Aucune information nouvelle dans cette interview peu intéressante. Jean Christophe Mitterrand fait donc l’amnésique. Bien sur il nie que Thomas Sankara dérangeait les intérêts français. Il reprend une anecdote qu’il a déjà racontée précédemment sur sa première rencontre avec Thomas Sankara au sommet de Vittel. Il nie l’implication de Guy Penne dans l’arrestation de Thomas Sankara en mai 1983. Bien sur que Guy Penne n’a pas donné l’ordre à Jean Baptiste, alors Président, Ouedraogo d’arrêter Thomas Sankara, alors premier ministre, mais la tension était forte entre les deux hommes et Jean Baptiste subissait des pressions de la part des autorités françaises.
A propos de la Côte d’Ivoire, ce qui gênait Houphouêt Boigny n’était pas bien sur pas la capacité militaire du Burkina, mais plutôt l’exemple d’une président dans un pays voisin avec lequel la Côte d’Ivoire entretenait des relations étroites, qui devenait  de plus en plus populaires au fur et à mesure que le Burkina construisait son pays et se débarrassait de la corruption. Il ne fallait pas que son peuple se tourne vers lui pour lui demander des comptes et de changer de politique.
Pour le reste à propos de Guy Penne et de François Mitterrand, on remarque qu’il se garde bien de dire ce qu’il sait, car nous ne croyons absolument pas qu’il n’ait pas entendu de réactions ni de l’un ni de l’autre après cet assassinat.
Bruno Jaffré

Interview réalisée par Benjamin Roger
Ancien conseiller Afrique de l’Élysée, Jean-Christophe Mitterrand était l’un des hauts fonctionnaires français les plus proches du capitaine au béret rouge. Trente ans après, le fils de l’ancien président français a accepté de se confier sur les rapports franco-burkinabè de

Des dirigeants français de l’époque, il est l’un de ceux qui ont le plus fréquenté Thomas Sankara. Mais aussi un des seuls encore en vie. Au moment de la révolution burkinabè, Jean-Christophe Mitterrand est au cœur de la cellule africaine de l’Élysée, d’abord en tant qu’adjoint de Guy Penne, conseiller Afrique de François Mitterrand de 1983 à 1986, puis en tant que successeur de Penne et conseiller de son président de père, jusqu’en 1992.

A 70 ans, ce fumeur invétéré assure être désormais « à la retraite ». De retour d’un voyage en Côte d’Ivoire, où il affirme avoir seulement « rendu visite à des amis », il s’est confié à Jeune Afrique dans le café du 5e arrondissement de Paris où il a ses habitudes.

Pour la première fois, il accepte de s’exprimer sur Thomas Sankara et sur les relations franco-burkinabè de l’époque.

Jeune Afrique : Quand avez-vous rencontré Thomas Sankara pour la première fois ?

Jean-Christophe Mitterrand : Je l’ai rencontré au sommet France-Afrique de Vittel, en octobre 1983. Nous nous sommes revus plusieurs fois par la suite. C’était un personnage sympathique et très intéressant. Il était direct et avait des idées bien arrêtées, mais le dialogue était toujours possible avec lui. Je me souviens qu’une fois où je faisais escale à Ouagadougou pour faire le plein de mon avion, apprenant que j’étais à l’aéroport, il m’a fait venir à la présidence. Nous y avons discuté pendant deux heures. Nos conversations n’étaient pas préparées et portaient généralement sur les sujets du moment.

Comment définiriez-vous les relations qui liaient la France au Burkina à cette époque ?

Sankara était un révolutionnaire. Il rêvait beaucoup et avait de grandes ambitions pour son pays. Il était très volontaire et voulait que les choses bougent, malgré le peu de moyens financiers dont il disposait. Les relations entre la France et le Burkina étaient bonnes, nous n’avions pas de problèmes particuliers. Bien sûr, il nous accrochait parfois sur certaines choses – qui souvent n’étaient pas vraies –, mais cela n’empêchait pas le dialogue. Quand vous avez un homme intelligent comme lui face à vous, c’est passionnant.

François Mitterrand et Thomas Sankara lors d’une conférence de presse à Ouagadougou le 18 novembre 1986. © Archives JA.

Avant que Sankara ne prenne le pouvoir, alors qu’il était Premier ministre, il a été arrêté le 17 mai 1983 à Ouagadougou, le jour même où Guy Penne arrivait en visite au Burkina Faso. Ce dernier était-il impliqué dans cette arrestation ?

Guy Penne n’a jamais été impliqué dans cette arrestation. C’était un hasard. Vous pensez vraiment que le président Jean-Baptiste Ouédraogo aurait prévenu Guy Penne en lui disant : « Je vais arrêter Sankara » ? Évidemment que non. Et si c’était le cas, Penne aurait répondu : « Attendez au moins que je sois reparti. » C’est moi qui ai appelé Guy Penne de Paris pour l’informer de cette arrestation. Il ne le savait pas et en a été stupéfait.

Hasard ou non, Sankara était très remonté contre Guy Penne depuis cet épisode. À tel point qu’il a failli boycotter le sommet France-Afrique de Vittel, en octobre 1983, durant lequel vous avez personnellement dû jouer les médiateurs…

Sankara pensait que Guy Penne était mêlé à cette histoire et se méfiait beaucoup de lui. Quand il a été accueilli par ce dernier à Paris, à la veille du sommet de Vittel, il était évidemment très fâché… Nous avons fait une erreur protocolaire. beaucoup de chefs d’État arrivaient en même temps à Paris : il y a eu un problème d’organisation, et aucun ministre n’était disponible pour accueillir Sankara. Guy Penne a donc été chargé de s’en occuper.

