Publié le 22 Déc 2014 sur le site de l’Observateur http://lobservateur.bf

Après avoir occupé le maroquin de la Condition féminine sous la révolution, voilà Joséphine Ouédraogo qui revient au premier plan à l’occasion de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a contraint le président Blaise Compaoré à la démission. En effet, d’abord proposée par l’armée comme candidate à la présidence de la transition, elle est finalement appelée au gouvernement du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida au poste de ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, Garde des Sceaux.

Le 16 décembre 2014, il est 18h lorsque nous parvenons à son secrétariat particulier. Nous avons pu obtenir un entretien exclusif pour cette première grande sortie médiatique de madame la ministre. Le rendez-vous est pour 18h15. On patiente durant une bonne demi-heure parce que la maîtresse de céans est en audience. Lorsque la fille de Henry GuIssou (1) nous reçoit dans son bureau, c’est parti pour une heure d’entretien. La refondation de la Justice, les affaires Thomas Sankara et Norbert Zongo, l’ancienne égérie de la révolution d’août a répondu à toutes nos questions. Avec son légendaire ton posé, elle a levé le voile sur les enjeux et défis de son département lors de cette transition où la justice a une carte importante à jouer. Lisez plutôt !

Après avoir été recalée au collège de désignation comme présidente de la transition, vous voici au ministère de la Justice. Vous prenez ça comme un lot de consolation…

(Rires) Non, je prends ça comme un honneur. Dès l’instant qu’on m’a proposé d’entrer au gouvernement et surtout d’être à la tête de ce département, j’ai vraiment pris cela comme une marque de confiance parce que c’est un département très lourd, très important. Je crois que l’offre était réfléchie et me poussait à contribuer d’une manière particulière à la transition.

Votre profil de sociologue ne vous prédisposait pas forcément à ce ministère…

Justement, j’ai été inquiète au départ mais en réfléchissant, j’ai compris qu’à l’étape actuelle, il valait peut-être mieux que ce ne soit pas quelqu’un de la maison parce qu’il y a tellement de tensions et de divisions au sein des acteurs du système judiciaire, qu’un magistrat aurait été tout de suite stigmatisé. Alors que quelqu’un qui vient de l’extérieur et qui, en plus, n’est pas du corps, en principe, n’a pas d’a priori, peut être impartial et avoir une approche plus objective des problèmes. Je pense que ce n’est pas nécessairement un gros handicap de ne pas être magistrat.

En réalité, depuis la fin de la Révolution d’Août-83, vous aviez pratiquement disparu des radars. On vous a retrouvée ensuite à la Commission économique pour l’Afrique (CEA), puis à l’organisation internationale Enda Tiers Monde à Dakar. Est-ce que ce retour en politique, vous l’aviez vraiment imaginé ?

En fait, après le 15 octobre 1987, j’ai rejoint ma famille à Tunis. C’était très bien pour moi d’avoir l’occasion de sortir immédiatement du Burkina parce que c’était un contexte très très difficile de choc et de chamboulement et j’ai donc eu une opportunité de prendre du recul. Ça m’a permis de quitter le pays sans être en exil, parce que j’ai demandé et obtenu la permission de partir tranquillement.

Je suis restée à l’extérieur à occuper différentes fonctions et faire de la consultation. J’étais fonctionnaire en disponibilité pour dix ans. Je suis revenue après 6 ans d’absence pour me réinsérer en créant un bureau d’études en association avec des amis. Mais en 1995, ma disponibilité a pris fin et je devais reprendre fonction dans l’Administration. C’est comme ça que j’ai été nommée directrice générale de la coopération internationale au ministère des Affaires étrangères.

Je crois que cette fonction m’a donné de la visibilité et c’est ainsi que j’ai été approchée pour un poste à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique à Addis-Abeba. Je suis donc repartie à l’extérieur pour dix ans à la CEA et quatre ans à Enda Tiers Monde à Dakar avant de rentrer définitivement en 2011.

Avant ce retour au premier plan, comment vous vous occupiez au pays ?

Quand je suis rentrée fin 2011, j’ai pris d’abord du repos. Mais pour ne pas être complètement déconnectée de mon domaine professionnel, j’ai repris attache avec le bureau d’études.

Comment s’appelle ce bureau d’études ?

C’est le bureau d’études ARC qui fait de l’appui-accompagnement, de la recherche-action, des conseils et des formations mais surtout sur les questions de développement local. Je me suis réinsérée comme chargée d’études et c’est l’année passée que l’équipe m’a confiée la direction du bureau.

On reviendra sur l’affaire Thomas Sankara mais les gens d’une certaine génération se rappellent la gracieuse « Fifine » qui était pratiquement l’égérie des révolutionnaires. Comment en tant que telle vous avez vécu cette tragédie du 15 octobre 87 ?

C’était un coup dur. J’étais en mission à Genève où l’on m’avait invitée à prendre part le 16 octobre à une conférence à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation.

Avant de partir, j’ai parlé avec le président Sankara. Je sentais, comme beaucoup de gens alors, la tension qui était palpable entre les deux camps. J’en étais consciente et je lui ai souhaité bon courage et bonne chance mais je ne pouvais pas imaginer qu’avant mon retour il allait y avoir un tel carnage. Ç’a été un choc parce que, qu’il y ait un coup d’Etat, c’était probable, mais qu’il y ait une tuerie, qu’on tue le président ainsi que ses compagnons, a été un grand choc pour moi. C’était quelque chose de difficile et il m’a fallu du temps pour surmonter cela.

