Il y a trente ans exactement, le 4 août 1983, Thomas Sankara, politicien anti-impérialiste et chantre du panafricanisme accède au pouvoir dans son pays qui s’appelait alors encore la Haute-Volta.

La “révolution sankariste” promeut des idéaux nouveaux, destinés à émanciper la population de l’influence de l’ancienne puissance coloniale française dans tous les domaines. Thomas Sankara et son gouvernement lancent de nombreuses réformes, dans le secteur de l’éducation, de l’économie ou encore du statut des femmes, notamment. Mais cette révolution prend fin brusquement le 15 octobre 1987, par un coup d’état qui porte au pouvoir Blaise Compaoré, n°2 de la révolution. Thomas Sankara est assassiné durant ce coup d’état.

Lutte contre la corruption

Faustin Komsimbo est administrateur financier dans une entreprise à Ouagadougou. Le 4 août 1983, lorsque le capitaine Thomas Sankara lance la révolution démocratique et populaire au Burkina Faso, Faustin Komsimbo est encore au lycée :
« Il y avait la lutte contre la corruption, la désertification. Il y a aussi des reformes dans le domaine des logements à caractère social. Un des piliers de son combat sur le plan économique était la décolonisation de l’économie. »

L’une des luttes du capitaine Thomas Sankara et son équipe était la lutte contre la corruption. Et pour cela, les tribunaux populaires de la révolution ont été institués pour juger les agents indélicats et les procès retransmis à la radio. Jean Hubert Bazié, était le directeur de la presse présidentielle à l’époque révolutionnaire : « Au poste de douane de Po, un commerçant a dédouané toutes ses marchandises. Il était tellement content que ça se fasse vite et qu’on ne lui demande rien, il a voulu remettre symboliquement de l’argent au chef de poste pour lui montrer qu’il était content. Et le chef a refusé cet argent. Aujourd’hui si vous ne donnez pas, on vous réclame le bakchich, le dessous de table »

Démocratisation de l’éducation

Sous la révolution, le taux de scolarisation a été multiplié par deux. Selon l’UNICEF, il est passé de 12% à plus de 24% en 1987 alors qu’avant la révolution, il n’augmentait que de 1% par an. Norbert Michel Tiendrebeogo faisait partie des comités de défense de la révolution : « Partout on a tenté de construire les écoles. On a tenté de populariser, de démocratiser l’éducation. Même ceux qui n’avaient pas accès à l’éducation en langue française, apprenaient à lire et à écrire dans leurs langues nationales. »

« Produisons et consommons burkinabè »

Voici un slogan qui était cher aux chefs de la révolution du 4 août au Burkina Faso. En 4 ans, le pays devient indépendant sur le plan alimentaire et les commerçants de céréales sont obligés de respecter les prix fixés par le gouvernement. Faustin Komsimbo : « Le président Sankara s’habillait en cotonnade. Ce qui a marqué les esprits des Burkinabè. Ça créait la demande et il y avait la demande. Il y a des femmes qui ont payé la scolarité de leurs enfants avec la vente de ces tissus là. »

Jean Hubert Bazié, directeur la presse présidentielle pendant la révolution : « A l’époque, certains disaient que nous étions à l’heure de la mondialisation et que nous voulions nous recroqueviller sur nous-mêmes. Mais aujourd’hui, Obama utilise le même slogan, la communauté européenne, la France c’est la même chose. »

Fier d’être Burkinabè

Trente ans après, l’avènement de la révolution démocratique et populaire au Burkina Faso, Norbert Michel Tiendrebeogo estime que l’un des acquis de cette révolution est la prise de conscience des populations et la fierté d’être Burkinabè. « Ce que je considère comme le grand acquis de la Révolution Démocratique et Populaire, c’est la prise de conscience des Burkinabè d’être des hommes fiers, des hommes libres. Et je crois que cette fierté est revendiquée partout le monde. Il n’y a qu’à constater comment les populations ne se laissent pas faire. Les Burkinabè ont pris conscience que c’est à eux de faire leur société. Je crois que ça c’est grâce au président Thomas Sankara notamment.»

Selon Faustin Komsimbo, Sankara avait posé la problématique de la bonne gouvernance et cette lutte renaitra des cendres de la révolution avec la jeunesse actuelle : « Son souci était que les biens publics soient bien gérés, que la richesse nationale aille au plus grand nombre. Maintenant les jeunes qui sont là et qui n’ont rien et qui voient que certains s’empiffrent et s’engraissent avec mépris, ils sont révoltés. Ils ont un modèle. Lui-même l’avait dit : vous me tuez et demain il y aura mille Sankara dans la rue. »

Yaya Boudani

Source : http://www.dw.de/que-reste-t-il-de-la-r%C3%A9volution-sankariste/a-16994466. Cet article est en fait la retranscription d’une émission radio. Vous trouverez à cette même adresse le fichier audio de l’émission.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Saisissez votre commentaire svp!
SVP saisissez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.