Par le Dr. Vincent Ouattara

Cette intervention a été prononcée lors du Symposium Thomas Sankara 2007, tenu lors du 20eme anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara à Ouagadougou.

Introduction

C’est un honneur qui m’est fait de parler d’une nébuleuse du néocolonialisme français dans le cadre de ce symposium consacré au 20ème anniversaire de la mort du guide de la révolution d’août 1983, le capitaine Isidore Noël Thomas Sankara. Ce serait prétentieux de croire que je possède tous les éléments d’analyse que mes prédécesseurs qui ont traités de ce phénomène à travers des ouvrages. Je me pencherai sur leurs travaux tout en essayant d’apporter ma modeste contribution à ce débat combien passionnant et important pour l’Afrique en ce seuil du 21ème siècle. Ce symposium donne justement l’occasion de montrer la lutte d’un homme (Thomas Sankara) contre cette nébuleuse, et invite au réveil, à l’action positive au service de la liberté.

Je commencerai mon propos par situer sur l’origine du mot. D’où vient ce terme: françafrique ?

Les origines de la Françafrique

Les documents consultés montrent que l’expression France Afrique (en deux mots), est une émanation du chef de l’Etat ivoirien, Félix Houphouët Boigny en 1955 pour définir les meilleures relations qu’il voulait établir avec la France après le divorce du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) du parti communiste français. Il rêvait donc de bonnes relations avec la France gaulliste, mais savait-il ce qui l’attendait? Mais il faut rappeler qu’un autre chef d’état africain, Léopold Sédar Senghor souhaitait une Eurafrique (en un mot) des partenaires égaux. Ce souhait prenait appuie sur les principes de la négritude dont l’un des éléments est la civilisation de l’universel où l’Afrique doit être partenaire égal au rendez-vous du donner et du recevoir. Mais savait-il que l’égalité dans les relations internationales relevait plus du rêve que de la réalité? Parce que l’expérience montre que le conflit entre les intérêts particuliers des Etats et l’intérêt commun international est sacrifié au profit des premiers. L’expression dérivée Françafrique traduit mieux la réalité existentielle d’une domination de la puissance néocoloniale française en Afrique. Elle a été forgée par François-Xavier Verschave, président de l’Association Survie, qui a consacré une bonne partie à la lutte contre cette nébuleuse qui freine le développement de l’Afrique.

De l’analyse qui précède, on peut dire que cette expression est revendiquée par différents acteurs de la scène politique et de la société civile pour exprimer plusieurs manières d’interpréter les relations entre l’État français et l’Afrique.

Mais interrogeons l’histoire de l’évolution des relations entre l’Afrique et la France pour comprendre la réalité que traduit ce terme. L’histoire enseigne que les relations entre la France et l’Afrique n’ont pas toujours été meilleures comme l’attendaient ceux qui ont cru que l’allégeance au néocolonialisme français ou la reconstruction mentale pour asseoir à la place du mythe de la supériorité européenne celui de la relativité et complémentarité des cultures, était la solution pour sortir de l’ornière. Le défunt président ivoirien Félix Houphouët Boigny, après les bons services rendus, s’est retrouvé au début des années 80, avec le cacao ivoirien qui ne coûtait plus rien, victime de la détérioration des termes de l’échange de ses amis. Idem pour son sucre qui devait entrer dans le circuit du commerce international. A L’époque, le journal « Le Monde Diplomatique» titrait à juste titre: La Côte d’Ivoire, victime de ses amis ».

Au fil du temps, nous avons vu évoluer vers un système de rapport politique, économique et idéologique d’exploitation basé sur la situation inégale en droits des pays africains dans l’économie néolibérale. C’est justement ce système qui s’apparente au néocolonialisme que François-Xavier Verschave dévoile non seulement les ressorts, mais condamne avec énergie.

