Décès de Sambo Joseph Sankara le 4 août 2006

 

Joseph Sankara est décédé le 4 août 2006 à Ouagadougou à la clinique Saint Jean, où il faisait de fréquents séjours ces derniers temps. Mais cette fois il n’a pas  survécu. IL avait 87 ans.

Né en 1919, il a connu la dureté de la colonisation. Ancien combattant il avait participé à la seconde guerre mondiale puis avait servi comme infirmier gendarme. Fort de cette formation il n’hésitait pas à soigner gratuitement ses voisins.

Ceux qui l’ont approché ont pu juger de sa sagesse, sa gentillesse, sa disponibilité jusqu’aux derniers moments de sa vie. Notable de son quartier de Paspanga, fervent catholique il était consulté  régulièrement pour donner des conseils, régler des problèmes de voisinage. On lira à l’adresse http://thomassankara.net/?p=0173 l’une des dernières interviews (si ce n’est la dernière) qu’il a accordée à un journaliste.

Toute sa vie il a tenu à conserver cette modestie et cette simplicité et sa cour modeste ressemble à la plupart de celles de Ouagadougou, simple et sans changement depuis de nombreuses années.

Nul doute que son fils Thomas a hérité d’un certain nombre de valeurs qu’il lui a légué, tout autant de sa maman. Joseph n’a jamais voulu changé de train de vie même lorsque Thomas Sankara était Président du 4 août 1983 au 15 octobre 1987 date à laquelle il a été assassiné.

Ce décès fait suite au long calvaire de la famille Sankara depuis l’assassinat de Thomas : exil d’une partie de la famille, lutte continue contre l’impunité et pour que justice soit faite.

 

Nous vous livrons ci-dessous le portrait qu’en a fait Pabeba Sawadogo dans l’hebdomadaire Bendré (voir http://www.bendre.africa-web.org/article.php3?id_article=1365) .

L’homme qui vient de partir, fidèle catholique, était apprécié de tous ceux qui l’approchait. Très sociable, il était un sage notable du quartier Paspanga de Ouagadougou. Maintes et moult raisons faisaient que sa modeste demeure ne désemplissait jamais. Qui pour prendre conseils, qui pour qu’il aille lui demander la main d’une fille, qui pour qu’il résolve tel conflit, qui pour qu’il l’aide, etc.

Le vieux Joseph Sankara, c’était aussi le père du capitaine Thomas Sankara. Le fils a eu de qui tenir ! Père d’un brillant officier et Président du Faso, aussi invraisemblable que cela puisse paraître pour les prédateurs politiques et sociaux d’aujourd’hui, « le vieux » est resté dans son humble masure, vivant de sa solde de retraité et des petite recettes de sa compagne Marguérite qui vendait des condiments au yaar du quartier. Fils président ou pas, cela n’influencera à aucun moment ni son comportement, ni son mode de vie.

Une grande rigueur morale, une parfaite tolérance et un dévouement sans faille, un homme bon, juste et généreux, tourné vers l’autre, au service de sa conviction spirituelle et de son prochain, voilà ce qu’était le vieux Joseph Sambo Sankara. Et Dieu lui en sait gré pour l’avoir donné une grande et riche famille composée de 9 enfants, environ une vingtaine de petits-fils et 16 arrière-petits-fils qui comblait sa vie.

L’histoire retiendra, qu’après son épouse Marguérite rappelé à Dieu le 6 mars 2000, le vieux Joseph aussi s’en est allé sans avoir pu organiser les obsèques de son fils Thomas Sankara dont il n’a pas non plus vu la dépouille, ensevelie avec précipitation dans un trou creusé à la sauvette, à fleur de terre à Dagnoën.

L’histoire retiendra aussi que malgré les vicissitudes de la vie, malgré les pressions multiples, le vieux Joseph a su garder la tête haute, vivre digne et humble jusqu’à sa dernière heure.

L’histoire retiendra enfin que, c’est un 4 août que le vieux Joseph s’en est allé. Et c’est un autre 4 août que son fils accéda à la magistrature suprême. Simple coïncidence ou signes qui nous interpellent ?

