C’est le jeudi 13 février 2020, que le juge d’instruction François Yaméogo a procédé à cette reconstitution.

On se rappelle que 13 personnes ont été assassinées ce jour-là, le 15 octobre 1987, dans les locaux du Conseil de l’Entente qui abritaient des bureaux du Conseil National de la Révolution. Il s’agit de Thomas Sankara et de ses collaborateurs, mais aussi des militaires et gendarmes présents sur les lieux, le chauffeur et une personne venue distribuer le courrier.

Ce 13 février, étaient convoqués, les témoins dont certains restent toujours inconnus du public, les accusés, des acteurs pour remplacer les personnes décédées et les avocats des parties civiles. Il s’agit d’un exercice classique dans le cadre d’une enquête qui permet de reconstituer les évènements sur les lieux mêmes où ils se sont déroulés, et de confronter de nouveau les différents témoignages. On sait par exemple que le Gilbert Diendéré, sorti de la maison d’arrêt pour l’évènement, véritable numéro 2 du régime de Blaise Compaoré, un des principaux acteurs de l’assassinat a participé à la reconstitution.

Officiellement l’armée avait annoncé un exercice militaire mais l’information avait cependant fuité. Par contre aucun journaliste n’était présent sur les lieux.

A ce jour 22 personnes sont inculpées dans cet assassinat. Blaise Compaoré, soustrait à la justice de son pays par l’armée française au lendemain de l’insurrection, réfugié en Côte d’Ivoire et Hyacinthe Kafando, membre du régiment de sécurité présidentiel, tous les deux sous le coup d’un mandat d’arrêt international sont les deux grands absents de cette reconstitution.

Cette reconstitution constitue le signe que l’enquête a bien avancé, que le juge pense avoir fait le tour des témoignages possibles et qu’il convient donc de boucler l’enquête en ce qui concerne le déroulement des évènements au sein du Conseil de l’Entente. Sans doute est-ce le signe que le procès est pour bientôt. Le juge aurait pu interroger plus d’une centaine de personnes. Nous espérons donc que le procès fera toute la lumière sur ce qui s’est passé le 15 octobre 1987, en particulier au sein de Conseil de l’Entente.

Reste la question du volet internationale. Aucune nouvelle n’est venue infirmer ou confirmer que le 3eme lot de documents promis par la France soit parvenu au Burkina. Le juge ne communique pas et les avocats qui ont accès au dossier n’ont rien dit là-dessus. Sans doute en saurons plus dans quelques temps.

On se rappelle que l’enquête avait été bloquée pendant les décennies de pouvoir de Blaise Compaoré. Seule l’insurrection de 2014 a permis l’ouverture d’une enquête par un juge d’instruction militaire à la demande du président Kafando. Cela s’explique par le fait que cette procédure au sein de la justice militaire était la seule qui n’était pas close.

Depuis le juge burkinabè a demandé l’ouverture du secret défense et lancé une commission rogatoire. C’est-à-dire la nomination d’un  juge en France afin de poursuivre l’enquête dans ce pays, De passage au Burkina en novembre 2017, Emmanuel Macron a promis de : « déclassifier  “tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat, … couvertes par le secret national ». Peu d’informations ont filtré sur la réalité de l’exécution de cette promesse.

Le réseau international justice pour Sankara justice pur l’Afrique a fait part de ses doutes sur la volonté de la France de livrer à la justice burkinabè des documents secret défense (voir notamment http://www.thomassankara.net/declassification-documents-lassassinat-de-thomas-sankara-veillerons-a-promesse-soit-tenue/). Pour notre part, en tant que membre fondateur du collectif « secret défense, un enjeu démocratique », nous avons côtoyé des amis ou familles victimes en but au secret défense qui les empêchent d’accéder à la vérité sur plusieurs assassinats ou accidents. Nous espérons que le procès nous indiquera ce qu’il en est sur la réalité de la levée du secret défense, qui si elle est effective devrait nous éclairer sur la responsabilité française..

Des questionnements légitimes se sont manifestés après que les deux tests ADN, n’aient pas pu identifier les corps. De leur côté les avocats ont toujours affirmé que d’autres procédés ont pu identifier formellement les corps. Nous attendons du procès que des réponses précises soient apportées à ces questions relatives aux tests ADN et à l’identification des corps.

Enfin nous attendons aussi de ce procès que la lumière soit faite sur le complot international qui a fomenté cet assassinat. Des témoignages indexent la France, les USA, la Côte d’Ivoire, la Libye, et les hommes de Charles Taylor qui ont pu s’entrainer au Burkina Faso et en Libye pour préparer la guerre civile meurtrière qu’ils ont lancé au Libéria puis en Sierra Leone.

Notre site est devenu tout au  long de ces années, une source de documentation très riche sur « l’affaire Sankara », publiant régulièrement des informations, des analyses. Rendant compte des avancés ou des blocages. Nous vous invitons à consulter la rubrique  Justice pour Sankara à http://www.thomassankara.net/category/francais/actualites/justice-pour-sankara/ qui rend compte des développements de l’affaire dès la saisie du comité des droits de l’homme de l’ONU en octobre 2002.

Enfin notre équipe s’est engagé très activement au sein du réseau Justice pour Sankara justice pour l’Afrique, publiant tous ses communiqués, abritant aussi ses pétitions (voir http://www.thomassankara.net/petition-louverture-dune-enquete-parlementaire-parlement-francais-conditions-de-lassassinat-president-thomas-sankara-de-compagnons-4469/ qui a obtenu 7000 signatures  et http://www.thomassankara.net/signatures-petition-justice-sankara/ qui en a obtenu plus de 14000.

C’est dire que nous sommes impatients que s’ouvre le procès, mais sans précipitation car nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur cet assassinat.

Bruno Jaffré

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