Nous avons reçu récemment une version audio de ce discours envoyé par le journaliste suisse Christophe Koessler, parmi d’autres documents qui lui avaient été confiés lors d’un séjour au Burkina. Il en manquait une partie, notamment en mooré, que cette nouvelle version nous a permis de récupérer.

Ces documents étaient sous forme de cassette audio. Nous avons du les transformer en fichier mp3. Il a ensuite fallu les retranscrire, ce qui a été fait par Cléophas Zerbo. Laura Nyamba a vérifié et corrigé la retranscription discours. La partie du discours en moore a été traduite par Achille Zango, tous 3 membres du l’équipe du site thomassankara.net.

La rédaction du site.


Créé en 1955, Le Conseil de l’Entente regroupe outre la Haute- Volta, la Côte-d’Ivoire, le Niger, le Bénin et le Togo. Il s’était donné alors comme objectif historique d’empêcher et de briser toute forme fédérative de regroupement notamment la Fédération du Mali, alors qu’Houphouet Boigny n’a accepté que contraint l’indépendance; préférant jusque là défendre l’idée d’une Union française, afin d’éviter une indépendance réelle.

En septembre 85, un sommet des chefs d’État du Conseil de l’Entente est convoqué à l’initiative d’Houphouët-Boigny pour évoquer les problèmes de sécurité dans la région, suite à une série d’explosions au Togo et au Niger. Sankara se plaint alors que les autres pays ne
s’inquiètent guère lorsque le Burkina est victime de tentatives de déstabilisation et claque la porte. Il soupçonne que cette réunion ne soit qu’une manœuvre pour tenter de l’isoler. Son
retour donne lieu à des meetings et des communiqués des CDR où l’on attaque surtout la Côte-d’Ivoire, mais aussi le Togo.

Une forme de colère est perceptible dans ce discours soupçonnant les autres pays de l’avoir piégé. Des commentateurs voient en ce discours des provocations inutiles envers ses pays voisins notamment lorsqu’il appelle les autres peuples à la révolution.

Bruno Jaffré


Discours de Thomas Sankara du 11 septembre 1985 à Ouagadougou prononcé à un meeting le lendemain de son retour d’une réunion du conseil de l”Entente (fichier audio)

 


Camarades militantes et militants,

Nous avions à répondre à l’impérialisme international, nous avions à répondre à ses valets locaux. Dès lors que nous sommes mis debout, ils ont commencé à trembler. Il n’y a donc pas de discours à faire, il y a simplement à dire et à rappeler que à l’heure où nous parlions, les radios impérialistes sont toutes branchées sur Ouagadougou.

[Applaudissements]

Nous savons, que dans les officines impérialistes, l’on essayera de décortiquer les propos tenus ici même, et surtout l’on n’essayera de savoir jusqu’où le peuple burkinabè sera prêt à repousser l’ennemi, mais moi je vous dis, que nous repousserons l’ennemi, jusqu’à ce que nous l’ayons noyés dans les océans.

[Applaudissements]

Nous savons que à l’heure actuelle, l’on essaie de fomenter contre notre peuple des complots de tout genre, et notamment, l’ on essaye de faire résonner à nos frontières des bruits de bottes, l’on essaye de créer, de déclencher contre le peuple burkinabè, une guerre injuste, multiforme, l’on essaie d’opposer le peuple burkinabè à d’autres peuples, l’on essaie de manipuler ceux qui sont manipulables.

Mais nous gardons pour nous la sérénité, le calme et la tranquillité de ceux qui ont confiance à leurs forces, ceux qui savent, que la limite de leur combat sera dicté non pas par l’ennemi mais par eux. Je veux dire, que lorsque le peuple burkinabè aura décidé de marcher, seul le Burkina Faso, seul le peuple burkinabè pourra décider de la ligne où nous allons nous arrêter.

[Applaudissements]

A votre nom à tous, je lance un avertissement très ferme contre ceux qui sont en train de confondre le Burkina Faso d’avec la Haute Volta.

[Applaudissements]

Je lance un avertissement très ferme contre tous ceux qui se hasarderaient à porter atteinte à la tranquillité de quelques burkinabè que ce soit, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Nous n’avons pas besoin pour nous, pour notre part de faire appel à des troupes étrangères, à des conseillers étrangers.

Tout à l’heure le camarade, commandant en chef vous a tenu un langage précis, un langage de combat et il vous a expliqué que vous constituez les détachements d’assaut qui prendront les citadelles à partir desquelles certains valets sont entrain de conspirer contre nous. Eh bien je compléterai son intervention en vous disant que si nous sommes nombreux que même si nous ne disposons pas des armes eh bien c’est moi qui vous le dis, ces armes nous irons les prendre chez  l’ennemi.

[Applaudissements]

Donc tous les équipements, l’arsenal de guerre et de mort dont ils sont entrain de se doter actuellement constituent notre propre dotation.

