Cet article est extrait des pages 247 à 251 de l’ouvrage “Liberté Confisquée” de Bernard Doza dont vous trouverez une présentation à l’adresse http://thomassankara.net/?p=0162.  Il donne notamment des éléments accréditant la thèse d’une participation de la Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny dans un complot pour assassinat Thomas Sankara.


 

L’Exécution

En quittant le Burkina Faso dans l’après midi du 18 novembre 1986, le service du protocole est furieux. François Mitterrand aussi.

La hardiesse de Thomas Sankara avait dépassé les bornes. Face à un chef de fil de l’Afrique francophone, le capitaine Sankara aurait dû s’en tenir au discours de formalités. Il avait déjà fait affront au Président français par son absence remarquée au sommet franco-africain.

Thomas Sankara avait opposé l’arrogance à la main tendue. Il fallait mettre un terme définitif à sa carrière…

Le processus sera cette fois indirect, nous sommes loin du temps des colonies. Il y a assez de forces antagonistes au sein du pouvoir burkinabè et dans la région contre le régime de Sankara, que le recours  à la méthode Guy Penne n’est plus nécessaire. En décembre 1986, l’ordre est donné : “Sankara doit partir…”

Courant janvier 1987, le Président Houphouët Boigny reçoit secrètement Blaise Compaoré à plusieurs reprises.

Le capitaine ministre de la justice, déjà conditionné par sa femme Chantal Terrasson a fini par se convaincre que le pouvoir lui revenait.

 Houphouët débloque alors des fonds énormes – le secrétaire Général de Présidence, Coffie Gervais, parle de 5 milliards FCFA – pour développer une guerre de tracts tous azimuts qui déchirera le Burkina au cours du mois de juin 1978. Tout en dénonçant la déviation “militaro fasciste” du régime Sankara, les tracts tentent de créer la division entre les 4 chefs de la Révolution.

Croyant à une réelle contestation du peuple, Sankara annonce, le 4 août 1987, une ” pause dans la poursuite de la révolution“. Mieux il se propose à une retraite anticipée du pouvoir tout en restant Président du Faso. Il projette de se retirer des locaux de la Présidence pour se consacrer aux “problèmes organisationnels” et “aux actions de mobilisation des masses” laissant Blaise Compaoré s’occuper directement de l’exécutif. Ce dernier dirigeant le gouvernement travaillerait dans les bureaux de la Présidence. Sankara propose même à Compaoré le poste de Premier Ministre qu’il refuse.

Je ne tenais pas à diriger une équipe dont les trois quarts auraient été choisis par Sankara pour leur fidélité à sa personnalité“, affirmera-t-il par la suite.

Alors le 22 août 1987 Sankara passe à la contre offensive. Décidant de marginaliser le CNR (Conseil National de la Révolution) où siège l’ensemble des instances dirigeantes, il crée une structure indépendante du pouvoir, chargée dit-il, officiellement, de l’assister (une sorte de cabinet spécial du Président)/

La tension se durcit au point que courant septembre 1987, Sankara confie à des proches : “Je ne pense pas que Blaise veuille attenter à sa vie. Le seul danger, c’est que lui-même se refuse à agir, l’impérialisme lui offrira le pouvoir sur un plateau d’argent en, organisant l’assassinat…

Même s’il parvenait à m’assassiner ce n’est pas grave! Le fond du problème, c’est qu’ils veulent bouffer, et je les en empêche!

Mais je mourrai tranquille, car plus jamais après ce que nous avons réussi à inscrire dans la conscience de nos compatriotes, on ne pourra diriger notre peuple comme jadis…”[1]

Fin septembre 1987, Blaise Compaoré est de nouveau à Abidjan en compagnie cette fois de Pierre Ouedraogo le secrétaire national des CDR.

Au-delà d’une visite de courtoise, il reçoit la confirmation après un tête à tête avec Houphouët qu’il sera le prochain Président du Faso.

On en est tellement convaincu dans les allées du pouvoir ivoirien que même Coffie Gervais le glisse à un ami de passage : ” Regardez l’homme assis sans la salle d’attente, c’est le Président du Faso” Son interlocuteur reconnaissant Blaise Compaoré, adresse au secrétaire de la Présidence ivoirienne un regard étonné. Ce dernier pour toute explication, l’enjoint de garder pour lui la confidence.

A cette occasion” ajoute Sennen Andriamirado[2], “des artiste africains” l’apercevant dans le salon d’honneur lui demandent de les introduire auprès de Thomas Sankara. Compaoré leur répond :”C’est moi qui sera votre interlocuteur, mais venez pas à Ouaga avant novembre.

Entre temps des amis ont prévenu Thomas Sankara que Blaise Compaoré disposant de beaucoup d’argent, recrute des fidèles“.