Une fois à son hôtel, Sankara a piqué une colère et dit qu’il voulait repartir à Ouagadougou. François Mitterrand l’a appelé, puis il m’a dit d’aller le voir immédiatement pour essayer de calmer les choses. Sankara m’a fait part de son mécontentement mais dans des termes très polis. Nous avons discuté longuement. Je lui ai expliqué que c’était une erreur de protocole et il a finalement accepté de rester.

Le lendemain, je suis venu le chercher à son hôtel. Nous avons pris le petit déjeuner ensemble et sommes partis à Vittel. Une fois là-bas, il y a eu un autre petit incident : Sankara était en tenue militaire et avait gardé son pistolet à la ceinture. Les personnes chargées du protocole voulaient qu’il enlève son arme. Je suis donc à nouveau intervenu en disant que cela faisait partie de l’uniforme et qu’il fallait lui laisser son pistolet.

Quelles relations entreteniez-vous avec Sankara depuis cet épisode ?

Je l’ai vraiment connu à cette occasion. Nous avons ensuite eu des rapports tout à fait normaux et avions des conversations animées. Nous n’étions pas forcément d’accord, mais chacun pouvait donner ses arguments.

Sankara reprochait à la France de ne pas soutenir la révolution. Qu’en était-il vraiment ?

Nous ne sommes plus à l’époque des colonies ! Ils faisaient leur révolution sans nous. La relation était la même qu’avec les autres pays africains. Il n’y avait aucun traitement particulier pour Sankara. Politiquement, il n’y avait aucun problème.

Comment Sankara était-il perçu par le président Mitterrand ?

Mon père appréciait les caractères forts comme Sankara, qui était un tribun remarquable. Je me souviens de son fameux discours pendant la visite officielle de mon père à Ouagadougou, le 17 novembre 1986, où il a parlé pendant une heure sans une seule note. En réponse, François Mitterrand a mis de côté le discours qu’il avait préparé et il a répondu point par point à Sankara. Ce fut un débat captivant.

Mais aussi un échange musclé qui aurait pu brouiller les relations…

Après le dîner, j’ai suivi la délégation burkinabè et ai assisté à une scène amusante dans un salon. Un proche de Sankara lui a dit : « Thomas, tu as vu comment tu as traité le vieux ? » Il lui a répondu : « Écoute, le vieux vient de me mettre une claque, donc tu ne vas pas m’en mettre une autre. » Quant à mon père, il aimait ce genre d’échanges engagés et francs.

Avez-vous été surpris d’apprendre son assassinat ?

J’étais à Paris ce jour-là. J’ai reçu un coup de téléphone m’annonçant les faits, mais je ne sais plus de qui. J’étais au courant des fortes tensions qui existaient au sein du Conseil national de la révolution à Ouaga. Nous nous doutions que cela pouvait mal se terminer, mais j’ai tout de même été surpris qu’il soit assassiné. Et plutôt triste, car j’aimais bien l’homme.

Quelles ont été les réactions de Guy Penne et de François Mitterrand ?

Je ne sais pas. Mais ils ont été obligés de constater et de faire avec.

La France est-elle impliquée d’une manière ou d’une autre dans cet événement ?

Non, à aucun moment.

Pourquoi, alors, continuer à garder certaines archives sous le sceau du secret-défense ?

C’est aux autorités actuelles de répondre. Il n’y a pas de secrets dans ces archives. Personnellement, je ne vois pas de problème à ce qu’on les déclassifie.

À votre connaissance, est-il question de l’assassinat de Thomas Sankara dans les archives personnelles de votre père ?

Cela m’étonnerait beaucoup, mais je ne les connais pas.

La France n’avait-elle pas intérêt à se débarrasser de Sankara ?

Mais pourquoi ? La France n’avait aucun intérêt à se débarrasser de Sankara.

Y a-t-il eu une quelconque implication ivoirienne ou togolaise dans cet assassinat ?

Je n’en sais rien. Houphouët était peut-être agacé de temps en temps par Sankara, mais il faut se rappeler que le Burkina n’avait pas les moyens militaires et financiers pour déstabiliser la Côte d’Ivoire. N’oublions pas non plus qu’il y a plusieurs millions de Burkinabè en Côte d’Ivoire, et qu’il suffisait de les renvoyer chez eux pour mettre le pays dans une situation impossible.

Selon vous, s’agit-il d’une arrestation qui a mal tourné ou d’un assassinat prémédité ?

Les témoins ont tous une version différente. D’après les informations dont je dispose, je considère qu’il s’agit plutôt d’un accident que d’autre chose. Je pense que chacun avait peur de l’autre et que cela a mal tourné.

Comment ont évolué les relations entre Paris et Ouaga avec l’arrivée de Blaise Compaoré au pouvoir ?

La coopération a continué, les financements français ont continué.

Avez-vous rencontré Blaise durant la révolution ?

L’ambassade avait sûrement des contacts avec lui, mais moi non, je ne le connaissais pas. Quant à Guy Penne, je ne sais pas. Je n’ai rencontré Blaise Compaoré qu’après, une fois qu’il est devenu chef de l’État.

Vous a-t-il un jour parlé de Sankara ?

Non, jamais.

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