Assassinat de Thomas Sankara : Qu’ont fait les amis de Sankara pour le sauver ?

 

Le premier témoignage qui confirme que tout le monde savait que quelque chose se préparait contre le président Sankara est celui de Boukari Kaboré, dit le Lion dans Le Pays N°3970 du 8 octobre 2007. « Personnellement je n’ai pas été surpris par ce qui est arrivé le 15 octobre 1987. Parce qu’en politique, lorsque la maison doit brûler, il y a forcément des prémices, des signes annonciateurs. On a vu les choses venir, mais on espérait surtout que ça s’arrangerait. Malheureusement, rien ne s’est arrangé. On sentait que ça n’allait pas. On n’ est pas obligé de tuer pour remplacer ». Plus loin, le Lion se fait plus précis : « Il y avait de prémices d’étincelles. Et comme le feu planait, chacun se méfiait…. Il y a eu des tentatives pour empêcher qu’il n’arrive ce qui est malheureusement arrivé le 15 octobre 1987. On a essayé par tous les moyens, d’apaiser les esprits, de ramener le calme, mais rien n’y fit. Ceux qui empoissonnaient l’atmosphère de leur côté faisaient des efforts pour davantage empoisonner l’atmosphère ». On retiendra qu’il y avait de la méfiance chez beaucoup de personnes.

 

Les militaires comme les civils étaient prévenus

Fidèle Toé, ministre de la Fonction publique sous le CNR et ami d’enfance du président Sankara dans Sidwaya N° 6019 du 9 octobre 2007 affirme qu’il était en communication avec le président Sankara le jour même de son assassinat vers 16h00. Il avait pris rendez-vous avec Sankara pour 18 h00. Il se rappelle que « le mercredi 14 octobre, il y a eu un conseil des ministres. Je me suis retrouvé, comme bien d’autres membres du gouvernement au Conseil de l’Entente. Au cours de ce conseil, il y a eu d’importants dossiers parmi lesquels celui de la Force d’Intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS). Ce n’était pas la première fois que ce dossier venait en examen au Conseil des ministres mais, pour la première fois, il a reçu un avis favorable de tout le conseil après les explications du ministre en charge du dossier. Le président Sankara en marge du conseil a eu à dire aux ministres qu’il y avait un certain nombre de problèmes au niveau de la nation.” Il a poursuivi qu’il faisait une critique aux ministres du gouvernement qui ne lui posaient pas de questions sur la situation dans le pays alors qu’ils savaient tout ce qui se disaient sur la situation nationale. « Les gens disent que Blaise va me tuer. Ils disent également que je vais tirer sur Blaise, que j’ai tenté de tirer sur Henri Zongo et je l’ai raté » poursuit Fidèle Toé. Selon Fidèle Toé, Sankara savait que la situation était délétère et en parlait à ses amis. L’impression que nous avons après la lecture de ce témoignage c’est que le président Sankara se sentait de plus en plus isolé. Face à la situation, exaspéré il voulait porter plainte contre ceux qui le diffamaient. « Je ne peux déposer une plainte contre eux… ». Le président Sankara a ensuite ajouté que les quatre ténors de la révolution (Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo et Jean Baptiste Lingani) se sont rencontrés quelques jours avant. Il se sont entendus qu’il n’y avait pas de problème et que tout était entré dans l’ordre : « C’est avec soulagement que je suis sorti du conseil des ministres du 14 octobre 1987. Et j’ai dit à beaucoup de gens, ce jour là que j’avais le cœur léger parce que le président avait vidé ses tripes. Une semaine auparavant, le mercredi 7 octobre 1987, le président Sankara avait donné au cours du conseil, une copie de la lettre de Ché Guévara adressé à son ami Fidèle Castro avant de quitter l’île de Cuba. Un passage de la lettre dit ceci : « Je m’en vais. Je sais que je laisse ma femme et mes enfants. La révolution établie à Cuba s’occupera de ma femme et de mes enfants ». Un ministre a demandé au président Sankara ce que signifiait cette lettre. « Comprendre qui pourra » telle a été sa réponse ».