Dans son ouvrage La Françafrique, le plus long scandale de la République publié aux éditions Stock en 1998, il présente la Françafrique comme «une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisé sur l’accaparement de deux rentes: les matières premières et l’Aide oublique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système autodégradant se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie». Pour lui, les origines de cette nébuleuse remontent à 1960 lorsque le général De Gaulle accorde l’indépendance aux colonies d’Afrique Noire. Mais cela était-il de gaieté de cœur? Il crée ce que nous appelons aujourd’hui les “réseaux Foccart”. Qui est Jacques Foccart?

Jacques Foccart fut député sénatorial gaulliste pour participer à l’Union française, censée gérer les rapports de la France avec ses colonies. En 1953, il accompagne le général de Gaulle en Afrique où il fit la connaissance à Abidjan d’Houphouët-Boigny. Nommé par de Gaulle au poste de Conseiller technique à l’Hôtel Matignon, chargé des faires africaines, son travail lui vaut d’être reconnu comme étant le «Monsieur Afrique homme de l’ombre du Général Charles de Gaulle, puis de Georges Pompidou. Homme de réseaux, il est considéré comme étant l’instigateur de nombreuses inspirations et coups d’Etat en Afrique durant les années 1960. Il fut un proche du Maréchal Mobutu au Congo-Kinshasa, et en 1967 un acteur important du soutien apporté par la France à la sécession du Biafra, par livraisons d’armes et mercenaires interposés. Le réseau Foccart ne se limitait pas seulement à l’Afrique. Pendant les campagnes électorales, il fut accusé à plusieurs reprises d’utiliser barbouzes et blousons noirs contre les candidats de la gauche française.

Quelles sont les raisons qui ont conduit à la mise en place des réseaux Foccart?

Les motivations essentielles à l’origine des réseaux Foccart sont :
– assurer à l’État français au niveau international une « sphère d’influence», un pré
carré,
– Garantir un accès privilégié aux matières premières stratégiques, une «exploitation
des rentes », l’émergence d’une couche de rentiers et la confirmation d’un Etat rentier vivant de l’exploitation de ses colonies,
– Nourrir la corruption et le détournement de l’aide publique au développement au profit d’intermédiaires divers, d’hommes politiques français et africains, et des grands partis politiques français,
– Défendre la Francophonie, pour contrer l’hégémonie grandissante de la culture anglo-saxonne dans le monde.

Pour réussir cette mission, la France gaulliste va s’appuyer sur des chefs d’Etat africain à l’image du chef traditionnel qui échangeaient leurs frères et sœurs contre la pacotille et se souciaient peu du devenir de leurs territoires. François Verschave désigne les présidents et dictateurs africains qui sont complices de ces réseaux d’où ils tirent leur pitance et longévité, parce que protégés par l’Etat français. Il cite ainsi Omar Bongo (Gabon), Gnassingbé Eyadema (Togo), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou Nguesso (Congo), Blaise Compoaré (Burkina Faso), ou Idriss Déby (Tchad).

Les motivations sont connues, les acteurs identifiés, et que reste-t-il donc à faire? Développer une méthode d’exploitation/pillage des richesses, de contrôle géopolitique tout en masquant sa responsabilité dans le retard de ces pays une fois que la question est posée. Parmi les méthodes employées, on note:

2. Les Réseaux françafricains

Les réseaux fonctionnent comme une secte, une confrérie, à l’image des confréries occidentales. Les membres sont connus, les règles à respecter sont établies, les retombées sont définies, le respect du silence est de mise, les membres ont un style de communication.

2.1. Réseau Foccart

C’est un réseau politico-affairiste qui porte de nom de l’instigateur de ce système, responsable de la cellule Afrique de l’Elysée sous De Gaulle, et acteur de premier plan :ans les relations franco-africaines jusqu’à sa mort en 1997. Son influence a reculé au cours des années 1980, au profit des réseaux néo-gaullistes de Charles Pasqua et des réseaux mitterrandiens. Jacques Chirac est considéré comme étant un ‘héritier de ce réseau.

Dans les pays d’Afrique francophone nouvellement indépendants, au début des années 1960, Jacques Foccart a œuvré à la mise en place de dirigeants “amis”. Les mouvements démocratiques qui refusent l’influence de l’État français sont systématiquement combattus par des moyens économiques, diplomatiques et militaires, y compris par l’encouragement de guerres, assassinats et fraudes électorales.

