Ce texte est extrait des pages 228 et 229, de l’ouvrage “Démocratie Pour l’Afrique”, de René Dumont, publié au Seuil en février 1991. Page 228-229,
Bien des africains se souviennent de l’assassinat de patrice Lumumba, aux premiers temps de l’indépendance du Zaïre. Mais ce crime politique reste malheureusement méconnu dans la majorité de l’opinion publique occidentale et de la majorité de la jeunesse africaine… Nous avons vécu, le 15 octobre 1987, un autre assassinat, qui, lui aussi, mériterait une large réflexion en Afrique et hors du continent.
En janvier-mars 1984, nous avions été invités en Haute-Volta, Charlotte Paquet et moi-même, par le Président Sankara, pour réaliser une analyse “sans complaisance” de l’état de l’économie. Nous avons pu travailler avec lui en toute confiance, lui faire part de nos observations, de nos critiques, dont il a tenu compte, notamment quand il a engagé les trois luttes pour défendre l’environnement. Dès son discours d’orientation d’octobre 1983, il avait voulu redonner aux femmes toute leur dignité et leur vraie place dans la société. Quand Charlotte Paquet, de retour d’études avec les femmes des villages, soulignait devant lui toutes leurs difficultés, il les prenait au sérieux.
Nous avons certes critiqué certains de ses projets, comme les destructions de quartiers pauvres des villes en vue de construire des logements trop coûteux, ou le projet d’irrigation du Sourou ; ou encore, ce chemin de fer qu’il voulait prolonger jusqu’au manganèse de Tambao et qui ne se justifiait pas.
Mais Sankara avait refusé les Mercedes et les avait remplacées par des 5 CV Renault. Il avait lutté contre la corruption et instauré des tribunaux pour juger les coupables, supprimé l’impôt de capitation payé par tous, donc foncièrement inégal. Des grands efforts dits “de commandos” avaient été entrepris pour généraliser les vaccinations et l’alphabétisation.
Aucune des critiques que l’on pouvait lui faire ne justifiait une élimination ; mais Comparé désirait le pouvoir. Pour le garantir, il a plus tard fait massacrer, sans essayer de se justifier, deux des conjurés du 4 août 1983, Lingani et Zongo.
Blaise Compaoré avait reçu d’Houphouët Boigny une épouse qui, nous a-t-on dit, pratiquait la contrebande de l’or avec le Ghana. En 1990, il a déclaré que la Côte d’Ivoire représentait “modèle de démocratie”. La politique menée par Sankara constituait une critique implicite de gaspillage des autres chefs d’Etat africains, qui pouvaient donc le considérer comme une menace. Seul Rawlings, le chef d’Etat du Ghana, lui manifestera jusqu’au bout son amitié.
Quand en janvier 1987, j’ai donné à Ouagadougou une conférence sous la présidence du ministre de l’Agriculture, l’ambassadeur de France, aurait (m’a-t-on dit) demandé à tous le français sous ses ordres de n’y point assister. Paris ne pardonnait pas à Sankara d’avoir, à l’ONU, voté pour l’indépendance immédiate de la Nouvelle-Calédonie.
René Dumont
> “Une histoire exemplaire : l’assassinat de Thomas Sankara” de René Dumont
vous etes de ceux qui rendent à juste valeurs les efforts de ce grand homme qui a tout simplement voulu motiver les africains pour un developpement rationnel,qui a voulu guider les pas des africains hors de la zone des fauves .mais cela n’a pas plu à ceux qui n’ont pas interêt que le peuple sache où se trouve ses interêts le combattant de la liberte
> “Une histoire exemplaire : l’assassinat de Thomas Sankara” de René Dumont
Je suis d’accord avec les reflexions de Réné Dumont que j’ai déjà lu. Effectivement Sankara incarnait une nouvelle façon de gouverner qui ne plaisait pas aux dirigeants africains. J’ai lu même quelque part dans ce site la déclaration de Biens de Sankara en 1987 !! voyez combien il est en avance. Aujourd’hui avec nos démocrates de convenance qui ne respectent pas ce qu’exige les constitutions notamment en matière de déclaration de biens qu’ils ne font pas ou en caricature, sankara est encore une fois de plus une référence en matière de bonne gouvernance.