à Paris.

 

4. 1. LE CONTENU DES ACCORDS DE 1986

4. 1. 1. Les accords ratifiés sous le régime du C.N.R

Des dix textes d’accord, six furent effectivement ratifiés par le Burkina sous le régime du C.N.R ; précisément par l’ordonnance Zatu N° AN-IV-43/CNR/REC du 31 juillet 1987 portant autorisation de ratification, et le Kiti N° AN IV-435/CNR/REC du 31 juillet portant ratification73.

 

4. 1. 1. 1. L’accord général de coopération74

Il définit les grandes orientations à travers lesquelles s’exerce la coopération entre la France et le Burkina, ainsi que les procédures de dénonciation en cas de litige dans l’application des textes.

Les deux parties contractantes conviennent de mettre sur pied une grande commission paritaire et accessoirement des commissions mixtes spécialisées, en vue de favoriser l’identification des projets et la mise en oeuvre d’actions communes. Le texte par ailleurs abroge le traité de coopération du 24 avril 1961 et le protocole du 14 décembre 1978 portant création d’une commission mixte entre les deux Etats. L’acte d’abrogation concerne également les autres anciens accords particuliers.

 

4. 1. 1. 2. L’accord de coopération économique et financière75

Il s’agit par cet accord de se consulter, si besoin se présente, sur les problèmes économiques et financiers d’intérêt commun.

L’aide française pour le Burkina y est également évoquée. A ce sujet, les dispositions précisent qu’elle concerne la réalisation d’études et de travaux, l’exécution des recherches, la fourniture d’équipements, l’envoi d’experts et de techniciens, la  formation des cadres burkinabé et l’octroi de concours financiers. Le but assigné à cette aide demeure la promotion du développement économique et social du Burkina.

Quant à ce dernier, il est tenu d’adhérer aux mécanismes de l’UMOA (devenue UEMOA). En d’autres termes, le domaine de la coopération monétaire entre les deux Etats reste le même que celui qui régit les accords entre la France et la zone franc) par cession et achat de devises étrangères sur le marché des changes de la zone franc.

 

4. 1. 1. 3. L’accord de coopération sur les postes et télécommunications

Les deux Etats entendent se concerter mutuellement sur les problèmes techniques relatifs aux postes et télécommunications, et sur l’application des tarifs dans le domaine. La France promet par cette disposition d’apporter éventuellement les concours, principalement de nature technique, à son partenaire. Ce sont la formation des personnels des postes et télécommunications, ainsi que l’étude et la réalisation des programmes d’équipement. Les modalités de ces interventions sont toutefois renvoyées à des dispositions ultérieures dans le cadre d’une coopération technique.

 

4. 1. 1. 4. La convention relative aux rapports entre les deux trésors, burkinabé et français76

Elle autorise l’exécution des opérations de recettes et de dépenses par les services du trésor de l’une des parties sur son territoire, pour le compte du trésor de l’autre.

Ces opérations effectuées par les comptables publics burkinabé ou français en qualité de mandataires réciproques, sont notifiées puis centralisées dans les écritures du trésor payeur général du Burkina et dans celles du payeur auprès de l’ambassade de France.

Les questions de décaissement, de validation des titres de paiement, de règlement ou de recouvrement des sommes dues au partenaire, sont élucidées dans des dispositions spécifiques communes.

 

4. 1. 1. 5. La convention relative au centre d’appareillage de Ouagadougou77

C’est une clause qui attribue la gestion de ce centre au Burkina, et à la France (sur sa demande), la prise en charge des mutilés ainsi que des anciens combattants burkinabé « bénéficiaires du code français des pensionnaires d’invalidité ».

 

4. 1. 1. 6. L’accord de coopération sur la marine marchande78

C’est en vue de favoriser les échanges maritimes entre les deux Etats que les deux gouvernements déclarent garantir par le présent accord, aux navires de l’un et de l’autre, le libre accès à leur commerce extérieur. A cet effet, l’un accorde à l’autre le même traitement réservé à ses propres navires dans les transport maritimes. La mesure concerne les formalités douanières, l’accès aux ports, la perception des droits et axes portuaires, le traitement de leurs équipages ainsi que de leurs marchandises.

Dans le volet technique et sur la demande du Burkina, la France s’engage à offrir son concours pour la formation des personnels navigants burkinabé. Elle se propose aussi d’appuyer l’étude des programmes d’équipement, d’exploitation et de tarification des transports maritimes du Burkina.