Je suis donc restée à Genève et dès l’ouverture des frontières je suis rentrée au pays. C’était une situation morale difficile parce que ceux qui n’avaient pas rejoint les rangs du nouveau régime se sentaient menacés et d’autres étaient arrêtés, mais chacun imaginait qu’il aurait pu se retrouver, comme on dit, au mauvais endroit au mauvais moment ce jeudi 15 octobre 87.

En allant à l’extérieur, ça m’a permis de surmonter cela et de prendre du recul.

Est-ce qu’après ça vous avez coupé complètement les ponts avec Blaise Compaoré ou avez-vous essayé de recoller les morceaux ?

Je ne me suis pas positionnée comme une ennemie politique active parce que je ne fais pas de politique aussi bizarre que cela puisse paraître. J’ai des idées et des convictions politiques et je ne partageais pas la ligne idéologique qui était celle du nouveau régime de Blaise Compaoré à savoir, l’ultralibéralisme qui engendre irrémédiablement un grand fossé entre l’élite et la majorité de la population et qui met l’accent sur des questions que je ne considérais pas nécessairement comme prioritaires.

Mais au-delà de cela, je l’ai toujours respecté en tant que chef de l’Etat. Donc quand je suis revenue au Burkina Faso en congé après quatre ans à l’extérieur, j’ai tenu à prendre contact avec lui au téléphone pour lui dire que je suis venue en congé, parce qu’à l’époque c’était toujours bon de signaler sa position géographique car on ne sait jamais (rires).

Quand est-ce que vous l’avez vu pour la dernière fois et qu’est-ce que vous vous êtes dit ?

La dernière fois, c’était à Dakar en 2010 je crois, à l’occasion du Sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique. On s’est souvent croisé à l’extérieur du pays parce qu’il venait souvent à Addis-Abeba aux Sommets des Chefs d’Etat de l’Union africaine et d’autres Conférences. Je le voyais en tant que membre de la communauté burkinabè, qui l’accueillait à l’aéroport et participait aux réceptions.

On sait que le besoin de justice était l’une des grandes demandes des insurgés des 30 et 31 octobre 2014. Et le président Kafando a annoncé lors du 11-Décembre les Etats généraux de la Justice. Quand et sous quel format vont-ils se tenir ?

Il faut d’abord que j’explique pourquoi nous en sommes venus à proposer l’organisation des états généraux de la justice. En prenant fonction à la tête de ce département, élargi aux droits humains, j’ai découvert tous les enjeux qu’il y avait en termes d’attentes de la part de la société civile mais aussi des acteurs de la maison eux-mêmes ; il s’agit en particulier des magistrats, des spécialistes des droits humains, des greffiers, des gardes de sécurité pénitentiaire. La plupart vivaient un malaise sur plusieurs plans. Il y a ceux qui, comme dans tous les ministères, étaient de connivence avec le régime ; il y avait ceux qui subissaient le contrôle du pouvoir politique sur beaucoup de dossiers et de procédures. Donc beaucoup de magistrats étaient liés, involontairement ou volontairement. Le système étouffait les compétences des divers corps professionnels. Mais j’ai noté qu’il y a toujours eu une volonté manifeste de l’intérieur de la magistrature d’imposer son indépendance. Certains ont même quitté la maison lorsque la situation devenait insoutenable. A cela s’ajoutait tout le malaise lié aux statuts et aux modes de fonctionnement de tout le personnel. Des textes avaient été élaborés à la suite de revendications et de pressions très fortes mais n’avaient pas connu leur total aboutissement. Il ne faut pas oublier qu’il existe des syndicats très forts au sein de la justice qui militent pour une justice plus juste.

Vous voyez donc que ce département ministériel était dans une dynamique de quête du changement. Des chantiers étaient en cours de réalisation, soutenus par de grands partenaires techniques et financiers. Il y a même eu un forum national sur la justice en 1998, mais c’était très difficile d’enclencher toutes les réformes préconisées parce qu’il y avait des pesanteurs liées au mode de gouvernance du régime en place.

J’ai pris conscience que je n’avais pas à réinventer la roue, car les problèmes sont déjà posés avec des pistes de solutions. Il s’agit donc de voir par quelle stratégie enclencher réellement la mise en œuvre des changements.

C’est là qu’en discutant avec des personnes avisées et en faisant mes propres analyses, j’ai dégagé cinq fronts prioritaires pour l’action, dont les états généraux.

Il y a des actions à caractère institutionnel et technique et il y a d’autres à caractère stratégique et politique, comme l’organisation des états généraux pour s’attaquer aux problèmes de fond tels que l’indépendance de la justice, la corruption, la rupture de confiance du citoyen à l’égard de la justice, etc. Ce type de problèmes ne peut pas être résolu par des mesures ou des lois.

