par Bernard Zangré

Publié dans l’Observateur Paalga, Dimanche, 14 Octobre

Jeudi 15 octobre 87 : un choeur de Kalachnikovs aura suffi à tourner la page de la Révolution démocratique et populaire (RDP) au Pays dit des hommes intègres, le Burkina Faso, survenu le 4 août 83.

Place à la Rectification prônée par les nouveaux seigneurs du Conseil de l’entente.

Toujours une seule et même devise : «La patrie ou la mort, nous vaincrons» .

Mais depuis, ces discours enflammés et ces meetings quotidiens qui crucifiaient l’impérialisme et ses valets locaux, le colonialisme, la corruption, le népotisme, et nous en oublions, ont été rangés dans les archives.

Vingt-cinq années après, beaucoup d’eau a naturellement coulé sous les ponts des trois Volta, et nombre d’animateurs de la scène politique ont bon gré mal gré changé de religion.

L’enfant terrible de Ziniaré, Blaise Compaoré, pour ne pas le nommer, abonné au trône, désormais installé à Kosyam. Mais que sont-ils devenus ses compagnons du Front populaire et ceux qui, aux lendemains de l’évangile de La Baule, nourrissaient le rêve de lui succéder par la voie des urnes.

Car, si la grande muette n’a jamais failli à sa réputation de fidélité à son champion, en tout cas jusqu’à la crise sociopolitique qui a secoué l’édifice au premier semestre de 2011 quand apparurent nos «forces nouvelles» à nous aussi, il n’en a pas autant été de ceux qui n’ont que le verbe et la plume pour seule arme politique.

Du Front populaire (FP) au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en passant l’ARDC et la CFD, en effet, combien de fois la carte politique du Burkina Faso n’a-t-elle pas été redessinée?

Depuis ce 15 octobre 87 donc, le lieutenant Omar Traoré, qui annonça le deuil du Conseil national de la Révolution (CNR) de Thomas Sankara et l’avènement du Front populaire (FP) de Blaise Compaoré sur les antennes de la Radio nationale a, certes, disparu de la circulation, mais le commandant Bongnessan Arsène Yé qui en a assuré la promotion aux quatre coins du Faso, et même au-delà, est toujours aux affaires, même s’il a dû, à certaines escales tumultueuses de notre histoire récente, porter lui aussi sa croix.

Mais n’aurions-nous pas commis un péché capital en ignorant l’ange gardien, le Général Gilbert Diendéré qui, depuis le début des années 80, reste et demeure l’ombre de Blaise Compaoré ?

En tout cas, il demeure le fidèle d’entre les fidèles, depuis le célèbre Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô jusqu’à l’état-major particulier de la présidence du Faso, en passant par la résistance du 17 mai 83, la victorieuse nuit du 04 août 83, la soirée des longs couteaux du 15 octobre 87.

Golf, comme l’appellent les intimes, c’est la confiance, la discrétion et l’efficacité faites homme.

Et sauf erreur ou omission, celui-là est le seul à qui le grand sachem n’a jamais rien refusé.

Compagnons d’hier …

Le Landerneau politique national brille tant par la richesse des acteurs que par la diversité des courants.

A la veille des élections couplées du 02 décembre 2012, le Burkina Faso compte plus d’une centaine de partis, même s’ils n’en seront que quelque 70 à compétir, excusez du peu.

Ennemi commun, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti présidentiel.

Rude sera la tâche, mais c’est sans compter avec la rage des compagnons d’hier, devenus opposants du jour, de changer le cours de l’histoire et l’hégémonie du «tuk guilli».

Quelques-uns, en tout cas, ont retenu notre attention.

Pargui Emile Paré

Il était déjà au-devant de la scène au Front populaire. Et l’on se souvient encore, comme si c’était hier, du rôle qui fut le sien lors des assises sur le bilan de deux ans de rectification à la maison du Peuple.

Mais dès l’avènement du printemps de la démocratie, ce médecin fraîchement débarqué de Dakar n’hésita guère à intégrer la Coordination des Forces démocratiques (CFD), et ensuite, le Collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques (CODMPP).

Parcours politique qui le conduira au Parti du progrès social (PPS) dont il fut membre fondateur ; au Parti pour la démocratie et le Progrès (PDP) du professeur Joseph Ki-Zerbo, et à l’Assemblée nationale de 1997 à 2002.

Le “Chat noir du Nayala» prendra ensuite son indépendance pour créer le Mouvement du peuple pour le socialisme/Parti fédéral (MPS/PF) et l’Opposition burkinabè unie (OBU). Candidat à la succession de Blaise Compaoré, ses rêves se sont évanouis aux portes de Kosyam.