 

4. 1. 2. Les autres accords et conventions révisés

Ces projets d’accord ont trouvé leur ratification sous le régime du Front Populaire79, notamment par la Zatu N° AN VI-41/FP/PRES du 13 juillet 1989 portant autorisation de ratification.

 

4. 1. 2. 1. L’accord sur l’enseignement, la culture, le sport, les communications audiovisuelles et la presse80

Dans le secteur de l’enseignement primaire, secondaire et technique, chaque gouvernement consent accorder l’un à l’autre, toutes les facilités pour ouvrir et entretenir sur son territoire des établissements d’enseignement (toutefois dans le respect des lois et des règlements en vigueur dans l’Etat hôte). Chacun favorise en outre à son partenaire le libre accès à ses établissements.

Les dispositions sur l’enseignement supérieur sont globales. Dans ce volet, il s’agit de favoriser le développement des relations entre établissements supérieurs, par l’intermédiaire de leurs institutions nationales compétentes.

Ailleurs, les deux parties décident d’oeuvrer en commun pour l’épanouissement des arts, des lettres et des sports, en vue de la connaissance réciproque de leur patrimoine culturel et du développement de leurs audiovisuelles et de leur presse. Il s’agit pour les deux Etats de participer réciproquement au développement des institutions à vocation littéraire, scientifique ou artistique.

 

4. 1. 2. 2. L’accord de coopération technique en matière de personnel81

De façon globale, les deux contractants soulignent leur volonté d’organiser leur coopération technique sous la forme de projets ou de programmes ; impliquant la définition d’objectifs, la détermination des moyens à mettre en oeuvre et l’établissement de calendriers d’exécution.

Pour réaliser ces objectifs, l’un consent à mettre à la disposition de l’autre, et ce dans la mesure de ses moyens, les personnels techniques nécessaires. Par ailleurs, la France accepte assurer la formation et le fonctionnement professionnel du personnel des secteurs publics et privés burkinabé.

 

4. 1. 2. 3. La convention sur la coopération scientifique et technique82

La République française accorde son concours à la réalisation des programmes de recherche des institutions scientifiques du Burkina. Cette aide est sous forme d’expertise, d’appui technique et de participation financière.

En somme, elle s’engage dans la mesure de ses moyens à aider au renforcement du potentiel scientifique et technique du Burkina, par un soutien financier et technique aux équipements et aux constructions.

 

4. 1. 2. 4. La convention d’assistance administrative douanière83

Son objet est de permettre aux administrations douanières des deux autorités gouvernementales de se prêter mutuellement assistance dans le souci de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions aux lois douanières de leur pays respectif.

 

4. 2. L’ANALYSE DES NOUVEAUX ACCORDS DE 1986

Tout comme les anciens, les nouveaux accords de coopération francoburkinabé ont été négociés et signés dans un cadre contractuel et bilatéral. Cependant, quelle peut être la portée réelle de ces nouveaux accords, comparativement à ceux d’avril 1961 ? Marquent-ils véritablement une évolution positive par rapport aux précédents ?

 

4. 2. 1. La forme des textes

4. 2. 1. 1. Le style

Une analyse du style permet de constater un tant soit peu, un effort et un souci d’équité manifestés dans les nouveaux accords.

En effet, des expressions qui dénotent l’égalité et la réciprocité des intérêts foisonnent dans les nouveaux textes84. Ce sont entre autres, « les parties sont convenues  de… », « les deux  gouvernements soulignent leur volonté partagée de… », « de se concerter et de s’informer mutuellement sur… », « chacun accorde à l’autre… ».

Toutefois, certaines tournures utilisées jettent le doute sur les retombées économiques réelles de cette coopération, notamment sur le Burkina. Elles dévoilent un certain manque d’engagement du partenaire français quant au soutien effectif à son homologue. A titre illustratif, l’on peut citer « La République française pourrait lui accorder… », « son concours peut être apporté… », « dans la mesure du possible… », « selon ses moyens… ». Ce sont en réalité des mesures de réserve, qui rentrent en application lorsque les relations politiques entre les deux contractants deviennent critiques.

Cette situation offre au pays donateur le privilège de maintenir, de réduire ou d’annuler l’enveloppe de ses contributions.

