Après le carnage du 15 octobre 1987 qui a coûté la vie au Président Thomas Sankara, le Président Compaoré a accordé une interview au journal Jeune Afrique N°1400 du 4 novembre 1987. À la question du journaliste à savoir : « Alors, qui l’a tué ? », voici sa réponse : « Les soldats qui partaient pour l’arrêter ont été obligés de faire usage de leurs armes lorsque Thomas Sankara et sa garde personnelle ont ouvert le feu sur eux ».

Thomas Sankara était le Président du Faso en son temps au même titre que Blaise Compaoré l’est aujourd’hui. Il avait sa garde personnelle tout comme Blaise Compaoré dont la garde est composée des éléments du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP). Si des soldats viennent pour arrêter le chef de l’Etat qu’est Blaise Compaoré, quelle sera la réaction des éléments du RSP ?
Resteront-ils les bras croisés ? Ceux qui partaient pour arrêter Sankara devraient s’attendre à çà.

Dans la suite de l’interview, le Président Compaoré montre clairement qu’il a identifié les exécutants de Sankara. Morceaux choisis : « ils m’ont expliqué après le drame qu’ils savaient que je n’aurai jamais accepté de l’arrêter s’ils venaient m’annoncer que celui-ci préparait notre assassinat à 20h, ce jeudi 15 octobre… Connaissant mon amitié pour lui, ils savaient que je n’aurai jamais pris une telle décision sans preuve des projets du Président ».

Si l’on suit la logique du Président, la première intention des soldats n’était pas d’assassiner Thomas Sankara, mais procéder à son arrestation. Malheureusement les choses ont pris une autre tournure. Plus loin il dira : « lorsque je suis arrivé au Conseil de l’Entente après la fusillade et j’ai vu le corps de Thomas par terre, j’ai failli avoir une réaction très violente contre les auteurs ». Ainsi, le soir du 15 octobre après l’assassinat de Thomas Sankara et devant son corps, le Président Compaoré a identifié les soldats auteurs de cet assassinat. Il reconnaît qu’il a failli avoir une réaction violente, mais il a été dégoûté de l’affaire quand les assassins de Sankara l’ont convaincu de la mauvaise foi de Sankara qui voulait en finir avec eux le même soir à 20h.

Depuis lors, plus rien. Sankara a été enterré discrètement à Dagh-Noen la même nuit. Prince Johnson qui a témoigné devant la Commission vérité et réconciliation du Liberia qu’il a participé à cet assassinat était-il là au moment de l’arrivée du Président Compaoré ? Les soldats ont donc agi sans aviser le Président Compaoré. Nous sommes dans quel pays où de simples soldats prennent l’initiative d’arrêter le chef de l’Etat en personne sans se référer à leur hiérarchie ? Nous sommes au Burkina.

Si les choses n’ont pas changé, le Président Compaoré lui-même n’est pas en sécurité. L’affaire Norbert Zongo est là pour en témoigner. Les soldats entendus devant la Commission d’enquête indépendante ont reconnu qu’ils ont déserté leur poste pour se rendre dans les maquis pendant le voyage du Président alors qu’ils étaient consignés.

Aussi, dans l’affaire David Ouédraogo, on a compris que le chef d’Etat major particulier de la Présidence, le maître des lieux au « Conseil » n’a pas ordonné la présence du supplicié en ces lieux. Il a été informé plus tard que David était entre les mains de ses éléments ; il a rendu compte au Président. Dans l’armée, les soldats ne doivent pas disposer de trop de liberté au point de prendre des initiatives sans l’avis de leurs chefs. N’est-ce pas pour cela que le Burkina vivait dans un climat de terreur et que les assassinats non élucidés se sont succédé après le 15 octobre ? Ces soldats se sont donné cette liberté de tuer le 15 octobre 1987 parce qu’ils se considéraient comme maîtres du pouvoir de Thomas Sankara. Pour eux, Sankara leur doit son pouvoir.