Etienne Traoré

Le flirt du philosophe, à la franchise incontestable, avec Blaise Compaoré n’aura duré que deux ans. Il n’avait en effet pas la langue dans la poche, comme on dit, d’où son éviction de la tête de l’Inspection générale d’Etat (IGE) en 1989. Libre de toute dépendance, Etienne Traoré troquera sa veste du syndicaliste des enseignants du secondaire et du supérieur qu’il fut pendant de longues années contre celle du politique dès l’ouverture démocratique au début des années 90. Non sans succès puisque le voilà aujourd’hui à l’Assemblée nationale où il tutoie si vaillamment les élus de la majorité, aux côtés de ses camarades du Groupe parlementaire Alternance démocratie et justice (ADJ).

Règma Alain Dominique Zoubga

Le natif de Poa dans le Boulkiemdé, docteur en médecine de son état, à lui aussi servi Blaise Compaoré de 1987 à 1989 à la tête du ministère de la Santé avant de se découvrir une âme d’opposant.

Ainsi préside-t-il aujourd’hui aux destinées de l’Autre Burkina/Parti pour le Socialisme et la Refondation, en lice pour les élections couplées du 02 décembre 2012.

Meng-Néré Fidèle Kientéga

Grand ouvrier de la Révolution démocratique et populaire, l’on retient de lui le conseiller diplomatique du président du Faso d’alors, Thomas Sankara.

Resté fidèle à son icône après les douloureux événements du 15 octobre 1987, il apportera sa pierre à l’édification du Front des forces sociales (FFS), dont il fut d’ailleurs le premier président, et du Front démocratique sankariste (FDS).

Malgré tout, il répondra à l’appel de la nation quand Rome menaçait de brûler en acceptant le poste de ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation sous Blaise Compaoré au début des années 2000.

Ayant rejoint l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), aujourd’hui Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), il aura la faveur de l’électorat aux législatives de 2007.

Député à l’Assemblée nationale, c’est tout naturellement qu’il se réclame du Groupe parlementaire Alternance démocratie et justice (ADJ).

René Emile Kaboré

L’enfant terrible de Kokologo, grand sportif devant l’éternel, a hérité, à juste titre, du portefeuille des Sports sous Blaise Compaoré. Président-fondateur du PACT/LS au début des années 90, René Emile Kaboré s’en ira avec ses camarades, après l’implosion de leur parti, rejoindre la majorité pour créer le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Mais le divorce ne tardera pas à être prononcé pour que naisse la Convention nationale des patriotes burkinabè (CNPB), œuvre des refondateurs que sont, entre autres, Moussa Boly, Pierre Tapsoba, Rakiswiligri Mathieu Ouédraogo, René Emile Kaboré naturellement.

Depuis, l’homme se veut discret, mais n’a pas encore fini de nous réserver des surprises.

Opposants d’hier…

Bédouma Alain Yoda

Au début était l’UDS dont les têtes pensantes avaient pour noms : feu Dasmané Zèba, Bédouma Alain Yoda et Juliette Bonkoungou.

Puis Yoda s’en ira créer avec d’autres dissidents le RSI. C’était le début d’une riche carrière politique qui le conduira au cœur du pouvoir à la fin de son premier mandat de député à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, le RSI appartient à l’histoire, et Bédouma Alain Yoda est bien enraciné à faire des jaloux, au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Ministre des Transports et du Tourisme en 1997, ministre du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat en 2000 ; ministre de la Santé en 2002 ; ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale en 2008.

Qui dit mieux ?

S’il en est un qui a fait une amère expérience de la vie politique, c’est bien Moctar Tall qui, ces dernières années, a présidé aux destinées de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM).

Aux côtés des regrettés Cheick Lindou Thiam et Alain Ludovic Tou, c’était l’opposant taillé sur mesure pour contester le pouvoir de Blaise Compaoré au début des années 90. Puis survint cet attentat du 9 décembre 1991 qui le handicapera à jamais.

Revenu de soins de l’Hexagone, diminué physiquement, Moctar Tall traînera une longue convalescence avant de reprendre le cours normal de la vie.

S’il n’est plus cet harangueur de foule qu’on connaissait sous la Convention des forces démocratiques (CFD), il demeure néanmoins cette intelligence dont le pouvoir ne pourrait se passer, en le propulsant à la tête de l’Ecole des grands commis de l’Etat.

Bernard Zangré

Source : http://www.lobservateur.bf/index.php?option=com_content&view=article&id=18104:il-etait-une-fois-le-15-0ctobre-compagnons-dhier-opposants-daujourdhui&catid=6:politique&Itemid=8

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