D’ailleurs, la brièveté relative de la plupart des textes accentue l’incertitude.

Bien que cela puise être compris comme dicté par un souci de concision, il n’en demeure

pas moins que ce procédé ôte aux accords leur caractère très opérationnel85.

Enfin, il est à remarquer que les accords de 1986 n’échappent pas à la traditionnelle formule de « charité » (à la demande du Burkina, la France s’engage à lui apporter son concours pour..). Le sens de son emploi peut être interprété de deux façons : elle enseigne d’une part que la France demeure la grande puissance pourvoyeuse d’aide au développement, et le Burkina un pays pauvre en quête de soutien extérieur ; d’autre part la formule traduit l’idée selon laquelle, pourvoir le moins développé en ressources nécessaires à son développement s’inscrit dans le cadre normal de relation de coopération Nord-sud86.

 

4. 2. 1. 2. Le volume des textes

En terme de dimension les accords de 1986 sont sensiblement en deçà de 1961.

La première raison à cela, comme précédemment évoquée, est relative à la brièveté de certains textes. Des passages à interprétations diverses ou qui lèsent l’une des deux parties sont purement et simplement écartés. Les accords sont alors circonscrits autour d’un contenu essentiel, sans équivoque et lourdeur certes, mais aussi sans dispositifs permettant leur mise en oeuvre effective.

Sont concernés par la contraction, l’accord de coopération économique et financière87, l’accord sur la marine marchande88 et celui des échanges culturels dont l’enseignement supérieur89.

Le second mobile qui provoqua la réduction sensible du volume des textes de 1986, est sans conteste le manque de consensus sur la coopération judiciaire et sur l’assistance militaire, toutes deux longues respectivement de 67 et de 28 articles en 1961.

Soulignons qu’en matière de réglementation sur la coopération judiciaire, la discorde entre les deux Etats a concerné le problème de traitement et de transfert des prisonniers. Sur ce point, la partie burkinabé soutenait l’idée qu’ « un Français en infraction au Burkina ou un Burkinabé en infraction en France, n’a pas à choisir son lieu de détention, et son jugement ne doit pas seulement être du ressort du pays détenteur mais surtout du pays lésé ». Selon un procès verbal émanant du Ministère des Affaires Etrangères datant du 31 octobre 1983, c’est la mise en place par le Burkina d’un nouvel appareil judiciaire, et mieux, la redéfinition d’une nouvelle philosophie du droit inconnu, du droit occidental qui expliquait le désaccord français90.

Quant à la question de l’assistance militaire française, comment pouvait-elle être évoquée lorsque la France était accusée par son partenaire de soutenir les Maliens dans le conflit Mali-Burkina de 1985 ! D’ailleurs, la sécurité nationale constitue un domaine exclusivement souverain qu’un gouvernement dit révolutionnaire accepte difficilement partager avec son ancienne puissance tutrice.

 

4. 2. 2. L’évolution du contenu des accords de 1986

L’évolution du profil des accords peut se saisir à travers les domaines politique, économique et culturel.

 

4. 2. 2. 1. Au plan politique

A l’opposé des accords antérieurs, il n’y a pas eu d’accord diplomatique entre le Burkina et la France en 1986.

Pendant que le traité de 1961 souligne que les Etats aménagent leurs relations diplomatiques notamment en se consultant, l’accord général de 1986 fixe seulement le cadre juridique et technique dans lequel doit s’exercer la coopération (cf. annexe 1). Ce dernier passe sous silence aussi la question de représentation diplomatique française du Burkina à l’extérieur, régulièrement sur les questions de politique étrangère..

Manifestement, l’ancienne métropole perd l’un des fondements de sa politique de coopération. Son partenaire entend à l’avenir mener librement sa politique extérieure conformément à ses visées politiques, idéologiques et économiques.

La perte de cette emprise diplomatique française était esquissée avant la négociation des accords par une décision du gouvernement burkinabé qui arrêtait que « le décanat serait désormais assuré par l’ambassadeur africain résident, le plus ancien en poste à Ouagadougou » et « l’intérim du doyen sera assuré par l’ambassadeur africain résident, immédiatement le plus ancien après le doyen » ; « à défaut d’ambassadeur africain résident, par l’ambassadeur non africain le plus ancien en poste »91. En clair, l’ambassadeur français n’était plus automatiquement le doyen du corps diplomatique burkinabé, ce qui entrevoit le recul de la diplomatie française dans ce pays.