En effet, à la faveur de la commémoration des 20 ans d’accession au pouvoir du Président Compaoré, ce dernier a rencontré 3 000 jeunes dans son pied-à-terre de Pô le 18 octobre 2007. Tous les discours ont eu pour but de prouver que c’est Blaise Compaoré le véritable artisan de l’avènement de la Révolution du 4 août 1983. « C’est la ville de Pô qui m’a porté, fait grandir, Pô m’a aidé à aider le Burkina Faso » a affirmé le Président Compaoré, l’homme qui a choisi le treillis plutôt que la soutane. Il n’a pas aidé le Burkina seul. Il avait à ses cotés des soldats : « Il y avait à peu près 350 commandos partis de Pô dans 50 camions » pour réaliser le coup d’Etat et confier le pouvoir à Thomas Sankara le 4 Août 1983 : « Pour ce qui est de la présidence, c’était arrêté depuis que c’est Thomas Sankara qui serait à la tête » a reconnu le Président du Faso devant les 3 000 jeunes.

En ce 18 octobre 2007, François Compaoré, le frère cadet du Président a aussi porté un témoignage qui prouve que sans son frère le Burkina allait connaître une guerre civile : « Lorsque Blaise est revenu de Bobo le 17 mai, la gendarmerie était déjà au courant, et n’eût été la promptitude de son chauffeur, il aurait été arrêté. En effet ce dernier après un tour au Camp Guillaume Ouédraogo est revenu en vitesse, et a dit à Blaise qu’il fallait qu’ils filent, Blaise n’a même pas eu le temps de porter ses chaussures et a donc embarqué, c’est moi qui ai remis les mangues, que Barro Djandjinaba lui avait données, dans le véhicule, une petite Citroën Visa, et à peine ont-ils eu le temps de tourner dans « le six mètres » que les gendarmes sont arrivés. Ils m’ont demandé si Blaise était là, je leur ai dit non, mais c’était un mensonge grossier… mais supposons que Blaise ait été arrêté et que les commandos de Pô soient descendus à Ouaga, qu’est-ce qui allait se passer ? C’était la guerre civile » (cf. L’observateur paalga N°6995 du lundi 22 octobre 2007).

Ainsi donc, Thomas Sankara gouvernait un pays sans avoir l’armée en main. Les militaires, à cause de certaines divergences dans la conduite de la Révolution ont voulu arrêter Sankara parce que ce dernier se préparait à assassiner son ami et presque frère Blaise Compaoré. L’arrestation s’est mal déroulée et s’est terminée en drame. Doit-on oublier la mort de Thomas Sankara pour autant ? En tant qu’ex-président, Sankara ne méritait-il pas une bonne sépulture au cimetière militaire aux côtés de ses autres frères d’armes ? Le Président Compaoré a encore le temps pour se racheter avant le 15 octobre prochain.

PB

Source : l’Indépendant du 27 octobre 2009 http://www.independant.bf/article.php3?id_article=1472?&sq=arti

1 COMMENTAIRE

  1. 15 octobre 1987: Le Président Compaoré connaît les assassins de Thomas Sankara
    Je regrette mais je ne suis pas d’accord quand vous soutenez que SANKARA et ses proches projettaient de tuer Blaise COMPAORE et ses Hommes.Souvenez vous le Commandant Boukary KABORE avait demander la permission à SANKARA d’arreter Blaise car celui ci preparait un coup d’Etat et la reponse du PF etait sans appel :«l’amitié ne se trahit pas.c’est à eux de trahir,pas nous.»
    Vous conviendrez avec moi que cette reponse c’est du SANKARA tout fait.
    c’est simplement pour soulager un temps soi peu leur conscience que Blaise et ses complices ont inventer cette sordide histoire.SANKARA est resté integre et fidele à l’amitié jusqu’à la mort.l’heure de la vérité et de la justice approche à grands pas.
    LA PATRIE OU LA MORT NOUS VAINCRONS!

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