 

Sankara savait que son heure était arrivée

 

Salvi Charles Somé (Sidwaya N°6021 du 11 octobre 2007) : « Le 15 octobre n’est pas un événement fortuit venu couper la transversale de la révolution. Le 15 octobre 1987 est le résultat des contradictions qu’il y avait eu sein de la révolution. Contrairement à ce que beaucoup pensent, en disant que c’est Blaise Compaoré qui a réglé son compte avec Thomas Sankara ou vice versa, je pense que c’est fausser un peu l’histoire. A l’intérieur du CNR, il y avait deux forces qui s’opposaient par rapport à la marche de la révolution, les conséquences qui en découlaient et dont les manifestations ne sont pas visibles. On avait d’un côté Blaise Compaoré et les forces qui le soutiennent et de l’autre, Sankara et ses forces. Et les deux forces avaient des soutiens en dehors du pays. C’est la confrontation de ces deux forces qui a abouti au 15 octobre 1987 ». Me Farama Prosper, avocat à la Cour dans L’Observateur paalga du 16 octobre 2007. Il a cité le président Compaoré répondant à une question de Jeune Afrique dans son édition du 4 novembre 1987 : « Lorsque je suis arrivé au Conseil de l’Entente après la fusillade et j’ai vu le corps de Thomas à terre, j’ai failli avoir une réaction très violente contre les auteurs ». Qui sont ces auteurs ? La sœur du président Snakara, Odile Sankara précise la nature des relations qui liaient son frère à Blaise Compoaré. Répondant à une question du journaliste des éditions Le Pays N°3981 du 24 octobre 2007, elle dit ceci : « Thomas ne pouvait rien faire sans le dire à Blaise, même en ce qui concernait ses relations de famille, puisqu’ils mangeaient ensemble, ils faisaient tout ensemble. Oui je pense que cette amitié était allée jusqu’à la fraternité ». Pourquoi depuis qu’il a vu le corps de son « frère » Sankara à terre et depuis qu’il est officiellement au pouvoir et en tant que premier magistrat du pays, il n’a pas pris des sanctions ou engager des poursuites judiciaires contre ces « auteurs ? » à défaut d’avoir pu prévenir son assassinat. Même dans la famille du président Sankara, on a senti venir les choses. C’est Odile Sankara, la sœur du président Sankara qui le révèle dans le journal Le Pays N°3981 du 24 octobre 2007 : « Bien avant le 15 octobre 1987, toute relation avait été interrompue quelques mois avant, puisque Blaise savait ce qu’il allait faire. Jusqu’aujourd’hui, il n’y a aucune relation. Même du vivant des parents, le papa dans son humour, sa façon de l’interpeller sur son forfait, lui avait toujours dit « ma porte est grandement ouverte et j’aimerai te voir entrer dans ma cour comme tu le faisais avant ».

Il a bien compris le message et n’est jamais venu. Tout au plus, ce qu’il a essayé de faire, c’est acheter les consciences comme il l’a toujours fait. Il a envoyé plusieurs fois des émissaires avec de l’argent, que nous avons toujours renvoyé ». Jean Hubert Bazié, un ami à Thomas Sankara dans Sidwaya N°6020 du 10 octobre 2007 nous relate l’état dans lequel il s’est retrouvé après l’annonce de la nouvelle de la mort du président Sankara : « J’ai eu comme des vertiges. C’est un état second où vous ne sentez pas votre corps ». Depuis ce temps, Blaise Compaoré est le président du Faso. Me Farama aborde cette durée au pouvoir toujours dans L’Observateur paalga du 16 octobre 2007 : « Quand en 1983 le capitaine entrait avec le CNR dans le sérail du pouvoir, les enfants de notre génération avaient à peine 12 ans … Dans 8 ans, en 2015 à la fin supposée du dernier mandat de Blaise Compaoré, nous aurons près de 45 ans et nos enfants seront aux portes de l’université et Blaise Compaoré aura cumulé près de 30 ans de pouvoir. Et c’est cela leur renaissance démocratique ».

 

BR

 

Source : L’Indépendant du Numéro 740 du mardi 13 novembre 2007 http://www.independant.bf/article.php3?id_article=933?&sq=arti

1 COMMENTAIRE

  1. > Assassinat de Thomas Sankara : Qu’ont fait les amis de Sankara pour le sauver ?
    Oui tout se sait a ouga! jusque meme en france tout le monde savait et pourtant on n’a rien fait. Et ceux qui pretendent que sankara est dictateur, etc.
    d’ailleurs ou etaient tous ceux qui se lamentent maintenant?
    Mahdou

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