Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”

 

Nous avons rencontré Vincent Ouattara lors d’un séjour au Burkina en mars avril 2007. Nous avons pu longuement échanger et faire connaissance. C’est à partir de cette rencontre qu’a été préparée cette interview qui a été réalisée par Internet. Une occasion de mieux faire connaissance avec cet intellectuel burkinabé, bardé de diplômes mais qui n’en reste pas moins courageux et engagé dans le mouvement social de son pays. Les propos sans appel mais précis à l’image de son ouvrage. L’interview n’en est que plus passionnante. Il dévoile pour nous la genèse et les conditions de réalisation de son dernier ouvrage “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir. On apprend notamment que c’est avec le plus grand sérieux qu’il a travaillé, procédant notamment à des enquêtes approfondies et des recoupements. Vous trouverez une présentation du livre à l’adresse suivante

B. J.

 

1. Pouvez-vous nous présenter votre itinéraire ? Vous semble avoir fait des études universitaires assez poussées? A quel endroit?

Je suis né le 25 août 1960 à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso. J’ai fait mes études primaires et secondaires, successivement au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Titulaire du Baccalauréat série A4 (philosophie et lettres) en 1984, j’ai eu une bourse pour poursuivre mes études en Russie. Une année d’apprentissage de la langue russe à l’Université d’Etat de Voronej m’a ouvert les portes de l’Université d’Etat de Saint-Pétersbourg où après cinq années d’études (1985-1991), je suis devenu titulaire d’un Master of Art en sciences de l’information et de la communication et d’un Certificat d’enseignement de la langue russe. Les portes de l’Académie de la Culture de la même ville m’ont été ouvertes en 1994 à la faculté de philosophie et de théories de la culture. Après quatre années d’étude, je suis devenu titulaire d’un PHD en Culturologie (Etudes culturelles).

2. Et d’où vient votre prise de conscience et votre engagement d’aujourd’hui?

Je crois qu’il faut rechercher ma prise de conscience et mon engagement dans mon éducation. J’ai connu une vie éloignée des parents. Confronté aux pires travaux et aux affres de la vie d’enfants de rue, j’ai également été adopté par plusieurs familles. J’ai connu matin midi et soir les corvées qui me pesaient les épaules. Je pense que déjà très jeune, j’ai appris à refuser l’injustice, à la condamner, même si je devais parfois payer un prix lourd. Mes années d’Université m’ont appris à connaître et à comprendre d’autres injustices de ce monde. J’ai découvert un monde fait de violences et d’exclusion, un pays (le Burkina Faso) qui a connu plusieurs coups d’Etat dans une Afrique de dictature et de chefs d’Etat façonnés à l’image du chef tribal, et inféodés à un système qui dépossède depuis l’esclavage par le travers d’un commerce absurde : le sel, le miroir… contre l’or et des hommes livrés par des frères. Aujourd’hui ce commerce se poursuit avec d’autres éléments de valeur. Révolte ne peut donc qu’inciter à l’écriture de la contestation.

3. Vous êtes engagés aussi dans la société civile. Vous étiez même au comité d’organisation du forum social. Participez vous aussi à l’action d’autres Associations?

Je pense que l’action des hommes d’écriture ne saurait se limiter à l’écriture de la contestation. Il faut passer à l’action. Quelqu’un disait que la théorie sans la pratique est morte. J’essaie d’apporter ma modeste contribution à la société civile engagée de plus en plus sur de grands chantiers du développement. J’ai participé à l’organisation du Forum social en tant que responsable adjoint à la communication. Je suis membre du Mouvement Burkinabé des droits de l’homme et des Peuples, membre de ATTAC/Burkina et j’essaie d’y jouer ma partition. Par ailleurs, je suis membre d’une association (IRIS/AFRIK) qui intervient dans le domaine du développement par l’appui aux groupes vulnérables que sont principalement les femmes et les enfants.

4. Les livres que vous publiez sont le reflet d’un certain courage. Vous le tenez de votre éducation?

Mon éducation est pour beaucoup dans ma vie. Quand un enfant de 5/6 ans est sevré de ses parents et doit affronter la vie parsemée de tous les pièges et dangers possible, vous conviendrez avec moi qu’il n’a d’autre choix que de se battre pour ne pas succomber. Le courage devient l’arme ultime pour vaincre et ne pas tomber. Il faut dire que j’ai eu la chance de vivre dans différents villages et villes du Burkina et de la Côte d’Ivoire, de vendre des galettes pour une dame, de laver le linge d’une famille nombreuse, de porter sur la tête d’énormes récipients pour aller chercher l’eau au marigot, de travailler dans les champs de riz ou d’ignames. Je ne regrette pas ces moments de ma vie qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui.