Camarades, il est évident qu’une manifestation comme celle là n’est pas du goût de tous le monde. Mais surtout, je voudrai insister sur l’amitié et le devoir internationaliste qui doit, qui doivent nous habiter en permanence. Le combat du peuple burkinabè n’est point un combat chauvin. Notre combat ne sera point un combat de nationalisme étriqué et limité. Notre combat est celui des peuples qui tous aspirent à la paix et à la liberté. C’est pourquoi nous ne devons cesser de voir chez les peuples qui nous entourent leurs qualités et leurs aspirations légitimes à une paix, une paix juste, à une dignité et à une indépendance réelle. Naturellement, il leur appartient d’assumer leur devoir historique. Il leur appartient de se débarrasser de toutes les vipères qui infestent les lieux, de tous ces monstres qui les empêchent d’être heureux. nous avons pris sur nous nos responsabilités. Il appartient aux autres peuples de prendre leurs responsabilités, à leur jeunesse, à leurs forces patriotiques et démocratiques, à leurs civils, à leurs militaires, à leurs hommes, à leurs femmes. Nous voulons construire un conseil de l’entente, un conseil révolutionnaire de l’entente.

[Applaudissements]

Et nous nous battrons, jusqu’à la dernière énergie, pour que notre point de vue juste soit celui qui triomphe. Et nous pouvons compter sur les peuples, les peuples du Bénin, du Niger, du Togo, de la Côte d’ivoire.

Parce que nous savons que ces peuples ont besoin de liberté, de dignité, de paix et de sécurité.

Parce que nous savons que ces peuples ont compris que seule la révolution, leur permettra de se débarrasser de tout ce qui, à l’intérieur d’un pays comme à l’extérieur, s’opposent à la réalisation de ce noble objectif.

C’est pourquoi nous disons qu’aujourd’hui, c’est le conseil de l’entente. Demain, grâce au peuple togolais, grâce au peuple béninois, grâce au peuple nigérien,grâce au peuple ivoirien et avec le peuple burkinabè, avec ou sans la volonté de qui que ce soit, la révolution s’installera.

[Applaudissements]

La révolution est déjà en marche.

Nous sommes bien informés de leurs complots, les tentatives de division, d’opposition, les tentatives d’assassinat.

Ben, nous comprenons là, que ces  réactionnaires patentés ignorent, confondent la marche d’un peuple et l’évolution d’un individu.

[Applaudissements]

C’est pourquoi, tout comme nous l’avions déclaré, à d’autres époques, s’en prendre à tel ou tel dirigeant ne suffira jamais pour mettre un terme à la révolution. C’est pourquoi, nous disons que leurs complots ne pourront jamais mettre un terme à la révolution. La révolution est bel et bien en marche et elle gagnera. Elle libérera tous les peuples.

Parce que nous avons parlé de sécurité à Yamoussoukro, il est normal que nous cherchons les voies et moyens pour la réalisation concrète de cette sécurité. Et cette sécurité ne se fera jamais, elle ne s’obtiendra jamais tant que la révolution n’aura pas libéré les peuples.

Mais notre combat ne se limitera pas au conseil de l’entente. Les autres peuples qui sont à notre frontière sont eux aussi des peuples qui ont besoin de révolution. Je ne parle bien entendu pas du cas du Ghana. Mais je vais parler du Mali.

[Applaudissements]

La république soeur du Mali peut comprendre, doit comprendre, son bonheur sera notre bonheur, son malheur sera notre malheur. Les soucis du peuple malien sont les soucis du peuple burkinabè. Les préoccupations du peuple malien sont les préoccupations du peuple burkinabè. La révolution du peuple burkinabè est à la disposition du peuple malien qui en a besoin.

[Applaudissements

Parce que seule la révolution leur permettra de lutter contre la faim, la soif, la maladie, l’ignorance et surtout de lutter aussi contre les forces de domination néo-coloniales et impérialistes, seule la révolution leur permettra de se libérer.

Parce que la révolution ne saurait être le monopole d’aucuns peuples. Nous avons le devoir de constater que tous les peuples aspirent à la révolution, et les peuples sont en marche donc la révolution avance.

Nous saluions donc les combats légitimes quotidiens que tous ces peuples mènent et nous saurons être au rendez vous avec eux pour célébrer les jours heureux où ils auront mis à terre tous leurs ennemis, intérieurs et extérieurs.

[Applaudissements]

Mais bien entendu, il faut le répéter et insister, il leur appartient de prendre leurs responsabilités historiques pour leur libération. Il n’est point question qu’ils attendent de la part de quelques peuples que ce soit, de la part de quelques messies que ce soit la force salvatrice. Ce serait une erreur, une erreur grossière, une erreur monumentale, une erreur contre révolutionnaire.

Le conseil révolutionnaire de l’entente sera ou ne sera pas.