Sankara finit par comprendre que sa sécurité ne peut plus dépendre exclusivement des hommes de Blaise

Il décide fin septembre 1987 de la mise sur pied d’une force de sécurité rapprochée, la FIMATS[3], dirigée par son garde du corps Vincent Sigué, le terrible mercenaire craint au Burkina Faso jusqu’au sein des commandos de Pô.

Et c’est pour empêcher cette force politique et militaire parallèle de se mettre en place que la décision est prise par Compaoré d’arrêter Sankara.

Le matin du 15 octobre 1987, une violente dispute éclate entre Blaise, son lieutenant Gilbert Diendéré, et Salif Diallo, devenu par la suite son directeur de cabinet. Gilbert Diendéré expose à Blaise Compaoré qu’à 20h les nouvelles forces de sécurité de Thomas Sankara profiteront de la réunion du CNR pour exécuter tous les membres dirigeant du gouvernement, y compris Blaise lui-même. Il l’exhorte de donner l’ordre de contre-attaquer pour devancer l’opération. Face à l’hésitation de Compaoré, Diendéré déclare menaçant : “Si avant 20h tu n’as pas donné ton accord, nous allons attaquer…!”

A 15 h Blaise donne son accord…

Gilbert Diendéré dirige lui-même les commandos. L’homme tient à régler personnellement ses comptes avec Thomas Sankara. Camouflés à bord d’une voiture bâchée, les commandos arrivent au Conseil de l’entente où se réunissent Sankara et son fameux cabinet spécial.

Il est environ 16h15 lorsque la voiture bâchée s’arrête devant la villa “Haute Volta” du Conseil. Immédiatement le vacarme des kalachnikovs déchire l’atmosphère.

Les sept hommes réunis dans la salle, se couchent au sol. Sankara se relève et ordonne à ses conseillers : “Restez.. C’est moi qu’ils veulent…

Puis il quitte la salle les bras en l’air. A peine est-il sorti qu’il se trouve nez à nez avec Yacinthe Kafando un membre de la garde personnelle de Blaise Compaoré, qui le descend de deux balles au front.

Un autre commando entre dans la salle et pousse au dehors ceux qui refusaient de sortir : “dehors.. dehors..!”

Dès leur sortie, ils sont à leur tour abattus…

Deux jours après l’assassinat de Sankara, le Président togolais Eyadéma, reconnaît le premier, le nouveau Front Populaire du Burkina Faso, instauré par Blaise Compaoré. La Côte d’Ivoire ne réagit pas, accusée par la presse internationale d’être l’instigateur du coup d’état.

François Mitterrand regrette : “C’est une histoire terrible, c’est une nouvelle qui m’attriste. C’est un homme jeune, intelligent, plein de sincérité et d’élan…”

A Ouagadougou, Blaise Compaoré endosse la responsabilité du coup d’état sanglant : “Sankara et un révolutionnaire qui s’est trompé..”


[1] Valère Somé : “Thomas Sankara : l’espoir assassiné” L’Harmattan 1990

[2] Sennen Andiramirando :”Le complot était ourdi depuis longtemps” Jeune Afrique N°1400-4 novembre 1997 p14 à 19

[3] Force d’Intervention du Ministère de l’Administration Territoriale de la Sécurité

 

10 COMMENTAIRES

  1. > “L’exécution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Liberté confisquée” de Bernard Doza
    Je suis tres heureux de lire cet article, de voir que Sankara, conscient qu’on l’assassinerait a dit lui-meme “je mourrai en paix…”, il s’en est alle dans la paix, car il accombli sa tache, entre autre, celle d’eveiller la conscience des Burkinabes et des Africains par ricochet. Certains sont peut-etre toujours en train de vivre, mais Dieu seul sait, si meme vivants, ils vivent en paix. Il y a ges gens, et Sankara en est, qui meme morts sont plus utiles a leurs compatritotes que certains qui sont vivants. Il a fait en si peu de temps ce que d’autres ne feront jamais de toute leur vie meme s’ils mourraient centenaires. Merci a SAnkara d’avoir existe. Toute ma profonde sympathie a Mme Sankara, a Philippe et Auguste: vous souffrez de la perte de votre epoux, de votre papa, soyez aussi fiers, car les Burkinabe sont fiers d’avoir eu Sankara: Sankara est un prophete, il etait en avance sur son temps, il a voulu le bien des siens, et les siens ne l’ont pas compri. Sankara, nous n’avons pas ete dignes de toi, repose en paix !