5. Comment avez-vous vécu la révolution?

Le jour de la révolution, j’étais à Ouagadougou, j’étais en terminal et préparais mon Bac comme externe. C’était une nuit, pas comme les autres. Des rafales de fusils, par à coup, et j’étais à la maison en commentant l’événement comme les autres, les oreilles collées au poste de radio. La révolution est annoncée. Au petit matin, c’est la ruée dans les rues bondées de jeunes gens en liesse, admirant nos commandos habillés dans les tenues des grands jours. La ville était chauffée à blanc. C’était quelque chose de nouveau par rapport au passé et l’événement était comme attendu.

6. Ca c’est le jour de la prise du pouvoir mais durant les 4 années qui ont suivi, vous êtes-vous engagé? Vous étiez en Russie mais il y avait un CDR d’étudiants là-bas ?

Admis au Bac, je ne pouvais pas poursuivre mes études au Burkina Faso parce que j’avais dépassé la limite d’âge qui était de 22 ans pour être boursier. J’ai fait mes valises pour la Côte d’Ivoire pour m’inscrire à l’Université d’Abidjan à la faculté de droit. J’ai fait seulement trois mois de cours. Cette année-là très peu d’étudiants burkinabé ont été acceptés par crainte de voir la révolution burkinabé s’exporter sur le campus. Je suis revenu au pays et  une année après, j’ai eu une bourse pour la Russie. Je n’ai pas milité dans les comités de défense de la révolution. Mais il faut dire que la révolution m’avait charmé par les réalisations nouvelles dans les domaines de l’habitat, de la femme, de la construction des barrages et digues, des prises de position pour les peuples en lutte contre toute forme de domination. J’écoutais les discours de Thomas Sankara et retenais des passages que je récitais, comme bien d’autres. En Russie, des notes de déception ont commencé, avec l’arrivée d’une vague d’étudiants. Ils ont exigé que soit mis en place un comité CDR, avec la participation de tous. J’étais hésitant avec un autre, mais une lettre du coordonnateur de l’Est me conseilla de militer. Alors j’ai compris qu’un rapport avait été fait sur ma personne. Je me suis mis dans le Comité en tant que responsable à l’information. Après l’apprentissage de la langue, j’ai été affecté à Saint Pétersbourg. Je n’ai pas reçu de bourse durant mon année d’apprentissage de la langue russe, classé avec d’autres sous l’étiquette de Cas litigieux. Je ne saurais dire ce qui s’est passé. A Saint-Pétersbourg, j’ai rencontré des étudiants burkinabé divisés par des idéologies ; il y avait les lipadistes proches du marxisme léninisme, les populistes proches de la tendance albanaise, la tendance chinoise, les CDR… Ils étaient à couteaux tirés et convoitaient les étudiants qui arrivaient. J’ai refusé d’adhérer à toutes ces organisations. Avec d’autres, nous avons créé l’Association des ressortissants burkinabé de Saint Pétersbourg dont j’ai assuré la présidence pendant 2 ans. L’objectif était de se retrouver pour montrer les valeurs culturelles de notre pays et de résoudre nos problèmes. Alors mes détracteurs m’ont présenté comme un socio jouisseur. Aujourd’hui certains qui tenaient ce discours tirent leur jouissance du système Compaoré ou sont muets.

7. Vous participez aussi au comité de préparation du 20eme anniversaire de la mort de Sankara. Qu’est-ce qui vous y a amené?