 

4. 2. 2. 2. Au plan économique

Le nouveau dispositif reste vague quant à la nature profonde de la coopération économique entre le Burkina et la France.

Ce qui est notoire est le vide qui existe sur la coopération commerciale (disparition du titre sur les échanges). Cette suppression se justifierait par le fait que le régime préférentiel réciproque institué dans les conventions de 1961, dans son application, léserait le commerce extérieur du Burkina. Dans ce sens, l’accord de 1986 marque un effort du gouvernement burkinabé de supprimer les privilèges commerciaux de la France sur son territoire. A quoi sert d’observer un régime préférentiel réciproque avec un pays industrialisé si l’on ne dispose pas de produits à exporter ?

Cependant, sur le plan de la coopération monétaire, c’est le statu quo. La monnaie burkinabé reste sous le parapluie du F.F, car le pays souscrit toujours aux accords de l’U.M.O.A92.

Certes, l’appartenance à la zone franc93 offre un certain nombre d’avantages au titre desquels la garantie illimitée de la convertibilité entre le CFA et le FF, ainsi que la fixité de la parité entre les deux monnaies. Cette garantie fait du CFA une monnaie assez solide et même crédible au plan international. D’aucuns y perçoivent, en plus de la stabilité monétaire relative, une sorte d’intégration économique régionale. Mais au-delà de ces privilèges du reste discutables, c’est l’emprise monétaire et économique de la France sur la zone franc qui est mise en relief, la monnaie étant un gage d’indépendance économique et commerciale d’un Etat.

Selon Jacques ADDA et Marie-Claude SMOUTS, l’enjeu principal de la zone franc pour la France n’est pas de nature matérielle, économique ou comptable. Il réside dans la production continue d’un ensemble de ses anciennes colonies, préserve son statut de puissance internationale94.

Pourquoi alors le gouvernement burkinabé a-t-il reconduit ces accords monétaires ? Pour M. Basile GUISSOU, le Burkina évolue dans un cadre monétaire sous-régional et se garde par conséquent de faire cavalier seul (dû sans doute à la faiblesse de son poids économique). Les accords de la zone franc sont un problème collectif et la solution ne doit être recherchée qu’en collaboration avec l’ensemble des membres de cettezone95.

 

4. 2. 2. 3. Au plan culturel

La domination culturelle était manifeste dans l’enseignement et l’éducation à travers la panoplie de mesures instituées dans les anciens accords.

En 1961 en effet, l’accord culturel autorisait la France à mettre à la disposition du Burkina du personnel d’enseignement dans les différents ordres. Ces enseignants intervenaient aussi dans la sanction des examens et concours ainsi que dans le fonctionnement des services administratifs du secteur.

Parallèlement le partenaire burkinabé était tenu d’adapter ses programmes d’enseignement à ceux en vigueur en France, et de ne s’adresser en priorité qu’à cette dernière pour ses besoins didactiques.

A n’en pas douter, toutes les représentations (aussi bien dans l’enseignement primaire, secondaire et technique que dans l’enseignement supérieur) forgeaient une philosophie éducative burkinabé avoisinant celle de l’ancienne métropole. En somme, elles répondaient, comme déjà souligné96, à un souci de diffusion des éléments culturels français.

Toutefois, dans le nouvel accord culturel de telles mesures n’y étaient pas codifiées. Ce qui laisse croire à une certaine réciprocité des intérêts culturels, à une indépendance de la politique culturelle de chaque contractant.

Théoriquement et en comparaison des anciens accords franco-burkinabé de 1961, ceux de 1986 marquent une évolution certaine du point de vue de leur transparence et de leur justesse.

Cependant, l’on peut s’interroger sur leur intérêt véritable et leur incidence effective sur l’évolution ou non de l’aide française apportée au Burkina ; car une chose est de pouvoir signer des accords « justes », mais une autre est de pouvoir observer leur réelle application.

Cela est d’autant fondé que l’on pense que le respect des principes d’égalité et de réciprocité dépend du niveau de développement des partenaires impliqués97.

 

 

 


 

 

CONCLUSION GENERALE

Les relations économiques franco-burkinabé constituent un vaste domaine

englobant, en plus des aspects classiques de l’aide et de la coopération, les échanges commerciaux et les investissements culturels et politiques.

