Nous vous présentons ci-dessous une interview de Aida Kiemdé, la fille de Frédéric Kiemdé et de sa maman, réalisée le 22 février 2023 au soir, sur Burkinainfo, la veille des inhumations de Thomas Sankara et de ses compagnons ; l’enregistrement et la retranscription réalisée par Cléophas Zerbo de l’équipe du site thomassankara.net.

On trouvera ensuite, en-dessous, une autre déclaration qu’elle avait faite quelque jours auparavant.

Le rédaction


Écoutez l’interview  en appuyant sur a flèche à gauche ci-dessous


La retranscription

OmegaFM : Aïda Kiemdé, bonsoir

Aïda Kiemdé : Oui bonsoir

OFM : Vous êtes la fille de feu Frédéric Kiemdé, employé à la présidence du Faso sous la révolution, il est l’une des victimes du coup d’État du 15 octobre 1987, actuellement vous résidez en France. Comment est-ce que vous allez ?

AK : Alors actuellement pour vous dire vrai, je me sens très mal. C’est vraiment une période très difficile… Vraiment je suis triste, c’est vraiment, c’est vraiment un moment très très dur pour vous dire la vérité c’est, c’est compliqué on va dire.

OFM  Et compliqué pourquoi ?

AK : Alors compliqué tout simplement parce que demain, on va enterrer mon père et je ne pourrai pas être présente. Vous imaginez ce que c’est. C’est un moment difficile parce qu’il a déjà été enterré le 15 octobre 87 sans personne et aujourd’hui encore ça se répète. En fait demain ça va se répéter, je ne vais pas pouvoir être présente, encore une fois de plus et ça, ça m’attriste profondément.

OFM : Alors vous ne serez pas présente mais dites-nous clairement quelle est la position de la famille Kiemdè face à la décision du gouvernement de ré-inhumer les restes des victimes du 15 octobre dont votre père.

AK : Notre position elle est simple, elle a été claire en fait pour dire vrai. Au début on a eu plusieurs réunions entre les membres des familles. On a eu plusieurs réunions également avec le Président précédent Damiba.  Après on a eu une réunion avec le président Ibrahima Traoré, donc comme vous pouvez l’imaginer moi je n’ai pas été présente mais les membres de ma famille au Burkina ont assisté à ces réunions.

Par contre par exemple pour les réunions des familles,  j’ai pu assister via zoom donc,  j’ai pu donner plusieurs fois mon opinion. Ce qu’il en ressort c’est que les familles étaient d’accord qu’il y ait un enterrement, pas au conseil de l’entente. On avait même choisi le monument des Héros. Donc ça c’était une décision consensuelle, c’est-à-dire que toutes les familles étaient d’accord pour que les corps soient enterrés au Monument des héros c’était la, l’endroit qui était choisi.

Par la suite on a également demandé euh… que l’on puisse laisser au moins un délai de trois mois. Comme vous pouvez l’imaginer les personnes qui sont à l’extérieur, euh il y en a plein, les membres des familles qui sont à l’extérieur avaient besoin par exemple de prendre des congés, des billets d’avion, donc ça demande quand même un peu de temps de, d’organisation. Donc on avait demandé au gouvernement lors des différents échanges qu’on a eu avec eux, de pouvoir nous laisser ce délai de trois mois et également de permettre qu’on puisse enterrer les corps au monument des héros.

Donc pour moi c’est des décisions qui sont accessibles c’est-à-dire qu’en fait ce n’est pas, on ne demande pas la lune on demande juste des choses simples qui sont quand même compréhensibles par n’importe qui et là on s’est rendu compte que le gouvernement a été dur en fait, le gouvernement a fermé l’oreille en fait.

Comme on avait beau leur envoyer des lettres, on avait beau expliquer, on avait beau essayer de trouver des solutions, on a toujours eu derrière un gouvernement qui a été bah.. inhumain, voilà j’ai envie de dire inhumain c’est vraiment le mot. Et aujourd’hui, je me rallie à la famille Sankara, parce que… Pourquoi est-ce qu’on se rallie à eux, c’est parce que tout simplement depuis le début tout le monde, toutes les familles étaient d’accord. On ne peut pas tout d’un coup retourner notre veste, changer notre position parce que ce serait quand même encore une fois de plus être hypocrite et on n’a pas envie d’être hypocrite. C’est pour ça qu’on ne va pas assister demain à l’enterrement. On ne comprend pas du tout le comportement du gouvernement. Pourquoi ils n’ont pas pu voilà au moins nous laisser ces trois mois au moins trouver un autre endroit qui serait neutre, qui satisferait toutes les familles. Voilà pour vous dire en fait un petit résumé de, de l’histoire de ce qui s’est vraiment passé et de pourquoi en fait demain on n’assiste pas et pourquoi je ne suis pas bien en ce moment.