Je participe à la préparation du 20ème anniversaire de la mort de Thomas Sankara parce qu’il faut que nous apprenions à apprécier les hommes qui ont marqué notre histoire. Ce sont des repères historiques autour desquels se forge la conscience historique pour mieux se projeter dans le futur. Il faut que les Africains apprennent à découvrir dans leurs leaders des qualités que les forces néocoloniales tentent d’oblitérer pour faire le vide de la pensée et ne laisser le choix qu’au modèle imposé. Conséquences : absence d’idéal, d’exemple de droiture qui peut guider le présent. Je pense qu’au-delà de quelques événements malheureux qui ont entaché cette révolution, il faut reconnaître que les changements opérés sont d’un apport inestimable. L’œuvre de Thomas Sankara est grande et originale. L’image d’un homme, visionnaire qui voulait rompre avec la France-Afrique, la dette, l’apartheid, d’un homme qui voulait un ordre nouveau m’est restée de lui. Son action doit être portée aux générations futures.

8. Vous avez déjà publié 4 ouvrages, on y aperçoit une alternance entre recherche universitaire et engagement citoyen?

En effet j’ai publié 4 ouvrages. Mon premier roman est paru à l’Harmattan en 1994 sous le titre : « Aurore des accusés et des accusateurs ». En 2002, paraît chez le même éditeur mon deuxième ouvrage : « Idéologie et tradition en Afrique noire, pour une nouvelle pensée africaine ». En 2004, j’ai publié à compte d’auteur un ouvrage sur un procès retentissant qui a occupé la scène nationale du Burkina sous le titre : « Procès des putschistes à Ouagadougou ». Enfin en 2006, je suis revenu sur la scène avec un essai publié aux éditions Klanba à Paris sous le titre : « L’ère Compaoré : crimes, politique et gestion du pouvoir ». On constate en effet dans mon expérience que recherche universitaire et engagement citoyen sont liés.

9. Vous avez travaillé sur les questions ethniques, et vous y consacrez encore un chapitre dans votre dernier ouvrage. Pourtant généralement on présente le Burkina comme un pays ayant dépassé ce type de clivage?

Les problèmes ethniques doivent être au cœur des préoccupations de la plupart des pays africains. Il s’agit dans des contextes multilinguistiques de savoir comment forger une identité nationale qui brise les frontières des communautés et comment préserver les cultures des minorités. La question est d’actualité, mais dans nos pays la culture c’est les danses traditionnelles, la musique, l’art culinaire, les vêtements. A mon avis, le problème majeur en matière de politique culturelle est de savoir comment, au-delà de la diversité qui peut être une source de richesses, de forger une véritable culture nationale dans laquelle les différents peuples se reconnaissent. Dans certains pays, comme la Côte d’Ivoire, on ne parlait pas de querelles ethniques à l’époque de Houphouët Boigny, et pourtant, aujourd’hui où en sommes-nous ? Le Burkina n’est pas exempt des phénomènes de polarisation ethnique et régionaliste qui, hélas, n’interpellent pas nos autorités. De plus en plus la préférence est au fils du groupe ou de la région quand il s’agit des questions de gouvernance politique. Le silence sur la question est assassin.

10. Votre premier livre portait sur la tentative de putsch dirigée par la capitaine Ouali. C’est une histoire qui apparaît un peu irréelle tant les putschistes ou pseudo putschistes paraissaient plutôt avoir mal préparé leur coup?

Vous n’étiez pas au Burkina Faso, mais vous avez bien compris l’événement à travers la description faite dans mon ouvrage. L’histoire parait insolite, au regard du temps mis à la préparer, des moyens rassemblés, des lieux de rencontres des comploteurs (dans des bars…). Il semble par compte que le moment était venu pour se défaire de quelques éléments gênants, de donner une bonne image de la justice en panne par les dossiers pensants, et de dire que la démocratie dans notre pays va bien. Mais le procès a tourné court, avec des magistrats qui ne voulaient pas entendre parler des raisons du pustch, entre autres le mercenariat dans l’armée, l’envoie des troupes au Libéria, les détournements dans l’armée, la promotion des détourneurs, l’affaire Norbert Zongo. Absurde ! On voulait surtout entendre la musique désirée : reconnaître qu’il y avait pustch en gestation.