[Bruits]

La sécurité de notre peuple dépend de chaque militant. La sécurité de notre peuple dépend de chaque combattant, à l’intérieur comme à l’extérieur, et il faut en appeler à nos militants qui sont à l’étranger, pour qu’ils redoublent de vigilance, d’ardeur pour démasquer ces complots qui se trament, pour qu’ils nous signalent les repères de la vermine afin que grâce à nos lances flammes invincibles (ou imbéciles à vérifier 14min11s) nous brûlions à jamais, nous déversions le feu pour calciner nos ennemis, les réduire en poudre.

Ce soir, nous avions simplement à réaffirmer ce dont nous sommes permanemment  convaincus. Nous avions à réaffirmer la mobilisation du peuple burkinabè, sa détermination. Nous avions aussi à dire et à redire avec force que nous sommes solidaires de nos voisins.

Ce soir là même en votre nom à tous, j’enverrai des messages, un message à Félix Houphouët Boigny.

[Applaudissements]

un message à Eyadéma, un message Seyni Kountché, un message à Moussa Traoré, un message à Mathieu Kérékou et un message à Rawlings.

[Applaudissements]

Pour leur dire que vous affirmez votre solidarité avec leur peuple. Pour leur dire que tous les combats justes de leurs peuples seront nos combats. J’espère que ces messages seront lus dans leur capital.

Dans tous les cas nous diffusons ces messages parce que c’est un message d’amitié et l’amitié n’a point besoin d’un accord juridique.

Nous leur dirons également que nous pensions que déjà le conseil de l’entente constitue en lui-même un cadre juridique et moral pour la défense permanente de nos différents intérêts.

Nous ne pensions pas qu’il fallait ajouter à un conseil de l’entente d’autres documents, d’autres dispositions juridiques. Que faisais t-on donc depuis 1958? que faisais t-on donc depuis la création du conseil de l’entente? si c’est seulement 1985 qu’il faut des accords. Cela est inquiétant.

Camarades, je vous remercie. Je vous remercie d’être venus nombreux très nombreux d’avoir démontré que la mobilisation est permanente que l’enthousiasme est permanent que le combat chez nous ce sera un combat victorieux.

[Applaudissements]


[La partie qui suit est en Mooré. Nous publierons la retranscription lorsque nous aurons réussi à l’obtenir (Note de la rédaction du site)]

Chers concitoyens, sachez que maintenant que notre révolution ne cherche aucune bagarre avec quelqu’un, notre révolution est une force, une force tranquille qui réagit pour montre ce dont il est capable lorsque qu’on le provoquera ; parce que le Boa se déplace sans problème à la recherche de son chemin mais si l’on le touche il mord à gauche comme à droite. Applaudissement. C’est le caractère réservé, méfiant ainsi.

[Applaudissements]

Mais vous devez tous savoir, que ceux qui sont au pays ou à l’étranger, à tous, vous devez savoir qu’à partir d’aujourd’hui que notre révolution, nos yeux sont ouverts, nous savons qu’il y assez d’ennemis, nous savons qu’ils s’arment et chaque jour ils font du maraboutage et des fétiches mais malgré tout ça, nous savons que quand nous le voudrons nous saurons quoi faire.

[Applaudissements]

Nous sommes allés à Abidjan, Yamoussoukro au sommet du conseil du conseil de l’entente, on nous a demandé de signer des accords d’extraditions entre Etats, mais nous avons affirmé que nous ne pouvons pas signer de tels accords. Mais nous disons aussi qu’il y ait accord ou pas, si nous avons un ennemi, qu’il soit à Ouaga, dans un autre pays, qu’il soit de près ou de loin, que ces chefs d’États de ces pays veulent ou pas, nous irons trouver l’ennemi, l’arrêter pour l’emmener au pays car chez nous il n’est pas question de d’accord d’extradition. Si on t’aperçoit, c’est comme la chanson disait, on va le laisser avec les CDR, ils l’arrêteront, l’enlèveront et c’est fini.

Etes-vous d’accord ou pas ? Oui !!!

Etes-vous capables ou pas (bis) ? Oui !!!

Alors que les ennemis se cherchent.

[Applaudissements]

Fin de la partie en mooré


Camarades, vive le peuple ghanéen, vive le peuple béninois, vive le peuple ivoirien, vive le peuple nigérien, vive le peuple togolais, vive le peuple malien.

révolution pour tous

révolution pour tous

révolution pour tous les peuples

la patrie ou la mort (nous vaincrons), la patrie ou la mort (nous vaincrons).

Je vous remercie.

[Applaudissements]

Les fichiers joints

1 COMMENTAIRE

  1. > La Révolution burkinabè est au service des autres peuples – 11 Septembre 1985
    Tout ce que je puis dire après la lecture de cet article:SANKARA était un prophète que nous n’avons pas su proteger.

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