2.2. Les multinationales et états rentiers

Le maintien du système françafricain permet à certaines entreprises de continuer à assurer une domination économique en Afrique francophone. Les états rentiers vivent de l’exploitation des peuples par le soutien à leurs multinationales. Des exemples de ce village «à huit clos»: un chef d’état africain qui veut de l’aide s’adresse à Paris qui va expédier vers Genève. La manne obtenue est repartagée avec le décideur parisien après conversion et reconversion.
L’exemple le plus significatif est celui de l’entreprise pétrolière Elf, qui a fait la politique de l’État français au Gabon, au Cameroun, au Nigeria au Congo Brazzaville et en Angola, et a même été responsable de l’éclatement ou de la poursuite de guerres civiles dans ces trois derniers pays. Les procès des dirigeants de Elf a révélé les négociations organisées par Mr Loïk le Flock Prigent avec la rébellion angolaise (Union pour l’indépendance totale de l’Angola de Jonas Savimbi) tandis qu’il finançait officiellement le pouvoir Mouvement populaire de libération de l’Angola.

Pour les acteurs peu importe la vie des populations et des états. En position de monopole dans les secteurs clés de l’économie de certains pays, leurs multinationales cillent les richesses, même au prix d’actes macabres comme ceux perpétrés au Libéria et en Serra Leone. Pendant que le groupe Bolloré sciait les arbres des forêts pour la métropole, les mercenaires et hommes de mains africains mutilaient les enfants pour ne plus pouvoir voter, ni travailler. Ces multinationales se sont spécialisées dans des domaines spécifiques : Bouygues (services publics) et Bolloré (transports, logistique). Ce sont des monopoles d’assujettissement des secteurs des économies nationales qui profitent souvent des exonérations d’impôts sous le couvert de la création des emplois,la stimulation de la consommation, la création de cadre macroéconomique favorable d’investissement. Des termes imposés aux états sous-développés lors des accords ce partenariat qui traduisent souvent un chantage, une supercherie odieuse. La position hégémonique des multinationales s’explique par la collusion avec une partie ces dirigeants des états africains qui contrôlent les appareils d’état.

2.3. Militaires et services secrets

La présence militaire française est indissociable du système françafricain. à îccords de défense et de coopération militaire, des opérations «Manta »… dénoncès par Thomas Sankara, alors qu’il était président du Burkina Faso. Ceux-ci permettent à la France de conserver un poids prépondérant, par l’encadrement de troupes nationales africaines ou des interventions armées en cas de menaces externes ou internes. Les bases militaires françaises constituent donc des piliers de la Françafrique dans des pays comme le Sénégal, le Gabon, le Tchad ou la Côte d’Ivoire. Le 24 septembre 1986, suite à l’attaque d’un commando à Lomé, les autorités mettent en cause le Ghana et le Burkina Faso «révolutionnaires» qui démentent. Le président Gnassingbé Eyadema, demande l’aide militaire de la France, et des soldats français débarquent à Lomé. Nous avons vu également en Côte d’Ivoire, l’armée française intervenir au nom des accords de défense pour gérer un conflit interne opposant des ivoiriens…