11. Votre dernier livre est assez virulent contre le pouvoir. Vous l’avez préparé comment? Vous n’avez pas été inquiété?

J’ai préparé ce livre dans des conditions difficiles. Durant une année, j’étais toujours dans des bibliothèques, j’organisais des rencontres pour vérifier certaines déclarations. Il me fallait négocier pour les photos, et cela n’était pas facile. Le livre a été préparé dans la clandestinité. Seulement 3 personnes savaient le sujet qui me passionnait. L’un des problèmes majeurs que j’ai rencontré a été le manque d’ordinateur pour les saisies. Je passais les journées de cyber en cyber. Retranché dans un coin, je travaillais sur mon texte. Après je le copiais sur une clé et l’effaçait de la mémoire avant de m’en aller. Il y a des moments qu’il fallait reprendre des parties égarées…

12. Vous commencez l’énumération des assassinats non pas au début de la révolution mais dès le CSP1. L’assassinat du commandant Nébié, ministre de l’intérieur de CMRPN a été un traumatisme en Haut Volta mais on n’en a jamais beaucoup entendu parler. Vous êtes le premier à dire publiquement et par écrit qu’il a été tué dans le dos.

Certains journaux à l’époque en avaient parlé, mais il a fallu rencontrer un membre de la famille pour en savoir d’avantage. Je voulais voir la tenue trouée de balles, mais hélas, impossible. C’est une pièce à conviction qu’il faut préserver, et ma crainte est de le voir disparaître.

13. Vous ne dénoncez pas seulement le régime de Compaoré mais l’ensemble du personnel politique.

Comme le titre de mon ouvrage l’indique : « L’ère Compaoré : crimes, politique et gestion de pouvoir » je ne pouvais pas faire l’analyse du régime Compaoré sans parler des hommes qui l’aident dans sa mission. Les acteurs du système ont tous les mêmes réflexes dans un système néopatrimonial qui inhume la tradition (immixtion des chefs coutumiers dans la vie politique) et la modernité (justice…) Le pays n’a plus de repère et la jeunesse est orientée vers des activités ludiques. Les hommes du système sont satisfaits et chantent que tout roule à merveille. Et demain que diront-ils ? Feront-ils comme ces hommes de Mobutu qui se sont mis à dénuder le maître pour avoir le sursis des populations ?

14. Seriez-vous d’accord pour dire que le régime se caractérise par le libéralisme économique politique mais que ses dirigeants, pour beaucoup issus de l’extrême gauche, maoïstes ou proalbanais en tire une redoutable efficacité dans leur capacité de manœuvrer les uns et les autres dans le plus pur style des groupuscules extrémistes d’entant.

Les acteurs de la vie politique aujourd’hui sont dans l’ensemble issus de ces cercles marxistes, maoïstes, … Ils ont des réflexes inquiétants : attirance pour l’argent, les voitures, les villas somptueux, les femmes, des symboles de la modernité tout comme le miroir pour le « chef nègre ». Marx, Mao, Lénine tant acclamés, pleurent à présent à chaudes larmes. Le libéralisme est la solution, et le pillage est autorisé ; c’est la biologisation du social pour légitimer les actes d’une poignée d’hommes et de femmes qui brassent des millions au détriment d’une majorité qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Les revirements politiques des hommes politiques montrent des êtres sans conviction, qui font les perroquets de l’histoire, dépourvus d’originalité.

15. Vous ne vous contentez pas de rassembler les faits mais vous procédez à une analyse assez fine du système. On est en effet frappé lorsqu’on séjourne au Burkina, du mécontentement qui s’exprime dans tous les secteurs de la société alors que Blaise Comparé a été élu président à 80% et que son parti a augmente le nombre de ses députés.

Il y a un mécontentement général au sein de la population. Au niveau de l’exécutif on le sait, même si la politique fait tenir un autre discours. La pauvreté grandissante et les injustices font que certains croient encore qu’il est encore possible de tirer son épingle du jeu en s’abaissant à des compromissions pour survivre. La démocratie est une simple réalité institutionnelle. Le clientélisme, le népotisme, la corruption gangrènent le pays. Mais aussi, il faut noter les fraudes dénoncées par l’opposition qui ne sont la partie visible de l’iceberg. Le pire serait l’explosion qui doucement pointe à l’horizon.

16. Vous ne traitez pas des accusations qui pèsent sur le régime à propos de ses interventions pour déstabiliser les pays voisins?

Je ne traite pas des accusations qui pèsent sur le régime à propos de ses interventions pour déstabiliser les pays voisins. C’est vrai ; c’est peut être ce qui a manqué dans ce livre et qui peut faire l’objet d’une écriture. Dans  « Procès des pustchistes… », les accusés ont confirmé la participation de notre pays à la guerre au Libéria au côté de Charles Taylor qui l’on doit bientôt juger.

