Le 15 octobre, c’est encore demain. Cette date est devenue depuis 1987, une date pleine de polémique, chargée d’histoire et le consensus reste difficile à trouver dans l’esprit des Burkinabè et même du monde entier. Et pourtant il faut être dans la dynamique de la réflexion qui veut que cette date ne soit plus une charge électrique de division, mais que faire ?

Un certain jeudi soir, des coups de feu éclatent dans les locaux du Conseil de l’Entente, le Q.G. du Conseil national de la Révolution, instance suprême qui dirigeait le Burkina depuis la nuit du 4-Août 1983. Le Chef de l’Etat et des proches perdent la vie. Depuis cette soirée qui reste gravée dans la mémoire de tous, une ligne sépare les opinions. En effet, on est tenté de dire que le 15 Octobre est une date qui refuse le consensus. Bientôt, la fin du CNR et le début du Front populaire compteront 24 calendriers épuisés. La date des 24 ans de la mort de Thomas Sankara ou de la Révolution rectifiée à coups de feu reste le sujet à polémique. On a souvent l’impression que cette date ressemble au mur de Berlin qui divise des frères et des sœurs, d’un même moule politique.

Ainsi, il y a ceux là qui pensent qu’il faut classer la tragédie comme des lignes ordinaires du chapitre de notre pays. Et ceux qui pensent que des incapacités de résoudre des problèmes ont arrêté la marche radieuse de la Révolution. Il y a ceux là qui pensent que l’on peut pardonner, mais non oublier. Ceux qui estiment que la Révolution est un accident de notre histoire. Et enfin ceux qui pensent que cette tragédie hante toujours notre pays.

Le 15 Octobre 2011 revêt une signification particulière car beaucoup de choses qui ont été dites par le Capitaine Thomas Sankara se révèlent maintenant, difficiles à accepter mais réelles et têtues. Le capitaine Sankara disait qu’un militaire sans formation est un criminel en puissance. Avec les troubles que le pays a connues cette année on ne peut pas dire mieux. Que nous devons consommer ce que nous produisons, la réflexion est toujours en phase avec notre temps si on considère les effets de la vie chère.

Bien des choses prônées par la Révolution nous rattrapent là où nous sommes. Certains pensent que la frénésie, l’activisme et la précipitation avec laquelle la Révolution voulait changer les mentalités ne pouvaient qu’être qu’éphémères. Il y a aussi ceux qui pensent que des hommes comme Thomas Sankara sont des héros qu’un peuple ne peut avoir qu’une seule fois dans le siècle et l’éclair avec lequel il a dirigé le pays fait partie de sa personnalité d’homme singulier. Le 15 Octobre reste une polémique car des enfants nés après cette date sont devenus majeurs et veulent comprendre, tout comprendre, simplement au nom de l’histoire.

Le 15 Octobre est en train de quitter la rubrique de l’actualité et s’éloigne vers la salle des archives. Les générations demandent des comptes que nous devons veiller à ne pas tronquer, ni effacer dans le chapitre de l’histoire. Le 15 Octobre divise, mais il y a peut être que des efforts doivent être faits pour la recherche d’un consensus car chaque année, il y aura un 15 Octobre. Cette année a été marquée par la profanation de la tombe de Thomas Sankara, même si c’est par un illuminé. C’est peut être l’expression d’une histoire non apaisée hantée par l’image d’un Président dont le deuil n’est pas encore fait. Il faut travailler à faire des obsèques dignes d’un chef d’Etat, sinon Dagnoen reste un espace troublant dans l’histoire de notre pays.

Augustin KABORE

Source : L’Express du Faso 14 10 2011 http://www.lefaso.net/spip.php?article44411&rubrique2

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