    • > “L’exécution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Liberté confisquée” de Bernard Doza
      bien vrai on a perdu un grand il a ete tue c etait pa aussi bien pour l afrique et le burkina une chose il me semble que on ne cherche pa avoir le fond du probleme entre blaise et sankara tous deux militaire donc moi je me dit au moment des faits un devrai mourri pendent que sankara etait en prison c est blaise qui a fait le coup d etat et il est devenir president donc entre c est deux s il ya un eu un probleme donc c etait probleme de haut niveau entre c deux que le survivan ne va jaimais explique au burkina nul nai parfait et non au coup d etat avec du sang

  2. > “L’exécution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Liberté confisquée” de Bernard Doza
    A tous mes freres burkinabe,je pleure a la lecture de cet article.Et ainsi est de meme pour tous les fils dignes du pays.Sankara est mort mais son esprit n’est pas mort.Tout ce que je deplore c’est qu’il n’ya qu’un peuple qui est mort.Paix a l’ame du hero national.
    L’histoire quant a elle retribuera ses dus.Bientot le burkina sera meme que la cote d’ivoire.ce jour arrivera d’infortune,mais il arrivera.

  3. > “L’exécution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Liberté confisquée” de Bernard Doza
    Je suis dans un choc terrible a chaque fois que je lis cette partie de l’histoire de mon Capitaine T.S…

    C Barry

    Monrovia

    • Une justice pour lSankara
      Une chose est de reconnaitre que Sankara est mort, une autre est de savoir comment Sankara est mort. Thomas Isidore Sankara est mort le 15 octobre 1987, assassine par un groupe de militaires parmi lesquels Gilbert DjenDere et Yacynthe Kafando ont ete identifies. La mort de Sankara a ete ordonne, ou a tout le moins, benie par Blaise Compaore. Un certificat de deces a ete exhibe, indicant de maniere injurieuse et blamable que le President du Faso est mort d’une mort naturelle. Malheur a celui qui a, par peur ou par complicite, ose emettre ce bout de papier.

      Bientot, ce sera le 20eme aniversaire de l’assassinat du President du Faso. Pendant vingt ans, sa place est restee vacante, sa maison vide parce que personne, meme pas ses assassins, n’a ose les occuper. Pourqoi?
      Parce que tant que justice ne sera pas faite a Sankara, nous porterons son deuil. Il faut donc que tous les Sankaraistes, pas seulement ceux qui militent dans des partis se prevalant des ideaux sankariste, mais tous les hommes, toutes les femmes qui sont conscients de l’injustice faite a notre Camarade, se mobilisent pour la Justice.
      Blaise Compaore, Yacynthe Kafando, Gilbert Djendjere sont toujours vivants. Ils sont ramolis par le temps et par leurs propres tripitudes. Il faut qu’ils repondent pour enfin que le Faso puisse obtenir, de ce fait, la Paix, la Dignite.

      LA PATRIE OU LA MORT
      NOUS VAINCRONS!

      LA PATRIE OU LA MORT
      NOUS VAINCRONS!

      LA PATRIE OU LA MORT
      NOUS VAINCRONS!

  4. > “L’exécution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Liberté confisquée” de Bernard Doza
    je dirais que l’afrique a perdue et encore perdue pourquoi quand un constructeur viens les vieux crocodile et les vieux caiman ne veulent pas qu’ils les detruise avec sa bouche mais ou vas l’afrique avec des dirigeant malhonnete qui ne savent pas ce qu’ils veulent des dirigeant qui ne font que lecher les culs des dirigeant de l’occident.
    maudit sont ceux qui ont executer le camarade thomas sankara.ex pionnier de la revolution en 1984je pleure pour l’afrique oui pourquoi etre contre un batiseur,quelque soit la duree de la nuit le soleil finira par se lever moussa traore felix hauphouet boigny ont ete les complice de l’assasinat de thomas sankara pour ce vieux singe francois mitterand

  5. “L’ex�cution” ou la mort de Sankara, extrait du livre “Libert� confisqu�e” de Bernard Doza
    Je suis abattu!A la fin de la lecture je me sens plus que jamais apte à empreinter ses pas même si on m’assassinera moi aussi car ainsi je mourrai au moins en paix comme lui et il sera fièrt de moi.Je ne veus rien d’autre qu’honorer sa memoire en suivant ses pas.Je vous en prie,aider moi à m’inserer dans la secte revolutionnaire;mettez moi en contact avec les smockey,sam’s k et autres.Je jure au nom de Dieu que je suis serieux,je vous en pris!”NOUS SOMMES LÀ POUR OSEZ ET VOUS ÊTES LÀ POUR CONTINUER LA LUTTE COUTE QUE COUTE”THOM SANK.Alors les gas,il compte sur nous,ne le decevons pas,soyons serins.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Saisissez votre commentaire svp!
SVP saisissez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.