Même s’il faut des textes, il faut qu’on ouvre le débat sur ces problèmes avec ceux qui sont concernés, à savoir la société civile, le législatif et l’exécutif, mais aussi les autres professionnels des secteurs économiques et sociaux y compris les médias, etc.. Ce n’est que dans le cadre d’états généraux qu’on peut créer une articulation entre l’ensemble des acteurs pour faire le diagnostic et l’analyse critique et formuler des propositions afin que chaque catégorie d’acteurs soit consciente de son rôle et de ses responsabilités dans la réhabilitation de la justice.

Le gouvernement a donc compris que les états généraux pouvaient contribuer à impulser le changement. Maintenant il faut travailler à les organiser.

Et c’est pour quand ce vaste chantier ?

On espère que ce serait d’ici fin mars. C’est même un délai trop court car il faut du temps pour préparer une telle rencontre. Mais nous allons travailler pour que ce soit effectif en fin mars.

C’est pratiquement d’une refondation du pouvoir judiciaire dont il sera question

En quelque sorte. Il faut créer les conditions pour qu’on puisse débattre et prendre la mesure des changements qu’il faut engager afin de réconcilier la justice avec elle-même et briser les barrières entre les citoyens et les services liés à la justice. La différence entre les états généraux et un Forum ou un séminaire, c’est que les états généraux s’ouvrent à l’ensemble des représentants de la société et débouchent sur une sorte de Pacte de responsabilité qui engage à la fois l’exécutif, le législatif, le judiciaire, mais également le justiciable de n’importe quel secteur d’activité.

Vous parliez tantôt du statut des greffiers et des gardes de sécurité pénitentiaire ; quelle suite concrète peut-on donner à ces revendications ?

C’est un dossier que j’ai trouvé et qui semble peser très lourd sur ces corps-là. Pour les greffiers, le problème qui se pose c’est précisément l’urgence d’adopter et de mettre en application des textes issus de la Loi sur leur statut qui a été adoptée en 2012. Mais auparavant, il faut trouver une réponse aux implications financières des mesures liées à la grille indiciaire et au régime indemnitaire.

Quant aux personnels de la Garde de sécurité pénitentiaire, il s’agit également d’un problème d’adoption de décrets d’application de la loi relative à leur statut. Pour tous ces personnels, d’autres revendications sont liées à des dysfonctionnements institutionnels et à leur mode de positionnement et d’implication au sein du système judiciaire.

La justice, ce sont des problèmes de personnel, de locaux, de rémunération… comment comptez-vous vous y prendre pour régler, si on peut dire, les douze travaux de Joséphine ?

(Rires) Non, moi je ne prétends pas en un an régler des problèmes qui ne peuvent se résoudre que de manière structurelle et dans la durée. Comme dans tous les départements ministériels, ces problèmes se posent, mais à l’étape actuelle, je pense qu’il faut se fixer un sens politique, forger une vision claire en accord avec les acteurs de la justice, et arriver à ce qu’ensemble on fasse de l’indépendance de la justice notre cheval de bataille et que les magistrats en assument eux-mêmes les exigences.

Vous en doutez ?

Je n’en doute pas. Mais il faut préciser que le problème de l’indépendance de la justice se pose à trois niveaux : au niveau politique il faut
appliquer le devoir de non-ingérence de la part de l’exécutif ; au
niveau institutionnel, il faut des réformes qui touchent le statut de
certaines instances dont par exemple le Conseil Supérieur de la
Magistrature, et en troisième lieu il y’a le niveau individuel, sur le
plan purement personnel. Sur ce dernier point, l’indépendance d’un
magistrat se pose en termes d’éthique. C’est une question morale. La
force, la répression ou la sanction ne peut pas changer la conscience
d’un individu. Donc vous pouvez avoir des magistrats ou d’autres 
fonctionnaires qui ont été tellement soumis à l’ambiance et au système
de la corruption qu’il devient difficile pour eux de prendre du recul
personnel. Il en est ainsi dans tous les corps professionnels liés
par un serment. Il y a donc tout un travail de débat et de
sensibilisation sur la question ; de telle sorte qu’au moment où des
mesures sont prises, tout un chacun se sente responsable et comptable.
Et même en parlant de l’indépendance de la justice, il faut considérer
l’attitude du pouvoir politique. Que signifie pour un gouvernement la
décision de rendre l’indépendance à la justice dans un Etat de Droit?
Les membres de l’exécutif doivent en comprendre le sens et apprendre à
le respecter

Indépendance pour indépendance, est-ce qu’on peut imaginer que par exemple le procureur du Faso n’ait pas d’instruction à recevoir de la chancellerie comme certains le veulent ?

Le procureur du Faso ne doit pas recevoir d’instruction, en tout cas pas sur la direction à donner à un dossier. Il ne doit pas recevoir d’instruction pour anticiper sur les résultats d’un dossier. Je pense que ce sont des choses qui arrivent par exemple lorsque le pouvoir se rend compte que l’aboutissement d’une instruction judiciaire ne l’arrange pas et qu’il décide de mettre les freins dessus.

Mais le procureur est obligé de recevoir des instructions. Par exemple, quand je suis arrivée, c’est au procureur général que je me suis adressée pour qu’il fasse le point de l’état d’avancement de tous les dossiers liés à des crimes de sang et à des crimes économiques. Mais le travail du procureur général en tant que magistrat, il doit le faire avec une conscience libre, et pouvoir résister à l’emprise de l’exécutif.

