Montpellier : 15 – 21 Octobre 2009

Des centaines de participants pour un hommage vibrant à Thomas SANKARA

A l’initiative du Comité Thomas SANKARA de Montpellier, en présence de Mme Mariam SANKARA, et en partenariat avec les associations citoyennes et amies de la ville ( MAÏA, Survie LR, CAM, AND, Bidon V, SARA, Faso Savoir, Citoyennes Maintenant, Cimade … CADTM de Nîmes ), une soirée commémorative pour le 22ème anniversaire de l’assassinat de Thomas SANKARA a eu lieu à la salle Guillaume de Nogaret (Espace Pitot) à Montpellier, précédée d’une conférence de presse qui s’est tenue dans les locaux de la Cimade. Nous vous livrons ci-dessous, le compte rendu que nous a envoyé le comité Sankara de Montpellier, deux discours. On trouvera des photos de la soirée du 15 octobre sur le site du CADTM à l’adresse http://www.cadtm.org/La-dette-outil-de-domination-de-l,4926?lang=fr. Les photos que nous reproduisons viennent de cette page.

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– 14h30 : Siège de la Cimade.

A l’invitation du Comité, les journalistes des médias locaux présents (Midi Libre et L’Hérault du jour) ont longuement interrogé Mr Eric Toussaint tant dans son approche et dans son analyse de la dette des pays du Tiers monde que dans son combat pour l’annulation de celle-ci.

– 20h : Salle Guillaume de Nogaret.

Plus de 200 personnes ont assisté à la conférence-débat prévue sur la thématique de « la dette : Outil de domination aujourd’hui comme hier ».

une vue de l'assistance (photo CADTM)

M. Eric Toussaint, Président fondateur du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) et conférencier du jour, a su captiver une assistance très cosmopolite mais surtout très attentive à la prestation offerte. Un exposé clair et pédagogique qui passera en revue et tour à tour, les causes historiques de l’endettement des pays du Tiers Monde, les aspects et les mécanismes politiques, économiques et financiers de la spirale de la dette avant d’esquisser des pistes de résistance et d’action pour une annulation de la dette : une réalité économique à la fois illégale, illégitime et odieuse.

Le conférencier a particulièrement noté que les emprunts contractés par les puissances coloniales dans l’après guerre (entre 1940 et 1960) au sein de la Banque Mondiale, visaient à prolonger l’entreprise coloniale. En second lieu, la logique qui sous-tend l’octroi de l’aide est l’extraversion économique des bénéficiaires et la renonciation à l’autosuffisance alimentaire. Des pays comme le Congo (Belge) qui n’avaient aucune dette entre 1960 et 1965, ont vu par la suite leur endettement se démultiplier au fil du temps. Une part importante de cette dette a d’ailleurs été détournée par le régime en place et les différents opérateurs économiques. Il a également souligné que la part de la dette qui parvient à l’Afrique est inférieure à 10% du total du montant annoncé. Il a aussi montré qu’entre 1979 et 1982, l’augmentation des recettes tirées de l’exploitation des matières premières a plutôt entraîné un accroissement de l’endettement alors qu’on aurait pu s’attendre à sa diminution. C’est ainsi que les pays africains ont, au cours de cette période, accru leurs emprunts au moment où les taux d’intérêt de Washington étaient multipliés par quatre. Des décisions prises aujourd’hui à l’instar de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) par les institutions de Bretton Woods, visent essentiellement à opérer des allègements du fardeau de la dette afin que «le porteur de fardeau soit capable de rembourser sa dette ».

L’annulation de la dette pourrait ainsi entraîner la reconstitution de la dette, mettant alors en péril les politiques d’autosuffisance alimentaire. On passerait ainsi du piège de la dette au piège alimentaire que dénonçait Thomas SANKARA .

Le Public attentif

Face à une assistance très jeune (plus de 100 étudiants de la faculté des lettres mobilisés pour l’occasion), le conférencier a su faire le lien entre les idées, la pensée de Thomas SANKARA et la situation actuelle du continent aussi bien dans l’échec du développement, la persistance du néocolonialisme politique, économique et financier que dans le pillage de l’Afrique, rendant ainsi ses propos d’une extrême actualité au vu de la situation du continent. Il a souligné que le discours de Thomas SANKARA sur la dette (Addis-Abeba 1987) relevait d’une grande clairvoyance et restera un moment fort et unique dans l’histoire de la politique africaine . Un moment anthologique et fondateur d’une espérance pour sa jeunesse, pour la jeunesse africaine et européenne, pour l’avenir du continent ; ceci malgré les lourdeurs internes, les contraintes externes et les menaces de l’environnement international.

– Mercredi 21 Octobre, 17h : Université Paul Valery.