L’Etat français est accusé par Verschave d’avoir rétribué des mercenaires (comme Bob Denard), ou des sociétés spécialisées dans ce type de services, lors de guerres civiles ou de coups d’État. Comme faits imputables à la Françafrique, nous pouvons citer les massacres au Cameroun dans les années 1960. Environ 400.000 morts. L’assassinat de Sylvanius Olympio, premier président du Togo, en 1963 par Gnassingbé Eyadema, avec les complicités françaises et américaines. En janvier 1963, Gnassingbé Eyadema revendiquera dans la presse cet assassinat. Dès sa prise de pouvoir, par un coup d’État militaire, Gnassingbé Eyadema reçoit le soutien de la France. Il conserve ce soutien de la part des différents présidents français, de Charles de Gaule à Jacques Chirac. Dans ces conditions, pouvait-il tolérer à ses portes un régime qui dénonce « l’impérialisme français et ses valets locaux », les termes de la révolution. La France est accusée d’avoir, durant la guerre du Biafra (1967-1970), armé et aidé les sécessionnistes pour affaiblir l’influence anglo-saxonne; l’assassinat du Docteur Outel Bono, opposant au régime de Tombalbaye (Tchad) à Paris en 1973 et les complicités supposées des «services» français dans cette affaire au terme d’un complot; l’assassinat en 1988 de la représentante de l’ANC à Paris, Mme Dulcie September et l’étouffement de l’affaire par les autorités françaises. Le renversement du pouvoir légal de Pascal Lissouba au Congo par Denis Sassou Nguesso. Après sa perte aux élections, il se retire dans le village d’Oyo, dans le Nord du Congo, où il organisa ses milices appelées Cobras. La France accepte son installation en 1995 au Vésinet, près de Paris, pour prendre contact avec ses futurs mentors, qui vont le ramener au pouvoir. Le 5 juin 1997 se déclenche le début d’une nouvelle guerre civile qui fera plus de 10 000 morts. Avec la complicité de la France, de l’armée angolaise, Sassou-Nguesso prend le pouvoir et suspend la constitution.

Il apparaît qu’il existe une liaison entre les réseaux. Tony Blair qui dit vraiment aimer l’Afrique comme Chirac l’Africain, n’a rien dit sur le coup d’Etat du fils de Margaret Thatcher contre les autorités de Malabo. L’essai de Harel intitulé Pillage à huit clos met justement le doigt sur le discours d’aide à l’Afrique et sa session.

Les déstabilisations des états s’inscrivent dans un ordre mondial inégalitaire. Les agents privés occidentaux allument le feu des batailles avec la complicité de leurs valets locaux, pour ensuite s’interposer entre les belligérants, activent la militarisation des économies en détournant d’énormes valeurs matérielles et des ressources humaines (des dépenses improductives) à des fins utiles. Pendant ce temps la presse à leur solde, est prête à montrer des sauvages qui s’entretuent, au regard de leurs dictateurs qui vivent dans l’opulence. L’imagerie de l’Afrique pauvre de ses hommes et de ses cultures est alors ressuscitée quand le besoins se fait.

3 réseaux internes à l’intérieur des Etats (le cas du Burkina)

Nous ne pouvons pas aborder cette question amplement dans le cadre de cette rencontre. Elle doit faire l’objet d’autres développements, mais nous pouvons constater que les chefs d’état africains s’inspirent de l’organisation des réseaux de type foccardien pour asseoir leur pouvoir au niveau local : services secrets à la disposition du chef, avec des ramifications dans le milieu de la pègre, affairisme, corruption et détournements dans les milieux financiers, milices en éveil et/ou dormantes à la disposition du pouvoir (cas les blousons noirs au Burkina lors du jugement du Collectif des organisations démocratiques et de partis politiques, la déstabilisation des partis de l’opposition (le cas des partis qui ont reçu l’argent du chef de l’Etat burkinabé en cachette pour soi disant faire d’eux de grands partis. Après le peuple a découvert qu’il croyait en des partis qui ne le méritaient pas…

4 Des conséquences désastreuses sur le développement

Les présidents-dictateurs ont-ils un intérêt au développement de leur pays? S’ils ne l’ont pas que faire? Le système clientéliste ne tiendrait que parce que les populations n’ont d’autre choix que de dépendre de l’État. Quand, par ailleurs, une grande partie de l’aide publique au développement est détourné au profit des réseaux françafricains et des dictateurs, le développement deviendrait quasiment impossible, observe François Verschave.

L’apparition du problème de la dette à la fin des années 1970 participe des mêmes mécanismes. On prête à un pays dans le cadre de la coopération. Mais dans un système d’accaparement de rente, le prêt ne peut être productif et il sera massivement détourné de son utilisation. Dans ces conditions le dictateur-président s’enrichit, et son pays s’endette avec le soutien de l’État français qui récupérerait jusqu’à trois fois sa mise.

