L’indépendant N° 934 du 9 août 2011

La commémoration du 4 aout de cette année se passe dans un contexte particulier. Deux évènements majeurs sont intervenus avant le jour J. La tombe du président Thomas Sankara, sis au cimetière de Dagh Nöen a été profanée. Un acte condamnable parce que contraire à la morale. Aussi, les députés de l’assemblée nationale française viennent d’adopter une résolution. « En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres, relative à l’affaire Thomas Sankara. Elle devra notamment faire le point sur le rôle des services de renseignement français, sur la mise en cause de la responsabilité de l’État et de ses services ». Si cette commission d’enquête voit le jour, si elle dépose son rapport, ce sera la première fois qu’une collecte d’information aura lieu sur l’assassinat du président Sankara. Le dossier judiciaire au niveau du palais de justice de Ouagadougou n’a jamais connu un début d’instruction. Devoir de mémoire oblige, nous avons recueilli le témoignage d’une personne proche du défunt président pour parler de sa vie.

Il s’appelle Ouédraogo Philibert. Il est le fils du parrain au défunt président Thomas Sankara. Son père Ouédraogo Joseph, portait le même nom que père du président Sankara. Les deux papas, tous des agents de la santé se sont connus dans le cadre professionnel dans la zone du Passoré et ont gardé de bonnes relations. Il n’est donc pas étonnant que le vieux Sankara ait pris son père comme parrain de son fils Thomas.

Adolescent, Thomas Sankara fréquentait beaucoup son parrain. La cour du parrain est située à Bilbalogo, secteur N°2. Thomas qui fréquentait le PMK, (devenu aujourd’hui le lycée Marien Gouabi) passait régulièrement causer avec son parrain. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, pour lui Philibert, Sankara était un grand croyant. Il aimait échanger, discuter avec les gens surtout sur leurs conditions de vie. Il était curieux de savoir comment les gens se débrouillaient avec leurs revenus pour faire face aux dépenses.

Avant la révolution d’août, il ne laissait pas présager ce qui allait arriver, comme le coup d’état ou le fait de devenir président du Faso. Mais dans ses échanges, il laissait transparaitre sa volonté de changement. Il dénonçait les dérives et disait ne pas vouloir que ca continue. Cela se ressortait dans les messages qu’il lançait lors des meetings. Le 17 mai 1983 a été un choc quand la famille a appris qu’il a été arrêté. L’inquiétude régnait parce que personne ne savait quel sort, ceux qui l’avaient arrêté allaient lui réserver.

Etant président, il ne manquait pas d’échanger sur les objectifs qu’ils se sont fixés. Il se rappelle qu’un jour, Thomas, est passé saluer son parrain avec sa femme. Sur la terrasse il a dit à peu prêt ceci : « depuis que nous avons pris le pouvoir, les gens critiquent le régime d’austérité que nous avons instauré. Nous avons conscience que c’est contraignant, mais nous vivons aussi cette contrainte. Nous sommes comme des couturiers. Nous avons taillé la coupe, il reste à coudre. On doit atteindre notre objectif, sinon, nous aurions trahi le peuple ».

Le parrain du président l’a devancé dans l’au-delà, 5 mois avant. C’était le 11 mai 1987. Après avoir constaté le décès à l’hôpital, le grand frère est passé au « Conseil » pour aviser le président du décès de son parrain. Le président a automatiquement informé ses parents. Son père, sa mère, ses frères et ses sœurs se sont déplacés dans la famille mortuaire. Ils y sont restés jusqu’à l’enterrement. Le président qui avait demandé le programme des obsèques est arrivé à la maison au moment où le corps était à la cathédrale pour l’absoute. Le temps d’arriver à la cathédrale, le cortège était déjà en route pour le cimetière de Gounghin. Il se rappelle qu’il est arrivé dans une voiture R4 noire, au moment où l’on recouvrait la tombe de terre. Il était habillé en tenue militaire, Faso DanFani et est resté au garde à vous jusqu’à la fin de l’enterrement dans la poussière. A la fin de l’enterrement, il est revenu à la maison présenter ses condoléances à la veuve.

Nous avons abordé la date du 15 octobre 1987. Il jouait au ballon sur le terrain du lycée Marien avec des militaires. Des crépitements d’armes se sont fait entendre sans attirer leur attention parce que c’était fréquent à l’époque. Un militaire est arrivé en tenue et a parlé avec les autres. Ils se sont tous retirés en même temps. C’est en voulant regagner leur domicile qu’ils ont compris que quelque chose d’anormale se passait. La circulation était devenue dense. Une fois à la maison, la radio ne diffusait que de la musique militaire. C’était la psychose à la maison. Tous savaient que le président a été sauté, mais qu’est ce qui s’est passé ? C’est sur Africa N°1 qu’il a appris la nouvelle de l’assassinat du filleul à son papa deux jours après. Ce fut un choc terrible. Du président Sankara, il se rappelle qu’il aimait la musique. Il avait une guitare sèche qu’il jouait régulièrement. Et Ouédraogo Philibert de se demander si ce n’est pas pour cette passion qu’il a incité à la création d’orchestres dans les corps d’armées et dans les services. Le président Sankara aimait aussi le vélo. C’est sous sa présidence que le Tour cycliste du Faso tant prisé a été créé.

PB

Source : www.independant.bf

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