Sous une pluie battante, un prolongement à la journée du 15 a eu lieu à la faculté des lettres. Après la projection du film documentaire de Robin SHUFFIELD : « Thomas SANKARA , l’homme intègre » , il s’en est suivi un long débat au cours duquel les membres du comité ont répondu aux multiples interrogations des étudiants : Une occasion pour revenir sur les questions aussi variées que celles liées au colonialisme et au néocolonialisme, à la négritude et à l’africanité. Occasion aussi d’évoquer les responsabilités des africains et des occidentaux dans le cadre de la Françafrique (*), d’esquisser les évolutions possibles malgré les blocages et les handicaps majeurs.
Une semaine plutôt intense, très instructive et qui s’inscrit pleinement dans la volonté du Comité de pérenniser ce RDV hautement symbolique et de maintenir durablement cette action dans le paysage politique et social local : une mission réussie pour la 3ème année consécutive.

Comité Thomas Sankara de Montpellier
Mail : comitesankara @ yahoo.fr

(*) Françafrique : « Face cachée de l’iceberg des relations franco-africaines, système de négation des indépendances africaines par la sélection et l’entretien de potentats amis, via des relations parallèles, délinquantes et inavouables »… Bref, une mafia politico-financière organisée (une idée de génie du Grand Charles) pour garantir l’accès de la France aux matières premières et permettre le pillage des colonies.

Bizarrement, nos chers Académiciens, gardiens de la langue française ignorent royalement ce concept, préférant intégrer dans le dictionnaire officiel des terminologies hautement symboliques comme bling bling ou buzz (Le Petit Robert). La revendication à cette omission est un chantier en perspective dans nos actions citoyennes et militantes futures.

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Discours d’ouverture prononcée par Mariam SANKARA

Jeudi 15 Octobre 2009 Salle Guillaume de Nogaret, Espace Pitot, Montpellier

Chers amis,

Mesdames,

Mesdemoiselles,

Messieurs.

Le 15 octobre est un jour mémorable pour moi.

C’est ce jour en 1987 que mon époux, Thomas SANKARA, alors Président du Burkina Faso, est mort assassiné avec nombre de ses camarades à la suite d’un coup d’État sanglant.

L’action politique de Thomas SANKARA avait comme base philosophique, la promotion des valeurs éthiques comme la dignité, la justice, l’intégrité, l’honnêteté, l’invention de l’avenir par soi-même et par l’action collective. Le Président SANKARA avait un souci d’autonomie de l’Homme et de son pays dans leur marche vers le progrès. C’est la raison pour laquelle il estimait qu’un peuple endetté ne pouvait pas se développer.

Son refus de la dette participait d’une volonté d’engager les pays d’Afrique et du tiers monde dans un processus de développement durable et irréversible.

Le fait que nous soyons réunis ici ce soir pour débattre du thème de la « Dette comme outil de domination hier comme aujourd’hui », montre que les idées de Thomas restent encore d’actualité.

Le travail fondamental qui reste à faire est à la fois de comprendre la dette aujourd’hui dans sa complexité et d’envisager les perspectives de son annulation dans les pays d’Afrique. Etant entendu que ces pays connaissent des situations de crise très graves.

Votre présence pour faire de cette journée, une journée d’hommage, est d’un grand réconfort pour la famille SANKARA et moi-même.
Je profite de cette occasion pour souhaiter, au nom du Comité Thomas SANKARA, la bienvenue à vous tous. Ce comité qui depuis le 20ième anniversaire en 2007a décidé de commémorer désormais le 15 octobre et de réaliser d’autres activités que vous découvrirez au cours de l’année prochaine.
Je remercie plus particulièrement Monsieur et Madame Toussaint pour avoir bien voulu venir de Belgique nous apporter des éclairages sur le thème de la dette. Nous ne doutons pas un seul instant que leur contribution nous permettra d’avancer dans notre réflexion et dans notre combat.

Je vous remercie.

Mariam. SANKARA

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Marie Claude Caysac, Gabriel Biba Nkouka (tous deux du comité Sankara de Montpellier), Eric Toussaint et Mariam Sankara

Marie Claude Caysac, Gabriel Biba Nkouka (tous deux du comité Sankara de Montpellier), Eric Toussaint et Mariam Sankara

Discours d’ouverture : Soirée Thomas SANKARA

Jeudi 15 Octobre 2009 Salle Guillaume de Nogaret, Espace Pitot , Mairie de Montpellier

“Il existe un pays où, depuis son palais, le chef de l’Etat recrute librement des mercenaires et pilote des guerres civiles sur un autre continent.

Il existe un pays qui attise les conflits ethnique et déverse des armes sur des régions à feu et à sang, pour rester maître du seul vrai pouvoir : l’argent.

Il existe un pays qui, pour défendre ses intérêts, autorise ses services spéciaux à s’allier, en terre étrangère, avec les réseaux mafieux et les milices d’extrême droite

Il existe un pays où un candidat à l’élection présidentielle, deux fois ministre de l’intérieur, peut s’appuyer en toute impunité, sur les circuits des casinos et des ventes d’armes pour assoire son pouvoir.

