- Bande dessinée, 142 pages
- Editeur : Hachette livre (Marabout)
- Dépot légal : Septembre 2023
- ISBN : 978-2-501-123417-8
Présentation de l’ouvrage (4ème de couverture)
Qui était vraiment Thomas Sankara ?
Un visionnaire, un rêveur?
L’ancien président du Burkina Faso voulait transformer son pays, ancienne colonie française, en un état moderne, égalitaire, écologiste, féministe et farouchement indépendant. A-t-il eu raison trop tôt? Lâchement assassiné à la des des années 80, il n’a cessé, depuis de fasciner une grande partie de la jeunesse mondiale. Celle qui a envie de rêver, justement et de prendre son destin en main.
Comme la jeune Léa qui va partir à la découverte de Thom’ Sank’ et entrainer avec elle sa famille, entre Paris et Ouagadougou.
Les auteurs
Pierre Lepidi est reporter au service Afrique du journal Le Monde. Il a écrit plusieurs ouvrages sur la Corse, dont il est originaire et le continent africain.
Françoise-Marie Santucci, autrice et journaliste, a grandi en Côte d’ivoire. Passionnée par l’Afrique de l’Ouest, elle a notamment travaillé à Libération et dirigé le magazine ELLE. Elle a publié plusieurs ouvrages et romans, dont A la rechercher des odeurs perdues, Grasset 2023.
Pat Masioni, est caricaturiste de presse, peintre, carnettiste mais surtout artiste 3D et auteur illustrateur de Bande Dessinée et de Comics Américain. Né en République démocratique du Congo, il vit à Paris depuis 20 ans. Diplômé des Beaux Arts de Kinshasa, il est le seul africain publié comme auteur de Comics aux États Unis (DC comics). Il est publié par des éditeurs français, américains, anglais, italiens, suisses et congolais. Il est l’auteur d’une vingtaine de BD et Comics, la plupart sur thèmes humanistes et engagés.
Nos commentaires
Ne gâchons notre plaisir. Engagé depuis longtemps dans la popularisation des idées et de l’œuvre de Thomas Sankara, cette bande dessinées qui sort d’ailleurs en même temps qu’une autre, 10 ans après la première BD sur ce sujet, ne peut que nous ravir. Incontestablement elle va encore étendre le rayonnement de Thomas Sankara. Cet engouement permet un saut supplémentaire dans la diffusion de la connaissance de ce rebelle visionnaire.
Par ailleurs, cette bande dessinée, clairement destinée à la jeunesse, pour laquelle il n’y a pas grand chose de disponible, va toucher un nouveau public. Plusieurs scènes montrent des échanges entre les adolescents. Et au sein de la jeunesse de France, diverse et métissée, la curiosité pour l’Afrique augmente. La jeune héroïne est elle même métissée. Les évènements à l’école, les taquineries qu’elle subit du fait d’avoir reçu, parmi ses différents prénoms, celui de Thomas, l’amènent à questionner ses parents. Son père, qui a fait une thèse sur l’histoire du Burkina, dont on apprendra à la fin pourquoi il est touché par cette histoire, va se lancer sans l’écriture d’un livre pour faire connaitre Thomas Sankara.
La trame est lancée. Elle permet aux lectrices et lecteurs, au fil des pages, de découvrir qui était ce rebelle visionnaire qu’est ce qui fait sa popularité aujourd’hui. Ainsi au fur et à mesure de la recherche du père et des rencontres, le caractère, les réalisations, la sensibilité de Thomas Sankara sont dévoilés.
Le livre s’adresse clairement à des adolescents. Les discours dogmatiques sont exclus au profit de ce qui leur est perceptible. L’histoire raconte les difficultés du père pour réaliser son projet. Les difficultés à rassembler les informations sur l’histoire de Thomas Sankara. On y retrouve les traits essentiels de son projet et de son action, sans oublier ce que d’aucun appelle les erreurs. Le combat pour la libération de la femme, pour sortir le pays de la pauvreté, pour la défense de l’environnement, les difficultés de mener la politique extérieure, les nombreuses mesures symboliques pour marquer les esprits. Le récit s’attache aussi à la dégénérescence de l’amitié entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré après le mariage de ce dernier avec une femme de l’entourage d’Houphöuet Boigny, issue de la bourgeoisie ivoirienne. Jusqu’à l’assassinat de Thomas et de ses compagnons, alors qu’il en était informé mais qu’il se refusait à prendre des mesures pour l’empêcher. Un tableau somme toute assez complet dont on espère qu’il donnera envie à ces adolescents d’en savoir plus, voire de s’en inspirer.