Jean Marc Ela, abordant des problèmes qui freinent le développement en Afrique, évoque le refus de se laisser prendre au piège néolibéral, de penser par elle-même, le poids des réseaux mafieux et des lobbies divers qui contrôlent les ressources stratégiques et soutiennent les dictatures corrompues. Mais force est de constater qu’il existe deux Afriques : l’une qui veut sortir de sa misère avec des fils intègres comme Thomas Sankara sacrifiés, et une aux ordres qui est présentée au devant de la scène comme étant le modèle. Il faut refuser le modèle et la construction mentale consistant à faire croire que les Africains sont incapables. Ce qui laisse la place aux réseaux. Lors du Dialogue national centrafricain en 2003, on a entendu un délégué dire: «Tous les Centrafricains sont corruptibles et corrompus. Or l’Etat centrafricain doit faire rentrer ses recettes fiscales. Donc l’organisation et la gestion des régies financières doivent être transférées à des expatriés français. »

5. La lutte contre la Françafrique (le cas de Thomas Sankara)

La lutte de Thomas Sankara contre la Françafrique s’est faite graduellement. Au fil du temps, la scène internationale a découvert un homme engagé au côté de son peuple et de l’Afrique contre cette nébuleuse et les forces de domination (iI s’agit de l’impérialisme; même si le terme fait peur, il traduit une réalité profonde de ce monde), allant jusqu’à réclamer la révision des accords de coopération.

D’abord, tout commence par cette entrée réussie en scène: « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple », lançait-il alors qu’il était Secrétaire d’Etat à l’information du Comité militaire de Redressement pour le Progrès national (CMRPN) institué par le colonel Saye Zerbo le 25 novembre 1980. Il démissionna en avril 1982.

Ensuite, le 7 novembre 1982, un groupe d’officiers rassemblés au sein d’un Conseil de Salut du Peuple renversa le pouvoir du CMRPN. Sankara fut nommé Premier ministre. Mais très tôt, la cohabitation avec le président Jean-Baptiste Ouédraogo se révéla difficile. Son langage, teinté de coloration marxiste, fait peur dans un contexte de guerre froide. Sankara refusa de se soumettre au régime des généraux et colonels ayant des liens étroits avec la France. Alors Guy Penne, Conseiller aux affaires africaines du président François Mitterrand, arriva à Ouagadougou le 16 mai 1982, et le 17 mai Thomas Sankara est arrêté.

Après, le 4 août 1983, Thomas Sankara fait partie de l’équipe de jeunes officiers qui instaura une révolution démocratique et populaire. A partir de cette période, il est célèbre pour son attaque de front contre Françafrique. Il est l’homme nouveau, qui innove de part son comportement. Il est le premier chef d’état africain a osé boycotter le sommet franco africain. C’était au sommet de Vittel. Humilié, le chef de l’état français, François Mitterrand décide de le rencontrer à Ouagadougou les 17 et 18 novembre 1986. A cette rencontre, le discours de Sankara est un réquisitoire contre la France. Reconnaissant la grandeur de l’homme, François Mitterrand affirmait: « .. . Avec lui il n’est pas facile de dormir en paix, il ne vous laisse pas la conscience tranquille! Moi, là-dessus, je suis comme lui avec 35 ans de plus. Il dit ce qu’il pense, je le dis aussi. Et je trouve que dans certains jugements, il a le tranchant d’une belle jeunesse et le mérite d’un chef d’état totalement dévoué à son peuple. J’admire ses qualités qui sont grandes, mais il tranche trop, à mon avis, il va plus loin qu’il ne faut... »

Après la Baule où François Mitterrand s’était illustré d’une belle manière en réclamant que l’aide soit conditionnée au prorata des progrès réalisés dans le semaine de la démocratie, il masque ainsi la réalité d’une figure socialisante derrière laquelle se dissimule le spectre gaulliste de type foccardien. C’est sous son mandat que l’homme qui s’attaquait à la Françafrique est trahi, comme Samory l’a été et bien d’autres fils de l’Afrique.