Pour refonder la justice, il ne faut pas seulement de la volonté, il faut aussi de l’argent, beaucoup d’argent. Vous avez peut-être fait des estimations chiffrées ? Ça n’a sans doute pas de prix mais ça a un coût.

Non, je ne peux pas chiffrer le coût de toute la refondation de la justice parce que c’est sur le long terme. Mais sur certaines opérations qu’on veut entreprendre pendant la transition comme les états généraux, on sait que c’est quelque chose qui peut aller dans l’ordre de 250 à 300 millions francs CFA. Les estimations précises sont en cours et pourraient confirmer ou infirmer ce niveau de financement.

Ça c’est ponctuel. Mais quand on ajoute les problèmes de locaux, de recrutement du personnel, des grilles indemnitaires, etc., quelle est l’incidence financière sur le budget ?

Pour l’instant, les estimations se font au cas par cas par projection. Vous savez, le budget total du département de la justice n’atteint même pas 1% du Budget national. Pour un département qui est de souveraineté et qui a une mission régalienne, on ne doit pas dépendre de partenaires en ce qui concerne certaines actions. C’est vrai que pour certains projets on peut dépendre de financements extérieurs : les investissements, les infrastructures, les équipements, les études, le renforcement de capacités, les aménagements, etc. ; Sur ce plan, nous avons des partenaires fidèles. Mais pour le fonctionnement, pour les conditions de travail et pour faire avancer les dossiers et faciliter le travail d’instruction, cela demande parfois beaucoup d’argent pour réaliser les enquêtes par exemple et on ne peut pas dépendre des partenaires.

Dieu merci, le gouvernement aujourd’hui a décidé que la justice fait partie de ses priorités. Je sais donc que pour des dossiers qui sont importants, et ceux qui sont relatifs au traitement des crimes économiques et de sang, le gouvernement n’hésitera pas à mettre des moyens à la disposition des instances qui en seront chargées.

Le palais de justice de Bobo a été complètement détruit. Nous avons estimé les pertes à plus d’un milliard trois cents millions CFA, sans compter la réfection des bâtiments endommagés. Il faut remettre sur pied tous les services et les tribunaux dont le fonctionnement est actuellement bloqué. Encore une fois, le gouvernement va faire un effort dans ce sens, et même si des partenaires vont nous aider, c’est à nous de faire le premier pas.

Madame la ministre, pour de nombreux justiciables, le corps de la magistrature est miné par une corruption endémique ; avez-vous une potion magique pour le guérir de ce mal ?

Il n’y a pas de potion magique contre la corruption parce que c’est un mal rampant au sein de notre société dans les secteurs modernisés. Ce mal touche surtout les élites politiques et économiques, ainsi que les technocrates en mal de confort. Le secteur de la justice n’est donc pas en reste.

Une étude sur la corruption dans le système judiciaire a été déjà réalisée il y a quelques années. Une nouvelle étude va être lancée et les résultats vont être soumis aux Etats généraux. D’ailleurs, la corruption sera l’un des sous-thèmes des travaux des états généraux. Ce sera un moment de débats et de sensibilisation suivi de l’élaboration de textes et de mesures pour s’attaquer à ce fléau.

Je profite pour dire que nous venons de finir la révision de la loi sur la prévention et la répression de la corruption de manière générale. L’avant-projet est soumis au Conseil des ministres, qui le transmettra après examen et adoption au Conseil National de Transition.

Depuis le début de la transition, on parle beaucoup des dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo. Prenons le premier cas cité ; comment comptez-vous vous y prendre pour faire avancer le dossier ?

Le dossier Thomas Sankara a deux aspects. Il y a l’exhumation du corps et puis l’assassinat. Les deux sont liés. L’exhumation avait déjà été demandée par la famille et vient d’être corroborée par les autorités. Il faut procéder à cela, en étant conscient que c’est un acte qui implique plusieurs départements en plus de la justice ; il s’agit notamment de la santé et de la défense. Tout ça va être mis en branle. Les procédures sont à l’étude afin de respecter toute la légalité requise. Les résultats de l’exhumation et de l’autopsie seront reversés au dossier concernant l’assassinat.

Ça va être sur la base de l’ancienne procédure ou bien on remet à plat tout le dossier ?

Vous savez, on est obligé de remettre à plat un peu tout, pas que les anciennes instances n’ont pas fait leur travail, mais pour avancer, on est obligé de regarder aussi ce qui a été fait et comment cela a été fait et par qui. Je pense qu’ainsi, on se donne toutes les chances de cerner tous les contours de la procédure. C’est pour ça que le public, qui s’impatiente à juste titre, doit aussi comprendre qu’il faut du temps.

La justice veut prendre son temps mais la rue ne comprend pas cela…

C’est vrai. La justice doit prendre le temps nécessaire mais sans laxisme ni lenteurs inutiles et à chaque étape, nous devons informer qui de droit.

L’exhumation des restes supposés de Thomas Sankara pourrait intervenir dans quel délai ?

Je n’oserai pas m’avancer sur cette question. Prendre des engagements sur des délais peut aussi nous bloquer dans notre démarche. N’oublions pas non plus que ça n’arrange pas tout le monde que les choses avancent et la discrétion est de mise si nous voulons maîtriser les procédures et anticiper sur certains obstacles. L’essentiel c’est de mettre en branle un processus crédible et transparent et y mettre les moyens, puis laisser travailler la justice tout en s’assurant qu’il n’y a pas de blocage. Nous y travaillons.