17. Vous avez eu quelques ennuis avant la publication lorsque vous avez reçu les premières épreuves? Vous pouvez nous raconter?

En effet j’ai été soumis à un interrogatoire lorsque mon éditeur m’a envoyé le livre pour le BAT (bon à tirer NDLR). Il a été saisi durant 17 jours. C’est la première fois que cela arrivait dans notre pays, même sous les régimes dits d’exception on n’en a pas vu pareil. L’action des collègues de presse a contribué au dénouement de la crise. Je profite pour les remercier.

18. Et aujourd’hui, votre livre se vend dans de bonnes conditions?

Le livre se vend à la maison de presse Norbert Zongo, à la Bourse du travail, au siège du Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et des Peuples. Récemment, la librairie Diacfa a demandé quelques exemplaires pour rompre avec l’autocensure.

19. Pour en revenir à Sankara qui est le cœur de notre site, on a le sentiment encore quand on séjourne au Burkina, que ce n’est qu’aujourd’hui que sa génération reconnaît vraiment son action. Mais surtout on est frappé de la jeunesse qui en a fait un personnage mythique avec pourtant une méconnaissance profonde de ce qui s’est passé durant la révolution?

Vous savez, la jeunesse actuelle a soif d’informations. Elle s’intéresse au passé de Thomas Sankara même si certains veulent l’effacer de la mémoire ou présenter le personnage comme un être pétri de violence, avec ses CDR. Mais le discours de l’homme est plein de sincérité et laisse découvrir sa ténacité, son pragmatisme et son engagement aux côtés des populations du Burkina et de l’Afrique. Je crois qu’il y a un travail à faire pour apporter plus d’éclairage à l’action de Thomas Sankara, et les acteurs politiques devraient s’atteler à cette tâche que se de déchirer et perdre du temps à d’autres préoccupations. La jeunesse c’est demain.

20. Nous allons bientôt commémorer le 20eme anniversaire de la mort de Sankara. A votre avis, quel doit en être le contenu?

Je pense que la commémoration du 20ème anniversaire de la mort de Thomas Sankara est une occasion pour mieux découvrir cet homme, ses idées, son action au Burkina Faso  et à travers le monde. Ce doit être un moment où les acteurs de la société civile, les partis politiques du Burkina et du monde se donnent la main pour réfléchir ensemble et de façon constructive sur le futur à partir d’une lecture du passé. Je pense qu’il ne faudrait pas avoir peur de la critique souvent brandie à chaque moment pour oblitérer la révolution et son guide: la violence des CDR, les assassinats. Seule la vérité est révolutionnaire. L’histoire se fait avec ses contradictions.

21. Jusqu’ici les intellectuels burkinabé ont publié des livres assez complaisants avec le régime ou bien ne sortaient pas du domaine scientifique. Vous sentez-vous isolé? Avez-vous reçu des messages de soutien ou de sympathie de la part de vos collègues?

Je me sens souvent isolé dans mon action. Un collègue m’a dit : « le tristement célèbre ». Certains me félicitent, d’autres me demandent pourquoi avoir pris ce risque. Par contre la jeunesse et les acteurs de la société civile m’ont beaucoup ovationné. Le problème dans ce pays est que ce genre d’initiative est souvent mal récompensé : « Il cherche le nom », « il veut se faire voir » et quand ça arrive au fatal : « il l’a cherché ». On se demande s’il y  a une reconnaissance des hommes et des femmes pour qui on se bat ! Tant que nous ne saurions pas apprécier l’action des fils et filles du pays, nous pouvons dire adieu à un avenir serein.

22. Nous avons écrit que votre livre signait le retour des intellectuels burkinabé dans l’engagement politique? Vous en êtes d’accord?

Il y a certains intellectuels qui se font entendre sur la gestion de la cité. Je veux par exemple citer le professeur Mahamadé Sawadogo qui dirige un regroupement : le manifeste des intellectuels. Il y a d’autres… Les intellectuels ne doivent pas rester muet face à la dégradation des conditions de vie des populations dans notre pays où près de 80% sont analphabètes.

23. Pensez-vous que la parution de votre livre peut déclencher d’autres publications engagées?

C’est possible que cette parution déclenche d’autres. Je crois qu’elle est une expérience qui suscitera des réactions lorsque certains se rendront compte qu’il est possible de s’exprimer et d’en assumer les conséquences.

