Le 15 octobre dernier, au cimetière de Dagnoën, le président Sankara et ses 12 compagnons tombés avec lui il y a 24 ans sous les balles assassines au Conseil de l’Entente ont reçu les hommages des admirateurs de l’idéal qu’ils ont défendu sous la révolution. Une gerbe de fleurs sur chaque tombe, des discours, des chants et beaucoup de slogans. C’est l’essentiel du cérémonial de la soirée. Tout cela dure entre 16h30 et 18h. Après, retour à la maison et rendez-vous pour l’année prochaine.

Le rituel est organisé ainsi depuis longtemps. A l’exception du 20ème anniversaire qui a connu un programme plus étoffé, les autres années sont fades. Il y a bien sûr les messes. Ce n’est pas rien, mais reconnaissons que ce n’est pas suffisant pour constituer l’essentiel des activités rendre hommage un personnage tel que Thomas Sankara.

Il faut ici reconnaitre le mérite de Thibaut Nana qui, quand il était toujours sankariste, organisait au moins des projections de films sur l’homme. A l’époque, les œuvres cinématographiques, théâtrales et littéraires étaient rares. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Celui qui souhaite parler de Sankara ne peut pas manquer de matière. Il y a des centaines d’œuvres sur l’homme et la révolution qu’il a animée. Plusieurs artistes ont composé des chansons très réussies sur l’homme du 4 Août, des pièces de théâtres foisonnent, les poèmes et des récitals magnifiques et des films inédits fournissent de quoi agrémenter tout programme de célébration du 15 Octobre. Mais de tout cela, nos sankaristes du Burkina n’en voient rien.

L’anniversaire de la mort de Sankara n’est pas un événement célébré au Burkina. Aucune conférence sur son itinéraire personnel et la portée de son action n’est tenue pour la nouvelle génération qui veut en savoir plus sur la vie et l’œuvre de celui qui les fascine tant. Ce qui est fait au Ghana lors de l’anniversaire de NKrumah ou au Congo pour Lumumba n’est-il pas possible au Burkina ? Il faut croire que non. C’est purement de la paresse intellectuelle et une incapacité organisationnelle des nombreux partis et associations dits sankaristes qui expliquent cette situation. Les sankaristes du Burkina sont ceux-là qui font le moins lors des 15 Octobre.

A Lomé, Bamako, Niamey, Kigali, Dakar, Brazzaville et Libreville et dans plusieurs villes européennes et américaines, diverses activités se tiennent pour rendre hommage au président Sankara. Les sankaristes excellent plutôt par leurs querelles interminables, leurs scissions innombrables. A chaque saison son épisode.

Cette année, trois nouveaux partis ont vu le jour dont les géniteurs appartenaient à d’autres partis sankaristes. Mais aucun ne fait mieux que ses ex-camarades en termes d’innovations. Tous sombrent dans le dénigrement mutuel et ne savent que s’invectiver. Ils ne se rendent pas compte que tout cela finit par les discréditer. Alors qu’ils devraient cultiver ensemble le champ commun pour espérer pouvoir capitaliser des acquis lors des prochaines campagnes.

Nous sommes à la veille des consultations électorales de 2012. Les Burkinabè seront appelés à choisir parmi les leurs ceux qui seront capables de résoudre leurs problèmes et non ceux qui perdent leur temps à rivaliser dans la production d’affiches et de portraits emblématiques. Ce qui est sûr, Sankara restera un modèle aux yeux de la jeunesse. Mais ce n’est pas évident pour ceux qui se réclament de son redoutable héritage. Quand sauront-ils aller à l’essentiel ? S’intéresser concrètement à leurs enfants ? Se tourner vers l’avenir ? On aimerait qu’ils nous surprennent.

Abdoulaye Ly

Mutations, Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois

Mutations.bf@gmail.com

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