Vous pensez que l’exhumation peut intervenir avant la fin de la transition ?

J’imagine que c’est envisageable. Je dis bien j’imagine. Une fois le dossier engagé, notre souhait est qu’il puisse y avoir des résultats avant la fin de la transition. Vous pouvez commencer une procédure et vous retrouver dans un blocage inattendu. C’est tout ça qu’il faut prendre en compte et c’est pourquoi il est difficile de donner un délai précis dès maintenant à moins de vouloir contenter à tout prix le public. Mais au fur et à mesure qu’on avance, nous allons informer qui de droit.

Ça c’est pour l’exhumation. Qu’en est-il de l’assassinat ?

Je vous ai dit tout de suite que l’un est lié à l’autre, si bien que je ne peux rien dire parce qu’il faut commencer par le commencement.

Parlons à présent du cas Norbert Zongo. Après le non-lieu, le dossier est censé être au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou en attendant la survenance d’éléments nouveaux pour sa réouverture. Puisqu’on dit que justice sera rendue, et on l’espère tous, doit-on attendre ces nouveaux éléments ou faut-il repartir de zéro?

Non, rien n’empêche aujourd’hui de rouvrir le dossier. Mais auparavant, il faut s’accorder sur l’instance la plus appropriée pour le reprendre en main. Il faut une instance autorisée par la loi et des magistrats crédibles pouvant être assignés dans le respect des textes en vigueur. Nous sommes en discussion sur plusieurs formules possibles qui permettent de prendre en main tous les dossiers de crimes de sang, notamment celui de Norbert Zongo. Je pense que la formule sera trouvée très bientôt, d’ici la fin de l’année.

Donc éléments nouveaux ou pas…

Eléments nouveaux ou pas, il faut rouvrir le dossier. Et comme le contexte est favorable à sa réouverture parce qu’avant, des témoins pouvaient avoir peur et se cacher parce qu’ils se sentent menacés, des témoins aussi auraient disparu, on ne sait pas dans quelle circonstance. Je pense que le contexte actuel permet de sécuriser les témoins, permet de prendre des dispositions pour encourager de nouveaux témoignages, considérer certains nouveaux indices…

Une fois qu’on rouvre, je crois qu’il y a beaucoup de dispositions et de procédures qui peuvent être mieux maîtrisées qu’auparavant parce que la volonté politique est évidente, nous disposons d’excellents magistrats et ils peuvent se sentir libres de travailler sur des sujets aussi sensibles et compliqués.

Madame la ministre, admettons que certains anciens témoins reviennent sur leurs dépositions ou que de nouveaux témoins apparaissent subitement. Est-ce que la justice ne serait pas justement fondée à douter de ces témoignages fort opportuns… ?

Ce sont les personnes qui vont être assignées pour ce dossier qui peuvent répondre à ces questions parce qu’il s’agira de spécialistes rompus à ce type de problème. Moi je ne le suis pas, mais je sais que c’est mon souhait, c’est le souhait des plus hautes autorités et on veillera à ce que les personnes qui vont être chargées de ce dossier puissent effectivement travailler en toute intelligence.

On sait que le juge d’instruction de l’affaire Norbert Zongo n’est autre que le procureur général actuel, le juge Wenceslas Ilboudo ; depuis que vous êtes venue, avez vous eu quelques petites pistes avec lui ?

Non, la première piste c’est qu’à ma demande, lui-même devait faire le point sur le niveau d’avancement de ce dossier et l’état d’avancement de plusieurs autres dossiers en cours…

…Il ne vous a pas dit qu’il a pu subir des pressions, des menaces pour aller dans tel ou tel sens ?

Non, je ne vais pas le mettre mal à l’aise en lui posant une telle question; ce n’est pas nécessaire à ce stade. (Rires)

Si on s’en tient à la procédure, il faut des éléments nouveaux, comme rappelé plus haut, pour rouvrir le dossier Zongo. Alors, est-ce que le gouvernement a cette possibilité de faire reprendre d’autorité le dossier sans tenir compte des éléments nouveaux ?

Vous savez que suite au non-lieu prononcé par le juge d’instruction et confirmé par la Cour d’appel de Ouagadougou, les avocats de la famille ont saisi la Cour africaine des droits de l’homme qui avait estimé qu’il y avait eu des insuffisances dans le traitement du dossier. Ne serait-ce que sur la base des insuffisances conclues par la Cour africaine, nous allons rouvrir le dossier sans avoir besoin d’éléments nouveaux à charge.

Madame la ministre, ce sont ces deux dossiers qui occupent l’actualité parce qu’ils sont hautement médiatiques, ils sont importants, mais beaucoup font remarquer que depuis le régime du Conseil du salut du peuple (CSP), sous la révolution et sous l’ère Compaoré, des Burkinabè ont été aussi assassinés sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. C’est ce qu’un journal comme L’Observateur Paalga appelle les «causes orphelines». Qu’est-ce qu’on fait de ces causes orphelines ou doit-on se contenter seulement de ce qui intéresse le grand public ?