L’essentiel est donc atteint tout en s’appuyant sur un scénario efficace.
On regrettera cependant de ne pas trouver dans les dessins, la forte luminosité qui illumine ce pays la plupart du temps, même si la couleur ocre domine en général. Et Thomas Sankara manque parfois de ressemblance.
Pourtant nous nous interrogeons sur le travail réalisé en matière de documentation? Celle-ci est pourtant, abondante et largement disponible, voir facilement accessible. A commencer par notre site www.thomassankara.net qui renferme un moteur de recherche. On ne peut donc que s’étonner à juste titre, de trouver des erreurs grossières tout à fait inadmissibles dans une bande dessinée publiée dans une des principales maisons d’édition de France.
On passera sur quelques erreurs ou approximations de peu d’importance, comme par exemple que le slogan “malheur à ceux qui bâillonnent le peuple” qui lui aurait été inspiré à Madagascar. Par contre les évènements de Madagascar l’ont très probablement inspiré sur le rôle que l’armée pouvait jouer lors du déclenchement d’une Révolution dont elle est partie prenante comme c’était le cas à Madagascar.
Pourtant, il ne nous est pas possible de ne pas relever deux erreurs admissibles. Ainsi page 96, on peut lire “en novembre 1986, il (Thomas Sankara) arrive en France pour un sommet avec le Président Mitterrand et d’autres chefs d’État… “. Première erreur, page 96, ce sommet a eu lieu en octobre 1983 et non en 1986. D’ailleurs Thomas Sankara a boycotté par la suite tous les sommets annuels France-Afrique.
Deuxième erreur. Les dessins qui suivent évoquent la joute verbale Sankara Mitterrand bien connue, où Thomas Sankara accuse François Mitterrand d’avoir accueilli en France Peter Botha, alors président de l’Afrique du Sud et Joseph Savimbi, son allié au Mozambique, qui “l’[la France NDLR]) ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang“. Si cette joute verbale a bien eu lieu en novembre 1986, ce n’est pas en France mais lors du premier voyage officiel que fait François Mitterrand au Burkina Faso. Est-ce un raccourci pour ne pas alourdir le scénario ? Nous en doutons fort, mais rien ne le justifie en tout cas une telle erreur.
Pour éviter de telles erreurs, il existe une chronologie de la Révolution burkinabè assez fouillée à https://www.thomassankara.net/chronologie/, extraite de la biographie de Thomas Sankara toujours disponible pour ceux qui veulent se documenter sur la vie de Thomas Sankara.
Une fois de plus les auteurs nous ressortent l’influence qu’aurait eu Pierre Rabhi sur Thomas Sankara, en matière d’écologie. Dont la seule source connue à ce jour semble n’être que les affirmations de Pierre Rabhi lui-même dans ses ouvrages. En réalité il n’a rencontré et connu Sankara qu’en 1986. Que Sankara lui ait demandé de lui faire des propositions, au cours de leur rencontré, c’était ce qu’il faisait chaque fois qu’il recevait des invités étrangers avec certaines compétence. Mais qu’il lui aurait proposé d’être ministre c’est bien mal le connaitre. S’il l’a fait, ce n’aurait été que de l’humour dont il était friand. Jamais Sankara n’aurait nommé un ministre issu d’un autre pays. La réalité c’est qu’ils ne se sont plus jamais rencontrés .
Et que Thomas Sankara se soit inspiré de l’expérience de Pierre Rabhi cela apparaît peu probable. Aucun document à ce jour, n’a été publié montrant des propositions qu’il aurait faites à Thomas Sankara. Par contre, comme le montre un document dont des extraits sont disponibles sur ce présent site à https://www.thomassankara.net/la-republique-populaire-et-democratique-de-haute-volta-nest-pas-en-voie-de-developpement-mais-en-voie-de-destruction-rapport-de-rene-dumont-et-charlotte-paquet, d’un rapport qu’a rendu René Dumont, le précurseur de l’écologie politique en France, en 1984. Il y fait des propositions précises qui vont inspirer les trois luttes, la lutte contre le feux de brousse, la divagation des animaux et la coupe abusive du bois, que lui a pu avoir une influence certains sur la politique écologiques de Thomas Sankara. Et ces Trois Luttes ont été lancées officiellement le 2 avril 1985 !
Ceci dit, cette bande dessinée, nous le répétons ici en conclusion, est une bonne approche pour des parents désireux de faire connaitre Thomas Sankara à leurs adolescents. Il est simplement dommage, que des auteurs, pourtant censés être expérimentés, selon ce qu’indique leurs présentations n’aient pas été plus perspicaces et rigoureux dans la recherche de leurs sources.
Bruno Jaffré