Par Youssouf Bâ

publié le 21 mai 2013 sur http://burkina24.com

Le 18 mai dernier, à Londres, le président Rwandais Paul Kagamé s’est livré à des interventions dont le ton et la teneur à l’encontre de certains pays occidentaux, ont révélé ce que l’on peut convenir d’appeler le Sankara qui sommeillait en lui.

Il nous faut avant tout dire que le Rwanda, depuis la fin du génocide est un pays qui ne cesse de surprendre par ses très bonnes performances à plusieurs niveaux. D’un point de vue économique, il enregistre une forte croissance. Qui plus est, c’est un pays assez stable. Le Rwanda est passé d’une économie basée sur l’agriculture essentiellement à une économie du savoir car, le pays est désormais devenu un pool technologique de référence en Afrique. Le tout avec des efforts du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté salués par tous. Pour illustration il faut prendre le classement de la banque mondiale des pays « destinations affaires » où en 2009 le Rwanda occupait la 143e place sur 1983, et deux ans plus tard soit en 2011 il occupait la 58e place. Le Rwanda était alors en odeur de sainteté auprès des grands pays développés, Grande-Bretagne et USA en tête.

En juin 2012 un rapport de l’ONU accuse le gouvernement Rwandais de soutenir le M23, mouvement Rebel Rwandophone qui sévit dans l’est de la RDC. Suite à ces accusations, les pays de « communauté internationale » avec à leur tête les USA et la Grande Bretagne ont d’abord menacé de suspendre leur aide au développement (dont le pays dépendait à hauteur de 40%) avant ensuite de passer aux actes. Ce que Mme Louise Mushikiwabo n’a pas manqué de dénoncer devant le même conseil en soutenant que « l’aide au développement ne devrait pas être utilisée comme un instrument de chantage, ce qui est le cas dans cette crise congolaise. […]. Ce n’est pas parce qu’on continue de l’accuser que finalement le Rwanda va céder, dire oui qu’on est en train de soutenir une rébellion au Congo. Ce n’est pas vrai ».

Kagamé sur les traces de Sankara

Depuis cet épisode, les relations entre le Rwanda et ces pays qui jadis en avaient fait leur champion, sont au plus mal ; loin d’obtenir une reddition des autorités de Kigali, c’est plutôt une radicalisation du discours que l’on constate.

De nombreux observateurs sont depuis surpris de retrouver du Sankara dans les dires et les actes de Paul Kagamé qui il faut le dire s’est longtemps présenté comme un chef d’Etat assez indépendant dans ses rapports avec l’extérieur.

L’aide qui nous aide à nous passer de l’aide

Comme réponse le président Kagamé lance le fond Agaciro (dignité) qui a mobilisé en un mois 30 millions de dollars. Ce fond endogène est ouvert à tous les citoyens et aux amis du Rwanda.

L’on retrouve ici un thème cher au président Thomas Sankara qui en avait fait un axe central de sa politique de développement : la dignité, dans la droite ligne de cette déclaration faite le 29 Juillet 1987 à Addis Abeba « nous devons accepter de vivre africains, c’est la seule manière de vivre libre et de vivre digne ».

Il est bien clair que Paul Kagamé entame une démarche afro-africaine sur cette question car désormais pour lui, il faut se demander si « ceux qui nous aident veulent-ils notre bien. Ils nous aident en échange de notre dépendance et de notre gratitude, dans le but de nous contrôler et de nous maintenir dans une posture d’éternels mendiants. »

L’injustice ne nous rendra pas plus dociles, elle nous rendra plus rebelles.

Reprenant la rhétorique de Sankara qui a longtemps dénoncé cette attitude des pays développés à aider les pays moins avancés à l’effet de les maintenir dans cette posture d’éternels assistés ; le président Kagamé pointe du doigt cette justice internationale à deux vitesses.

il soutient à cet effet que « De la justice internationale, nous Africains ne connaissons que le bâton. Jamais la carotte. Un bâton politique utilisé pour nous contraindre à suivre une voie choisie par d’autres. Autre moyen du même type : le chantage à l’aide. Il n’y a pas de pays au monde plus fiable et transparent que le Rwanda quant à l’utilisation de l’aide. Mais ceux qui nous aident veulent-ils notre bien ? Ils nous aident en échange de notre dépendance et de notre gratitude, dans le but de nous contrôler et de nous maintenir dans une posture d’éternels mendiants. À ceux qui répètent : « Gelez, suspendez toute aide au Rwanda », je réponds ceci : l’injustice ne nous rendra pas plus dociles, elle nous rendra plus rebelles. Être rebelle, je sais ce que c’est, comptez sur moi. Je parle pour nous Rwandais, mais aussi pour tous les Africains qui n’osent pas s’exprimer. Si je me trompe, si vous n’êtes pas d’accord, dites-moi de démissionner et, croyez-moi, je partirai aussitôt. Mais sachez que même après moi, ce pays aura besoin de quelqu’un qui me ressemble. Cela devra même être la condition pour me succéder : continuer le combat pour défendre notre bien le plus précieux, la dignité. »

A suivre…

Youssouf Bâ

source : http://burkina24.com/news/2013/05/rwanda-kagame-a-un-pas-de-sankara/

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