Ci-dessous un autre portrait de Joseph Sankara par Talato Sîîd Saya paru dans l’Indépendant du 15 aout 2006  (voir à http://www.independant.bf/article.php3?id_article=713?&sq=arti) 

On sait peu de chose de cet homme de tenue qui a tiré sa révérance. On le sait humble. Je ne manquais jamais l’occasion de m’arrêter pour lui dire bonjour chaque fois que je passais devant sa cour. Je le trouvais toujours assis dans son fauteuil en face de sa cour. Le vieux Sankara vous demandait tout d’abord comment se portaient votre femme et vos enfants avant d’engager toute autre discussion. On le sait également très croyant. On dit qu’il ne manquait jamais la messe. Le vieux Joseph Sankara était la dignité personnifiée. En dépit du fait que son fils, le Capitaine Thomas a été au faîte du pouvoir d’Etat, il est resté modeste. D’autres auraient demandé à quitter ce Paspanga insalubre pour s’installer dans des demeures huppées. Et quand ce 15 octobre 1987, le malheur l’a frappé de plein fouet, il est demeuré digne dans sa douleur. Le vieux a évité de se mêler des affaires politiques de son fils président du CNR. S’il lui arrivait de parler à des hommes politique du vivant de son fils, c’était pour concilier et réconcilier… L’homme a vécu sans rancune aucune, sans jamais tourner le dos à quiconque. Être modeste, humble et digne, repose en paix, et que la terre libre de ce pays autrefois appelé Haute-Volta que ton fils a baptisé en 1984 du nom de Burkina Faso, c’est-à-dire Pays des hommes intègres te soit légère.”

Les obsèques se sont déroulées en présence d’une foule de plusieurs milliers de personnes parmi lesquels la plupart de ses enfants dont certains en avaient demandé le report pour pouvoir être présents. On y a reconnu de nombreuses personnalités ayant collaboré avec Thomas Sankara lorsqu’il était Président. Les représentants du pouvoir étaient absents, les enfants ayant fermement exprimé qu’ils n’étaient pas bienvenus, lorsque quelques personnalités se sont présentées dans la cours après le décès. Joseph Sankara a été enterré à côté de sa femme Marguerite Sankara, la mère de Thomas Sankara décédée six années plutôt

 

La messe a été officiée par Monseigneur Godéfroy Marie Sankara, un de ses neveux. Celui-ci était entouré de 11 autres confrères prêtres et de l’Archevêque de Ouagadougou, monseigneur Jean-Marie Compaoré. Monseigneur Sankara dans son homélie et Flavie Sankara qui a lu l’oraison funèbre à l’église n’ont pas manqué de reconnaître les valeurs humaines dont le défunt faisait preuve : solidarité, fraternité, sociabilité, justice….Il lègue à sa postérité, non pas un héritage matériel et financier, mais le sens d’une vie exemplaire, le sens d’une vie de famille, selon les dires des intervenants. « Il nous laisse non pas un héritage matériel, mais un héritage de solidarité, de fraternité et d’union », a affirmé Monseigneur Godéfroy”   extrait de Bendré (voir à http://www.bendre.africa-web.org/article.php3?id_article=1376 )

 

Blandine Sankara, une des filles de Joseph  a lu l’adresse des enfants à leur père Joseph :

“En ce jour 10 août qui voit notre père s’en aller dans le royaume que Dieu réserve à ses dignes fils, nous tenons à remercier toutes les femmes, tous les hommes, qui, du 04 août 2006 à ce jour, nous ont témoigné leur compassion. Que Dieu leur rende au centuple leurs bienfaits. Si nous avons voulu dire ces quelques mots, c’est juste pour exprimer une fois de plus notre amour pour notre bien aimé et regretté père, Sambo Joseph SANKARA. .
Nous regretterons pour toujours l’absence de ce père si attentif, sage et combien courageux devant les pires épreuves que la vie lui a réservé. .
Mais ces regrets que nous éprouvons se nourrissent d’espoir car nous savons que notre père est aujourd’hui dans la joie des retrouvailles de sa chère épouse notre mère et de son fils Thomas dont il n’avait plus eu de nouvelles depuis le 15 octobre 1987. .
Père bien aimé, tu es allé rejoindre tes proches, ta femme Marguerite, ton fils Thomas, tes frères Moussa, Salam et Hassane. Sois rassuré que ce que nous avons toujours été les uns pour les autres, nous le demeurerons. .
Repose en paix père bien aimé. Veille sur nous et prends bien soin de tous nos regrettés dont Maman”

 

 

Odile Sankara une autre de ses filles a clamé le poême de Birago Diop intitulé Souffle :

Ecoute plus souvent

Les Choses que les Etres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Ecoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots :

C’est le Souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire

Et dans l’ombre qui s’épaissit.

Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans l’Arbre qui frémit,

Ils sont dans le Bois qui gémit,

Ils sont dans l’Eau qui coule,

Ils sont dans l’Eau qui dort,

Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :

Les Morts ne sont pas morts.

Ecoute plus souvent

Les Choses que les Etres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Ecoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots :

C’est le Souffle des Ancêtres morts,

Qui ne sont pas partis

Qui ne sont pas sous la Terre

Qui ne sont pas morts.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans le Sein de la Femme,

Ils sont dans l’Enfant qui vagit

Et dans le Tison qui s’enflamme.

Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans le Feu qui s’éteint,

Ils sont dans les Herbes qui pleurent,

Ils sont dans le Rocher qui geint,

Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,

Les Morts ne sont pas morts.

Ecoute plus souvent

Les Choses que les Etres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Ecoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots,

C’est le Souffle des Ancêtres.

Il redit chaque jour le Pacte,

Le grand Pacte qui lie,

Qui lie à la Loi notre Sort,

Aux Actes des Souffles plus forts

Le Sort de nos Morts qui ne sont pas morts,

Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie.

La lourde Loi qui nous lie aux Actes

Des Souffles qui se meurent

Dans le lit et sur les rives du Fleuve,

Des Souffles qui se meuvent

Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure.

Des Souffles qui demeurent

Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit,

Dans l’Arbre qui frémit, dans le Bois qui gémit

Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort,

Des Souffles plus forts qui ont pris

Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts,

Des Morts qui ne sont pas partis,

Des Morts qui ne sont plus sous la Terre.

Ecoute plus souvent

Les Choses que les Etres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Ecoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots,

C’est le Souffle des Ancêtres.

 

 

Enfin un représentant des anciens combattants, après avoir rappelé la carrière de Joseph Sankara dans l’armée à déclaré :

Admis à faire valoir ses droits à la pension de retraite par décision n°134/DN-CAB du 26 janvier 1968. .

Pendant sa carrière militaire et de gendarme, les différentes décorations lui ont été décernées. Croix de combattant française pour sa participation à la 2ème Guerre Mondiale 1939-1945. Cette distinction lui accorde la Médaille de la reconnaissance française et plusieurs décorations burkinabè et étrangères. .

De cette carrière militaire et de gendarme on pourrait lire de la part de ses chefs les notes suivantes : bon élément, donnant satisfaction, courageux et travailleur. .

L’administrateur de la F.O.M commandant le cercle de Ouagadougou atteste que le nommé Sambo Joseph SANKARA est de conduite bonne et de moralité irréprochable. Ouagadougou le 20 août 1952. .

Le gendarme de 3ème classe à la retraite, Sambo Joseph SANKARA, comme tout militaire ou tout ancien combattant, le souhait de ce dernier est de se voir suppléer un jour par un de ses enfants dans les ordres Militaires. .

Vous avez eu un fils qui a fait l’Armée, s’est trouvé être Capitaine, Président du Faso, disparu le 15 octobre 1987 et aujourd’hui, Héros National devenu immortel parmi les immortels pour l’éternité. Grâce à votre fils, feu Capitaine Isidore Thomas SANKARA, en bon ancien combattant, vos souhaits sont exhaussés. Vous avez servi la France, servi le Burkina Faso avec patriotisme, honneur et dignité. Vous avez tout donné au Burkina Faso. .

Le gendarme de 3ème classe à la retraite, Sambo Joseph SANKARA, nous quitte en laissant derrière lui des enfants, de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants. .

L’Association Unique des Anciens Combattants, des Anciens Militaires, Veuves, Orphelins et Victimes de Guerre (AUACAMVOVG) du Burkina Faso adresse à la famille éplorée ses condoléances les plus attristées. .

Gendarme à la retraite Sambo Joseph SANKARA repose en paix et que la terre libre du Burkina Faso te soit légère. .

A Dieu Sambo Joseph SANKARA.”

 

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