24. Plus que tout autre, vous avez du être touché par les menaces qu’a reçues le musicien Sams’K Le Jah? Comment avez-vous réagi? Que s’est-il passé au Burkina pour le soutenir?

Les menaces contre Sam k sont révélateurs du climat social qui prévaut au ce pays présenté comme un modèle de liberté et de démocratie par certains amis européens. Nous les avons prises au sérieux. Nous avons fait des démarches au niveau de la gendarmerie, la police nationale. Le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples est alerté et a diffusé un communiqué d’interpellation des autorités ; les associations de la société civile s’activent. Le comité d’organisation du forum social a fait son communiqué et bien des associations du monde des médias, le Centre de presse Norbert Zongo… Mais la lutte continue parce que les menaces sont toujours là. Il va falloir réfléchir sur une deuxième phase d’action …

25. Pouvez-vous nous parler des conditions d’édition au Burkina? Le livre “Procès des putschistes à Ouagadougou” a été imprimé à l’Imprimerie du Progrès. Est-ce à dire qu’aucun éditeur n’a voulu le prendre en charge et que vous l’avez autoédité?

Il est très difficile d’éditer au Burkina Faso. J’ai publié « Procès des Putschistes à Ouagadougou » à compte d’auteur tout simplement parce que les éditeurs approchés n’en voulaient pas. Je n’ai pas essayé de le faire à l’étranger parce qu’il fallait le faire le plus vite possible. Je voudrais rester dans l’actualité. Mais j’avoue que c’est très difficile.

26. Vous avez d’autres projets?

Mon plus grand souhait est d’organiser un festival des minorités culturelles. Il y a des communautés ethnoculturelles en voie de disparition, des danses rejetées au musée de l’histoire, et voir même oubliées, des groupes frustrés qui aimeraient se sentir au sein de la communauté et être des acteurs de la nation en construction, des similitudes culturelles ignorées qui pourraient rapprocher les peuples. Il y a tous ces gens qui ne doivent pas mourir de la mondialisation, et je dirai, de la nationalisation opérée sous les auspices de grands groupes qui broient les plus petits. Je voudrais profiter de cette occasion pour partager cette idée combien importante pour moi. Je vous remercie.

Propos recueillis par Internet pour le site thomassankara.net en mai 2007.

12 COMMENTAIRES

  1. > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
    je suis très content de savoir qu’il ya toujours beaucoup d’hommes intègres pour dire non à Blaiso. je ne saurai vous remercié pour vos travaux et surtout pour la conscientisation de la jeunesse burkinabé en particuliet et africaine en générale. une foie de fois de plus merci Mr Ouattara

    • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
      Bonsoir cher ami

      Je suis heureux de savoir qu’il y a des hommes qui ont encore du mérite pour apprécier les oeuvres des auteurs qui bravent le règne de l’arbitraire. Merci pour le soutien. Nous sommes tous engagés pour le même combat, et seule la synergie des forces et des compétences peuvent nous aider à vaincre la déraison.

      Cordialement, Vincent Ouattara

      • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
        Bonjour M Ouattara,

        Je suis une jeune soeur d’afriqre centrale vivant actuellement en alsace.
        Je vous remercie infiniment de nous tenir ainsi informé sur toutes les exactions et ravages commisent par des inconscients notoires…
        Je souhaite dans la mésure du possible être informée de vos nouvelles parutions et si je puis vous aider,n’hésitez surtout pas.

        Cordialement

        • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
          Bonjour ma soeur

          Je suis ravi de vous lire, de savoir qu’il ya des soeurs qui ont du coeur à partager au service des valeurs de justice et de liberté. Merci pour le soutien qui me va droit au coeur et me donne la force de perséverer. Je garderai le contact.

          Cordialement, recevez mes belles salutations. Vincent

          • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
            Bonjour Mr OUATTARA,
            Juste pour vous dire combien votre action est noble, celle de l’éveil des consciences de cette jeunesse burkinabé et africaine. Vous avez beaucoup de choses dans la tête et vous les utilisez à bon escient contrairement à nombre d’autres intellectuels qui les mettent au service de l’oppression des peuples. Courage et surtout, restez égal à vous même! Surtout pas de revirement car c’est ce qui a surtout déçu le peuple de la part de certaines personnalités et le rend de plus en plus inerte!
            Je voudrais par ailleurs avoir une addresse d’organisations d’éveil des consciences où je peux m’inscrire pour enfin apporter concrètement ma contribution à la construction de la nation africaine. Merci beaucoup et que Dieu vous protège!
            Cordialement!

