15-Octobre recto-verso, souvenirs révolutionnaires de démocrates

 

La date du 15 octobre pointe à l’horizon. Encore elle! est-on tenté de dire. Le 15-Octobre revient comme chaque année avec ses débats entre adversaires et partisans, ceux qui veulent s’en souvenir et ceux qui n’en veulent pas. La dernière galette chaude de l’ère révolutionnaire n’en finit pas de diviser la classe politique, chacun s’appropriant la face qui lui fait le plus saliver. Entre vérités et contrevérités, témoignages à charge et témoignages à décharge, le flou sur les raisons et le déroulement même des événements est loin de s’éclaircir et ça fait vingt ans que ça dure! Vingt ans.

L’énoncé même du chiffre devrait suffire à susciter une célébration dans ce Faso prompt à célébrer tout et n’importe quoi avec un thème à la clé. Le 15 octobre 2007 fera donc l’objet d’une célébration. Mais que va-t-on célébrer? Les vingt ans de l’assassinat de Thomas Sankara, disent les sankaristes, qui entendent donner à l’événement une envergure internationale. L’année 2007 a déjà d’ailleurs été proclamée année Thomas-Sankara.

Pour les partisans de la Rectification, donc de Blaise Compaoré, il s’agira de célébrer l’avènement de l’ère du grand rassemblement qui a abouti à l’approfondissement de la Révolution pour lui donner «un visage humain». Comme par hasard, l’histoire aura donné 4 ans de vie à la RDP (1983-1987) et 4 ans de vie à la Rectification (1987-1991). Kif-kif. Depuis 1991, les Hommes intègres ont voulu, par l’adoption de la Constitution de la IVe République, tourner le dos aux États d’exception et tout le monde, ou presque, est devenu démocrate. Dans ce «tout le monde ou presque» se retrouvent et les sankaristes, et les blaisistes qui, rien qu’aux dernières consultations électorales, se sont présentés à la présidentielle de novembre 2005, aux municipales d’avril 2006 et aux législatives de 2007 en «bons» démocrates convaincus des vertus de la démocratie, de l’État de droit et soucieux du respect de l’esprit républicain. De ce fait, la course pour l’appropriation du 15-Octobre en pleine 16e année de démocratie a ceci d’insolite que des acteurs politiques, qui ont décidé de tourner le dos aux États d’exception, s’acharnent à «célébrer» ou «commémorer» (à chacun son terme) un événement «douloureux» ou «heureux» (à chacun sa perception), fruit d’un acte anti-démocratique dans un contexte de négation de la démocratie par des acteurs qui n’avaient cure de la démocratie telle que célébrée aujourd’hui. Qu’on le veuille ou non, la célébration du 15-Octobre recto-verso voudrait dire soit «vive la RDP» ou «vive la Rectification», soit «vive la RDP et vive la Rectification». Ceux qui sont convaincus de ces assertions dans un camp comme dans l’autre devraient avoir l’honnêteté de démissionner des structures républicaines mises en place depuis le début du processus démocratique dont on vante le bon fonctionnement. Comme disent les voisins Ivoiriens, «on est où là?».

Sans dénier au peuple le devoir de mémoire pour des hommes et des faits qui ont marqué l’histoire du pays, il faudra craindre pour l’avenir l’éternel retour de ce passé dont les protagonistes d’hier et d’aujourd’hui refusent de solder définitivement les comptes.

 

C’est article a été publié dans le numéro N°828 du Journal du Jeudi (http://www.journaldujeudi.com)  daté du 2 au 8 août 2007.

 

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