Il existe un pays qui, loin de ses frontières, truque des élections et couvre l’assassinat de ses propres coopérants et de toute personne opposée à ses intérêts politiques et financiers.

Ce pays : c’est la France

Le continent humilié : c’est l’Afrique.

Leur liaison incestueuse : c’est la Françafrique.”

François-Xavier VERSHAVE (Noir Silence)

Cette quatrième de couverture du livre de François VERSCHAVE, « Noir Silence », donne le ton et nous emmène dans les profondeurs insoupçonnées de la Françafrique, cet iceberg politico mafieux dont la partie submergée fonde la politique africaine de l’Elysée depuis plus de 50 ans.

Pour s’être opposé à cette infamie qui ravage sa terre natale, Thomas SANKARA a payé de sa vie son insolence et son audace de lèse majesté.
Pour avoir voulu changer le cours de l’histoire, il a été sacrifié à l’autel de la barbarie.

Désormais, il s’inscrit dans la continuité de ses aînés, ceux qui avant lui ont montré la voie :
– La voie de la révolte pour une réelle indépendance de l’Afrique
– La voie de la résistance pour une auto détermination
– La voie de la lutte pour une réelle liberté des peuples africains.

Oui ! Le combat de Thomas SANKARA aura aussi été celui de :
– Ruben UM NYOBE : leader camerounais tombé à l’aube des indépendances (1958)
– Félix MOUMIE : leader camerounais assassiné en 1960
– Patrice LUMUMBA : mort assassiné en 1961 (Congo Belge)
– Sylvanus OLYMPIO : mort assassiné en 1963 (Togo)
– Medi Ben Barka : opposant marocain disparu à paris (1965)
– KWAME KRHUMA : Ghana, leader politique décédé en 1972
– Outel BONO : opposant tchadien assassiné à Paris (1973)
– Amilcar CABRAL : Guinée Bissau, leader politique assassiné en 1973
– Norbert NZONGO : journaliste burkinabé assassiné en 1998
– Mongo BETI : écrivain engagé, combattant de la liberté décédé en 2001

Ainsi que les milliers d’anonymes victimes de nos tyrans dictateurs, amis d’une certaine France.

«Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement ; il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et, en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur »

La raison de notre présence ici ce soir est de faire vivre ce message d’espoir et d’intégrité, de perpétuer l’idéal de Thomas et aussi de porter toujours plus haut le combat patriotique de nos leaders politiques passés, présents et futurs, Il y va de notre responsabilité, Il y va de notre survie.

Un artiste français de renommée nationale voire internationale, nous livrait en son temps sa vision de la situation en France : « Si les ricains n’étaient pas là », chantait-il et j’ajoute volontiers : « Si les Ricains et les Fricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie, à parler de je ne sais quoi et à saluer n’importe qui ».

Je vis en Françafrique depuis plus de 50 ans. Je peux vous assurer qu’on y parle vraiment de n’importe quoi et qu’on y salut vraiment n’importe qui.

Cette fois-ci, le salut ne viendra pas des ricains même si la nouvelle alternance outre atlantique fait naître un certain espoir (voir un espoir certain). Rien non plus à attendre du coté du soleil levant tant la « nouvelle coopération » qui se dessine ressemble davantage à une sorte de « Chinafrique », une Coopération Françafricaine à la chinoise dont on connaît malheureusement les contours, les déboires et dont on peut craindre le péril jaune.

Le salut viendra sans aucun doute des africains eux-mêmes pour peu qu’ils soient convaincus que le changement est possible malgré les blocages endogènes et exogènes, les contraintes internes et externes.

1960-2010 : 50 ans de Néocolonialisme, 50 ans de Françafrique, 50 ans de Rdv manqués, 50 ans de gâchis.
– Quel bilan tirons-nous du ½ siècle de « coopération » ?
– Qu’en est-il de cette prétendue « aide au développement » ?
– Quelles perspectives pour les 50 ans à venir ?

Autant de questions qui nous interpellent tous, ici présents. Nous en tant qu’africains et au premier chef. Vous avec nous, ensemble dans le combat citoyen qui nous uni aujourd’hui, qui nous a toujours uni et qui nous unira encore demain.

Je remercie les jeunes étudiants de la faculté de lettres, accompagnés de leur enseignant Mr Maurice Duval, pour leur présence ce soir.

De même, merci à vous tous d’avoir répondu positivement à notre invitation.
Merci à l’ensemble de nos élus pour leur intérêt à notre combat, pour leur soutien matériel et financier. (Mme Mandroux et la mairie de Mtp, Mr Georges Frêche et le conseil régional)

Merci à Mariam Sankara pour sa constance dans la valorisation de l’œuvre de son mari.

Merci enfin à notre conférencier de ce soir Mr Eric Toussaint qui a accepté de nous parler ce soir des mécanismes de la dette : un handicap majeur pour les pays du tiers monde.

Je vous souhaite une bonne soirée.

Comité Thomas Sankara de Montpellier

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