Ces derniers champs offrent d’ailleurs des éléments d’analyse quant au sens

et à la portée réelle de l’aide française en général et celle octroyée au Burkina en particulier. Ils permettent ainsi d’appréhender la nature des liens économiques tissés par le biais de la coopération entre les deux Etats. Ils permettent en dernier ressort d’approcher une nouvelle définition de la coopération.

De nos jours en effet, la coopération ne semble pas seulement être une question de complémentarité entre les nations, à cause de la répartition non-uniforme des

ressources et la division internationale du travail (D.I.T). Elle n’est plus  uniquement une relation d’aide et de solidarité pour l’harmonie et la sécurité de la société internationale.

Enfin, elle n’est pas exclusivement une politique par laquelle les pays développés apportent leur contribution au développement économique et social des nations pauvres.

La coopération est bien plus que cela et ne saurait se réduire à un transfert

unilatéral vers les pays du sud. Elle ne se réduit donc pas à l’aide au  développement, mais suppose aussi des avantages réciproques du moins pour ce qui concerne la coopération française.

L’étude révèle cependant la difficulté qui existe quant à la quantification des relations de coopération entre deux partenaires de niveau de développement inégal. La tâche s’avère encore plus ardue lorsqu’il s’agit des rapports économiques entre un Etat pauvre et son ancienne puissance tutrice.

De ce point de vue, la présente investigation ne peut se targuer d’être

exhaustive et plusieurs domaines de la question méritent à ce titre d’être explorés et approfondis. C’est donc réinscrire le débat dans la perspective d’une étude future.

 

 

 

 

Notes

1 Jean-Claude ROUVEYRAN, 1990, mémoire et thèse : l’art et les méthodes. Paris, Maisonneuve et Larose, p. 59.

2 Celles-ci ne sont cependant pas classées.

3 Les données de la M.C.A.C peuvent être vérifiées par les conventions de financement que nos avons

39 La gauche française n’avait-elle pas seulement suivi l’élan propulsé par le C.N.R ? Avait-elle voulu faire évoluer les relations ?

40 L’impact économique de l’évolution de la coopération franco-burkinabé est quantifié dans la IIIe partie consacrée à l’aide.

41 Jean-François BAYART, 1984, La politique africaine de François MITTERRAND, Paris, Karthala, p. 21.

42 Parti socialiste, 1977, Les socialistes et le Tiers-Monde. Eléments pour une politique socialiste de relation avec le Tiers-Monde. Repris par Claude FREUD, 1988, Quelle coopération ? Un bilan de l’aide au développement, Paris, Karthala, p. 28.

43 Pour de plus amples détails sur ces structures et ces réformes, lire Patrick CADENAT, 1983, La France et le tiers-monde : vingt ans de coopération bilatérale. Paris, La Documentation française, p. 115-120.

44 Jean-François BAYART, 1984, op. cit. p. 25-35.

45 Jacques ADDA et Marie-Claude SMOUTS, 1989, op. cit. p. 200-203.

46 Jean-François BAYART, 1984, op. cit. p. 25-35.

47 Ministère des Affaires Etrangères, 4B5 Rex 52 : coopération B.F / France. Discours-programme du président français François MITTERRAND pour les élections présidentielles françaises de 1988.

48 Ministère des Affaires Etrangères, 4B5 Rex 47, coopération B.F / France – Correspondances générales 1984-1991.

49 4B5 Rex 52, op. cit.

50 Jean-François BAYART, 1984, op. cit., p. 39-41.

51 4B5 Rex 52, op. cit.

52 Entretien avec M. Basile GUISSOU, directeur de l’INSS (ex IRSHS) et ancien Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération du Burkina 1984-1987. Jeudi 22 janvier 1998.

53 Interview de M. Basile GUISSOU par : Mohorou KANAZOE, « France-Burkina. Les révélations d’un ancien ministre de SANKARA » dans Le Pays du lundi 15 janvier 1996 n° 1064.

54 D.O.P = Discours d’Orientation Politique. C’était le document cadre de la politique globale du CNR.

55 Les raisons du refus burkinabé d’adopter le P.A.S pendant cette période révolutionnaire étaient cependant d’un autre ordre. Le CNR ne pensait-il pas plutôt à une ingérence du capitalisme occidental dans son économie ?