Non, ou alors ce ne serait pas la justice d’un pays. La justice d’un pays ne travaille pas pour un régime ou pour une période. La justice d’un pays est responsable de rendre le droit, de rendre la justice quelles que soient les circonstances. Donc si des personnes reviennent sur des dossiers passés parce qu’il n’y a jamais eu d’instruction, la justice est obligée de s’en saisir en se conformant à toutes les procédures légales en la matière.

Lorsqu’on aura revisité certains aspects du système judiciaire, quand on va engager les réformes qu’il faut sur le plan institutionnel, et mettre les gens qu’il faut à la place qu’il faut, le traitement des crimes économiques ou de sang ne s’appliquera pas à une seule période donnée. En principe, et sauf prescription, la justice peut et doit s’autosaisir de tout dossier quelle que soit l’ancienneté de l’infraction.

On va vous donner un cas pratique madame la ministre : l’incendie de L’Observateur le 10 juin 1984. Vous étiez aux affaires ; est-ce que vous en savez quelque chose ? Parce qu’aucune recherche n’a jamais été entreprise sur ordre des responsables du CNR ?

Je n’en sais absolument rien. J’ai été témoin comme beaucoup de gens et je l’ai déploré parce que tout incendie d’un bien public ou privé, quand c’est causé par un tiers, évidemment c’est condamnable, tout comme on déplore ce qui s’est passé au palais de justice de Bobo en octobre 2014. Du point du vue du droit, nous sommes obligés de considérer tous les actes qui ont été commis même pendant l’insurrection des 30 et 31 octobre.

Mais en tant qu’actrice, membre du gouvernement révolutionnaire de l’époque, je n’avais pas eu affaire au dossier de l’incendie de L’Observateur. Je ne peux donc pas dire que j’en savais quelque chose.

C’est-à-dire que L’Observateur pourrait aussi emmener son dossier devant l’instance qui sera chargée de tous les crimes économiques et de sang ?

Je le pense car il n’y a aucune restriction. L’Observateur aurait même pu le faire beaucoup plus tôt. Ça fait presque 30 ans et le journal aurait pu le faire même du temps de l’ancien régime. Nous saluons le fait que le journal ait pu transcender cette lourde épreuve pour renaître de ses cendres en étant encore plus fort.

Donc dans la perspective de la vérité et de la réconciliation, on peut s’attendre à ce qu’au-delà de ce que les gens appellent le double fond criminel de l’ère Compaoré, les dossiers Zongo et Sankara, qu’on aille aussi vers des cas ou des causes qui sont pratiquement ignorés du grand public ?

Pourquoi pas. En tant que département de la justice, nous ne faisons aucune restriction. Et comme je le disais tantôt, la justice peut et doit s’autosaisir de toute affaire d’infraction présumée.

Vous avez parlé de réconciliation, et j’en profite pour ajouter que la justice avec grand J ne s’arrête pas seulement à rendre un jugement en prononçant des condamnations. La procédure légale qui conduit à prendre une sanction suivie de son mode d’application, peut avoir des effets dévastateurs sur les personnes concernées. C’est là qu’intervient la notion des droits humains et l’importance de les respecter dans toutes les procédures du système judiciaire. Il faut également créer les conditions politiques et morales pour qu’après justice rendue, il y ait le pardon et la réconciliation.

On a souvent reproché au régime de Blaise Compaoré l’immixtion du politique dans les affaires judiciaires ce qui a sans doute bloqué le cours normal de certains dossiers. Comment comptez-vous y mettre fin ?

Ça se fait à trois niveaux. En premier lieu, il faut encourager le changement au niveau des magistrats concernés, parce qu’ils jouissent d’une liberté qui relève de leur prestation de serment. En fait l’acte de corruption, qu’elle soit politique, financière ou autre, peut s’offrir au magistrat et c’est le magistrat concerné qui doit en premier lieu décider à son propre niveau, en son âme et conscience s’il s’y soumet ou non.

C’est donc au magistrat de s’assumer…

Tout à fait. C’est pour cela qu’aux états généraux un des sous-thèmes sera consacré au Magistrat face à son serment. Que représente le serment aujourd’hui pour un magistrat? Parce qu’on peut le rendre indépendant dans les textes et les procédures, mais je pense aussi que dans une certaine mesure c’est à lui d’exercer son indépendance. On sait que ce n’est pas aussi simple dans les faits, et c’est pourquoi il faut en débattre pendant les états généraux.

Le deuxième niveau c’est au sein du système lui-même. A mon propre niveau je ne dois pas empiéter sur le travail des magistrats. Je ne dois pas orienter les résultats d’un dossier…

Vous en faites le serment même concernant les dossiers chauds ?

Même sur les dossiers chauds je ne dois pas chercher à m’immiscer ou à faire pression sauf pour faciliter l’état d’avancement d’un dossier dans le respect des procédures autorisées. Si j’étais soucieuse de préserver des intérêts personnels liés à l’exercice du pouvoir qui m’est confié, je pourrais être poussée à faire pression sur des dossiers de justice, mais jusque-là je ne me reconnais pas dans ce genre d’attitude et je prie Dieu pour ne pas y céder un jour.

Le troisième niveau c’est quoi ?