OFM : Alors la famille de Paulin Bamouni dit vivre un deuxième assassinat, est-ce que vous êtes dans cette même dynamique ?

AK : Alors, je dirais oui parce que, encore une fois de plus, vous imaginez que mon père, c’est quand même ,c’est quand même mon père, c’est quand même quelqu’un qui m’est cher et le fait de ne pas pouvoir assister à son enterrement demain, c’est quand même quelque chose qui me marquera à vie, qui va me fait très mal comme je l’ai souligné plusieurs fois pendant cette interview donc vous pouvez imaginer que oui c’est pour moi un deuxième, pardon, 15 octobre… J’ai du mal à parler avec tout ça, l’émotion je suis désolé, c’est demain, demain sera encore un deuxième 15 octobre c’est vraiment terrible, c’est vraiment très difficile…

[la journaliste s’adresse maintenant à la veuve KIEMDE]

OFM : Bonjour comment vous allez

Mme KIEMDE : Je vais très bien merci

OFM : D’accord vous êtes la veuve de feu Frédéric KIEMDE comment est-ce que vous vivez actuellement cette situation ?

Mme KIEMDE : Elle est douloureuse, elle est douloureuse, j’avoue madame que, je ne suis pas du tout bien. Pour la première fois quand on les a assassinés, nous n’avons pas pu assister à leur enterrement. Nous n’avons fait que constater les terres, heu les tombes et c’est douloureux, c’est difficile et on espérait que au moins cette fois-ci, on allait être présent pour pouvoir assister à cette événement majeur parce que quand quelqu’un est décédé, un membre de ta famille est décédé, la moindre des choses pour l’honorer, il faut être présent à son enterrement avant les obsèques. Mais nous la première fois on ne nous a pas laissé le choix, la deuxième fois également on ne nous a pas laisser le choix. Par rapport à tout ce que ma fille vous a expliqué en amont, vous comprenez mieux la situation. Nous on a une ligne de conduite et on n’a pas voulu déroger à cette ligne de conduite. Cette ligne de conduite était que suite aux réunions des familles, on avait décidé qu’on devait les enterrer… Mais à notre grande surprise, je sais pas si c’est un forcing je peux qualifier ça de forcing ou de quoi, c’est ce lieu qu’on nous a imposé, ça c’est d’un, de deux, on avait demandé un délai de 3 mois pour pouvoir être sur place. Pour moi, il n’y a pas de problème, pour ma fille, c’est, c’est capital, il faut qu’elle soit là présente. Au moment où son papa mourait, le 15 octobre 1987 elle n’avait que 3 mois, c’était une occasion rêvée pour elle de pouvoir assister à son enterrement. Donc c’est 3 mois également nous ont été refusés. Qu’est-ce que vous voulez nous fassions ? Qu’est-ce que vous voulez que nous fassions ? [la voix tremble] sinon que rester pleurer demain, et faire notre deuil de l’autre côté. C’est tout ce que nous pouvons faire. Quand tu as un plus fort que toi donc heu devant tu ne peux que te plier. Le voici, C’est notre situation actuelle, ouais c’est dommage, c’est vraiment dommage [elle sanglote]

OFM : Alors Madame KIEMDE, euh…, vraiment toutes nos condoléances à nouveau mais vous avez sans doute entendu ces suppositions, ces superstitions lié au fait que euh…, l’enterrement des restes pourraient ramener la paix au Burkina Faso, est-ce que, est-ce que vous allez dans ce même sens-là ?

Mme KIEMDE : Bon, moi je suis chrétienne hein, je suis chrétienne mais c’est les réalités d’un pays, c’est les réalités du Burkina. Si c’est, si c’est la volonté, si c’est ce qui peut ramener la paix au Burkina, on rend grâce à Dieu, on dit merci. Qu’on les enterre et que pour une fois le Burkina puisse être en paix. Si c’est seulement ça, il n’y a pas de problème, qu’on les enterre et nous prierons pour que le Burkina ait enfin la paix.

Propos recueillis le 22 février 2023 par Vanessa Diasso pour Burkinainfo.


Déclaration d’Aida Kiemdé faite le 6 février à OmegaFM.

Bonjour pour ma famille on est en soutien total à la famille SANKARA. Les familles avaient à la majorité décidé un enterrement au monument des héros. Aujourd’hui on avait que 2 demandes que les corps soient enterrés dans ce lieu et dans 3 mois pour permettre aux familles éloignées de s’organiser pour participer aux inhumations mais c’était trop demander car tout a été refusé et pourtant le communiqué du président parle de consensus. Il y’a pas eu de consensus

Voir un extrait à https://www.omegamedias.info/blog/2023/02/06/reinhumation-des-restes-de-thomas-sankara-et-de-ses-compagnons-il-ya-pas-eu-de-consensus/

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