Burkina Faso : Ciné droit libre à Bobo-Dioulasso – Salle comble pour les films dédiés à Norbert Zongo et Thomas Sankara
Urbain Kabore
Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître au regard de l’affluence du public au Centre culturel français Henri-Matisse (CCF/HM) de Bobo-Dioulasso, qui a accueilli la manifestation.
Pour sa première édition à Sya, Ciné droit libre a scindé ses projections cinématographiques en deux thèmes. Ainsi, la soirée du 7 décembre a eu comme thématique "La liberté d’expression " et celle du 8 décembre "Les droits de l’Homme et les grands hommes ". Il y avait au menu des projections du vendredi 7 décembre " Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo ", "Sida, le doute", "Sometimes in April". Pour le premier film "Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo", le Centre culturel français Henri-Matisse a littéralement refusé du monde. La salle de projection n’a pas pu contenir le public pour les films axés sur des événements tragiques du Burkina.
Le public, majoritairement composé d’élèves et d’étudiants n’a pas pu tenir dans la salle de projection devenue trop exiguë. Plus de la moitié du public n’y a donc pas eu accès. A l’intérieur, beaucoup ont dû rester debout pour suivre ce film. Pendant la projection de ce documentaire qui rend "hommage à Norbert Zongo, journaliste assassiné pour ses idées", c’est la stupéfaction et surtout la révolte qui parcourt le public. Les injures et les cris d’indignation ponctuent en effet les 57 minutes de projection. Ceux qui ne connaissaient pas vraiment Norbert Zongo le découvrent, pleurent son sort et manifestent de la compassion pour sa " pauvre mère". Quant à ceux qui l’ont connu, ils sont de nouveau en colère. Les débats qui suivent la projection mettent à nu la soif de justice du public. Un public qui a largement profité du privilège qui lui a été offert par les organisateurs du festival et le centre Culturel Henri- Matisse avec la projection de ce film refusé au Centre culturel français Georges-Meliès de Ouagadougou. On notait également la présence d’un des réalisateurs, Aboubacar Diallo et de l’animateur radio et artiste musicien Sams K le Jah. Ce dernier qui a vu des pas vertes et des pas mûres récemment (incendie de son véhicule en septembre 2007) a été fortement ovationné et encouragé par le public. Après ce film, la salle s’est littéralement vidée de son public, mais ceux qui sont restés ont été édifiés sur le VIH/Sida et le génocide rwandais. "Sida, le doute" du Franco-tunisien Djamel Tahi vient remettre en cause des idées reçues voire des évidences. Il est en effet communément reconnu que la cause du Sida est un virus, le VIH, qui détruit le système immunitaire des personnes infectées. Or depuis l’identification du virus, il n’a pas été possible pour la communauté scientifique, d’expliquer et de démontrer précisément ses causes. Cette question divise largement les chercheurs toujours en quête d’explication. De ce fait, scientifiquement, la théorie du virus VIH comme cause du Sida n’est qu’une hypothèse. Le public a été largement envahi par ce même doute.
Le 8 décembre, "Fratricide au Burkina" a également fait salle comble à cause de Thomas Sankara. Là encore, beaucoup de gens ne veulent pas tourner la page. "La citadelle Europe", "Marchands de miracles", programmées le même jour évoquent respectivement le calvaire de l’émigration, la prolifération des églises de toutes dénominations à Kinshasa, en République Démocratique du Congo avec les promesses "de miracles quotidiens et des guérisons de tout, même du Sida ". "Sur la route de Guantanamo", dernière projection de cette dernière soirée de Ciné droit libre, raconte l’histoire de trois jeunes gens qui ont eu le malheur, mais surtout le tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Ce film est également un réquisitoire contre les dérives de la "guerre contre le terrorisme" et le monstre qu’elles ont créés.
A Bobo-Dioulasso, le festival s’est évertué, conformément à ses objectifs, à "dénoncer les violations des droits humains et de la liberté d’expression". Une constante chère à l’association Semfilms qui l’organise depuis quelques années à Ouagadougou.
Urbain Kabore
Source : Sidwaya (Ouagadougou) 13 Décembre 2007