C’est le gouvernement. Le pouvoir politique en lui-même devrait se préserver de l’interventionnisme. Il faut pouvoir interpeller le pouvoir exécutif quand il surpasse ses limites. Il faut également œuvrer à ce que les citoyens eux-mêmes, les justiciables, comprennent et acceptent de faire confiance en la justice sans chercher à corrompre les magistrats. Bien entendu, juges et greffiers ne devraient pas non plus exiger d’être payés par les justiciables avant de traiter un dossier.

Tout le monde le sait, tout le monde le dit, mais le problème, c’est comment faire pour que chacun assume ses responsabilités et reste à sa place.

Mais madame la ministre, est-ce qu’en décrétant ex cathedra que ceci ou cela sera fait, le président et son Premier ministre, paradoxalement, ne tombent-ils pas quelque part dans ce péché d’immixtion dans la justice ?

Oui il y a un risque parce qu’avec la période de la transition, surtout au début où il y a tellement d’attentes, face au peuple on peut être poussé à prendre des décisions, à faire des promesses…

…Vous ne voulez pas dire démagogiques ou populistes ?

(Rires) En tout cas je ne l’ai pas dit. Mais c’est vrai qu’on peut être poussé à prendre beaucoup d’engagements et à faire des promesses sous la pression populaire. Pendant les journées d’insurrection des 30 et 31 octobre, il y a des gens qui ont été poussés malgré eux à se déclarer président ou autre. La pression populaire, elle est très forte et peut être dangereuse.

Ceci dit, les autorités de la transition ne pouvaient pas et ne peuvent pas ne pas prendre des engagements ni faire des promesses face à ceux qui sont les auteurs de la révolution des 30 et 31 octobre. C’est le devoir de toute autorité politique face aux citoyens qui ont contribué à la porter au pouvoir et il en est ainsi dans tous les pays. Même un président non encore élu prend des engagements qui le lient après coup face à ses électeurs.

Mais je pense qu’il y a une autre chose importante, c’est que les autorités ont besoin aussi qu’on leur fasse confiance. Donc en répondant à l’attente par des décisions, il y a quand même une alliance qui se crée entre les deux camps et il faut avancer ensemble pour effectivement pouvoir réaliser nos attentes réciproques. A un moment donné nous devons reconnaître et accepter que le CNT prenne en main une bonne partie du travail d’interpellation et de contrôle exercé en ce moment par les mouvements de masse.

L’autre tâche noire de l’ancien régime c’est aussi les crimes économiques dont l’un des plus emblématiques est l’affaire Ousmane Guiro. Quelle suite sera donnée à cette affaire pour le moins rocambolesque ?

C’est la même suite que tous les dossiers qui sont pendants. On va procéder au cas par cas parce que c’est tellement complexe que vous pouvez vous retrouver avec un dossier bloqué parce que les procédures permettent de faire appel à différentes étapes. Mais je pense qu’il y a aussi une intelligence judiciaire à mettre en place pour pouvoir avancer.

On a cru comprendre que Guiro était reparti à la MACO. C’est bien cela ?

Non, M. Guiro bénéficie d’une liberté provisoire et est à son domicile. La seule restriction qui lui est imposée c’est de ne pas quitter le territoire.

Il a dû être convoqué à un moment ou un autre pour être entendu à la Gendarmerie, mais à ma connaissance, sauf fait contraire qui serait intervenu ces dernières heures, il n’est détenu nulle part.

Pensez-vous qu’on puisse gérer le cas Guiro avant la fin de la transition ?

Quand vous posez des questions comme ça, c’est difficile d’y répondre. Il est certain que ce dossier va connaître une évolution dans les prochaines semaines ou les prochains mois parce que les procédures suivent leur cours normal.

A ma connaissance, et sauf élément nouveau dont je ne suis pas informée, le dossier est à la Cour de cassation suite à un pourvoi contre un arrêt de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Ouagadougou. La Cour de Cassation devrait faire connaître sa décision dès que possible.

Il y a des mesures qui sont prises contre les leaders de l’ex-majorité déchue, notamment le gel des avoirs contre 23 personnalités, est-ce que tout cela est sous-tendu par des décisions de justice pour qu’elles ne soient pas facilement remises en cause comme on a vu Me Bouba Yaguibou de l’ADF/RDA qui a gagné son référé contre le gel de ses avoirs bancaires… Ces décisions, un peu à la hussarde, ne sont-elles pas dangereuses au point de revenir sur la face de l’exécutif comme un boomerang ?

Oui il y a des risques. C’est pourquoi j’ai dit qu’au début de cette transition il y a des enjeux politiques et une volonté de montrer une certaine ligne pour que les gens ne pensent pas qu’ils peuvent simplement continuer à faire comme avant en toute impunité. Du côté de la justice, pour chaque décision qui doit être prise ou qui est prise au plus haut niveau, nous nous préoccupons de son caractère légal, et nous sommes amenés à donner notre avis. Nous sommes conscients qu’il faut arriver à concilier à la fois l’engouement du peuple, l’urgence pour les autorités de poser des actes forts, et les considérations légales et institutionnelles. Ce n’est pas facile, mais on va y arriver…

La meilleure façon de procéder n’est-elle pas de ne pas faire des promesses à tire-larigot ou de prendre des décisions à la cantonade comme ça ?