Espérant encore bâtir de meilleures relations avec la France dans un contexte où l’économie ivoirienne était en souffrance, et craignant de perdre ses privilèges avec la révolution à ses portes, Félix Houphouët Boigny va jouer certainement l’un de ces derniers sinistres rôles de la Françafrique. Il va entrer en action avec le ministre français Guy Penne qui voulait dégommer Sankara qui avait exigé son départ de l’Elysée, le considérant comme l’instigateur de son arrestation en mai 1983. Ce qui fut fait le 5 octobre 1986. Agir à la Foccart pour mériter la succession et entrer dans l’histoire était certainement le rêve de Guy Penne, seulement la période était-elle bien choisie? L’Afrique n’est plus silencieuse depuis un certain moment, mais la vision que les fameux africanistes ont d’elle n’a pas tellement évoluée. Plusieurs sources s’accordent pour dire que Guy Penne fait partie de l’équipe qui a contribué à la disparition du guide de la révolution. En cela, il pense être entré dans l’histoire pour contribuer à la falsification de l’histoire en élevant les figures sinistres de l’Afrique en héros de la paix. Les dictateurs et présidents qui rivalisent en longévité sont promus nobellistes (Biaise Compaoré) ou messager de la paix (Houphouët Boigny).

Les Africains ne sont plus dupes pour n’écouter que la chanson du maître nourri d’un concordisme triomphaliste. L’histoire avance et les yeux se débrident pour mieux comprendre.

6. Les évolutions actuelles de la Françafrique

« Le temps n’est plus où la France dictait leur conduite aux Etats francophones du continent », dixit Paul Kagame au journal Jeune Afrique l’intelligent II faut saluer l’émergence d’une société civile mondiale qui tend la main à l’Afrique pour briser les chaînes qui la retiennent. Beaucoup d’associations au niveau mondial soutiennent le développement le l’Afrique et condamne les réseaux du mal. C’est là un fait positif qui montre les transformations à l’échelle planétaire en faveur d’un autre monde. Il faut donc saluer nos amis français qui nous tendent la main pour dénoncer le mal.
Au niveau africain, il y a une génération de chef d’état qui commence à se faire entendre, comme l’a fait Sankara, de façon héroïque en s’attaquant à la françafrique. Paul Kagame a crée une commission d’enquête composée d’historien et de juristes sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide de 1994 qui fit entre 800000 et un million de morts.

7. Que faire?

– Les Africains et amis européens doivent refuser l’histoire telle qu’enseignée qui consiste à mettre en avant la bêtise de l’africain, travestir les figures de !uttes en les présentant rien que comme des dictateurs (cas de Sékou Touré), des communistes comme si les communistes ne sont pas des humains (Lumumba). Il s’agit de montrer les hommes qui se sont illustrés héroïquement dans notre histoire pour cultiver en la jeunesse des valeurs de courage et d’intégrité.
– Le monde intellectuel doit analyser les ressorts de la propagande visant à montrer les Africains comme des sauvages, même si cela n’est pas affirmé explicitement, des individus divisés ethniquement, qui ne comprennent rien de la gestion d’un pays, ils doivent être reconnaissants à la colonisation qui a été une chance historique (discours récent de Nicolas Sarkozy à L’université Scheik Anta Diop de Dakar).
– Le monde intellectuel doit montrer le ridicule des chefs d’état africains mis en place et protégés par la France que de montrer que des images de secours d’urgence,
Les intellectuels africains doivent organiser un groupe d’action et de pression sur la scène internationale pour dire non à la Françafrique, de concert avec la société civile mondiale qui pose des actes pour réclamer un ordre mondial plus juste où l’Afrique aurait la place qu’elle mérite.
– Toutes ces actions peuvent se faire sous forme de conférences, la réalisation de film, l’organisation des forums en langues françaises et nationales, en prenant le soin de montrer les amis de l’Afrique qui se battent dans des organisations de la société civiles au niveau européen contre la Françafrique.

Vincent Ouattara

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