56 Article 5 de la zatu N° AN-IV-2/CNR/MPDP du 04 août 1986 portant mise en oeuvre du 1er plan

57 Pascal ZAGRE, 1994, Les politiques économiques du Burkina Faso : une tradition d’ajustement structurel, Paris, Karthala, p. 132.

58 Pascal ZAGRE, 1994, op. cit. p. 133-134.

59 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L’Harmattan, p. 124.

60 Basile GUISSOU, 1995, op. cit. p. 111.

61 CNR, 1983, Discours d’orientation politique, p. 42.

62 Pour ces régimes progressistes, consulter Pierre ENGLEBERT, 1985, La révolution Burkinabé, Mémoire de sciences politiques et relations internationales, Bruxelles, p. 136-137.

63 Entretien avec M. Basile GUISSOU, op. cit.

64 Ministère de la Coopération et du Développement, 1989, L’aide française au Burkina : évaluation. Paris, La Documentation française, p. 16.

65 Jean-Baptiste KAMBIRE, 1992, La politique étrangère du Burkina Faso sous le Front Populaire,

66 Sidwaya n° 212 du lundi 18 février 1985.

67 Ce pays aurait contribué à retirer les cartes géographiques sur les frontières des deux Etats (Mali-BF) en vue de brouiller le tracé – entretien avec Basile GUISSOU, op. cit.

68 Interview de Basile GUISSOU par Mohorou KANAZOE, op. cit.

69 Patrick CADENAT, 1983, op. cit. p. 57.

70 Sally N’DONGO, 1976, Coopération et néocolonialisme, cedex, Paris, p. 40.

71 Passage de discours extrait du Carrefour africain du samedi 02 décembre 1972 N° 533 cité Louis-Arnaud OUALI, 1978, Les accords de coopération franco-voltaïque, Mémoire en droit public. Lomé, p. 72.

72 Ministère des Affaires Etrangères, 2B5 Rex 109 : 3e session de la commission mixte de coopération burkinabé (1987)), Burkina Faso.

73 Journal officiel du Burkina Faso d’octobre 1987.

74 Ministère des Affaires Etrangères, 4B5 Rex 36. Coopération BF/France. Projets d’accord et de conventions revisés de coopération conclu entre la France et le Burkina. Burkina Faso.

75 4B5 Rex 36, op. cit.

76 4B5 Rex, 36, op. cit.

77 Idem.

78 Ibidem.

79 Exception faite du texte relatif à « l’enseignement, à la culture, au sport, aux communications audiovisuelles et à la presse.

80 4B5 Rex 36, op. cit.

81 4B5 Rex 36, op. cit.

82 4B5 Rex 36, op. cit.

83 Idem.

84 Les mêmes expressions sont utilisées dans les anciens accords. Mais elles étaient plus une façon d’inscrire ces derniers sur le registre du droit international et de camoufler la domination française, qu’une manière d’y affirmer l’équité.

85 Des accords comme ceux relatifs à la coopération en matière de personnel et à la coopération économique et financière, sont en effet très brefs. Leur contenu est général et renvoie donc les modalités spécifiques à des dispositions éventuelles.

86 Il n’y a pas de complexe d’être dans la position de demandeur.

87 Avec 10 articles contre 30 pour l’ancien accord.

88 8 articles contre 11.

89 23 articles contre 33.

90 2B5 Rex 109, op. cit.

91 Ministère des Affaires Etrangères, 1983. Document N° 03602/AE/CAB/PROTO (Archives non classées).

92 14 Etats en 1961 dont le Burkina ont signé les accords monétaires avec la France et se sont engagés dans la zone franc. Le 03/05/1997, la Guinée Bissau y a adhéré.

93 Pour les mécanismes de cette zone franc, consulter Bernard VINAY, 1988, zone franc et coopération monétaire, Ministère de la coopération, Paris ; ou Marc VIZY, 1989, la zone franc. CHEAM, Paris.

94 Jacques ADDA et Marie-Claude SMOUTS, 1989, op. cit., p. 63.

95 Entretien avec M. Basile GUISSOU, op. cit.

96 Voir les fondements culturels de la coopération française p. 13.

97 « Il ne suffit pas d’une égalité juridique entre les deux partenaires, mais d’une égalité de « fait » tant sur le plan économique et militaire, technologique que financier ».

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Saisissez votre commentaire svp!
SVP saisissez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.