Je ne sais pas, mais si je vous donne l’exemple du 13 décembre 2014, c’était de bonne volonté et en toute bonne foi que le gouvernement a décidé de commémorer les deux événements ensemble pour que la société civile et le gouvernement se retrouvent pour rendre hommage à Norbert Zongo et aux martyrs de l’insurrection. Mais cela a été mal compris tout simplement parce qu’il y avait un problème de communication.

Je crois que dans cette ambiance encore très tendue, nous subirons des problèmes de ce genre mais nous en tirons leçon chaque jour pour que de part et d’autre l’on fasse prévaloir le dialogue, la communication réciproque et la confiance.

Lors de la commémoration du 13-Décembre, le public a demandé l’émission de mandats d’arrêt contre Blaise et François Compaoré. Concernant précisément Blaise Compaoré, que fait-on de l’amnistie qui a été votée au bénéficie de tous les anciens chefs d’Etat et autant qu’on sache la loi n’a pas été abrogée ?

Non elle n’a pas encore été abrogée mais je crois que tout ça fait partie des réformes à faire aussi. C’est-à-dire qu’il faut prendre en compte les implications de certaines décisions et de certaines lois et les conditions dans lesquelles elles ont été prises ainsi que les motivations qu’elles portent.

La question de l’amnistie des anciens chefs d’Etat sera certainement examinée un jour ou l’autre. On ne va pas aller trop vite en besogne, l’émission d’un mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré a été demandée, certes, mais, comme l’a dit le Président du Faso ce n’est pas l’urgence du moment.

Si on vous suit bien, ça veut dire que la loi qui instaure l’amnistie peut être relue ?

Si c’est nécessaire, elle peut être relue. Toute loi peut être relue sauf disposition contraire de la Constitution.

Il a été question de nationalisation avec la nomination annoncée d’un directeur général à la SOCOGIB. Est-ce que cela ne va pas freiner ceux qui veulent investir au Faso ou refroidir ce qui y sont déjà et qui pourraient chercher à retirer leurs billes si on devait nationaliser à tour de bras ?

Moi j’aurais préféré que vous posiez la question à d’autres personnes.

Mais il y a quand même un volet judiciaire ?

Oui oui mais quand vous voyez la situation de la SOCOGIB, je crois que tous ceux qui savent comment cette société fonctionnait à ce jour, tous ceux qui ont été victimes de la manière dont c’était géré s’attendaient à ce que quelque chose se fasse car ils n’avaient aucun recours jusqu’au 31 octobre 2014.

Que la SOCOGIB soit nationalisée n’engendre pas un problème juridique en tant que tel et nous savons que toute nationalisation s’opérera suivant la voie légale. Le ministre chargé de l’Habitat est un magistrat qui veille sur ces aspects quant à la mise en application de la décision. L’Etat a le droit de récupérer un bien économique qui était le sien au départ et qui connaît une situation plus que déplorable entre les mains d’un privé. La question est de savoir s’il y aura ou non d’autres nationalisations. Cela dépend de la situation des grosses entreprises d’origine étatique. Les investisseurs privés devraient au contraire apprécier le souci du gouvernement d’assainir les modes de gestion des entreprises.

A l’issue de la transition dans quelque douze mois, à quelles conditions pourriez-vous dire que vous avez réussi votre passage au niveau du ministère de la Justice ?

Si sur les priorités qu’on s’est fixées au départ, à savoir, enclencher un processus pour que l’indépendance de la justice commence à prendre corps, et poser des actes dans ce sens ; s’assurer que les gros dossiers liés à des crimes de sang et des crimes économiques sont traités dans le respect du droit et des procédures ; que les gens constatent qu’ils sont gérés en toute indépendance… je crois que ça, c’est un résultat sur lequel on peut juger la politique de la transition en matière de justice.

D’un autre côté, si la question de la corruption est posée et que des fonctionnaires à la faveur de ce débat-là et de ce qui va être dit et décidé, se sentent plus poussés vers l’intégrité, ça va se sentir à moyen terme dans les traitements diligents des dossiers et le fonctionnement des services administratifs, et ce sera un résultat notoire.

Et si à la faveur des états généraux, les citoyens comprennent mieux le système judiciaire et n’en ont plus peur, et si les magistrats acceptent de se remettre en question sur certains plans, et que l’ensemble des acteurs de la justice de bas en haut de l’échelle comprennent qu’ils sont interdépendants, et si par la suite les services qui ont affaire directement aux justiciables comprennent et acceptent que leur premier devoir c’est de leur rendre des services auxquels ils ont droit , et qu’on constate les premiers résultats dans les délais de traitement des dossiers, la manière de recevoir les gens, c’est là qu’on dira qu’il y a eu quelque chose pendant la transition.

Si bien sûr à l’intérieur de la maison, certaines revendications légitimes trouvent satisfaction dans quelques mois, alors ce sera également positif pour la transition. Ça fait beaucoup de si…

Donc on fait le bilan dans une année ?

D’accord !

Entretien réalisé par San Evariste Barro

Source : http://lobservateur.bf/index.php/component/k2/item/3225-affaire-norbert-zongo-elements-nouveaux-ou-pas-il-faut-rouvrir-le-dossier-josephine-ouedraogo-ministre-de-la-justice

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