Alexandre Thomas
Rarement, homme politique africain aura autant incarné dignité et volonté d’exister d’un continent, encore meurtri par les méfaits latents de la domination de l’homme au détriment de l’homme.
Sans doute, Nicolas Sarkozy a manqué l’occasion de se taire. Son discours arrogant à Dakar en 2007 ne traduit pas une simple méconnaissance de l’histoire de l’homme noir. C’est un affront insolemment infligé à des millions de personnes dans le monde et à tout un continent.
Le pardon de Ségolène Royal ne suffit pas, même s’il paraît nécessaire.En guise de réplique appropriée, nous proposons une série de portraits de Noirs illustres, dont le premier sera consacré à Thomas Sankara que certains considèrent comme le Che Guevara africain.
Un jeune homme aux origines modestes
Thomas Isidore Noël Sankara voit le jour le 21 décembre 1949 à Yako (au nord de la Haute Volta), dans une famille catholique. Sa mère est une femme au foyer, son père (ancien combattant et prisonnier de guerre) a combattu aux côtés des alliés lors de la seconde guerre mondiale.
Destiné à une carrière militaire
Thomas Sankara fait des études secondaires au lycée Coulibaly de Bobo-Dioulasso (deuxième ville du pays après Ouagadougou), avant d’aller suivre une formation d’officier à Madagascar. 1976, il devient commandant d’un centre de commando. C’est là qu’il fait la connaissance de Blaise Compaoré avec lequel il crée le Groupement des Officiers Communistes (ROC).
S’illustre en politique comme un homme intègre
Septembre 1981, Thomas Sankara est nommé secrétaire d’État à l’information dans le gouvernement Saye Zerbo. Il y reste peu de temps et démissionne le 21 avril 1982. Janvier 1983, Sankara devient premier ministre, après un coup d’État du 7 novembre 1982 fomenté par Jean-Baptiste Ouédraogo (médecin militaire). Mais, le 17 mai, il est limogé et arrêté après la visite suspecte de Guy Penne, conseiller spécial de François Mitterrand. 4 août 1983, un nouveau coup d’État porte Sankara à la présidence. Il lance une révolution et définit son programme comme anti-impérialiste et anti-corruption.
Trahi par un faux ami
15 octobre 1987, Thomas Sankara est assassiné au cours d’un coup d’État organisé par son ami Blaise Compaoré. Mais, plus tard, un médecin militaire le déclare décédé de mort naturelle. Nonobstant la confusion qui règne dans cette affaire, la communauté internationale demeure muette comme une carpe. Il n’y aura pas d’enquête, ni procès à propos de la mort de Thomas Sankara. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme condamnera cette absence de poursuites, sans viser ni condamner personne.
Néanmoins, la famille de Thomas Sankara soupçonne le gouvernement de cohabitation (Mitterrand-Chirac), d’avoir joué un rôle essentiel dans l’assassinat, ainsi que d’autres gouvernements africains amis de la France à l’époque.
Actions politiques et résultats
Thomas Sankara figurera dans l’histoire parmi les leaders du Mouvement des Non-Alignés : ces pays (avec l’Inde en tête) qui durant la guerre froide ont obstinément refusé de prendre parti pour tel ou tel bloc. Dans ses discours, Thomas Sankara n’avait de cesse de dénoncer colonialisme et néocolonialisme notamment de la France en Afrique. A la tribune des Nations Unies, il a courageusement plaidé pour le droit des peuples à pouvoir manger à leur faim, boire à leur soif, être éduqués.
En 4 ans de pouvoir seulement, les résultats de sa politique sont époustouflants : réduction de la malnutrition dans le tout le pays, de la soif (construction massive de puits d’eau potable), des maladies (politiques de vaccinations des enfants), et de l’analphabétisme (le taux passe de 95% à 80% chez les hommes et de 98% à 97% chez les femmes), grâce aux «opérations alpha».
Un homme dont on retiendra le nom
Sankara sera aussi connu pour avoir pour la première fois en Afrique, rompu avec une société traditionnellement inégalitaire. Il a dépouillé les chefs de tribus de leurs pouvoirs et intégré les femmes dans la société à l’égal des hommes. C’est le seul président au monde à avoir vendu les luxueuses voitures de fonction pour les remplacer par de simples R5. Il voyageait en classe touriste et imposait à ses collaborateurs d’en faire autant.
L’influence de Thomas Sankara, tout comme celle de Nelson Mandela, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral, Kwame Nkrumah ou Ruben Um Nyobé, est considérable en Afrique, surtout auprès d’hommes et de femmes en quête d’identité. Thomas Sankara a été proclamé modèle par la jeunesse africaine au forum social africain de Bamako en 2006 et au forum social mondial de Nairobi en 2007.
Source : http://alexandre-thomas.lejdd.fr/