            Dignité du Burkina

          • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
            Bonsoir cher frère

            Je suis heureux de découvrir des personnes qui apprécient les oeuvres au service de l’Afrique en général. J’ai connu beaucoup de situations difficiles dans ma vie, et j’ai à présent un combat auquel je crois.

            Je suis heureux que des personnes comme vous croient en l’avenir et veulent apporter leur contribution à la lutte pour des causes justes.

            Pour ma part, je suis certain que le choix que j’ai fait est juste, et je mettrai toutes mes énergies pour avancer avec des gens comme vous.

            Concernant l’association à vous conseiller. Pour le moment, donnez moi du temps, parce que le milieu associatif au Faso n’est pas facile. Il y a beaucoup qui roulent pour le système taché de sang, avec des dehors d’alouette. Gardons le contact pour demain.

            Cordialement, Vincent Ouattara

    • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
      Bonsoir

      Je vous remercie pour le soutien, et serai ravi de voir des gens suivre votre exemple pour donner la force à des hommes comme moi, pour condamner l’arbitraire et la déraison de nos chefs d’Etat. Seule l’unité d’action va contribuer au lever du soleil, du bon soleil.

      Salutations cordiales
      Vincent

  2. > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
    Bonjour,mr.Ouattara.
    Je dois avouer que jusqu’à ce que je vous lise,je me demandais si etre intellectuel était compatible avec le fait d’avoir de la conscience pour son peuple,pour la génération future.J’étais presque convaincu que l’africain ne devenait intellectuel qu’à la condition de subir une opération lui rétirant tout patriotisme.Je me rends-compte aujourd’hui que c’est un simple état d’esprit!
    Merci à vous,mr Ouattara,merci d’exister!

    • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
      Bonsoir mon frère

      Merci pour le mot. Ma réponse vient un peu tard, mais elle est là pour saluer votre soutien et votre engagement à nos côtés pour mener le même combat qui donne un sens à notre existence, par la lutte contre l’impunité et les crimes de sang de dictateurs qui rappellent les chefs des temps anciens qui ont vendu nos frères contre le mirroir et le sel.

  3. > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
    bravo,

    il y a homme et homme!
    je reve du jour ou le crime ne paiera plus et ou les langues se delieront au burkina et ailleurs!

    que d’autres suivent votre voie sans peur de represailles et ainsi nous serons enfin libres

    cela ne concerne pas seulement le burkina helas, mais quasi toute l’afrique en souffre

    j’ acheterai le livre!!

  4. > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
    Bonjour mon frère OUATTARA,

    Je viens certes en retard car je n’avais pas eu le privilège de lire cet interview que j’apprécie à sa juste valeur. Sincèrement quand j’écoute certains de nos intellectuels, je me demande souvent si les longues études qu’ils ont ménées n’ont pas vidé leur conscience. Même cette politique du tube digestif comporte quand même des limites à ne pas franchir. Hélas nos intellectuels à force de vivre grassement du sang de leurs peuples ont fini par se croire sur une autre planète. Heureusement qu’il ya encore des OUATTARA Vincent pour démentir cela. Beaucoup de courage car il vous en faut et sourtout continue d’être le même vincent OUATTARA. Vous ne vivrez pas grassement certes mais vous vivrez avec le sentiment d’être utile à ton peuple. Jusque là je n’ai pas lu votre livre mais votre interview me situe déjà sur sa valeur et son apport à une jeunesse qui manque de repère. Edouard

    • > Interview de Vincent Ouattara auteur de “L’Ere Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir”
      Bonjour mon frère Edouard

      Je suis ravi d’être encouragé dans mes initiatives d’écriture. La plume doit être mise au service des valeurs nobles au profit de l’homme. J’ai cette conviction, et soyez rassuré je serai moi-même, égal à moi même. Et avec votre soutien, je me sentirai plus utile encore. Merci et à la prochaine.

      Salutations cordiales

      Vincent

LAISSER UN COMMENTAIRE

Saisissez votre commentaire svp!
SVP saisissez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.